L’écriture de Patrice Gain, par sa puissance de suggestion, rend magnifiquement la beauté des paysages, mais aussi leur rudesse, leur violence parfois. La nature n’est pas idéalisée. Elle peut être menaçante. Voire terrifiante…
Michel Abescat – France Inter // Le polar sonne toujours deux fois
Lauréat du Prix des lecteurs Quais du polar / 20 Minutes 2021
Lauréat du Prix du Cabri d’Or 2020
Sélection Prix des libraires 2020
Sélection Prix Orange du livre 2020
Finaliste du Prix Polar Michel Lebrun 2020
Finaliste du Prix Lettres frontière 2021
Sélection Grand Prix des Littératures Policières 2020
Sélection Prix des Chroniqueurs Toulouse Polars du Sud 2020
Sélection 2020–2021 L’échappée littéraire : Prix des lycéens de Bourgogne-Franche-Comté
Sélection 10e Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région Île-de-France
Revue de presse
Tous les ans, le festival Quais du polar à Lyon décerne son Prix des lecteurs à un auteur de romans policiers français. Cet été, la récompense a été attribuée à Patrice Gain pour son quatrième ouvrage, le très sombre Sourire du scorpion. Tout commence pourtant par une belle activité en famille : Tom, sa sœur jumelle Luna et leurs parents s’apprêtent à faire du rafting dans le canyon de Tara au Monténégro. Leur guide serbe, Goran, les accompagne dans ces paysages et ces rapides à couper le souffle. Mais dès les premières pages la tension monte,jusqu’au drame : un accident où le père trouvera la mort et dont aucun des autres participants ne ressortira indemne. À tout juste 15 ans, Tom, le personnage principal, doit subitement faire face au deuil et à la solitude. Et surtout au doute qui s’immisce au fur et à mesure dans ses souvenirs de cette terrible journée : était-ce bien un accident ? Dans la deuxième partie du livre, le récit de plus en plus noir mêle alors le destin de cette famille à une autre histoire, plus grande et politique.
Avec ce roman, l’ingénieur en environnement manie subtilement l’art du thriller et du “ nature writing ”. La description des paysages, des éléments, leur beauté et leur violence donne à cette fiction une dimension plus profonde encore. L’émotion du lecteur plongé dans cette ambiance envoûtante et terrifiante s’en trouve décuplée.
J’ai beaucoup aimé que l’on vive cette histoire à travers les yeux de Tom, jeune garçon qui part en expédition sportive avec sa sœur jumelle, ses parents et un ami serbe qui leur sert de guide. Un moment convivial des joies en famille, le partage, les échanges et profiter des instants est au rendez-vous. Les descriptions du décor ponctuent cette partie du récit, peu à peu j’ai ressenti un malaise, les caractères bien trempés de chacun vont se révéler aussi… Certaines craintes vont naître…chez les protagonistes et le lecteur.
Si le cadre paraît idyllique, la nature peut se montrer également hostile….
L’auteur use d’une écriture simple mais très efficace, c’est la force de ce livre, ce sont les personnages et la place prédominante de la nature, qui sont mis en avant. Les alternances de scènes également et l’ambiance m’a fait penser souvent à ce fait : vous regardez un film la scène qui se déroule sous vos yeux n’a rien de terrifiant et pourtant vous entendez la petite musique qui monte et qui vous fait grimper la pression. Ici, c’est pareil… Et c’est magique comme lecture, que la tension monte « juste grâce » à l’enchaînement très habile des scènes…
[...]
J’ai adoré le personnage de Tom sensible, réfléchi, doté d’une certaine logique malgré une vie de bohème dans le camion… J’ai eu des moments de crispations quand l’auteur s’immisce et nous souffle comme Tom vers une réalité.
Une fin à couper le souffle qui marque, qui tape, on pensait avoir tout lu dans ce récit, que les souffrances sont derrières et pourtant. Quand l’avalanche des drames est lancée, difficile de l’arrêter, surtout quand… Je vous laisse découvrir par vous-même.
Une lecture qui interpelle, qui percute, des événements réels dans certains pays mis en lumière à travers ce récit, font réfléchir et sont bien amenés. L’auteur ne tombe pas dans la facilité des clichés.
Un décor et des personnages denses et riches, parfaitement bien travaillés qui emportent totalement le lecteur au milieu de ce drame familial… Le passé ne s’efface jamais…
Une chronique à retrouver en intégralité sur Les lectures de Maud
La remise du 34e Cabri d’Or, le prix littéraire d’Alès Agglo et de l’Académie Cévenole, s’est tenue ce vendredi au bâtiment Atome. Une remise particulière, en visioconférence principalement, qui a couronné l’auteur haut-savoyard Patrice Gain, pour Le Sourire du scorpion (éd. Le Mot et le reste).
C’est peu dire que cette remise de prix était particulière. Dans la salle de l’Atome, seuls le maire d’Alès, Max Roustan, et le président d’Alès Agglo, Christophe Rivenq, étaient en présentiel, le jury et les auteurs finalistes étant projetés en visioconférence derrière eux. Pas de quoi entamer l’enthousiasme des deux élus, qui chacun leur tour salueront « l’envergure nationale » prise par le prix littéraire cévenol. Il faut dire que des auteurs de renom et des éditeurs prestigieux participent au Cabri d’Or, prestige qui rejaillit sur le prix.
L’occasion aussi pour Christophe Rivenq de déclarer sa flamme à la culture et à la lecture, en prenant l’exemple de la nouvelle médiathèque d’Alès en cours de réalisation, et de rappeler que le prix est « un des mieux doté, voire le plus doté de France, avec 5 000 euros pour le lauréat. »
Le jury, présidé depuis neuf ans par l’éditrice d’Au diable vauvert, Marion Mazauric, fait la part belle à l’Académie cévenole, mais aussi à la librairie Sauramps – Christophe Rivenq en profitera pour rendre hommage à la libraire Roberta Pouget, qui s’apprête à quitter la librairie et le territoire – ou encore à la bibliothèque d’Alès. « Un jury incorruptible, même une heure avant la remise on ne sait pas qui a gagné ! », lancera la libraire.
« Ce prix témoigne du fait que les prix littéraires, ce n’est pas que Paris », estimera ensuite Marion Mazauric, avant de saluer la qualité et la diversité de la sélection 2020, composée de 16 livres au départ. Quatre ouvrages se sont détachés pour le tour final : Par les soirs bleus d’été de Franck Pavloff (éd. Albin Michel), Une Bête au paradis de Cécile Coulon (éd. Iconoclaste), La Carte des regrets de Nathalie Skrowronek (éd. Grasset) et donc Le Sourire du scorpion de Patrice Gain (éd. Le Mot et le reste).
C’est finalement Patrice Gain qui l’a emporté pour son « thriller inquiétant dans une nature rugueuse », expliquera Marion Mazauric. Son succès, l’auteur de 59 ans, ingénieur en environnement dans le civil, le doit sans doute au fait que « ses pages sur la nature sont magnifiques. On y retrouve les Cévennes dans ce qu’elles ont de plus âpre et beau, et c’est un texte social, ancré dans les problématiques actuelles », poursuivra l’éditrice.
L’auteur se dira ensuite « très honoré » de remporter ce prix. « Les Cévennes sont un territoire très inspirant, le Montana français, que je connais bien et que j’aime arpenter », affirmera Patrice Gain ensuite. Il s’agit de son deuxième prix littéraire gardois, puisqu’il avait remporté le prix des lecteurs du Festival du polar de Villeneuve-lèz-Avignon en 2019 pour Terres fauves . Un livre qui pourra donc figurer en bonne place sous le sapin !
Cette intrigue se lit d’une traite. C’est court, rapide et ça monte autant en intensité que ça descend dans le désespoir. Ce n’est pas le genre d’intrigue face à laquelle vous allez faire des cris de joie tellement elle est bluffante, non, mais plutôt le genre d’intrigue noire, qui démoralise et qui maintient la tête sous l’eau. Nous sommes bien face à un roman noir en bonne et due forme, le genre d’histoire qui nous place face à des gens standards – ici une famille – qui vont nous livrer une histoire bien hideuse.
Monténégro. 2006. Une descente en rafting dans les gorges de la Tara va davantage s’apparenter à une descente aux Enfers qu’à une folle escapade en famille. Et je ne parle pas ici uniquement de la descente en rafting… Tom, Luna – jumeaux – et leurs parents nous emmènent dans une atmosphère pour le moins nébuleuse !
La tension de ce récit, qui monte crescendo, se calque parfaitement bien sur la tension nerveuse qui émane de notre embarcation familiale. C’est très crispé ! Le roulis, l’onde instable de la surface de l’eau, ses accélérations, additionnés à ce paysage magnifique qui s’assombrit toujours davantage, imbriqué au cœur de cette ambiance électrique, nous envoient une salve de paradoxes dans la gueule. Ça va faire des vagues, on le redoute, mais on n’en est pas vraiment sûrs non plus !
Cette atmosphère et cet environnement, aussi oppressants que pesants, nous étouffent toujours plus au fil des pages. L’auteur guide les éléments avec une grande adresse, je le reconnais, et les retourne contre nous, contre les personnages. Oui, Patrice Gain joue avec la nature sans aucune retenue ! Cette habileté sera pour moi la pièce maîtresse de cette œuvre.
[…]
Il y a une grande force qui émane de ce récit, provenant de personnages qui sont contraints de regarder uniquement devant eux, comme s’ils évoluaient en équilibre sur un fil tendu au-dessus d’un précipice. Mais jusqu’où peut-on avancer sans filet ??
Patrice Gain nous laisse avec une intrigue forte, dure et destructrice, qui se lit d’une traite !
Bonne lecture.
La chronique intégrale et à lire en ligne
Pour cette émission du mois de mars, Daniel Raphalen vous parle du nouveau livre de Patrice Gain.
À réécouter à partir de la vingt-et-unième minute
Le quatrième roman de Patrice Gain possède le suspens d’un thriller mais dépasse la frontière du genre en s’inscrivant aussi dans le courant de « nature writing » et du roman d’apprentissage. Tout commence par des vacances en famille : Alex, Emily et leurs deux enfants, Luna et Tom, des jumeaux de quinze ans, vivent en nomades ; les parents travaillent comme saisonniers ici ou là, libres de leurs déplacements dans un camion aménagé. En juillet 2006, accompagnés de leur ami serbe Goran, ils sont au Monténégro pour une expédition en rafting de quatre jours sur la rivière Tara où Goran leur sert de guide. Or, la descente du canyon vire au cauchemar ; les conditions météorologiques sont détestables, la rivière déchaînée est en crue, le canot pris dans les orages se renverse à plusieurs reprises, jusqu’au drame. Puis Tom, le narrateur, passe des gorges monténégrines au causse du Larzac en Aveyron, où les adolescents vont voir leur vie changer. Le deuil entaille leur confiance en la vie, Luna prend ses distances, au désarroi de son frère que la solitude gagne malgré une ouverture à la société. Peut-être à cause de celle-ci, des doutes affleurent sur le drame du Monténégro, pays des Balkans où les plaies de la guerre sont encore à vif. Après le génocide de Bosnie, les vengeances et les haines couvent toujours, prêtes à s’embraser. Si les paysages de falaises et de canyons participent à l’âpreté et à la lourdeur de l’atmosphère, l’Histoire est centrale, et la barbarie cynique rattrape nos héros. À l’instar d’un David Vann, l’auteur dose parfaitement la tension jusqu’à l’explosion de désespoir finale.
Lisez le coup de cœur de La plume au vent sur On l’a lu
Une famille et leur guide, un ami. Une descente en rafting, au Monténégro. Le drame. Le deuil. Puis la vie qui continue, qui évolue. Des souvenirs, des événements d’un passé trouble ressurgissent. L’horreur de la guerre de Yougoslavie. Une famille dévastée. Amputée. Et un sourire énigmatique. Le sourire du scorpion.
Inspiré d’un fait réel.
Le roman de Patrice Gain se termine par cette note de l’auteur : « Ce roman est une fiction. Cependant, il s’inspire librement de l’histoire de Milorad Momic, arrêté à Lyon en 2011, accusé d’avoir participé au génocide de Srebrenica et de Trnovo. »
Ce nouveau roman, quelques longs mois après la sortie de Terres Fauves qui nous avait embarqués en terre hostile, en Alaska, nous raconte l’histoire d’une descente en rafting qui tourne au drame. Nous y retrouvons la plume particulière de Patrice Gain, une plume qui nous propulse dans une nature d’une beauté insondable. Et dans les méandres de la nature, humaine cette fois-ci, de protagonistes dont nous savons finalement peu de choses.
Nous retrouvons des descriptions précises des lieux, des espèces animales y vivants, pour une immersion d’autant plus profonde que le narrateur, Tom, le fils du couple parti faire cette descente en rafting, s’exprime à la première personne du singulier. Nous suivons donc le parcours de cette famille brisée, dont le « hasard » (1) prend un malin plaisir à tourmenter.
La nature humaine.
Tom est le seul des protagonistes dont nous parvenons à cerner la nature profonde. Ses doutes, ses interrogations, son deuil, sa force, tout nous est révélé petit à petit. Si au début nous croyons avoir affaire à un adolescent fragile (l’histoire débute alors que lui et sa sœur jumelle n’ont que quinze ans), peu à peu nous le voyons devenir un homme. Son histoire, recoupant celle de ce drame, de quelque chose de plus grand que lui également, lui font prendre conscience, même s’il l’ignore, que c’est lui l’être le plus fort de ce roman, sans en faire pour autant un super héros, juste un être humain plus vrai que nature.
[…]
Un thriller qui ne laisse pas indemne.
La plume de Patrice Gain est diabolique. Nous l’avions découverte lors de la lecture de Terres Fauves, mais elle amplifie encore ses rouages dans Le sourire du scorpion. Elle paraît presque atone, son écriture. Elle ressemble presque à une litanie de lieux, d’objets, de personnages. Celui de Tom paraît presque inconsistant, peureux, peu sûr de lui, vouant une admiration sans failles à sa sœur. Mais tout est dans le presque.
La plume de Patrice Gain est effectivement loin d’être atone, elle possède son propre rythme, un peu celui de la Terre. C’est un rythme qui prend son temps, mais qui ne cesse de progresser, d’enfoncer ses griffes dans ce que l’homme renferme de plus profond en lui, sa force, sa beauté, comme leurs contraires. C’est un rythme qui paraît inoffensif mais qui vous cueille au creux de l’estomac, là où les émotions couvent.
Un roman d’une force peu commune.
C’est un rythme de bulldozer. Il n’est donc pas question, ici, de vitesse, mais bel et bien de puissance. Et ce livre l’est assurément, puissant. Il est d’une force peu commune car il éveille en nous des questionnements qui ne peuvent trouver de réponses nulle part ailleurs que dans notre propre connaissance de nous-même. Ce livre nous laisse donc en tête à tête avec nos émotions, avec nos repères, et nous retourne la tête jusqu’au dénouement final.
Le sourire du scorpion nous laisse avec un sentiment d’inéluctabilité, avec cette impression que nous ne pouvons pas tout gérer. Que la vie reprend ses droits, toujours. Que le mal ne l’emporte jamais, même si, paradoxalement, rien n’est juste en ce bas-monde. Ce roman nous a mis une gifle magistrale, et c’est pourquoi nous n’en disons pas plus sur ce qu’il renferme, pour ne pas gâcher ce qui ne peut s’expliquer, pour ne pas gâcher ce qui se vit et se ressens avec le pouvoir de la découverte.
La chronique intégrale est sur Litzic
Tout commence par une descente de rapide en famille, au Montenegro. Tom et Luna suivent leurs parents au fond du canyon où coule la Tara. Goran, originaire de la région, voisin et ami, leur sert de guide.
Dès les premières pages et pendant toute la durée de la descente, Patrice Gain distille la tension entre les personnages : la mère qui pressent un danger sans pouvoir l’appréhender et qui transmet sa peur et ses angoisses à son entourage, Luna qui tente de dédramatiser les situations périlleuses dans lesquelles ils se trouvent entraînés, le père qui semble ne rien voir venir, Goran qui fait semblant de ne rien voir venir. Sans parler de la nature, de l’environnement, des éléments naturels qui prennent sous la plus de Patrice Gain la consistance d’ennemis bien réels et palpables. Tom et Luna luttent autant contre leurs propres angoisses que contre l’orage, le torrent ou le canyon.
Le récit n’est pas clairement découpé en différentes parties mais on en distingue toutefois trois.
La descente des rapides n’est ainsi que la première partie de l’histoire racontée par Patrice Gain, sa pierre angulaire sur laquelle il va construire le reste des développements. Cinq personnes sont parties au Montenegro, seules quatre reviennent. Cette partie n’est pas non plus sans rappeler, et Patrice Gain y fait plusieurs fois directement référence, le livre « Délivrance » dans lequel Tom ira chercher des tentatives d’explications de ce qui s’est passé dans le canyon.
La deuxième partie du récit sert donc à réinstaller les « survivants » dans une certaine routine, différente de celle que leur imposait leur vie d’avant, pour faire monter une nouvelle tension : Goran prend petit à petit de plus en plus de place dans la vie des adolescents. Luna en profite pour prendre de la distance, ses brillantes études lui permettant de fuir vers un lycée en pension, alors que Tom reste englué dans les filets que l’on voit Goran tisser petit à petit.
L’enjeu de la troisième et dernière partie consiste donc à comprendre les motivations de Goran. C’est là que Patrice Gain fait (re)surgir, aussi violemment que les traces laissées par cette période sanglante, ce que fut la guerre en Bosnie, ce que furent les massacres ethniques, ce que furent certaines phalanges armées.
Le récit de Patrice Gain est d’une férocité, d’une tension que la beauté du texte et de la langue de Patrice Gain atténue légèrement aux yeux du lecteur. Il n’a pas son pareil pour toucher du doigt la cruauté des êtres tourmentés, qui par sa jeunesse, qui par son passé, qui par ses actes, qui par son insouciance de nature à blesses son entourage.
Le personnage de la mère, éthérée, manipulable, faible, détruite par ce qu’elle a laissé au Montenegro, est celle qui permet à Goran de s’immiscer dans cette famille. Luna est un personnage contrasté : à la fois forte et faible, elle doit porter sur ses épaules plus qu’elle n’est capable de supporter. Tom tente de prendre les événements avec plus de fatalisme mais son attitude n’est qu’un évitement qui ne pourra durer.
Beau et âpre à la fois : âmes trop sensibles, toutefois, s’abstenir…
Pour écrire cette histoire, vous vous êtes librement inspiré d’un « fait divers » ayant eu lieu à Lyon (sans trop en dire). Pourquoi avoir choisi d’évoquer cet événement à travers ses répercussions, en choisissant de centrer le récit sur une famille affectée par ricochet ? Le livre aurait pu par exemple donner la parole à Goran Coban…
C’est le volet familial qui m’intéressait. Je me suis demandé comment on pouvait poursuivre sa vie après une telle expérience. C’est ce qui a déclenché l’idée de ce roman. J’avais envie de confronter mes personnages à cette situation bien particulière, de sa genèse jusqu’à la vie d’après…
Si la cohabitation entre Goran et cette famille semble au départ évidente, avec cette excursion en raft sur une rivière, le sentiment d’un carambolage entre deux mondes (nomades français, migrant serbe) et deux types de passés (faire « les saisons » en France, faire la guerre en Yougoslavie) s’installe peu à peu. L’idée du livre était-elle aussi de mettre en scène une forme de violence symbolique, souvent cachée à nos yeux au quotidien ?
Au fil du texte, le roman confronte clairement deux mondes, celui d’une existence bohème et celui… de Goran. L’idée était effectivement de mettre en place, dans la seconde partie du texte, une forme de violence qui n’est pas instantanément intelligible. La famille, ensuite la mère, particulièrement, participent à leur propre soumission. Tom, le narrateur, raconte les faits quelques années plus tard, il pose des mots d’adultes sur ces moments qui ont défait leur vie.
[…]
On note dans vos livres un certain goût pour la disharmonie entre l’homme et la nature, ou du moins une grande indifférence de celle-ci, à la fois majestueuse, hostile et brutale. Pourquoi avoir fait de la rivière Tara, au Monténégro, le cadre de ce drame ?
Je ne cherche pas à idéaliser la nature, je l’observe avec lucidité. Dans nos écosystèmes, les plus gros mangent les plus petits, c’est la chaîne alimentaire et c’est parfois très violent. L’homme y a sa place, bien sûr, mais sans lui, elle se débrouillerait fort bien. C’est bon de savoir où on met les pieds…
Pour la rivière Tara, c’est le lieu qui a primé. Je voulais faire évoluer mes personnages dans un endroit fort et qui soit en adéquation avec ce que je voulais développer. Le canyon de la Tara s’est tout de suite imposé. Il est situé dans le parc du Durmitor, les deux sont d’une beauté rare.
En tant qu’auteur, vous mettez vos personnages principaux dans des situations assez extrêmes, voire cruelles – on pense notamment à Tom, qui vit un passage à l’âge adulte plus que difficile, mais aussi à David McCae dans Terres fauves. N’est-ce pas trop dur pour vous, d’accabler vos personnages ainsi ?
Vous auriez pu ajouter Matt, qui est le narrateur dans Denali, à cette liste. Je cherche avant tout à introspecter mes personnages confrontés à des situations complexes. J’ai de l’empathie pour eux. S’il y a quelque chose de cruel dans mes textes, c’est que le monde fonctionne ainsi. Notez que je suis bien plus dans la retenue que lui, qui nous confronte régulièrement à une effroyable réalité. L’homme est ainsi fait. Il ensemence la planète de projets mortels sans trembler. Si la souffrance produisait une énergie exploitable, je ne doute aucunement que l’un d’entre nous aurait depuis bien longtemps eu l’idée de créer des « centrales à géhenne » pour produire de l’électricité. On aurait accommodé notre conscience avec. On le fait déjà avec un tas d’autres choses, un tas d’autres humains.
[…]
Quelques questions à propos de vos lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Aucun ne se démarque précisément, parce que je n’ai jamais cultivé cette idée… Assurément un distillat de tous ceux que j’ai adoré.
Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?
Des souris et des hommes de John Steinbeck.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
L`appel de la forêt de Jack London.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Les conquérants de l`inutile de Lionel Terray.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
À la recherche du temps perdu.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Le Chant du Pluvier, d`Amandine Laprun, Béhé et Erwann Surcouf.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
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Découvrez l’interview intégrale sur Babelio
Un nouveau numéro de Marque Page : l’écrivain qui se cache derrière ces quatre photos est un auteur protéiforme, la libraire recommande un polar inquiétant, Le Sourire du Scorpion, et les Instragrammeurs se chamaillent autour de La passe-miroir de Christelle Dabos.
La libraire aime se faire peur
Pour les amateurs de grands espaces et d’air pur, Aurélie Barlet, libraire à Cagne-sur-Mer recommande un polar magnétique. Avec Le sourire du scorpion Patrice Gain nous plonge dans les gorges du Monténégro où un accident de rafting fait exploser le bonheur d’une famille jusque-là heureuse. Tous les éléments sont ici réunis pour nous emporter et nous terrifier : une nature inhospitalière, des personnages angoissants, des péripéties inquiétantes et un suspens haletant. Un roman noir qui n’est pas sans rappeler Délivrance de James Dickey.
“Il vous faut lire Le Sourire du scorpion, soit 200 pages de malaise et d’angoisse grandissant page après page. C’est une vraie performance d’écriture, très bien menée par Patrice Gain…
Pour moi en tout cas, ça a été un vrai choc, comme en son temps Délivrance, sur écran et sur papier.
Réécoutez la chronique de Bernard Poirette sur Europe 1
Il y a des polars brutaux, qui s’ouvrent sur une scène de crime digne d’un film d’horreur, et puis il y a ceux qui démarrent en douceur et vous plongent peu à peu dans une torpeur mêlée d’angoisse. Le Sourire du scorpion relève de la deuxième catégorie. Les premières pages sont bucoliques. On est au début de l’été dans les gorges du Monténégro, la chaleur ensuque les corps et les esprits. Une famille se prépare à descendre le canyon de la Tara en raft : le père, la mère, leur fils Tom et leur fille Luna, accompagnés du chien Debby. «La rivière qui coulait entre les parois vertigineuses du canyon étincelait d’une myriade d’éclats qui venaient se ficher droit dans la rétine. Des parois d’une centaine de mètres, peut-être bien le double. Quelques pins audacieux jouaient les funambules sur le fil des crêtes», écrit Patrice Gain.
Les parents ne sont guère accoutumés à ce genre d’activité, ce sont des nomades qui déplacent leur caravane au gré de leurs boulots saisonniers. Ils ont depuis longtemps appris aux enfants à vivre dans la nature, à se réveiller dans le froid l’hiver et à se laver dans la rivière l’été. La famille n’aurait jamais pensé à entamer une telle excursion s’ils n’avaient rencontré un guide serbe, Goran, qui les a pris sous son aile et embarqué dans l’aventure. L’homme est rassurant, il leur a fourni les équipements nécessaires, et notamment les gilets de sauvetage, et pourtant la mère est inquiète. Une sorte de sixième sens. Tout lui fait peur, la tempête qui s’annonce, le bruit de la rivière, l’ombre des rochers, le froid de l’eau. Elle, toujours si enthousiaste et gaie, semble redouter un drame. C’est Tom, 15 ans, le narrateur. Il raconte comment cette femme, d’abord rayonnante dans son maillot de bain dépareillé («maman avait l’élégance des femmes qui ne la cultivent pas») va devenir en quelques heures, cet être replié sur lui-même, visage fermé, sursautant au moindre éclair.
«Nos bras brûlaient sous l’effort. Il y avait une désolante harmonie entre les éléments et l’état d’esprit qu’affichait notre mère. Des décharges électriques n’ont pas tardé à balafrer le ciel, suivies de déflagrations qui résonnaient en percutant les parois des gorges. Elles se chevauchaient, s’enroulaient pour ne plus former qu’un épouvantable carnage sonore.» Le drame redouté par la mère intervient à la page 41 quand, dans un rapide, le raft se retourne et projette ses occupants à l’eau. Ce drame ne va pas marquer la fin de l’angoisse, bien au contraire. Celle-ci va s’installer et croître au fil des pages tandis que les rescapés regagnent la caravane et tentent de reprendre une vie normale. En réalité, plus rien ne sera normal et il faudra du temps pour comprendre la raison pour laquelle cette famille heureuse a fini par exploser et perdre le goût de la vie. Difficile de trimballer le lecteur sans le perdre sur les montagnes russes des émotions. Patrice Gain y parvient magnifiquement grâce à une écriture solaire, une intrigue parfaitement maîtrisée et un jeune héros bouleversant.
Lisez la chronique sur le site de Libération
Pourquoi ce livre ?
Tout simplement parce que c’est le nouveau Patrice Gain, l’auteur du sublime Denali et du terrible Terres Fauves. Je fais tellement confiance à Patrice que je n’ai même pas lu le résumé avant de m’engager dans cette partie de raft sur la Tara. Je savais juste que l’histoire allait m’emmener au Montenegro. Alors bon, on est loin de mon pays de prédilection, mais la nature y est somptueuse à ce qu’il paraît, alors en route !
Mon avis sur Le sourire du scorpion de Patrice Gain
Tom et Luna, deux jumeaux de 15 ans, partent en vacances avec leurs parents au Montenegro, pays d’où est originaire leur voisin et ami Goran. Grâce à celui-ci, ils font faire la descente en rafting du canyon de la Tara, une rivière magnifique, mais extrêmement sauvage. Ils n’ont aucune expérience, mais font totalement confiance à leur ami qui leur certifie que c’est sans danger. Pourtant un drame arrive pendant ce périple et Tom va nous raconter comment il tente de surmonter et comprendre ce drame.
Autant avec ma précédente lecture, j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire qu’avec « Le sourire du scorpion« , dès les premières lignes, on est parachuté directement dans le canyon ! À peine le temps d’enfiler mon gilet de sauvetage que la descente a déjà commencé. Pas de temps à perdre, on apprendra à connaître les personnages en route !
Et c’est exactement ce que j’aime dans la façon d’écrire de Patrice Gain, il va à l’essentiel !
[…]
Comme beaucoup de lecteurs, je pense, je ne m’attendais pas à une telle fin, et elle m’a tout simplement arraché le cœur. L’auteur est fort pour cela, car j’ai aussi ce genre de montagne russe avec la fin de Denali.
Le sourire du scorpion est un livre à l’écriture brillante. Dans un décor sublime, l’auteur nous propose suspense et émotion, ce qui est sans conteste le combo parfait pour moi.
Un auteur, et un livre à découvrir d’urgence !
Rendez-vous sur Les Passions de Chinouk pour découvrir toute la chronique
Maison d’édition installée à Marseille, Le mot et le reste s’est fait remarquer ces derniers années pour la qualité et la pertinence de ses livres sur la musique (de Lynyrd Skynyrd au dernier concert des Beatles, en passant par le rock chinois et, récemment, une bien belle Histoire du rock à Marseille). Mais on y trouve aussi des essais. Et de la littérature. Du roman noir ? Pas que l’on sache. Et c’est donc Patrice Gain, et son Sourire du Scorpion qui inaugure le genre. Disons le vite, c’est une entrée plutôt réussie, puisque le roman parvient à jouer avec les codes et arrive aussi à trouver un ton original.
[…]
Tout cela est plutôt très bien construit, avec des éléments savamment livrés au fil des pages. Reste le style de Patrice Gain, très imagée, très fort. Il abuse quelque fois des adjectifs, à trop vouloir préciser, détailler, à coup de “luminescence glacée” et “particules iridescentes”... Mais il y aussi de jolis moments comme “ses cheveux blancs lui conféraient la sagesse que l’on prête aux gens qui ont un tas d’années derrière et un maigre calendrier devant”. Un dernier petit bémol : ce monde des hippies est toujours aussi épuisant au 21e siècle !
Lisez toute la chronique en ligne
À la librairie Le Hall du Livre, 38 rue Saint-Dizier à Nancy (54), Géraldine Pétry pressentait depuis déjà
quelques romans, comme « Denali » ou l’excellent « Terres fauves », que Patrice Gain était un auteur à suivre.
« Après le Montana et l’Alaska, c’est au Monténégro, et plus précisément au fond des gorges de la rivière Tara, que l’auteur nous entraîne avec délices et frissons. Les hauteurs et la nature, cet homme les connaît bien en tant que professionnel de la montagne et ingénieur en environnement. Sa plume, faussement légère, nous plonge dans un roman noir, très bien construit, où l’histoire des Balkans va changer le destin de cette famille venue faire du rafting dans ce lieu enchanteur. Une lecture terriblement prenante, car l’histoire ne cesse de monter en puissance et des personnages à la fois solaires, déboussolés, très touchants car indéniablement humains, font de ce roman une des belles découvertes de ce début d’année. »
Le Sourire du scorpion, de Patrice Gain nous plonge dans de vastes paysages, au Montenegro, puis dans le sud de la France. On est entre polar et nature writing.
C’est une tendance assez forte aujourd’hui. Et là, c’est très réussi. Patrice Gain, qui est ingénieur en environnement et passionné de montagne, excelle à mettre en scène les paysages. A faire sentir leur présence et leur puissance. Le ciel, le vent, les oiseaux, les arbres… Ses personnages sont inscrits dans ces paysages, profondément liés à la nature et au monde sauvage.
En particulier Tom, le narrateur, un tout jeune homme qui se souvient événements qui se sont passés quelques années plus tôt, quand il avait 15 ans.
*L’écriture de Patrice Gain, par sa puissance de suggestion, rend magnifiquement la beauté des paysages, mais aussi leur rudesse, leur violence parfois. La nature n’est pas idéalisée. Elle peut être menaçante. Voire terrifiante…
Le roman va se construire sur cette tension.*
Dès les premières pages en fait. Patrick Gain installe une menace sourde, malgré l’apparente légèreté de ce qu’il raconte. C’est l’été, il fait très chaud. On est au bord d’une rivière, la Tara, dans le Montenegro. Une famille française très bohème, ils vivent dans un camion, s’apprêtent à descendre cette rivière en rafting. Le père, la mère et deux jumeaux, Tom, le narrateur et sa sœur Luna. Ils sont accompagnés d’un guide, qu’ils ont rencontré par hasard, Goran.
L’ambiance est très dynamique, on assiste aux préparatifs, mais la tension est évidente. La mère s’inquiète, elle a un mauvais pressentiment. Cette descente dans les rapides du canyon est trop difficile.
La présence de Goran auprès d’eux, mystérieuse, ambiguë, participe également de la tension.
Et bientôt l’aventure va tourner au drame. La météo change, des nuages noirs effacent le ciel et la pluie s’abat sur le canyon. On est alors à la limite de la littérature fantastique…
Extrait :
Nos bras brûlaient sous l’effort. Il y avait une désolante harmonie entre les éléments et l’état d’esprit qu’affichait notre mère. Des décharges électriques n’ont pas tardé à balafrer le ciel, suivies de déflagrations qui résonnaient en percutant les parois des gorges. Elles se chevauchaient, s’enroulaient pour ne plus former qu’un épouvantable carnage sonore. Le canyon tonnait son hostilité, sa sauvagerie, sa démesure. La pluie ne s’est pas fait attendre. Dense, brutale. Elle hérissait la surface de la rivière de milliards d’impacts. Le paysage n’était plus qu’obscurité et grondement. Nous étions dans la gueule d’un monstre.
La tension se maintient comme ça jusqu’au bout ?
Après cette première partie du roman, sans doute la meilleure, le récit s’installe quelques années plus tard. Le père n’est plus là, il a trouvé la mort dans le canyon. La mère et les deux jumeaux sont revenus en France. Et la tension change de nature, plus sourde, plus insidieuse. Tom doit faire face au chaos de sa vie, à l’absence de son père, à la fragilité de sa mère, à l’éloignement de sa sœur jumelle. Patrice Gain décrit avec subtilité l’évolution de chacun.
Peu à peu, un doute s’insinue, dans l’esprit de Tom, sur les événements du Montenegro. Que s’est-il passé exactement lors de l’accident de son père ?
La violence des hommes fait écho à celle de la nature, le roman s’engage sur une autre piste, historique et politique, qui prend Tom de court, lui qui vit au plus près de la nature, mais à l’écart du monde.
Difficile d’en dire plus, sinon que le dénouement est sombre, à l’image de cette citation de Jim Thompson, le maître du noir, que l’auteur cite en exergue de son roman : « On se dit que c’est un mauvais rêve. On se dit qu’on est mort soi-même, pas les autres, et qu’on s’est réveillé en enfer. Mais on sait bien que c’est faux. Les rêves ont une fin, et là, il n’y en a pas ».
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Christine Ferniot et Michel Abescat recommandent chaleureusement le nouveau livre de Patrice Gain dans le premier Cercle Polar de la rentrée. On y parle de son écriture, de sa science de la tension et de toutes les raisons qui devraient vous donner envie de lire Le Sourire du scorpion.
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Ça commence légèrement, comme dans le film Délivrance, auquel l’auteur français, Patrice Gain, fait plusieurs fois allusion. Le Sourire du scorpion démarre sur une longue scène de rafting, dans un canyon, avec cinq personnages : une famille de quatre personnes (père, mère, et leurs grands enfants, un garçon, une fille) et le guide, Goran, dit « le yougo », un serbe au passé mystérieux… Un taiseux, un homme d’action, même, avec un scorpion tatoué dans le cou. Il a l’air de savoir ce qu’il fait. Il est gentil, efficace, serviable. Mais le danger menace, la tension règne, la mort rôde… On se demande où cet étrange récit va nous mener. Le malaise et les non-dits vont crescendo.
Le début du Sourire du scorpion, dont l’écriture est léchée, très maîtrisée, fait penser aux romans américains de nature writing, un genre très prisé, publié chez Gallmeister, comme Sukkwan Island, de David Vann. Celles et ceux qui ont lu ce roman noir, plus proche de Stephen King que de Jack London, comprendront qu’il s’agit ici un compliment. C’est un grand roman, prenant, angoissant, qui mêle le fameux « appel de la forêt » (en Alaska) aux relations familiales complexes, entre un père (déprimé) et son fils (ultrasensible). Récemment, Sauvage, le premier roman de Jamey Bradbury, toujours chez Gallmeister, allait également dans cette direction : call of the wild, huis-clôt psychologique, violence, suspense et… poésie littéraire, grâce à un style soutenu.
Tout ça pour dire que si Le sourire du scorpion avait été publié par un ressortissant américain, chez un éditeur à la mode, on crierait au génie. Or, Patrice Gain est français, né à Nantes en 1961, et son éditeur, Le mot et le reste, est marseillais. L’action se passe dans le Causse, où il y a des loups, des bergers et donc des moutons, qui se font égorger. Mais revenons à notre histoire de rafting. Tom, le jeune narrateur, et Luna, sa sœur, sont ravis de descendre le canyon de la Tara en raft, avec leurs parents. C’est l’été, et ce ne sera qu’une étape de plus dans leur vie de nomades. Car, peu à peu, on comprend que leurs parents sont des « baba-cool », comme on disait avant, post-hippies, écolos « zadistes », un peu en galère, à la marge : ils boivent, fument, sont instables. Du haut de ses 15 ans, Tom ne sent pas en sécurité, il a toujours peur. Sa sœur jumelle, Luna, semble beaucoup plus forte. Chacun à leur manière, ils vont supporter le deuil, le mal-être de leur mère et la folie meurtrière des adultes, représentée par la présence de cet envahissant Goran, un ancien milicien serbe, au Monténégro.
Où l’on apprend que les échos de la guerre en ex-Yougoslavie sont encore dans les mémoires. Et que la grande histoire rattrape toujours les petites histoires familiales. En bon professionnel de la montagne, Patrice Gain décrit admirablement les paysages abrupts et minéraux. Il a un peu de mal à soutenir le haut niveau d’écriture du début jusqu’au bout, mais cela n’enlève rien à la qualité d’ensemble de ce roman pénétrant, et aussi surprenant qu’angoissant. Un auteur à suivre et un éditeur à découvrir.
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Première chronique de l’année et c’est pour vous présenter un très beau roman noir.
Patrice Gain publie son quatrième roman mais c’est le premier que je lis.
Ce qui marque tout d’abord c’est un style et une belle écriture.
L’auteur donne la parole à un adulte qui se rappelle des événements qui ont chamboulé son existence alors qu’il était ado. Ainsi, la construction et la forme n’est pas celle que l’on retrouve dans la plupart des romans avec un ado comme personnage principal. Ici, pas de niaiseries, mais une vraie réflexion sur les différentes manières de surmonter la perte d’un proche et d’autant plus quand on a une vie de nomade qui ne plait pas forcément à tout le monde. Un deuil qui peut entraîner une fragilité et une dépendance facile envers des personnes mal intentionnées.
Au début du roman, de nombreuses références à un roman bien connu surtout dans son adaptation cinématographique, Délivrance de James Dickey (Gallmeister), accrochent le lecteur dans une descente d’un rapide qui va s’avérer mortelle.
Puis vient le temps de la reconstruction pour deux ados dont la mère a bien du mal à s’occuper.
On découvre enfin un contexte historique avec une guerre pas si lointaine en fin de roman qui donne un final qui rattrape la réalité puisqu’une partie est véridique.
C’est réellement une belle découverte que ce roman qui s’assombrit au fil des pages jusqu’à atteindre une noirceur totale.
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Tombée amoureuse d’une plume, la suivre, roman après roman et s’émerveiller à chaque fois, c’est un pur bonheur.
Patrice Gain fait partie de ces auteurs incontournables pour l’amoureuse de roman noir que je suis. Une fois de plus il nous offre un récit où ses personnages malmenés par leur destin s’acharnent malgré tout à s’en sortir quoi qu’il leur en coûte.
À travers cette histoire il explore la solitude d’un adolescent liée à la violence du deuil, au cœur d’une nature sauvage, si belle, confronté de plein fouet à la brutalité du monde adulte.
Aussi sombre soit elle, cette histoire s’illumine d’une plume singulière, où la nature est mise en valeur et honorée dans l’éclat sublime de certains passages.
On relit avec plaisir cette écriture poétique sans jamais se lasser bien au contraire.
Alors que vous soyez déjà des lecteurs fidèles de Franck Bouysse ou de Ron Rash, il ne tient qu’à vous de succomber à votre tour au dernier roman de Patrice Gain qui conjugue lui aussi de manière brillante le roman noir nature writing et la poésie.
Pour ma part, il m’a donné une folle envie de me plonger dans Délivrance de James Dickey, à dépoussiérer d’urgence.
Que l’on soit auteur ou lecteur, nous sommes tous des passeurs de livres.
Le Sourire du scorpion est juste magnifique et c’est à découvrir absolument.
Mon premier coup de cœur de l’année 2020.
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Tom et Luna sont jumeaux. En fait, personne ne pourrait le deviner tant ils sont différents. Luna, aérienne, agile, solaire malgré son prénom, aime les défis physiques et s’oppose presque entièrement à Tom, plus introverti, plus solitaire, plus timoré.
Avec leurs parents, ils vivent une vie marginale, vivant dans un grand camping-car retapé, nomades avant tout. Père et mère travaillent ici et là, au petit bonheur la chance, jaloux de leur liberté totale et revendiquant leurs choix, heureux de pouvoir vivre exactement comme ils le souhaitent.
Un héritage a rendu la mère propriétaire d’une petite maison dans la montagne, mais il ne leur paraît pas enviable d’en profiter, ils utilisent donc seulement le terrain pour se poser quelques temps, sans investir les lieux. Tout ceci convient très bien à Luna, mais beaucoup moins à Tom qui n’y trouve pas le plaisir et l’équilibre que les autres partagent. Ils ont quinze ans, et une expérience de la vie tout à fait singulière qui les unit très fortement et les sépare des gens ordinaires.
Une idée de cadeau : la descente en rafting d’un canyon monténégrin pour toute la famille, sous la direction de Goran, leur guide serbe très expérimenté, ami du père, une expédition de plusieurs jours.
Il fait chaud, le parcours est difficile, personne ne connaît ce lieu sauf Goran, et la mère, Mily, semble avoir peur, ce qui ne lui ressemble pas. Les embûches s’accumulent, le canyon est diablement difficile à passer, un raft est endommagé, tous sont fatigués, doivent puiser dans leurs réserves physiques et mentales pour ne pas craquer et aller au bout de leur expédition, ils n’ont pas vraiment le choix, de toute façon, ils ont besoin de Goran pour trouver leur chemin et pour réussir à retrouver leur camion bariolé.
Les dangers sont plus grands qu’ils n’imaginaient et la mère est de plus en plus inquiète, jusqu’à la catastrophe qui ne manque pas d’arriver. Leur père meurt, noyé.
Plus rien ne sera pareil. La mère est écrasée de chagrin, elle ne s’occupe plus de grand-chose, elle a perdu tout goût à la vie. Heureusement que Goran est là pour les aider, ami indéfectible qui prend une place de plus en plus importante dans leur vie. Pour tirer Mily de sa tristesse et de sa prostration, il ne ménage pas ses efforts, il plante des arbres, s’occupe de toutes les tâches matérielles, promet de ne pas les laisser tomber. Leur camion tout en haut de cette montagne, solitaire, loin de toute habitation n’a jamais paru aussi triste et délabré.
Luna et Tom, eux, vont être séparés : elle est envoyée au lycée avec un an d’avance quand lui, élève aux résultats plus faibles, va au collège et se destinera à un apprentissage. Elle ne rentre plus que les week-ends et Tom sent bien qu’elle se fabrique une autre vie, entourée d’amis avec qui elle passe une partie des vacances scolaires, dans laquelle elle apprend à marcher sur un film tendu au-dessus du vide, à faire de l’escalade à mains nues, elle prend tous les risques, avide de sensations, toujours plus lumineuse et plus lointaine.
Petit à petit, les choses se défont, s’abîment irrémédiablement : Mily trouve en Goran un compagnon, elle délaisse ses enfants à son profit. De plus en plus souvent, Tom se trouve seul, sans argent, sans téléphone, sans personne pour veiller sur lui.
Il est à la limite de la déraison, parfois, devant tant de solitude et de délaissement. Tous ceux qui constituaient son univers l’abandonnent. Sa chienne adorée a été tuée et il manque de tout et surtout de quelqu’un à qui parler, en qui avoir confiance.
Il voit, sans rien pouvoir y faire, son monde d’hier laisser la place à une vie d’une solitude et d’une dureté poignantes.
[…]
Le récit est fait par Tom, un tout jeune homme ni très fort ni très charismatique, qui peine à se faire des amis et qui se retrouve abandonné par les siens.
Il est à la fois gentil, doux et résistant, cependant, et il va déployer des trésors de résilience et de force psychologique pour lutter contre l’incarnation du mal qui lui a tout pris.
C’est un vrai parcours initiatique, Tom apprend à vivre absolument seul, à ne compter que sur lui-même, à traverser les épreuves les plus dures sans succomber ni à l’apitoiement ni au découragement. Intègre, courageux, fidèle, maladroit aussi comme on peut l’être à 16 ans, Tom veut sauver les siens sans toujours mesurer les risques encourus, sans toujours deviner ce qui se joue réellement.
Un personnage extrêmement attachant, courageux et dont la destinée tragique ne peut pas laisser indifférent.
La vraie surprise est celle du Scorpion et du rappel de la guerre serbo-croate dont nous ne parlons plus et du sang versé, déteint et délavé dans la grande machine à oubli qu’est l’Union Européenne.
La nature est au cœur du roman, magnifique, exaltante, austère et âpre, elle ravit autant qu’elle tue, maître absolu, sans haine et sans amour : on ne peut que composer avec elle, impossible de lui mentir ou de tricher puisqu’elle est la plus forte.
Lisez la chronique intégrale sur Quatre sans Quatre
Benoît Albert de la librairie La Géothèque présente son coup de cœur pour Le Sourire du scorpion sur les ondes de France Bleu Loire Océan.
“Une beauté des lieux présente dans l’histoire et dans les territoires.” “Une écriture magnifique.”
Réécouter le coup de cœur de Benoît Albert sur le site de France Bleu
En passant par le Monténegro…
« Une fois blotti dans un recoin de cette carapace comme un bernard-l’hermite dans un coquillage, j’ai ouvert mon sac et attrapé le livre que j’avais emprunté à la bibliothèque. J’avais été sacrément chanceux de le dénicher dans le coin réservé aux prix littéraires. Un bouquin de 1971 avec en couverture deux bras qui émergent de l’eau en brandissant une arme de chasse et au loin un canoë avec trois types à bord à qui l’on ne prédit pas un avenir radieux. Au-dessus, des lettres bleues criant Délivrance, coiffées du nom de l’auteur, James Dickey »
Patrice Gain fait partie de ces auteurs d’une élégante discrétion dont chaque nouveau roman est devenu une fête pour les lecteurs qui le suivent. Le sourire du scorpion ne fait pas exception à la règle : il s’agit d’*un récit magnifique, sombre, habité par des personnages complexes et par une nature tantôt amie, tantôt adversaire.*
Le narrateur, Tom, est devenu un jeune homme au moment il commence à raconter l’histoire du Scorpion. Mais, à l’instar de Matt, le personnage de Dénali, c’est encore un ado en 2006, au moment où sa vie et celle de sa famille bascule, quelque part au cœur du Monténegro, dans le canyon de la Tara.
Famille de saltimbanques, les parents de Tom et de Luna, sa sœur jumelle, vivent leurs vies en êtres libres et généreux. Vivant dans un camion avec leurs deux ados, travaillant au gré des besoins saisonniers, Mily et Alex font partie de ces doux rêveurs qui traversent la vie en donnant plus qu’en se servant. La descente de la Tara en raft, une idée d’Alex et de leur guide serbe, Goran, ne réjouit pourtant pas Mily, incapable de se départir d’un désagréable sentiment de fatalité.
L’écriture de Patrice Gain, précise dans les détails, sobre, miroir d’encre des paysages qu’il décrit, entraîne le lecteur au cœur d’un drame qui, s’il est prévisible, n’en est pas moins poignant. Et c’est par ce drame que la véritable histoire commence.
[…]
Voilà, tout ça pour dire, nom de nom, si vous ne connaissez pas encore Patrice Gain, bande de veinards, précipitez-vous sur ses livres !
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