Revue de presse
C’est un style musical dont les racines s’enfoncent profondément dans le sol boueux du Sud, dans ces anciens Etats esclavagistes qui ont été la matrice de toutes les musiques afro-américaines. Cependant, c’est par des artistes issus de New-York et de Californie, ces sièges de l’industrie du divertissement, qu’il s’est fait connaître à l’ensemble du pays. Mais le Sud, finalement, avec une décennie de retard, a su prendre sa revanche. Ses musiciens, d’abord snobés, d’abord considérés comme des attardés, l’ont emporté à force de travail, de talent et de proximité avec le public. Ils sont devenus, au bout du compte, le choix du peuple.
Ce style musical, ce n’est pas le rap. En tout cas pas seulement. Cette histoire, en effet, c’est aussi celle du rock, dont la fraction sudiste est devenue très populaire au début des années 70. Et si les Allman Brothers en ont été à l’origine de cette mouvance, si, dans les années 80, ZZ Top a su la représenter en se pliant aux nouveaux codes en vigueur, aucun groupe ne l’a incarné aussi bien que Lynyrd Skynyrd. Les musiciens de ce collectif originaire de Jacksonville, en Floride, ont donné avec “Free Bird” et “Sweet Home Alabama” ses plus grands hymnes au rock sudiste, et quelques-uns de ses albums les plus aboutis. Par ailleurs, cette production musicale riche s’est doublée d’une carrière tragique, d’existences parsemées d’excès et, en 1977, marquées par l’accident d’avion qui aura coûté la vie à trois membres du groupe (dont les plus importants, Ronnie Van Zant et Steve Gaines), et brisé tous les autres, physiquement et/ou psychologiquement.
L’épopée de Lynyrd Skynyrd, c’est en effet une histoire américaine, celle de braves gars un peu rustres et méprisés (pas assez branchés pour les hippies, trop hippy pour les rednecks), mais qui finit en tragédie grecque, avec le drame de l’avion, le trou d’air des années 80, et cette reformation qui, en dépit du succès, n’a jamais fait honneur à la grandeur passée du groupe. C’est un parcours digne d’un roman, et qui méritait donc un livre en français, une tâche à laquelle s’est attelé Bertrand Bouard. Ce dernier, critique musical, notamment pour Rock & Folk, s’est efforcé de retracer leur carrière, puisant sa matière dans des ouvrages rédigés en anglais, et sur des témoignages, parfois divergents, des rockeurs et de certains proches.
Le format est assez classique. Le récit, écrit avec une plume fluide, ressemble de près au scénario d’un biopic. Après une introduction qui raconte les dernières heures de ces femmes et de ces hommes avant le vol fatidique qui bouleversa (voire mettra fin à) leur vie, Bouard suit un déroulé chronologique, alternant épisodes biographiques et descriptions critiques de leurs différents titres, de leurs divers albums. C’est l’histoire haute en couleur, mille fois lue mais toujours pleine d’anecdotes croustillantes, d’un groupe de rock ‘n’ roll, d’une joyeuse bande de jeunes gens talentueux mais dysfonctionnels, qui s’adonnent aux excès de la drogue et de la boisson, et qui finissent par se déchirer et par s’autodétruire.
C’est aussi une mise au point sur le groupe, et sur les méprises le concernant. Souvent dédaigné, jugé lourdaud, il a depuis largement été réhabilité, et Bertrand Bouard va dans ce sens : il rappelle la diversité de leurs influences, le rock anglais, mais aussi les musiques de leur Sud d’origine, noires et blanches ; il souligne bien sûr la subtilité de leurs arpèges de guitare ; et il insiste à multiples reprises sur les talents de songwriter de leur leader, Ronnie Van Zant. En plus, l’auteur s’efforce aussi de dissiper une fois pour toutes le malentendu provoqué par leur image de pèquenauds racistes, prompts à proclamer leur fierté sudiste et à arborer le drapeau confédéré. Il présente au contraire, chez Ronnie Van Zant, un homme dans la lignée des idéaux progressistes des hippies, et un musicien plutôt proche des Afro-américains, influencé par leur musique et conscient de son importance. Il le dépeint aussi en militant anti-armes. Et il blâme son jeune frère Johnny, son remplaçant quand le groupe s’est reformé, d’avoir embrassé la caricature réactionnaire qui avait été faite du groupe, plutôt que de l’avoir combattue.
Bien vite ringardisé quand l’accident a tué ses membres les plus doués, et que le punk et la new-wave ont débarrassé le rock de ses attaches avec l’Amérique traditionnelle, Lynyrd Skynyrd a néanmoins vite eu un mérite, qui transparait à la lecture de ce livre. Ne s’embarrassant pas de chichis et d’artifice, comme l’illustrent les pochettes souvent sobres et dépouillées de leurs albums, ainsi que leur look peu sophistiqué ou leurs occupations simples (boire, pêcher…), ce groupe aura été sans doute, parmi les plus honnêtes et attachants du rock américain.
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Trouver le bon angle d’attaque pour entamer une bio musicale n’est pas chose aisée, mais quand il s’agit d’un des groupes de rock dit sudiste les plus connus, crashés au sens propre à mi-parcours, entamer l’histoire avec ce vol fatal, nous plonge directement dans l’intrigue et l’histoire tragique de ce groupe.
Bertrand Bouard (familier de l’écriture musicale, journaliste à Rock & Folk) s’est donné pour mission de retracer le parcours chaotique de ce groupe mythique qu’est Lynyrd Skynyrd, et ce en étant au plus près de la réalité.
Pas de bio fictionnée volumineuse ici, des faits, rien que des faits, et l’auteur n’a pas hésité notamment à recroiser ses sources, ou à les multiplier afin d’être au plus près de la réalité. On ne va pas vous refaire la bio du groupe, le livre est là pour ça et le fait très bien, mais néanmoins rappeler quelques jalons.
Il existe en gros quatre périodes qui marquent l’histoire du groupe : les débuts, la reconnaissance, le crash et ses conséquences et le retour.
Les débuts
Tout commence à Jacksonville, Floride, et comme c’est le cas pour énormément de formations de cette époque, les vocations des futurs musiciens vont émerger suite au passage des Beatles à la TV américaine début 64, et au choc visuel que représentent les Stones.
À la base, étudiants un peu paumés, les futurs membres du groupe, suite à ces chocs visuels et sonores, prennent conscience que c’est ce qu’ils veulent faire. Au centre au chant, le charismatique mais bagarreur Ronnie van Zandt qui va travailler dur comme fer et surtout faire travailler ses musiciens pour qu’ils assurent. Le noyau du groupe va très vite se former : Ronnie au chant, Gary Rossington, Allen Collins, (guitares) Bob Burns à la batterie, Larry Junstrom (basse).
Au départ, c’est une formation aux noms changeants en permanence. C’est un régal de plonger dans les traditionnelles galères du début, puis de voir le groupe se stabiliser peu à peu, et adopter un nom définitif – en 1971 tout de même – en référence au terrifiant prof de gym de leur école (Leonard Skinner). Ils commencent à répéter dur et avec exigence pour avoir un répertoire solide.
Les premières années du groupe sont faites de répétitions constantes, permettent de fignoler son répertoire et de commencer à se faire un nom scénique dans les clubs. Mais ils n’arrivent pas à décrocher un contrat pour enregistrer un disque. Pourtant, très tôt, les futurs tubes seront crées, Freebird par exemple, évoluera beaucoup avant de trouver sa forme finale, mais est présent assez rapidement dans le répertoire. Le groupe est sous l’influence de plusieurs styles musicaux, blues, bien sûr, mais plutôt électrique, dans la veine de Cream, dont ils reprendront le Crossroads, mais aussi, folk et country, sans oublier une pincée de soul bien sûr, il suffit d’écouter le piano et les chœurs de Sweet Home Alabama pour s’en convaincre.
Bertrand Bouard nous explique bien comment le groupe s’est fait, cette période charnière de galère, entre 65 et 73, où le groupe n’arrive pas à décrocher de contrats, mais joue sans relâche, de 8h du matin à tard le soir, répétant inlassablement ses morceaux, dont les futurs tubes afin de les connaître par cœur, solos compris.
Car Lynyrd Skynyrd, à la différence de leur camarade de la scène sudiste les Allman Brothers Band, plutôt influencés jazz, n’est pas branché impro. L’auteur nous montre également comment la formation du groupe a évolué au fil des années, et comment ces changements de musiciens ont pu être des déclics pour leur son.
Une des caractéristiques du groupe justement est son personnel qui a beaucoup fluctué : bassiste qui devient guitariste, batteur changeant, duos de guitaristes qui devient un trio jusqu’à devenir sa marque de fabrique. Retrouver la liste complète des musiciens passés par le groupe est une sacrée tâche, et fait du groupe une grande famille.
Le succès
C’est Al Kooper, musicien légendaire qui finira par les signer pour leur premier album en 1973, après huit années de galère à forger le son du groupe au millimètre près. Lynyrd Skynyrd bataille auprès de la maison de disque, MCA, pour garder son nom jugé imprononçable. Compromis sera trouvé en donnant comme titre la prononciation phonétique du nom du groupe. L’album marche honorablement, mais sans plus, malgré la présence du titre emblématique Freebird.
Très vite, en 1974, sort Second Coming, porté par l’hymne sudiste, Sweet Home Alabama, tant répété lui aussi. Le titre va cartonner propulsant l’album dans les charts, et ramenant à sa suite le premier album et notamment Freebird qui deviendra leur hymne. Le morceau est une réponse au Alabama de Neil Young, et leur collera une image de yankee à vie.
Bertrand Bouard s’attarde bien à nous décrire les morceaux, leur construction, leur écriture et l’esprit des albums qui alternent morceaux rapides et morceaux lents.
Le livre montre également que malgré une discipline d’enfer, le groupe est une juxtaposition de caractères différents, amochés par la vie, d’ego surdimensionnés, que la vie sur la route et la routine drogues/alcool n’aide pas. Le groupe monte en puissance mais se casse la figure, parfois même littéralement entre eux. L’auteur nous narre de manière simple l’ascension du groupe, comment après sept années de galère, tout s’enchaîne. Lynyrd Skynyrd passe son temps sur la route et va s’imposer comme un groupe scénique de premier ordre, jusqu’à voler la vedette aux têtes d’affiches.
Avec les Allman Brothers, camarades musicaux, ils sont la pierre angulaire de ce qu’on appellera le rock sudiste, appellation controversée, mais qui montre bien la fierté d’avoir réussi du groupe. Car il faut s’attarder un peu sur l’image du groupe, qui très tôt « se fait traiter de hippie par les redneck, mais se fait traiter de redneck par les hippies » . Il faut dire que le groupe est très fier de sa provenance, un état du sud à l’écart des populaires côtes Est et Ouest mais pas sudiste pour autant. Néanmoins, Lynyrd Skynyrd joue beaucoup avec, arborant Stetson et drapeau sudiste en fond de scène.
Bertrand Bouard nous mène au cœur de la folie des tournées, le groupe est sur la route 300 jours par an et si cela leur ouvre les portes du succès, ce rythme les mange mentalement et psychologiquement. Après quelques disques inégaux, le groupe a même du mal à se renouveler.
Le crash et ses conséquences
Lynyrd Skynyrd est surtout connu pour avoir perdu une partie de ses membres dans un accident d’avion. Cela fait partie de leur histoire intrinsèque. Le premier chapitre du livre attaque directement sur ce jour fatidique d’octobre 1977. Notamment en expliquant que, depuis quelques années, le groupe en avait marre de se déplacer en bus, et avait décidé de louer un avion pour ses déplacements.
Que s’est-il passé ce soir-là pour que l’avion tombe à court de carburant ? Le livre explore plusieurs hypothèses. Mais en bref, en ce terrible jour, le groupe va perdre son chanteur, un de ses guitaristes, sa choriste favorite et quelques membres du raod crew. Sans parler des blessés à vie et du traumatisme des survivants.
Cet accident va signer la fin du groupe, qui jure de ne plus utiliser le nom. C’est le début d’une période de dix ans de disette et de dépressions pour les musiciens survivants, dix ans de vaches maigres, de tournées avec d’autres formations, souvent avec le répertoire du groupe.
Le retour
Pourtant au bout de quelques années, l’envie se fait auprès des survivants de reprendre le flambeau. Encore mieux, pensant que les années 80 les avaient oubliés, ils s’aperçoivent que leur répertoire est demandé. Se reformant avec le frère du chanteur Johnny Van Zandt au chant, lors d’une tournée commémorative en 1987, le groupe voit que sa popularité a gagné en audience, c’est le début d’un comeback qui n’a pas cessé depuis.
Retour qui ne s’est pas fait sans mal, notamment sur l’utilisation du nom du groupe qui a fait l’objet d’arrangements financiers. La nouvelle mouture du groupe a vu également passer pas mal d’autres musiciens, anciens et nouveaux. Depuis son retour, le groupe a enregistré plus de morceaux que pendant sa première période, sans toutefois graver des morceaux inoubliables.
Les bios du groupe en français ne sont pas légion (en existe-t-il d’ailleurs ?), et il est toujours bon de se rappeler le parcours d’un groupe. Ainsi, Bertrand Bouard nous narre de façon fluide, le récit de ce groupe majeur du rock sudiste Lynyrd Skynyrd, publié chez Le mot et le reste, un super éditeur expert en musique.
Article à retrouver sur Addict Culture
« Ain’t no good life, not the one that I lead. »
Lynyrd Skynyrd, dans l’esprit de beaucoup, ce sont deux morceaux : Sweet Home Alabama au riff imparable (réponse à la chanson Alabama de Neil Young) et Freebird, fausse balade culminant en un jubilatoire barnum de soli de six cordes savamment entremêlés. Lynyrd Skynyrd, c’est aussi — et surtout — LE groupe emblématique du southern rock, musique mélangeant avec habileté country, blues, bluegrass et hard-rock. Si le band n’est pas le géniteur du genre — on pensera plutôt à l’Allman Brothers Band — il en est en tout cas son ambassadeur le plus renommé, aux côtés de formations comme The Outlaws, Molly Hatchet, Blackfoot, Point Blank ou 38 Special.
Auteur d’albums studios remarquables (Nuthin’ Fancy, album gras et bluesy en diable, Street Survivors à la pochette hélas prophétique, bijou rock suintant la country et le blues par tous ses sillons) et d’un album live mythique (One More From The Road), Lynyrd Skynyrd a gagné le droit de figurer en bonne place dans toute playlist rock digne de ce nom. Lynyrd Skynyrd c’est surtout une légende forgée dans les excès (violence, alcool et drogue) et le drame, lorsque le groupe perd la moitié de ses membres lors du crash d’un avion les transportant vers Bâton-Rouge.
Lynyrd Skynyrd aura cependant survécu au pire pour continuer à exister sous la forme quelque peu originale d’un conglomérat du rock sudiste de l’époque, agrégé autour des survivants de l’accident. On retrouve, entre autres, en son sein, Johnny Van Zant (ex. The Austin Nickels Band) au chant, frère cadet de Ronnie chanteur originel de l’orchestre, ou encore Ricky Medlocke, ex-leader de Blackfoot (groupe au rock assez velu à découvrir urgemment) à la guitare lead.
« The smell of death surrounds you »
C’est par ce jour fatidique de 1976 que commence le très bon ouvrage de Bertrand Bouard, journaliste à Rock & Folk. Bonne idée s’il en est, puisque cela permet à l’auteur de nous ramener promptement aux origines du groupe en nous plongeant dans l’adolescence puis l’ascension de ses membres dans la morne et parfois hostile banlieue de Jacksonville en Floride.
En choisissant de coller au plus près des membres de Skynyrd, Bouard créé une proximité avec eux, permettant ainsi au lecteur de se faire le cuir au caractère abrasif de Ronnie Van Zant, vocaliste, et de s’émerveiller des prouesses de Duane Allman à la slide-guitar au côté des redoutables guitaristes que deviendront Allen Collins et Gary Rossington.
Comme dans un roman, nous suivons au plus près le — dur — apprentissage de la vie de groupe et la découverte éblouissante de la British Invasion (Beatles, Kinks, The Who…) qui a ouvert les écoutilles de toute une génération de turbulents branleurs, les poussant à leur tour à construire un pan nouveau — et plus dur — du rock américain.
« Bullshit aside, take it easy no drama man »
Difficile de poser ce livre tant la lecture en est prenante et fluide par la grâce d’une écriture à la redoutable simplicité. Mais pour qu’une biographie soit solide, il faut d’autres qualités. Soyons rassurés, ce livre est abondamment sourcé, parsemé d’anecdotes parfois connues qui, remises en contexte, prennent une dimension plus humaine et mettent en perspective le destin d’un groupe hors normes. Tout juste peut-on regretter que l’iconographie ne soit plus fournie ; on sait la photographie rock souvent au service du talent des musiciens — quand elle ne le magnifie pas — on aurait donc aimé au moins voir des clichés des performances live où le groupe excellait souvent.
Quoiqu’il en soit, voilà un ouvrage à lire absolument pour le béotien en la matière, le spécialiste éclairé ou le farouche admirateur du groupe.
Pour lire l’article sur Boojum
Dans cet ouvrage, l’auteur, Bertrand Bouard, passe en revue la vie des membres de Lynyrd Skynyrd, créé en 1964, mais c’est seulement en 1970 qu’ils adopteront leur nom farfelu de Lynyrd Skynyrd. Dans ce 1er livre français s’intéressant au groupe, il est autant question de leurs frasques, alcool, drogues, destruction de chambres d’hôtels, problèmes d’égos, que de leur musique. On apprend que Ronnie Van Zant, chanteur et leader du groupe, au sens fort du mot, a le coup de poing facile. Mais, c’est aussi l’un des plus grands groupes de Rock sudistes des États-Unis, créateur des immenses succès que sont Sweet Home Alabama et Free Bird, et qui a influencé nombre de musiciens. Jusqu’à l’accident d’avion fatal à trois des membres du groupe, Ronnie Van Zant, Steve Gaines, le guitariste, et sa soeur la choriste Cassie Gaines, ainsi que le road manager Dean Kilpatrick et les deux pilotes de l’appareil, ce drame sonnait la fin prématurée de leur carrière. Jusqu’en 1987, date où le groupe se reforme avec les rescapés et le chanteur Johnny Van Zant le frère de Ronnie.
C’est ici toute l’histoire du groupe qui est racontée dans les moindres détails, et les anecdotes ne manquent pas, dans un univers, parfois, un peu glauque.