Revue de presse
Déwé Gorogé, figure de la poésie et femme politique néo-kanak, est décédée le 14 août. La poésie dans sa forme traditionnelle, justement, semble décliner. Mais dans sa diversité, elle paraît traversée d’un puissant renouveau. Est-ce que la poésie peut profiter de l’époque pour se renouveler ?
La poésie a-t-elle disparu ? Pour certains, c’est un fait : boudée par des médias qui ne s’intéresseraient qu’à ce qui est rentable et par un lectorat qui aurait diminué, la poésie n’est plus. Pour d’autres, ceux qui, engagés dans un festival, une revue ou une maison d’édition, connaissent les lieux d’existence de la poésie contemporaine, elle est bien présente et visible aux yeux de qui se donne la peine de la chercher. Enfin il y a ceux qui considèrent qu’elle est partout, même si elle ne se nomme plus nécessairement poésie, naviguant sous le pavillon d’autres genres, qu’il s’agisse de la chanson, du slam ou des arts numériques. Alors quel état des lieux faire de l’univers de la poésie ? La définition de la poésie a-t-elle changé ?
Pour répondre à ces questions, Quentin Lafay reçoit Rim Battal, poétesse et autrice dont le dernier ouvrage Mine de Rien est paru en 2022 aux éditions Le Castor Astral, Magali Nachtergael, professeure de littérature française à l’Université de Bordeaux-Montaigne et Jean-Michel Maulpoix, écrivain.
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Il y a quelque chose de particulièrement rafraîchissant, voire oxygénant, dans les pages de ce livre qui interrogent comme elles relient entre elles les pratiques d’écriture, de parole, de poésie, de chanson, de langue, allant de la poésie lettriste d’avant-garde au slam, du rap à la poésie contemporaine. Abordant moins le livre comme objet ou outil dépassé, que les pratiques dites hors du livre, Poet against the machine insiste sur l’influence des nouvelles technologies, depuis Dada jusqu’à aujourd’hui. C’est la plasticité de la langue dans ses mouvements de médiatisation et de remédiatisation qui intéresse Magali Nachtergael, mais aussi la ou les capacités de la littérature et de la poésie (dans un champ élargi) à s’extraire des circonscriptions socio-culturelles et des hiérarchies symboliques. Car l’un des enjeux est de savoir ce que la technologie fait à la littérature, et notamment si elle libère la parole de sa gangue académique. À partir d’exemples poétiques, d’oeuvres expérimentales (on croise, parmi de nombreuses autres, celles de Bernard Heidsieck, Henri Chopin, Michèle Métail ou Julien Blaine, mais on rencontre aussi Damso ou Kathy Acker), l’autrice interroge les technologies médiatiques et leur capacité d’expansion, du corps humain à l’autotune en passant par le papier, la machine à écrire, l’enregistrement sonore, le téléphone, le micro, les amplis bandes magnétiques… Dans ce livre dense et très informé, au beau titre ambivalent (référence à un groupe de rap métal), Nachtergael s’extrait de son errance numérique littéraire et trace l’histoire de ce qu’elle nomme néolittérature, en faisant l’archéologie des interactions entre la poésie et la technologie, et en en dégageant les actuels enjeux médiatiques, critiques mais aussi politiques. Exaltant !
Une chronique à retrouver sur Artpress
Créations hybrides rangées sous l’audacieuse étiquette de «néolittérature» par Magali Nachtergael. Pourtant rien de très neuf: dans une étude tout juste parue, la chercheuse française traverse les avant-gardes pour dresser un panorama critique de la littérature affranchie du livre, où l’on constate que ces expressions contemporaines s’inscrivent dans une longue et foisonnante histoire, à la croisée de l’écriture et de la performance artistique. «Tout au long du XXe siècle, malgré son prestige [...], le livre n’est en fait qu’un élément parmi d’autres de la «publication» au sens de mise à disposition de publics», rappelle-t-elle en évoquant les multiples déclinaisons du poème à travers les décennies: téléphonique, bruitiste, radiophonique, cinématographique, informatique, photographique, pictural… «Contrairement à ce que l’on prétend souvent, [la littérature] a toujours été vigilante au progrès technique, renchérit Isabelle Krzywkowski dans Machines à écrire (2010). Elle a même sans doute été pionnière en la matière.»
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Le livre fétichisé
Au détriment du livre imprimé, comme le craignent parfois les détracteurs du numérique à l’école? Pour Isabelle Krzywkowski, il s’agit simplement «d’accepter le fait que certains artistes ont fait le choix d’écrire pour et avec un nouveau médium». En somme, nous aurions aujourd’hui à nous libérer «du
poids trop lourd que nous avions accordé au biblos, ce Livre majuscule fétichisé à outrance», note Magalie Nachtergael en invitant à considérer une autre lecture possible, «non plus seulement fondée sur les yeux, mais aussi sur l’écoute, l’interaction et un geste conscient de ses outils, quels qu’ils soient»
Retrouvez l’article en intégralité sur La liberté
Du festival “Extra !”, au Centre pompidou à Paris, au blog “autofictif” d’Éric Chevillard, en passant par la microédition, c’est toute une littérature “hors du livre” qui se dessine peu à peu. En marge de l’édition classique. Magali Nachtergael, chercheuse en littérature et en arts, l’a baptisée “néolittérature” dans un essai ambitieux. Bienvenue aux frontières de l’art contemporain, de la performance et de laa web culture.
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Dès l’introduction de son ouvrage Poet Against The Machine (Le Mot et le reste, 2020), Magali Nachtergael dresse le constat radical d’une littérature contemporaine dont les frontières dépassent largement l’édition imprimée et du roman pour s’étendre aux médiums d’autres disciplines artistiques : les arts vivants, l’art contemporain, la web culture… Mais comment désigner précisément cette nouvelle littérature “hors du livre” ?
Le dossier est à retrouver dans son intégralité dans le numéro de mars 2021 de Livres Hebdo
ou bien en ligne
Il y a des livres comme ça, qu’on demande en service presse et que, dès que nous les avons entre les mains, nous terrorisent. Non pas par sa couverture, vert matrix, qui nous a tapé dans l’oeil, mais par leur sujet, et par la façon dont il est traité. Magali Nachtergael nous propose, avec Poet against the machine, une histoire technopolitique de la littérature ( aux éditions Le mot et le reste), une plongée dans les néo-littératures, mêlant poésie et toutes les technologies possibles et imaginables. Alors, on se dit que nous ne possédons pas le bagage intellectuel pour en faire une juste chronique, mais on se lance quand même.
Tout d’abord, il convient de dire que ce bouquin est très, très bien écrit. Ce n’est pas anodin car, truffé de références comme doivent l’être les essais, l’autrice prend autant le fond au sérieux que sa forme. Cette très bonne surprise nous rassure, d’autant que le jargon spécifique au thème aurait pu rendre l’ensemble imbitable. Fort heureusement il n’en est rien et nous plongeons avec avidité dans cette inconnue qu’est la poésie en relation avec la technologie.
Un peu d’histoire
Pour nous faire entrer dans son sujet, Magali Nachtergael n’hésite pas à faire un peu d’histoire et à revenir sur l’histoire de la littérature au moment (en gros hein) de l’explosion de l’ère industrielle. Elle y parle surréalisme, beat generation, explosion des littératures numériques dans une chronologie qui nous sert de repères. Cela est plutôt bien senti et structure d’emblée l’essai (et évite de nous perdre dans un labyrinthe duquel nous ne serions jamais sortis).
Des poèmes cachés sous des peintures, sous des illustrations, des poèmes lus à voix haute, lus à la radios, de ceux distribués sous le manteau, photocopiés ou réunis sous forme de fanzine, ceux s’émancipant du format livre pour devenir totalement numérique (via le micro-bloging), le livre revient de façon exhaustive (nous paraît-il) sur toutes les formes qu’a pu prendre et que prend la littérature depuis l’avènement des technologies. Car il faut bien l’avouer, celle-ci à totalement pervertie (ou du moins changée) notre rapport à la lecture, à l’appréciation de toute forme poétique, et à la rédaction.
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Fort heureusement, la conclusion de l’essai nous rassure, montre au contraire que sous des formes diverses et variées, comme par exemple votre webzine préféré, la néo-littérature continue à être produite, de façon plus ou moins efficace et poétique, mais toujours vivante. Et que le livre, qui paraissait un temps en perte de vitesse, regagne peu à peu des lettres de noblesse. Ce qui n’est absolument pas pour nous déplaire.
Au final, nous avons, avec Poet against the machine (nom emprunté au fameux groupe Rage against the machine, un essai réellement passionnant, truffé de références pop culture (mais aussi geek culture), qui nous montre que l’inventivité poétique et humaine n’a pas de limites, preuve que la poésie ne finira jamais de se régénérer. Et on aime cette idée. À lire absolument pour bien comprendre les enjeux du monde dans lequel nous vivons et nous vous conseillons donc vivement ce livre !
Une chronique à retrouver en intégralité sur Litzic
« Inutile de vouloir s’attaquer aux poèmes dactylographiés de T.S. Eliot tant qu’on n’a toujours pas appris à distinguer le bruit de frappe que font respectivement une Underwood ou une Remington1 » : c’est par ce rappel qu’Emmanuel Alloa présentait l’œuvre matricielle du théoricien des médias allemand Friedrich Kittler, qui donne à Magali Nachtergael la direction à prendre pour son livre Poet Against the Machine : « Pour saisir les origines techno‑induites de la littérature […] il est primordial de faire l’histoire machinée de la littérature » (p. 180). Cet apparent détour de l’étude que mène depuis plusieurs années l’autrice sur la littérature contemporaine – qu’elle a proposé ailleurs de nommer « néolittérature » – pour plonger dans la fabrique des pratiques technologiques de l’écrit poétique s’impose cependant rapidement, à mesure que l’histoire ainsi retracée dévoile son caractère crucial pour l’évolution traversée actuellement par la littérature.
L’approche technomédiatique embrassée par l’autrice nécessite dès le seuil du livre un décentrement méthodologique : « ne plus regarder la poésie ou plus généralement les récits que du seul point de vue du résultat, le texte, mais avec ses outils et ses gestes spécifiques » (p. 11), et préférer alors la compréhension des contextes de production – à la fois sociaux (ressortissant d’une théorie de la valeur) et outillés (provenant de l’histoire des techniques).
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Les études originales de l’autrice sur le mouvement lettriste ou le rap francophone le plus contemporain (notamment l’œuvre de l’artiste belge Damso) contribuent ainsi à étendre cette « étude de media comparés » qu’Y. Citton appelait de ses vœux tout en traçant une lecture personnelle – et parfois subjective, comme à l’entame ou au mitan du livre, où l’autrice s’essaye à une auto‑ethnographie du rapport à la culture numérique de son enfance ou bien à celle de sa pratique de la navigation Internet.
L’ouvrage de Magali Nachtergael marque ainsi une étape importante de l’écriture de l’histoire matérielle du fait poétique, et notamment celle de son intermédialisation aux xxe et xxie siècles. Loin de consigner ces pratiques poétiques dans une marge hyperspécialisée, voire geek, qui rendrait cette histoire inoffensive, l’intérêt marqué de ce livre pour des formes de « cultures techniques » qui sont autant de pratiques autonomes (voire « anarchistes » comme l’évoque l’autrice à propos du poète marseillais et fondateur de la revue Doc(k)s Julien Blaine, p. 120) permet ainsi d’en reconstruire les propositions politiques, toujours entées sur une conception libertaire de l’accès aux textes, aux œuvres et aux imaginaires.
Un article à retrouver en intégralité sur Acta Fabula
Il y aurait donc le livre, encore et toujours, académisant tout sur son passage et puis, il y une autre voie, empruntée depuis les premières avant-gardes du XX è siècle, la voie du hors-livre, seul espace où une littérature exigeante ferait jaillir des formes non identifiées en usant de médiums comme le magnétophone, l’offset (dans les années 1960) et les outils numériques comme les blogs via les ordinateurs portables (début 2000) et aujourd’hui, les réseaux sociaux via les smartphones et les tablettes, bref, les « machines ». Dis autrement, il y aurait le médium livre, bourgeois et conformiste et le médium de ces nouvelles technologies contre-culturelles à tendance Punk Rap Metal hantées par un groupe comme Rage Against The Machine (c’est dans le titre).
Mais c’est sans compter sur la pertinence et la vision critique de Magali Nachtergael qui sait qu’Internet est une idéologie libérale et capitaliste : « Aujourd’hui, la principale menace qui nous guette n’est pas tant la machine elle-même que l’idéologie qui l’accompagne » lit-on page 179. Voilà, celle qui jouait enfant à Space Invaders (p 7) et qui en 2018 s’est aventurée dans la découverte du « monde littéraire en ligne » (p 138) a compris, qu’à bien des égards, ce qui s’y passe est souvent la réplication des rapports de forces ou de coopérations de la République des Lettres IRL, dans la vraie vie. D’ailleurs, même les poètes les plus acharnés à défendre la culture numérique, en viennent à faire des livres, eux aussi. [...]
On peut saluer la lucidité de Magali Nachtergael qui invente ici une nouvelle catégorie sous laquelle on peut aussi la suivre sur Facebook et Instagram : @neolitterature. Internaute plutôt que geek, elle retrace dans ce livre, une histoire poétique solidement documentée dans laquelle apparaissent Bernard Heidsieck, Henri Chopin, John Giorno, Michel Giroud, Jacques Donguy, Julien Blaine et bien d’autres. Histoire qui n’est peut-être pas aussi radicale qu’on le croit mais qui a le mérite – puisque la néolittérature est « l’étude de la forme littéraire transmédiale, intermédiale liée à des médiums non-livresques » (p 28) – de vitaliser, de booster la création artistique. Ceci hors des sentiers battus des poèmes de confort et de réconfort qui se répandent éditorialement depuis le confinement total du printemps 2020.
Après avoir refermé ce beau livre de Magali Nachtergael, on se surprend à rêver que ce POET AGAINST THE MACHINE ait la RAGE du groupe californien des années 1990 afin que THE MACHINE ne soit pas seulement un outil pour écrire mais aussi une arme pour affirmer haut et fort sa liberté de dire.
Avec en sous-titre une phrase qui pourrait vous effrayer, un peu comme l’illustration de couverture, Une histoire technopolitique de la littérature … Vous trouverez une explication de l’illustration dans le corps du texte. Pour ce qui est du sous-titre, sachez qu’il est très rigoureux et que la/les techniques jouent un grand rôle dans la littérature tout comme la/les politiques économiques et autres. La littérature et l’art ne se créent pas ex nihilo, l’artiste vit et crée dans un contexte et sur des supports. Et là je me permettrai de regretter l’absence d’un index des individus cités que ne compense pas l’abondante et sérieuse bibliographie et qui aurait permis de mesurer combien l’auteure navigue entre, on dira, l’avant Mac Luhan et l’après Deleuze, entre Baudelaire et Barthes. C’est érudit, réfléchi et critique. Et si vous avez compris/perçu la référence du titre, vous en avez compris la force par rapport à notre monde… Pensez quand vous lirez ce livre à avoir sous la main de quoi aller voir sur Internet ce que propose la littérature numérique (à voir les quatre minutes et quelques de Dakota). Vous lirez par exemple qu’il n’y a pas que Pierre Ménard qui se targue d’avoir écrit un grand livre*, et que des IA ont écrit des romans. Ce que dit l’auteure de ces œuvres est passionnant.
Si j’ai bien tout compris, loin de provoquer la fin de la littérature les techniques modernes lui assurent au contraire une longévité en ce qu’elle se cherche, se transforme pour jouer avec les supports. Écoutez par hasard le groupe Palo Alto inspiré par Deleuze et renforcé par Alain Damasio, ou lisez « Aux limites du son » une anthologie accompagnée d’un CD qui se veut « Bande originale du livre ».
Bonne lecture-écoute lentes et profitez des pauses pour rechercher sur internet.
*Relisez Fictions de J.-L. Borges : Pierre Ménard, auteur du Quichotte
Une chronique à retrouver sur Daily Passions
Poet against the machine est un essai écrit par Magali Nachtergael, maîtresse de conférence en Littérature et Arts. Il explore avec précision l’histoire de la contre-culture et les liens que celle-ci a entretenu avec ses médiums de création.
Si l’histoire de l’invention des différents médias est généralement connue de tous.tes (photographie, radio, ordinateur puis ère des algorithme), celle de la manière dont toute une contre-culture s’est emparée de ces moyens de communication demeure méconnue. C’est sur cette histoire « technopolitique » que revient Magali Nachtergael dans son ouvrage.
« Mettre la poésie debout »
S’il apparaît évident à tous.tes que le premier médium utilisable pour performer un texte est le livre, l’autrice rappelle qu’il en va aussi du corps et que la poésie est avant tout une expérience sensorielle faite d’oralité, de rythmes et de tout ce qui accompagne une gymnastique du corps. Le mouvement Dada fait dans un premier temps le constat d’une mort de la poésie, absorbée puis rendue ennuyeuse par le médium livre : « Le poème ne pouvait plus être entendu, écouté ; il s’insinuait comme un art livresque. »
Dans la continuité de ce premier constat se met en place une contre-culture poétique pour laquelle les textes se performent – dans les cabarets, les rues, les caves – et doivent offrir au spectateur.ice.s une expérience sensorielle artistique et unique. Il s’agit pour le texte de quitter le livre. C’est notamment le cas de L’internationale Lettriste qui se consacre à la création d’une « musique lettrique », et performe, parfois même de manière improvisée, dans les cercles littéraires ou dans les cabarets de jazz pendant l’entracte des musiciens. La performation est ici un moyen de se réapproprier la poésie grâce au médium premier qu’est le corps. Comme le dit la théoricienne Bernadette Wegeinstein – citée dans le livre – « The medium is the body ».
Le médium contre l’oppression
Si le passage par le corps dans la création poétique permet d’abord de se réapproprier cet art jugé trop livresque, la poésie performative permet également l’émancipation des corps écrasés par le poids des normes sociales. A l’instar de la performance de Carolee Schneemann – qui utilise doublement son corps : nue sur scène, elle déroule un texte écrit sur un rouleau de papier soigneusement roulé et inséré entre ses jambes – pour dénoncer la norme sociale pesant sur le corps féminin. La performance consiste à dérouler le morceau de papier pour ensuite le lire à son public. Son texte rapporte une conversation qu’elle a eue avec un réalisateur lui attestant qu’elle ne pourra jamais être une réalisatrice et qu’il la voit mieux en danseuse.
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Le rap, autre étendard du poète opposé à la « machine sociale », propose une musique éloignée de la variété française d’époque, plus proche du slam, mais également un autre rapport avec son public. Lié directement avec le social, il entend décrire la vie, à la manière d’un prêche.
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Opposé au modèle de la radio faite par et pour un public bourgeois, le rap offre de nouveaux champs parmi lesquels « l’égotrip », qui est en fait un récit d’apprentissage à valeurs morales fortes. Si le rap est sans cesse relégué au statut d’art mineur, de « tiers média », l’autrice interroge ses liens avec la production poétique contemporaine et réaffirme avec force la place du rap sur la scène poétique moderne. La conception du poétique qui veut que le rap n’en est qu’une sous-catégorie est avant tout une conception sociale autocentrée et bourgeoise.
L’avènement du numérique : la fin du livre-objet ?
Magali Nachtergael met également en lumière les conséquences de l’avènement du numérique sur la création artistique et poétique. Si l’usage des réseaux sociaux devient courant pour tous.tes, il le devient aussi pour les auteur.rice.s, qui n’hésitent pas à poster des textes agrémentés d’images sur ces derniers, à l’instar de Mathias Enard ou Alain Mabanckou. Cette utilisation des réseaux tend à transformer leur but premier : d’outils utilisés pour populariser une œuvre papier, ils deviennent un moyen d’expression et une activité « en soi ». Le médium a absorbé son contenu.
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L’arrivée du numérique vient également questionner le statut du livre-objet, sanctuarisé à outrance par un establishment sans visage. En effet, la fin du livre papier au profit d’un contenu poétique intégralement numérique serait-elle une régression en soi, et pas simplement le passage d’un médium à un autre, comme on en a tant observé au cours de l’histoire ? Cette peur s’apparente presque à un dogme. L’autrice ne manque pas de rappeler que le livre, privé de son contenu, n’est rien d’autre qu’un bibelot soumis aux mêmes lois mercantiles que les autres biens de consommation courante.
La chronique complète est à retrouver sur Maze Magazine