- Le Crépuscule des clochards
Un jour, peut-être, on n’aura plus à présenter Raymond Ferderman. Le travail répété qu’abattent des petites
maisons d’édition comme Le Mot et le Reste, Al Dante ou Les Impressions Nouvelles pour faire découvrir
son oeuvre aura porté ses fruits. Et tout le monde saura enfin que l’un des plus excitants écrivains français
des trente dernières années vit aux États-Unis et écrit, parfois, en anglais. En attendant ce jour béni,
rappelons donc sa passion de l’oeuvre beckettienne, car elle est au coeur de ce Crépuscule des clochards,
dernier opus traduit de Federman, écrit en 2001 avec George Chambers, un écrivain américain pas encore
connu en France. [...]
Le Crépuscule des clochards est surtout un texte expérimental qui se fraie son chemin à travers une écriture
“crépusculaire”, fondé sur la dérison, la pauvreté des voix et des aventures de cette ”microfiction”,
cette fiction sur rien, où les êtres, interchangeables, n’ont pas de consistance, où les brèves de comptoir
tiennent lieu de bréviaire philosophique à base d’axiomes contradictoires. Il est impossible d’y deviner
quelles parts reviennent à George Chambers ou à Raymond Federman tant les deux complices – qui s’engueulent
et s’apostrophent régulièrement au sein du texte même – ont l’air d’avoir trouvé un accord parfait
entre eux pour jouer avec les limites de ce que Federmen appelle la “laughterature”.
Une littérature qui sanctionne et célèbre dans un même éclat de rire l’absurdité du monde.
Raphaëlle Leyris
Les Inrockuptibles n°480
9/15 février 2005