Revue de presse
Une femme dont le compagnon perd la mémoire – tout leur passé commun s’efface pour lui de jour en jour – est partie seule sur les traces de leurs souvenirs, des lieux où ils se sont aimés pour tenter de survivre à l’angoisse de l’avenir. Il est toujours là mais il ne parle plus, il ne sait plus, il perd ses mots, ses gestes, ses liens au monde : « Au début de ton silence, tu avais punaisé une phrase, dans le couloir d’entrée, une ligne d’un poème de Paul Éluard. “Je fête l’essentiel, je fête ta présence.” Quelques mots sauvés avant la haute mer, le naufrage promis. Le poème dit aussi que rien n’est passé, la vie a des feuilles nouvelles. Ma promenade n’est pas une épreuve, une preuve plutôt de ce qui a vécu et ce qui peut se présenter à nous, durer encore un peu. Une poignée de saisons avant que mes cheveux ne se teintent d’argent et de neige, que ta voix et tes mots ne soient plus qu’une suite de sons où il manque l’essentiel, le sens. Sens et justesse des mots. »
Elle l’a laissé quelques jours dans une maison médicalisée pour tenter de reconstituer un peu d’énergie face au désastre qui les attend. Elle retrouve une amie ainsi que son professeur de violoncelle, instrument de musique qui l’accompagne toujours. La nature lui permet de jouer dans la sérénité et l’harmonie du lieu : « J’ai écouté les sifflements des oiseaux, les cris des corbeaux ou des corneilles. Pour les accompagner, j’ai sorti le violoncelle que j’ai emporté dans le coffre de la voiture. Avec eux et pour nous, j’ai joué, le temps qu’a duré le miracle. Sans toi, je vais continuer à regarder le ciel, me battre contre ta mémoire mitée sans que tu n’y puisses rien. Au début, elle s’est faite capricieuse, puis elle s’est éloignée, comme s’en vont les mots. L’air et les pages deviennent vides de sens. Quand il n’y a plus de voix, il n’y a plus de langue. »
La lecture est aussi présente que la musique : « Lire, c’était ton bonheur autant que la musique. » De nombreuses références littéraires enrichissent le texte.
C’est un superbe poème d’amour pour l’être aimé qui se retire du monde peu à peu au fur et à mesure de l’évolution de la maladie qui engloutit sa mémoire et ne laisse qu’un corps vidé de toute la richesse qui l’a constitué.
Cette prose poétique relate un moment de répit qui permet à l’héroïne de se ressourcer. C’est beau et terrifiant d’accompagner ces instants d’amour et de tendresse où cette femme demeure seule dans la nostalgie de ce qu’elle a vécu avec son compagnon.
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