Revue de presse
À l’occasion des 50 ans de Cécile Dion, Rebecca Manzoni revient sur le phénomène et vous conseille une nouvelle fois la lecture du “génial” essai de Carl Wilson.
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En seulement quelques années, la chanteuse québécoise est passée de star de variété un peu kitsch à véritable icône de la pop culture. Une transformation révélatrice d’une époque en mal de nostalgie.
“Aujourd’hui, en 2017, il semble impossible que quiconque ait pu un jour la détester.” C’est ce qu’avance dans le magazine Maclean’s l’auteur canadien Carl Wilson à propos de Céline Dion. Dans un essai publié en 2014, Let’s Talk About Love (traduit en français aux éditions Le Mot et le Reste), il s’interrogeait déjà sur le statut de la chanteuse québécoise et sur les fondements du jugement esthétique. Comment décide-t-on de ce qui relève du “bon” et du “mauvais” goût, se demandait-il.
Trente-six ans après la sortie de son premier album au Québec, alors qu’elle n’avait que 13 ans, et vingt ans après la sortie de son tube planétaire My Heart Will Go On (la chanson du film Titanic), “Dion reste la chanteuse canadienne préférée de la nation”, insiste le critique canadien. Y compris des moins de 25 ans. Carl Wilson cite pour preuve les résultats du sondage The Canada Project, mené pour les 150 ans du Canada : Maclean’s a demandé à 1 500 Canadiens ce qu’ils préféraient de leur pays.
Libérée, délivrée
“Cet amour pour Céline n’est pas juste un phénomène canadien”, ajoute Wilson, qui rappelle que de nombreux journaux américains hype l’adulent – depuis peu. Si le changement s’est opéré progressivement au cours de ces dix dernières années, le moment décisif reste la mort de son manager et mari de longue date, René Angelil :
“Maintenant qu’elle est sur le point d’avoir 50 ans, pour la première fois, plus personne n’est le boss de Céline.”
Qu’elle porte un sweat-shirt oversize à l’effigie du film Titanic dans la rue ou une robe en cuir Versace à la célèbre soirée caritative du Met Gala, les moindres faits et gestes de Céline Dion sont considérés comme audacieux, voire prescripteurs de cool. Aux antipodes de temps pas très anciens, où ses choix vestimentaires étaient plutôt jugés douteux par la presse people internationale.
Alors qu’elle s’était toujours faite discrète sur ses opinions politiques, Dion n’a pas caché dernièrement ses orientations libérales en refusant d’abord de chanter à l’inauguration de Trump, puis en écrivant une lettre de soutien sans équivoque à la communauté LGBT, à laquelle nombre de ses fans les plus loyaux appartiennent. Une nouvelle attitude qui agit comme un bouclier contre la violence ambiante actuelle. Comme le note Wilson dans l’hebdomadaire canadien :
“En tant que star des années 1990, Dion représente une période d’innocence, ce qu’il y avait avant la guerre contre le terrorisme et le trumpisme.”
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La chanson “My heart will go on”, chantée par Céline Dion sur la bande-annonce du film Titanic de James Cameron, sorti en 1998, a inspiré au critique musical canadien Carl Wilson l’essai Let’s talk about love. Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût.
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Si on m’avait dit qu’un jour je lirai un livre sur Céline Dion, je ne l’aurais pas cru. Là encore, je me suis dit : « Mais pourquoi l’éditeur m’envoie ça? » Plus de vingt ans que j’écris sur des artistes underground dont les disques sont tirés à peu d’exemplaires, ce n’est pas aujourd’hui que je vais me mettre à la soupe commerciale, aux textes sirupeux et aux vocalises de castafiores. Mais le sous-titre du livre m’avait déjà mis sur la voie : « Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût » Il est aisé de comprendre que la musique de Dion ne va être qu’un filtre, un prétexte – certes extrême – pour parler d’un phénomène général : Est-ce que si une chose nous irrite, celle ci est forcément de mauvais goût? Comment définit-on le bon et mauvais goût? Ceux-ci sont-ils déterminés par nos origines sociales? Pourquoi la critique musicale peut-elle se montrer psychorigide face à certains types d’expression? Comment s’entendre avec quelqu’un avec qui on ne partage pas les goûts? L’acte d’aimer une musique aussi pénible que celle de Dion ne mérite-t-il pas d’être compris quand celle-ci a vendu plusieurs centaines de millions d’albums?
Wilson commence par exposer son aversion pour la chanteuse québécoise et le processus qui l’a amené à se questionner sur sa pratique : la critique musicale. En 1997–1998, il était impossible d’éviter la chanson du film Titanic, « My Heart will go on » extrait de l’album Let’s talk about Love. Son dégoût pour ce morceau n’avait d’égal que la haine de la presse locale envers Céline alors qu’il vivait à Montréal. Que ce cauchemar sonore soit primé aux Oscars face à Elliott Smith, c’en est trop pour Carl Wilson. Pourtant il se sent mal à l’aise par rapport à toute la haine qui se déverse sur la chanteuse. Il décide alors d’essayer d’analyser son rejet et comprendre la sensibilité qui se niche dans cette musique afin de plaire à tant de gens. Il se lance donc dans une étude quasi scientifique, en étudiant d’abord le contexte géographique et culturel québécois et cette transformation de la « plouc honteuse à un symbole d’autoréalisation national ». Il revient ensuite sur la tradition musicale dont elle est issue : le schmaltz, soit une pop de salon mièvre au possible et dégoulinante de sentiments. Les influences de Céline se situent bien là : l’opéra italien, Elvis, le prince du schmaltz, ou encore les power ballads du heavy metal. Céline, c’est pour lui de l’hyper-schmaltz, quelque part entre les ambiances d’hypermarchés et le stadium rock. Le schmaltz garde aussi un lien avec l’immigration, ce qui peut se révéler intéressant dans le cas de la québécoise.
D’un autre côté il y a la voix en tant qu’organe. La musique, toujours dénuée d’intérêt, n’est que le réceptacle de ce chant très « nouveau riche ». Pour modeler un manque d’identité, Céline en appelle alors à un narcissisme primaire. Sa voix serait, paraît-il, supérieure (sic) aux autres. De par ses maladresses un brin agressives et sa gestuelle ridicule, elle deviendrait la représentation de quelqu’un qui cherche à avoir de la classe sans y parvenir. Plus incroyable, un sondage nommé « The People’s Choice Music » a révélé que la musique que la majorité des gens souhaiteraient entendre ressemblerait à du Céline Dion ! Dingue, non? Carl Wilson éprouve ensuite le besoin d’interviewer les fans. C’est alors que son livre devient une réflexion sur la honte, sur les limites du goût et il se met à changer son point de vue. Peut-être que l’âge adulte serait comme devenir démocratique en termes de goût? Et puis il finit par passer de l’autre côté. Lors d’un concert à Las Vegas, et en raison de tourments personnels, il se surprend à pleurer à un concert de Céline. Le schmaltz aurait fonctionné et l’auteur pris à son propre piège. L’ironie disparaît alors. Se faire l’avocat du diable peut être un jeu dangereux. Mais au bout du compte, pourquoi condamner le sentimentalisme?
Devenu un cas d’école suite à sa première publication en 2007, cette version augmentée parue outre-Atlantique en 2014 et traduite ici par Suzy Borello, laisse place dans sa seconde partie à divers essais qui élargissent les réflexions sur la sociologie du goût. Parmi les contributeurs, on peut noter par exemple l’acteur-réalisateur James Franco, Krist Novoselic (ancien bassiste de Nirvana), Nick Hornby (l’auteur de Haute Fidélité) ou encore Drew Daniel de Matmos. Intégré à des cours de philosophie esthétique ou d’études culturelles, le livre est déjà considéré par certains comme un classique de la critique musicale. Seule déception pour l’auteur : Céline n’a jamais voulu répondre à ses questions, sûrement décontenancée par l’approche subversive de Wilson.
Au final, Let’s Talk About Love : Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût? est un véritable éloge de la curiosité, une expérimentation à peut-être tenter chacun de notre côté pour mieux s’ouvrir à l’autre et comprendre qu’une entente peut être possible, même avec ce qui nous rebute. C’est difficile à admettre, mais disons-le franchement : Merci Céline !
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Rebecca Manzoni vous parle du livre de Carl Wilson dans une chronique élogieuse, subtilement illustrée de tubes de Céline Dion. À réécouter en podcast!
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Tout rock critic qui se respecte devrait lire ce livre, en particulier celui qui prend pour position de se réfugier au fond d’une niche musicale. Il devra d’autant plus le lire qu’il lui faudra écouter, au moins, le best-of de Céline Dion. Car on ne peut prétendre parler du bon si l’on ne goûte pas au mauvais. Toutefois, Wilson s’emploie ici à remettre en question ce dernier concept, prenant justement comme cas d’école un tube planétaire de la chanteuse québécoise. Comment débattre en effet de notre propre (bon) goût sans avoir le réflexe snob, sinon fasciste, de vouloir l’imposer aux autres ? Partant de l’œuvre pour digresser vers la science, l’esthétique, la sociologie et la philosophie, l’auteur s’efforce de rechercher le bien fondé de l’utopique objectivité que l’on prétend brandir lorsque l’on juge. En somme, qu’est-ce qui forge le goût ? L’agencement des neurones, l’éducation, la classe ou la prétention sociale dans un but de distinction, la somme des capitaux social et culturel chers à Bourdieu, le libre arbitre ou bien la représentation que l’on se fait de soi, à un instant T de notre vie ? Pour quelle obscure raison s’évertue-t-on à vouloir paraître “cool” ? Pour la nouvelle édition de cette étude parue une première fois en 2007 pour la collection 33–1/3, enfin traduite en français, Wilson s’adjoint les opinions et les expériences d’autres auteurs, connus (Nick Hornby, Krist Novoselic, James Franco…) ou moins, qui toutes complètent son propos. Un ouvrage aussi essentiel que le Retromania de Simon Reynolds, à n’en point douter. Et en espérant qu’un jour ne sortent enfin les enregistrements perdus de Céline Dion avec Phil Spector. Car il existent, oui.
Une chronique à lire sur Silence Is Sexy
De quoi sont faits nos goûts et nos dégoûts musicaux? se demande Carl Wilson
En 1997, la flûte irlandaise de “My Heart Will Go On”, power ballade arrache-larmes emportant le Jack du Titanic de James Cameron jusqu’à son dernier repos, hante le moindre haut-parleur de centre commercial et de salle d’attente. Alors critique musical au défunt Hour, hebdomadaire culturel célébrant ce que l’underground recèle de plus cool, Carl Wilson a tout pour exécrer Céline Dion, à l’instar de l’ensemble de ses confrères de partout sur la planète qui épluchent les dictionnaires de synonymes en quête de l’ultime formule assassine qui sonne et qui résonne. Au Devoir, Sylvain Cormier affuble la diva d’une vilaine couronne de « princesse Tupperware ». C’est connu : les aversions du vrai de vrai mélomane l’ont toujours autant, sinon davantage, défini que ses engouements.
La victoire de la petite fille de Charlemagne face au chéri du folk de friperies, Elliot Smith, à la cérémonie des Oscar l’année suivante, cristallise la haine de Wilson. La tonitruante voix de la chanteuse québécoise résonne toujours douloureusement entre ses oreilles quand la maison Continuum lui commande, pour sa collection 33 1/3, un livre sur le mauvais goût.
En interrogeant courageusement la réelle nature, parfois très intime, de ses propres passions et allergies musicales, le jeune snob repentant propose, à travers Let’s Talk About Love : A Journey to the End of Taste (2007), important essai enfin disponible en français, une mutine redéfinition de la notion de goût, empruntant entre autres à la philosophie, à l’histoire de l’immigration en Amérique ainsi qu’à divers témoignages. Quelle part de sa répulsion pour madame Angélil peut-il attribuer à son désir de se distinguer des autres, se demande l’auteur, le nez dans les travaux du sociologue Pierre Bourdieu.
« Il devenait de plus en plus difficile à mes yeux de croire que l’underground culturel auquel j’adhérais pouvait devenir une force de changement politique significative », explique le journaliste depuis Toronto, où il habite désormais. « Ce mythe qu’avait charrié le post-punk depuis la fin des années 70 était de moins en moins crédible. Puisqu’il apparaissait de plus en plus évident que mes goûts exprimaient quelque chose de moins profond que je le pensais au sujet de mes sentiments par rapport à la société, il était obligatoire que je sorte de mon petit carré de sable. Ma démarche participait d’un désir de devenir plus mature intellectuellement. »
À Las Vegas, Wilson rencontre de nombreux adorateurs de la tête d’affiche du Ceasars Palace. « J’avais présumé, se souvient en entrevue le journaliste, que ma façon d’écouter de la musique était plus songée que celle des autres, et j’ai constaté qu’au fond, être un fan, c’est être un fan. On crée du sens avec tout et on s’identifie tous à ce qu’on aime de manière semblable. J’ai aussi compris, en m’immergeant dans le monde de Céline, qu’il est impossible de tout saisir rapidement. Explorer n’importe quel nouveau monde demande du temps et de la patience. Les oeuvres que l’on aime d’emblée sont souvent semblables à ce que l’on connaît déjà. »
Le poptimisme, nouveau relativisme ?
L’ouvrage de Carl Wilson aura largement contribué à propulser et à sanctifier le poptimisme, cette posture critique prévalant aujourd’hui dans presque tous les médias culturels anglo-saxons importants, aux yeux de laquelle la pop jadis honnie par le monde (très phallocentriste) du journalisme musical mérite autant de considération que le rock, depuis longtemps canonisé. Pourquoi dépiauterait-on chacune des moindres notes du nouveau Radiohead, tout en levant le nez sur les lascives bombes de Rihanna ?
Pour Thomas Leblanc, chroniqueur, humoriste et fier admirateur de la cadette des Dion, ce changement de paradigme serait sur le point de planter son dernier clou dans le cercueil d’un certain snobisme indissociable de la génération X, historiquement craintive quant à toute forme de sentimentalité (le fonds de commerce de Céline). Il fut une époque où les grungeux qui s’abrutissaient les oreilles de Nirvana ne pouvaient sous aucun prétexte être surpris à se brasser le bonbon au son de Janet Jackson, sous peine d’irrémédiable ostracisme.
« Que Grimes [musicienne canadienne d’abord associée à la marge] cite en entrevue des groupes obscurs, mais aussi Mariah Carey et Ace of Base m’apparaît significatif », estime le jeune trentenaire, qui présentera de nouveau cet été en compagnie de sa collègue Tranna Wintour un spectacle d’humour consacré à la Québécoise la plus célèbre au monde, sainte Céline. « Les branchés de la génération X n’aimeront jamais Céline et toute la pop qu’elle représente, alors qu’au sein de ma génération, on est conscient qu’un jour ont existé des frontières entre les différents genres musicaux, même si on tend à tout accepter, sans rien dédaigner. Je réalise que pour la génération en dessous de moi, il n’y a aucune différence entre Justin Bieber et un groupe à la mode sur les blogues. Écouter de la pop ne correspond pas à une transgression pour les jeunes branchés. »
Le poptimisme, conséquence inévitable de notre omnivorisme culturel post-Internet, ou nouvelle forme de relativisme vite déguisée en ouverture d’esprit ?
« Les différentes façons dont nous consommons de la musique en ligne ont vraiment transformé ce que ça signifie que d’être un mélomane, souligne Carl Wilson. Les fans ne se divisent plus en camps tribaux comme avant, ils traversent les frontières séparant les genres musicaux avec plus de fluidité. Compte tenu de l’effondrement des médias imprimés, il devient cependant difficile pour la critique d’écrire au sujet d’autre chose que des gros noms. Ce sont eux qui attirent l’attention et les clics, si bien que toutes les conversations critiques les concernent. C’est le côté sombre du poptimisme, qui renforce les pressions des grandes sociétés. On doit trouver de l’espace pour réfléchir à des musiques qui ne trônent pas au sommet des palmarès. Je pense quand même que c’est une bonne chose que n’importe quelle oeuvre puisse désormais être appréciée et analysée, qu’il n’y ait plus d’exclusion. C’est beaucoup moins cool chez les jeunes de détester de la musique. »
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Fabrice Kada invite plusieurs intervenants dont Laurent de Sutter qui vous parlera de Let’s Talk About Love “une enquête assez passionnante aux frontières du bon et du mauvais goût, du grand goût et de la vulgarité”.
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L’équipe de Si tu écoutes, j’annule tout reçoit le philosophe Vincent Cespedes. Avec lui ils évoqueront le livre de Carl Wilson en troisième partie d’émission.
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Chronique de Juliette Arnault dans l’émission de France Inter Si tu écoutes, j’annule tout, à partir de 44.10min.
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Un extrait de l’ouvrage «Let’s Talk About Love», où le critique Carl Wilson analyse notre attitude vis-à-vis du (supposé mauvais) goût des autres.
Pourquoi pensons-nous que ce que nous n’aimons pas (et ce qu’aiment les autres, évidemment) relève du mauvais goût? Carl Wilson, critique à Slate.com, dont nous avons déjà traduit plusieurs articles, s’attaque à cette question en analysant sa propre détestation pour Céline Dion dans un livre, Let’s Talk About Love. Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût, paru en français aux éditions Le Mot et le Reste le 18 mars, accompagné d’une séries d’essais sur le sujet de personnalités (James Franco, Nick Hornby, Krist Novoselic…). Nous publions ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’éditeur, une version abrégée du chapitre «Faisons une version punk de “My Heart Will Go On” (ou: parlons de nos sentiments)». Les coupes sont signalées par des [...] et les intertitres de la rédaction de Slate.fr.
D’abord, une intro solennelle à la basse, puis ces notes odieusement familières –dah-dah-diii, yi-ii-da-do-daaa…– sauf que, cette fois, elles n’émanent pas d’un flûtiau, mais d’une guitare électrique, comme Jimi Hendrix qui balance son «Star-Spangled Banner». Puis, le guitariste égrène les power chords et le chanteur entame les paroles dans un vagissement mélodique et nasillard: «Everrrrynightinmydreams! I seeyou! I feelyou! ThatishowIknow you go-ouah aaahn!» Poum-poum, poumpoum, coups de grosse caisse.
En plus de cette version des New Found Glory, groupe de mall punk originaire de Floride, je connais au moins cinq autres reprises punk de «My Heart Will Go On» en circulation: celle des Australiens les Screaming Jets, du groupe de Nashville Los Straitjackets (une version instrumentale nasillarde), des Vandals, qui viennent de l’Orange County, des Switchblade Kittens, groupe arrogant et «centré sur les filles» de Los Angeles, ainsi que du groupe de spoof-metal issu du New Jersey Satanicide (la plus proche de l’original, puisqu’elle se contente de redonner des testostérones au metal sous oestrogènes de Céline). Je parie que beaucoup d’autres furent jouées en live par des musiciens qui ne sont pas allés jusqu’à les enregistrer.
Le rite de la reprise punk, ou «ironique», remonte au moins (sans compter Hendrix) aux Sex Pistols avec «Stepping Stone» des Monkees, doigt d’honneur à l’adresse du tout jetable commercial qui connaît un rebondissement de plus quand on sait que les Pistols étaient, tout comme les Monkees, un groupe «fabriqué» de toutes pièces. La reprise ironique atteignit sans doute son apogée quand les post-punks The Replacements se mirent à jouer des titres de Kiss et d’autres groupes de stadium rock dans leurs concerts du début des années quatre-vingt.
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Parler de Céline Dion dans Trax, est-ce bien raisonnable? Evidemment oui dans le cas de ce livre de Carl Wilson. Critique pour le magazine en ligne Slate et pour le quotidien The Globe and Mail. Le journaliste canadien signe un essai brillant et drôle. Il analyse les mécanismes de la fascination et de la detestation, de l’idolâtrie et du rejet La figure de Céline Dion – ça marche aussi avec Kanye West ou Johnny Hallyday – n’est qu’un prétexte à cet ouvrage
qui se penche sur le mauvais goût en musique. L’auteur qui peut citer Pierre Bourdieu comme Madonna bouscule les clichés et les étiquettes, se moque des chapelles indies contre celle du mainstream. Et il apparait que cette lutte du bon goût est avant tout une lutte des classes.
Enfin édité en français, «Let’s Talk About Love», du Canadien Carl Wilson, est une enquête aux frontières de ses certitudes pour tenter de comprendre le succès d’artistes qu’il déteste, à l’instar de Céline Dion.
«Des goûts et des couleurs on ne discute point.» Employée à propos des jugements de valeur sur des œuvres, la formule tient d’un faux bon sens utile pour calmer les discussions menaçant de s’envenimer lors des déjeuners du dimanche en famille. Depuis que la critique rock considère la pop comme un art, elle a au contraire toutes les raisons d’en discuter. De fait, depuis plus de cinquante ans, elle noircit des pages et des pages à propos de chansons de trois minutes, comme on œuvrerait pour le triomphe de la vérité. Sans supposer nécessairement que son goût est infaillible, le critique, comme l’amateur, croit en une distinction réelle entre la bonne et la mauvaise musique, convaincu que la bonne n’est pas seulement celle qui lui plaît mais celle qui, en soi ou presque, est vraiment bonne – tandis que la musique qu’il juge mauvaise l’est tout aussi substantiellement.
Bref, le critique croit en l’idée du goût, du goût au sens esthétique du terme : non pas simple expression de nos préférences, aveu de plaisir ou de faiblesse, mais expérience de cette conviction intime, un peu plus que subjective, que cette musique est bonne et que cette autre ne l’est pas, que tel artiste est un visionnaire là où tel autre est un imposteur, que cette chanson est un chef-d’œuvre – au contraire de telle autre, qui est une scie sans âme tout droit sortie de la matrice industrielle.
Artistes réévalués
Mais y a-t-il encore un sens à affirmer un goût en pop ? «Chacun de nous possède sa propre biographie du goût», écrit Carl Wilson dans les premières pages de Let’s Talk About Love, livre paru en 2007 et traduit pour la première fois en français. A 12 ans, il aimait tous les styles de musique «sauf le disco et la country», genre qu’il adore aujourd’hui pour avoir approfondi le sujet. Aussi fermement qu’il cherche toujours à s’affirmer, le goût a quelque chose de flottant, une part de jeu qui laisse place aux rencontres et aux conversions de l’écoute. A l’échelle de l’histoire de la rock critic, c’est aussi vrai, mais un peu plus déstabilisant. Depuis qu’elle s’est autorisé des réévaluations d’artistes, d’Abba à Motörhead, ou de genres entiers comme le metal, le rock progressif ou la lounge exotica, on s’est rendu compte, malgré son ton souvent militant et péremptoire, que ses jugements ne pouvaient tout à fait être gravés dans le marbre.
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Livre du mois
La collection 33 1/3 réunit des essais consacrés à quelques albums phares de la pop moderne (des Kinks à Aphex Twin, des Smiths à Danger Mouse). Au milieu de cet étalage de bon goût, Carl Wilson signait, en 2007, Let’s Talk About Love, et se penchait sur… Céline Dion. Eh oui. Coming-out ou provocation? Ni l’un ni l’autre. En fait, le critique se demande pourquoi il hait Céline Dion, pourquoi la plupart des critiques« sérieux» la détestent également, et pourquoi autant de gens l’admirent. Pour ce faire, il questionne ses goûts, ses préjugés et mène une véritable enquête sur la musique et le parcours de la Canadienne hystérique. Au point de nous la faire apprécier? Faut pas déconner. En revanche, s’appuyant sur l’oeuvre de Pierre Bourdieu (La Distinction en tête), Wilson démontre que rien n’est inné ou naturel dans ce que l’on adore et ce que l’on abhorre. Tout est affaire de construction, de reconnaissance, d’ego – et varie évidemment d’une classe sociale à l’autre. Outre-Atlantique, ce livre érudit et drôle fit presque autant de bruit qu’une vocalise de la Québécoise. En témoignent, dans cette édition française, des textes signés de quelques grands noms- dont l’écrivain Nick Hornby, le comédien James Franco, le musicien Owen Pallett ou l’ex-Nirvana Krist Novoselic – enrichissant les débats.
Vous adorez Céline Dion, et alors? Voilà ce que nous inspire la lecture de “Let’s Talk About Love : Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût”, signé du critique de rock canadien Carl Wilson. Cet essai à paraître ce jeudi 17 mars aux Éditions Le Mot Et Le Reste, se veut un voyage aux frontières du goût, du bon comme du mauvais.
En explorant les tenants et les aboutissants du phénomène “Céline Dion”, Carl Wilson, détracteur absolu de la pop star et de son univers, tente une expérience qui tend à bousculer les codes de son propre métier: plutôt que de rédiger un énième brûlot empreint de sarcasme et de dédain, il s’attache à apporter des éléments de réponse quant à la grande question que moult critiques musicaux balaient, généralement, d’un simple revers de main. Pourquoi pense-t-on nécessairement que tout ce que nous n’aimons pas relève du mauvais goût?
En 1998, Carl Wilson est désemparé. Le film “Titanic” vient d’être nommé aux Oscars. Dans la foulée, un morceau de l’album de Céline Dion Let’s Talk About Love, intitulé My Heart Will Go On, titre phare de la bande originale du blockbuster de James Cameron, envahit les ondes du monde entier.
Le succès de Céline Dion est phénoménal. Et cela, malgré la critique qui ne cesse de la dénigrer. Place au “Céline-bashing” dans les médias: la chanson est insipide et dégoulinante de bons sentiments. Quant à la glotte hululante de Dion, elle se dilate au point d’avaler le monde entier, écrit Wilson.
Mais le point de départ de sa haine envers Céline Dion démarre véritablement quand celle-ci est invitée à se produire aux Oscars de 1998. C’est que Titanic est nommé dans 14 catégories dont celle de la meilleure chanson originale. Parmi les artistes à ses côtés, le musicien Elliot Smith, qu’adule Carl Wilson.
Le chanteur est le compositeur et interprète de Miss Misery, l’une des chansons de la bande son du Will Hunting de Gus Van Sant. Que diable fait Smith, figure incontestable du rock underground, aux côtés de Céline Dion, clinquante et pimpante, grande habituée du ghota hollywoodien?
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