Au XVIe siècle en Europe, dans la mouvance humaniste, les lettrés multiplient les voyages. La vogue du liber amicorum se répand : les voyageurs recueillent dans un album les dessins, pensées, autographes de gens illustres ou non qu’ils pouvaient rencontrer, peintres, musiciens et autres voyageurs.
Durant les années soixante et soixante-dix, dans la tradition beatnik et hippie, une partie de la jeunesse occidentale part sur les routes et expérimente des modes de vie nouveaux.
Lionel Magal dit Fox, cofondateur du groupe psychédélique Crium Delirium est de ceux-là, de ces baby-boomers déjantés, de ces bohémiens itinérants du rock. Il présente ici son livre d’amitié à lui, ou, dit autrement, le carnet de route de ses aventures psychédéliques, qu’il a entièrement réalisé (textes + collages). De 1969 à nos jours, on y retrouve la trace de toutes ses facéties artistiques et festives (le théâtre-action, le journal Actuel, le voyage à Kathmandu, les affiches en sérigraphie des concerts, les manifs, les débuts de radio Nova…). On y croise aussi nombre d’artistes et de « freaks underground » (Jean-François Bizot bien sûr mais aussi Timothy Leary, Wavy Gravy, la Hog Farm Community, La Monte Young, Jonas Mekas, Moëbius, le Dalaï Lama…). Tout cela dans un joyeux montage graphique dont l’esprit sied bien à cette époque de grand délire.
Revue de presse
« C’est nous les road managers, comme les papillons butinent les fleurs. Nous transportons les amplificateurs, nous transportons le shilom à vapeur. Whaa ! Whap ! Dou Whap ! So, mamamamamamama ! Oh ! Oh Oh ! Yé ! Yé ! C’est nous les road managers, on sème les flips, on crée la terreur, aussi à cause du LSD propulseur… Quel bonheur ! » – Crium Délirium, extrait de « No Bomb »
Mardi 26 novembre 2013,
Il est approximativement 19:45 lorsque les brancardiers font irruption dans la chambre pour me descendre au bloc opératoire, une plongée de six étages dans les entrailles du groupe hospitalier Lariboisière et son dédale de souterrains verts-gris. Verdict des armes, une double fracture spiroïdale du péroné, ma première opération chirurgicale, quarante-cinq jours d’immobilisation sous plâtre et deux mois d’arrêt de travail, manière pour le moins inhabituelle d’entamer une nouvelle année terrestre. Le tribut osseux d’une soirée d’anniversaire en compagnie de Lionel Magal, dit « Foxx, le Renard », grande figure de l’underground hexagonal et bien au-delà de nos frontières, à la fois musicien, cinéaste, collaborateur d’Actuel et de Radio Nova depuis leurs premières heures, mais surtout et avant tout baroudeur insatiable aux moult aventures.
Odyssée furtive à travers les étages de l’immeuble de Radio Nova
Notre premier « contact » remonte au printemps 2004. Un jeu de course-poursuite à travers les étages de l’immeuble de Radio Nova, rue du Faubourg-Saint-Antoine. Mon ami et regretté Marc-Alexandre Millanvoye m’a invité pour un marathon dominical de quatre heures d’antenne à l’occasion de la sortie de Mutations pop & crash culture, la première anthologie de La Spirale.org. Impondérable de la technique, il nous manque un câble permettant de relier un lecteur vidéo à la console de mixage du studio, dont l’absence nous interdit de diffuser une interview enregistrée à New York. Et c’est là que démarre une véritable odyssée furtive pour emprunter le précieux sésame à la barbe d’un « Renard » que l’on me décrit, trémolos dans la voix et regards inquiets à l’appui, comme une sorte de Minotaure local, dévoreur de jeunes vierges et d’impudents confrères.
De quoi attiser ma curiosité, qui ne se trouvera finalement assouvie que bien des années plus tard sur les rayonnages de la librairie Parallèles, avec la parution en 2012 de Crium Délirium, The Psykedeklik Road Book. Un ouvrage hybride, avec le film qui l’accompagne, entre le carnet de route et le portfolio psychédélique, clin d’œil affirmé aux libri amicorum du XVIe siècle, dans lesquels les voyageurs lettrés de l’époque recueillaient dessins et mots d’amis croisés sur les routes du Vieux Monde. Notamment celles des Indes et de la soie, ce qui ne manque évidemment pas de trouver un écho, avec quelques siècles de décalage, chez notre ami, le Goupil.
Débarquement parisien de la Hog Farm, une famille itinérante de freaks
Les tribulations du Renard démarrent en 1970 avec le débarquement parisien de la Hog Farm, une famille itinérante de freaks fondée par Wavy Gravy, fameux clown, pacifiste américain et poète de la Beat Generation. Un soir, la tribu fait irruption dans le Centre américain, haut lieu de culture et d’expérimentation de l’après-guerre, où un jeune Lionel Magal se produit sur scène dans une pièce de théâtre-action, avec concert de gallinacés, d’extincteurs et de tôle. « C’était la première fois qu’on voyait des hippies ! Ils ont pris la main de toutes les personnes de l’assistance, en émettant un son, une vibration : le fameux Ohm. Je suis tombé en arrière et je me suis vu flotter au-dessus de mon corps. Ce fut déterminant, ils avaient quelque chose de magique. Et c’est là qu’ils m’annoncent qu’ils sont en route pour Katmandou, mais qu’ils ne savent pas où dormir. Ils sont quarante. Je leur dis qu’il n’y a pas de problème, que nous sommes déjà quarante dans l’atelier de 500 m2 que j’occupe, près de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, et qu’il reste de la place » se souvient Lionel. « Pour partir avec la communauté, j’ai vendu deux ou trois consignes de Butagaz chez un rebouteux du passage de la Main d’Or. Et j’ai pris la route avec l’équivalent de 40 francs en poche, immédiatement investis dans le plein d’essence de l’ambulance prêtée par mon frère pour partir récupérer un second bus en Allemagne. »
Le voyage durera deux ans, ponctué de haltes ébouriffantes, à l’instar de la base militaire américaine de Nuremberg où la famille se fait livrer une caisse de haschich et des cartons entiers de LSD liquide envoyés depuis San Francisco dans des bouteilles de lait corporel pour bébé, avant d’atterrir en plein trip psychédélique au milieu d’un champ de manœuvre envahi par des escouades de soldats et de tanks. Ou encore un festival de rock halluciné à Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan. « Nous avions établi un campement avec les deux bus, mais plein de gens s‘étaient greffés à nous sur le chemin. Des 80 voyageurs que nous étions à notre départ d’Europe, c’était devenu une véritable caravane de 350 ou 500 personnes. Le festival s’est monté sur le bouche-à-oreille, avec un amplificateur et des guitares électriques qui nous venaient du Grateful Dead. Nous suscitions la curiosité des Afghans qui n’avaient encore jamais vu de freaks. Des mecs arrivaient à cheval et à dos de chameaux pour nous voir. Ils venaient s’encanailler, je suspecte même certains d’entre eux d’avoir pris de l’acide. »
Hurlements des loups et vétérans de la guerre de Corée
Mais la route ne se révèle pas toujours n’être qu’une grande partie de plaisir. Descendue d’Allemagne en passant par la Roumanie, la Grèce et la Turquie, la tribu de la Hog Farm longe le mont Ararat, réputé pour avoir hébergé l’arche de Noé. C’est l’hiver, il fait très froid dans la région, jusqu’à – 35°c. « Les duvets gelaient, nous devions les casser pour rentrer dedans. L’essence gelait dans le bus, nous devions faire du feu sous le réservoir pour le réchauffer. Nous n’avions pas assez de chaînes pour les pneus de nos deux bus, il fallait donc aller d’un bus à l’autre pour les transporter, avec une lampe-tempête sous la pleine lune. Et il y avait les loups. On entendait leurs hurlements dans la campagne environnante, quand nous ne les apercevions pas à l’orée de la forêt. » Des souvenirs qui tranchent avec l’imagerie souriante, héritée du Flower Power. « Parmi nous, il y avait des durs, des mecs qui avaient fait la guerre comme Butch, un vétéran de la guerre de Corée qui a inspiré le personnage de Billy joué par Denis Hopper dans Easy Rider. Il n’y avait pas que des cools. Il y avait aussi des types liés aux Hells Angels, par le biais de Ken Kesey et des Merry Pranksters, d’autres encore qui avaient déserté. »
Et d’enterrer le mythe, en passant. « Nous n’étions pas des hippies. Ca, c’était encore un produit fabriqué, du marketing. Nous n’avions pas d’étiquette, au sein de la Hog Farm. Le mouvement a effectivement existé à San Francisco, dans le quartier de Haight-Ashbury. Mais il a tout de suite été enterré par ses initiateurs, par ceux qui avaient créé la différence. Par contre, nous avons lancé l’expression c’est cool. J’en revendique totalement l’invention. »
Crium Delirium, The Psykedeklik Band
À son retour d’Inde et d’un premier rendez-vous manqué avec Timothy Leary en 1972, Lionel relance Crium Délirium, le groupe initié en 1968 avec son frère Thierry, dit « Mat’Lagam ». Habitués des caveaux de jazz parisiens, à l’époque où la capitale sert de refuge aux meilleurs virtuoses américains, les deux frères ont déjà une jolie carrière derrière eux. Leur formation musicale renaissante fait office de plate-forme de création multimédia avant l’heure, aussi influente qu’insaisissable et chaotique, et encore à ce jour considérée comme l’un des fers de lance de la scène alternative française du début des années 70, aux côtés de Gong et de Magma dont ils partagent la scène à de nombreuses reprises.
Il s’ensuit une période intense de rencontres, de voyages et de collaborations qui donneraient des cheveux blancs aux agents les plus chevronnés de la Direction centrale du Renseignement intérieur. Les pages du Psykedeklik Road Book font ainsi office de Who’s Who de la contre-culture, où défilent sous nos yeux les noms et les photographies de Nico pour un concert catastrophe à l’Opéra Comique en 1973, de Ravi Shankar et de Miles Davis croisés lors du Tabarka Jazz Festival en Tunisie, de Didier Maherbe et de Steve Hillage, de Captain Beefheart, de Terry Riley et de La Monte Young, de Giorgio Gomelsky et de tant d’autres. Toute tentative de mettre de l’ordre dans ce fatras fractal et de dresser une liste exhaustive des co-conspirateurs étant d’emblée vouée au ridicule et à l’échec.
En concert, les membres du Crium Délirium invitent les spectateurs à leur jeter des boulettes de shit et des morceaux d’herbe afin d’alimenter le grand shilom cosmique qui tournera dans la salle jusqu’à son extinction. Ils jouent pour les étudiants en grève, organisent Bièvres, le premier festival gratuit réussi en France, squattent les volcans d’Auvergne et se font embastiller dans l’Espagne franquiste. Mais ils négligent de passer par la case studio, sans doute emportés par leur enthousiasme et cette vie de bohémiens motorisés, au volant de leur bus. Au point qu’il ne subsiste comme témoignage audio de cette époque que Power To The Carottes, un patchwork d’enregistrements en concert datant de la période 1972–1975, sorti une première fois en 1995 chez Legend et depuis réédité par Crium Amicorum.
Fiancées sous la console, Free Press et Grand Mix
Comme si cette boulimie hyperactive ne se suffisait pas à elle-même, le Renard collabore avec Jean-François Bizot depuis sa reprise du magazine Actuel au mois de mai 1970 pour en faire le premier organe de Free Press à la française. « J’ai quand même travaillé près de quarante ans avec lui. Nous avons démarré en 1968. Il y a eu ce voyage en Inde pour Actuel, où je n’ai envoyé qu’une carte postale en guise de reportage, et ça a duré jusqu’à sa disparition en 2007. Nous avons cohabité dans son hôtel particulier de Saint-Maur-des-Fossés, je partageais certaines de ses fiancées. Le marquis de Sade y aurait d’ailleurs résidé, le lieu était chargé. » Une complicité qui se retrouve sur les ondes à la création de Radio Nova en 1981, pour l’émission Youp la Boum et trois heures d’antenne quotidienne en compagnie de Jean-Pierre Lentin et toujours de son frère, Thierry Magal. « Avec quelques camarades, nous avons développé le Grand Mix. Nous dormions, nous mangions dans ce lieu consacré à la diffusion radiophonique. D’ailleurs le Grand Mix, c’était aussi avec nos copines sous la console. On diffusait en direct de grands moments de musique improbable qui mélangeaient Oum Kalthoum avec le chant des baleines. Des enregistrements de satellites avec de la musique gnawa et de la musique minimaliste, ou encore Terry Riley et La Monte Young, avec lesquels nous échangions des partitions. »
Toujours au début des années 80, les Nuits d’Actuel donnent à Lionel l’occasion de repasser derrière la caméra dans les sous-sols du Grand Rex, où il filme de nombreux artistes, parmi lesquels Alan Vega et Tuxedomoon. Avant de rater la captation d’un concert du trompettiste Jon Hassell pour cause d’intoxication, euh… volontaire (sourire), une anecdote qui motivera une blague récurrente de Jean-François Bizot, lequel ne cessera au fil des années de lui réclamer la bande, évidemment inexistante, de cet événement. Dès lors, les tournages ne s’interrompront plus sur les plateaux de Radio Nova, par lesquels transite tout le gratin artistique de cette période : « Des centaines, voire des milliers d’heures d’enregistrements, et autant de belles rencontres, jusqu’à me retrouver à chanter avec George Clinton ou Fred Chichin, et des moments improbables où Jean-François improvise des slams avec les invités. »
Du sidérant dans le sidéral et une réincarnation au cœur de l’Himalaya
On retrouve notre Maître Renard en l’an 2000, après cent vingt-trois numéros d’une émission scientifique et philosophique présentée par le journaliste Léon Mercadet sur Canal + et le programme intersidéral Télé/Vision Enfants du Monde diffusé à la Cité des Sciences de la Villette durant les années 1990. Un nouveau millénaire qui lui vaut quelques révélations astrales à Dharamsala auprès du Dalaï Lama, lorsque celui-ci lui tire la barbe avant de lui glisser à l’oreille : « Du sidérant dans le sidéral pour les Cosmik adventures of your brother Mat’Lagam, go to see Sitou Rinpoche reincarnation master… » Et de l’envoyer, durant une cérémonie nocturne dans l’Himalaya, à la rencontre de la réincarnation de son frère Thierry, décédé à New Delhi en 1998.
Les aventures s’enchaînant à un rythme toujours aussi effréné, il rencontre Jonas Mekas, grande figure du cinéma expérimental et l’inventeur du journal filmé, durant les manifestations de la Beauté en Avignon. C’est le début d’une nouvelle amitié. Les deux compères brûleront ensemble les planches lors d’un concert à la Bellevilloise en janvier 2011 sous le haut patronage d’agnès b., avant que la Serpentine Gallery ne célèbre le 90ème anniversaire du cinéaste lituanien en décembre 2012 à Londres, avec une rétrospective, une installation et un autre prestation live du Gang. Avant d’en arriver à sa récente actualité musicale et au New Crium Délirium, un trio qui réunit Joachim Montessuis, Michel « Koyot » Giroud et Lionel « Foxx » Magal, dont on espère le prochain disque vinyle dans les mois à venir. Une hyperactivité à toute épreuve, dissimulée sous sa barbe fleurie, en attendant encore un nouveau départ sur les routes, en direction de l’Indochine peut-être cette fois-ci, après de récentes retrouvailles avec l’Inde et Goa, pour une scénographie géante à base de mapping vidéo. Avec toujours une myriade de nouveaux projets et autres tsunamis d’images, en préparation sous son chapeau de faune céleste.
Sortir des écrans, se déconnecter et vivre dans un no man’s land galactique
Concluons ce récit (très) condensé d’aventures, qui mériterait d’ailleurs de s’étaler sur plusieurs volumes, en demandant au Dr. Foxx ce qu’il pense de nos contemporains et de ce début de XXIe siècle, du haut de sa vaste expérience ? « Aujourd’hui, nous sommes vraiment dans une phase très pessimiste. Quand tu dis que tu sens nos contemporains désabusés, ont-ils déjà été amusés ? Non, ils sont nés comme ça ! Sortir des écrans et me déconnecter, je l’ai fait toute ma vie, » gronde le Renard. « Le voyage aidant, les belles rencontres te permettent d’avancer. Je crois savoir qu’il y a toujours des lieux de création, de résistance et de réflexion, comme le Cirque Électrique par exemple, il y a toujours des groupes actifs dans plein de domaines. »
Et de conclure : « La possibilité de changer appartient à chacun d’entre nous, à tout instant ! C’est pour ça que je vis dans un perpétuel no man’s land cosmique et galactique, une perpétuelle jeunesse de l’esprit, du rapport à l’autre et à la planète. »
L’article ICI
LIONEL “FOX” MAGAL A COFONDÉ UN GROUPE PSYCHÉ QUI S’APPELLE CRIUM DELIRIUM, A ÉTÉ DES DÉBUTS DE RADIO NOVA ET NE SE DÉPLACE QU’EN “FOX MOBILE”. ÇA VOUS SITUE UN HOMME. À L’OCCASION DE SA PARTICIPATION À L’EXPO “TRIP” CONSACRÉE AUX VOYAGES (INTERIEURS, SUR LA ROUTE, ARTIFICIELS), IL NOUS RACONTE UNE NUIT DE LA FIN DES ANNÉES 60, ENTRE SACRIFICE DE POULES ET BUS HIPPIE…
19h30: C’est l’ouverture du programme dans la salle du Centre Américain. On faisait ce qu’on appelait du théâtre-action, des interventions, avec des concerts d’extincteurs et de tôle, une trentaine de personnes, des musiciens, des danseurs, des instruments qu’on créait nous-mêmes. Il y avait par exemple une danseuse de 70 ans détournée de chez jérôme Savary, en patins à rouletts et tutu, ou un joueur de scie musicale manchot rencontré dans le métro la nuit précédente. J’embarquais pas mal de freaks comme ça de nuit comme de jour. Bref, ça commence : on distribue des polochons à tout le monde et on entame une grande bagarre. Les gens se tapent dessus allègrement et nous, on tape sur des extincteurs avec des bambous, les musiciens jouent pendant que des films sont projetés.
20h45: On lance le film Adam et Eve fait en pâte à modeler, dans lequel des gens nus, Adam et Eve donc, triturent une matière qui se transforme en une sorte de phallus-palmier.
20h50 : Du ring, je jettes des poules dans la salle. Avec les plumes des polochons, c’est un vrai bordel. Je prends une poule et une serpe. Je vais pour couper la tête de la poule, d’une manière un peu sacrificielle, et à ce moment-là, une bande de monstres, de freaks, de hippies, entre dans la salle!
21h: C’est la première fois qu’on en voit des hippies ! Ils sont au moins quarante. Ils prennent la main de tous les gens de l’assistance, émettent un son, “_ohm_”, et tout le monde respire. Moi je tombe à la renverse, il y a une telle énergie… Je suis au-dessus de mon corps. On appelle ça OBE (Out of Body Experience). On me réveille avec un seau d’eau alors qu’il y a encore les poules qui s’agitent partout. Enfin, celles qui ont échappé au sacrifice!
21h30: Les hippies me disent qu’ils ne savent pas où dormir. Je leur propose de venir à l’atelier de la Bastille, notre laboratoire secret où on préparait toutes nos actions et où on était déjà une quarantaine.
22h: Après avoir récupéré le matériel, et les quelques poules restantes, on monte dans le bus des hippies. Un bus psychédélique, un “magic bus”, totalement délirant, peint et avec un tipi sur le toit. Plus tard, ça deviendra ma “Fox Mobile”.
2h: On arrive à l’atelier avec le tipi et des sacs de farine pour faire les galettes. On se retrouve à préparer des pancakes toute la nuit. Notre atelier, c’était une sorte de campement de touaregs dans Paris, avec des petits feu partout. Bernard Kouchner est à, pour faire un papier pour Actuel qui s’appellera “L’armée des clowns”. On allume des shiloms, on fait de la musique jusqu’à 3h du matin avec les voisins qui sont très contents de participer à la fête.
3h: On part chercher des fleurs en bus à Rungis, avant de revenir du côté de la place d’Aligre.
5h: On distribue les fleurs dans le quartier. On fait le début du marché d’Aligre, les commerçants nous donnent tous leurs fruits mal barrés.
6h: On fait une grande bouffe pour tous les gens du quartier. Une soupe à l’oignon ou quelque chose comme ça. C’est une grande matinée qui recommence. C’est de nouveau l’aurore. Et puis après, on va partir sur la route, faire plein d’expériences mais ce sont d’autres histoires…