Revue de presse
A la rencontre du monde et des autres
L’expression “citoyen du monde” est assez galvaudée tant les montées de nationalismes un peu partout sur la planète, teintées de xénophobie à divers degrés, limitent les individus qui peuvent s’en revendiquer. Il reste de beaux spécimens comme Ahmed Kalouaz un véritable nomade. En quatrième de couverture de son recueil de nouvelles Le violon de Scarlett on peut lire fort à propos de lui qu’il va “à la rencontre du monde et des autres”. Et c’est bien vrai. Curieux comme trois petits capucins. Il se déplace rapidement le mec, au point de penser qu’il a des dons d’ubiquité. C’est qu’il a peut-être la prescience que le temps lui échappe et qu’il faut faire vite afin d’en savoir un peu plus sur les us et coutumes des lieux qu’il visite. La première nouvelle qui donne son titre à l’opuscule, fait référence à Scarlet Rivera, la violoniste de Bob Dylan, à ses yeux une figure de musicienne mythique. Comme tout excellent nouvelliste, il a un sens de l’observation aiguisé. Et il rend ce qu’il voit, comme les écrivains de jadis, d’avant la photographie, qui livrait un luxe de détails pour que nous puissions nous-mêmes nous faire des images. Il y a au fait de très belles images à se faire dans ces pages.
Une chronique à retrouver sur Culture Hebdo
Avec une assez belle illustration photographique en couverture qui, à mon sens, correspond assez au contenu. Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais je trouve très courageux les écrivains qui « parlent » de musique dans leur récit. Ils ont beau faire, on n’entend pas vraiment ce qu’on lit. Pourtant, de temps à autre, il y en a que nous entendons, j’ai dans l’oreille un passage de Sur la route de Jack Kerouac où un saxophoniste nous emporte. Là il s’agit du violon de Scarlet Rivera qui dans le film à propos de la Rolling Thunder Revue (Bob Dylan en tournée, avec d’autres artistes) accompagne le chanteur. Le morceau m’est revenu en mémoire et j’ai lu « en anglais » une des phrases de la chanson pourtant traduite dans le texte (une tasse de café de plus pour la route)…
En couverture, un personnage seul sur une route déserte qui s’en va ou qui s’en vient exactement comme celui qui nous raconte des écailles, des éclats de vie, des présences d’êtres, des sentiments estompés par les souvenirs. Des saisons, des paysages habités, des gares, des trains, des bouts de rues. Des choses et des gens qui pourraient aussi bien peupler nos souvenirs. Alors, me direz-vous, pourquoi les lire ? Tout simplement pour goûter deux choses. D’abord la maîtrise de la langue dont fait preuve l’auteur et, ensuite, la force, l’intensité de son écriture poétique. Imaginez « un veilleur des livres » en charge de ceux abandonnés dans les boîtes à livres. Un vagabond, un homme des rues sauvé par une phrase lue au hasard : « Demain, la lune brillera dans les yeux d’un chat. ».
Si chaque livre a sa petite musique personnelle, celle de celui-ci tient de la mélodie enchanteresse.
A lire lentement, comme on déguste, à la petite cuillère. Et pourquoi pas en laisser un exemplaire dans une boîte à livres.
Une chronique à retrouver sur Daily Passions
Dans Si on parlait de lire sur Radio Rennes, Ronan Manuel parle du Violon de Scarlet d’Ahmed Kalouaz !
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Des amours perdues, des amitiés suspendues. Parfois un fait divers minuscule mais poignant, ou un petit miracle dérisoire. En ambiance musicale, de la bonne chanson française, du fado… La part autobiographique afeure par endroits mais ne s’impose jamais. L’écriture d’Ahmed Kalouaz est classique, poétique, avec de belles descriptions d’immensités où se perdent les faibles appels au secours de ses personnages. Une collection de moments fragiles marqués par le sentiment du temps qui passe, de la vieillesse qui vient.
Une chronique à retrouver en intégralité sur Les notes
Les vingt-trois courtes nouvelles sont de petites tranches de vie emplies d’émotions, de voyages, de rencontres, de sentiments qui naissent, de fulgurances qui parfois bouleversent le cours d’une vie. La nature est présente et joue aussi un rôle essentiel.
L’écriture très poétique, emplie de douceur et de tendresse, crée une harmonie apaisante au recueil même si parfois les souffrances existent comme les pertes, les séparations, les problèmes de santé.
« La vie, c’est de la tendresse qui se consume. »
Les mots en suspens révèlent toute la force des non-dits. Beaucoup d’implicite au fil des textes témoigne de la complexité des relations.
La musique, l’écriture, les livres, le théâtre, les concerts, les librairies sont présents et peuvent être l’occasion de rencontres. Les bords de l’Ardèche peuvent aussi mener à une balade en canoë et peut-être à plus… Être berger est l’âme de toute une vie où le rêve prend aussi sa part. Se mobiliser pour défendre une femme violentée par son compagnon, retrouver le lieu d’un premier amour ou se situer dans les prémices d’une rupture, s’occuper des autres pour les soigner, se sentir attiré par le luxe d’un restaurant et de ses paillettes, se retrouver face à une classe pour parler littérature, assister au désamour de ses parents, suivre des acrobates avec tous les risques du métier, une chute qui peut aussi permettre de rencontrer une infirmière, les problèmes de santé qui s’invitent et insistent parfois sont « La beauté du monde » offerte par Ahmed Kalouaz. Ces thèmes du quotidien prennent vie d’une façon très poétique sous sa plume.
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La nature, l’amitié, l’amour, la solidarité sont des éléments essentiels de la vie, et même si la nostalgie s’immisce au cœur des lignes l’espoir ne disparaît jamais. Est-il nécessaire de tout dire pour se faire comprendre ? Le lecteur a son rôle à jouer dans ce très délicat recueil de nouvelles.
Une chronique à retrouver en intégralité sur Encres vagabondes
De New York à l’Aveyron
Changement de style, d’ambiance et de décor avec l’écrivain franco-algérien Ahmed Kalouaz, dont une trilogie sur l’histoire de sa famille ainsi que plusieurs romans jeunesse ont été publiés par Le Rouergue. Avec Le Violon de Scarlet, qui vient de sortir chez Le Mot et le Reste, au fil d’une vingtaine de nouvelles servies par un style très poétique, entre romance et auto-biographie, rencontres et rendez-vous manqués, l’auteur qui vit dans le Gard nous transporte de Sète à la pointe du Raz, de l’Ardèche au
plateau du Vercors, et de New York,sur les traces de la violoniste de Bob Dylan, à l’Aveyron, en compagnie d’un vieux berger du causse. Son chien, le dernier, vient de mourir, mais le vieil homme
continue de promener son bâton, sans ses brebis. Peut-être pour lui donner l’impression qu’il est encore utile. Il aimerait bien écrire comme avant. Maisil ne sait plus vraiment à qui. Tout un monde est parti dans les plaines et les villes. Les autres sont au cimetière…
Il s’agit du tout nouveau livre de l’écrivain Ahmed Kalouaz ; recueil de nouvelles intitulé Le violon de Scarlet.
Le recueil comprend une dizaine de courtes nouvelles. Les fictions racontées sont diverses : de ce passionné qui va à New York sur les traces de Scarlet Rivera et son violon, jusqu’à ce patient qui comble son séjour à l’hôpital par la musique, en passant par ce veilleur de livres qui installe des petites bibliothèques dans les rues, et ces nombreuses rencontres amoureuses…« Son violon (Scarlet) est une ligne plantée dans les veines, elle court de la paume des mains pour s’accrocher aux cimaises des yeux » (p10).
Alors, quels sont les points communs entre ces nouvelles ? Qu’est ce qui caractérise les mots de ce recueil ?
Le recueil peint des thèmes sensibles qui explorent la condition humaine dans sa profondeur. D’abord, il y a la mélancolie due à la solitude, à l’absence d’amis et de proches, au poids des souvenirs…Les personnages sont souvent isolés, même en compagnie des gens : solitude désirée. « Solitaires, nous le sommes souvent, avec nos singulières vies » (p106).
Ensuite, il y a les rencontres nées du hasard, du miracle. L’amour est omniprésent. Un voyageur rencontre une femme dans une gare ; un autre rencontre une touriste arnaquée par une agence de voyage ; des personnages rencontrent d’anciennes amantes…« La nostalgie, le destin, l’amour, celui qui a posé son front sur mon épaule un soir d’été » (p80).
Si les rencontres dissipent la mélancolie, la solitude reprend le dessus souvent. Par exemple, un homme rencontre son ancienne amante après des décennies mais passent la nuit chacun dans sa chambre. « (…) il était temps de regagner l’hôtel, pour m’offrir une soirée promise à la solitude » (p33).
Enfin, il y a la nature qui est une alternative, un refuge pour les personnages. Les fictions ont lieu, presque toutes, dans la campagne française, dans des villages à la belle nature avec comme éléments de décor : montagnes, champs, fermes, animaux, rivières…Parmi les lieux réels cités : Vosges, Ardèche, Annecy…La nature permet ainsi aux personnages de panser leur mélancolie, d’être en paix avec eux-mêmes, d’exister dans ce monde imprégné de solitude. «(…) ils se glissent entre le court goulet de roches, et pour avoir enfin vue sur le plateau, et juste en face, miracle de la journée lumineuse, le collier de la chaine des Alpes… » (p44).
L’écriture est poétique. Des phrases et des passages sont des poèmes en prose insérés dans les nouvelles. Certains personnages expriment leur passion pour la poésie en évoquant Aragon, Mallarmé et d’autres poètes. Cela embellit davantage le recueil et attire le lecteur par la beauté des mots ; ce qui compte c’est le comment dire et non quoi raconter. « Un amoureux du paysage et de la marche qui portait toutes les terres du monde sous ses semelles » (p24).
Les nouvelles ont un écho universel, bien qu’elles aient lieu pour la majorité en France. Les personnages sont souvent désignés par des mots génériques (homme, femme, infirmière…) ou des pronoms personnels.
L’auteur a glissé des éléments autobiographiques sans faire de l’autobiographie ; il vit en Villeneuve-lès-Avignon connue par sa belle nature (décor des nouvelles) ; enfant déjà, il a grandi au sud de l’Isère ; sa passion pour la poésie ; hommage au père ancien tirailleur et travailleur du bâtiment… « Mon père m’avait appris de belles choses à faire de mes mains, ce qu’il avait du connaitre pour pouvoir vivre décemment sur la Causse » (pp63–64)
Ce qui constitue le point faible des nouvelles est l’absence de chutes attirantes, le pilier du genre de la nouvelle. Elles se présentent comme des anecdotes, des textes écrits en un trait. L’auteur donne davantage d’importance aux mots pleins de poésie et moins d’intérêt à la construction. Cependant, ce petit point faible n’altère en rien la qualité et la beauté du livre.
Bref et sensible, écrit avec une belle poésie, ce recueil de nouvelles peint la condition humaine dans ce monde mutilé par la mélancolie. C’est aussi un grand hommage à la nature et à la poésie !
Une chronique à retrouver sur Lecture-Monde