Fouillé et minutieusement détaillé, son livre est une passionnante odyssée, à la fois épique et intimiste.
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Revue de presse
Raphaël Malkin est un bosseur : co-créateur et rédacteur en chef du regretté magazine Snatch, journaliste à Society et Radio Nova, et aujourd’hui l’auteur d’un témoignage romancé de ce mouvement qui fascine toujours autant : la French Touch.
Tu es journaliste, d’où t’est venue l’idée d’écrire un livre ?
C’était pas dans mes plans. Tout s’est fait en rapport avec le sujet sur la French Touch que j’ai publié l’année dernière dans Snatch. Avec l’excédent de matière de dingue que j’avais, je me suis dit que ça serait trop con de ne pas en faire quelque chose. C’est plutôt une question d’aubaine.
En quoi c’était différent du travail de journaliste ?
Déjà, en travail préparatoire. Il faut pousser beaucoup plus loin les interviews, il faut rentrer dans l’intimité des gens. Mais t’as le temps de le faire et tu n’as pas de limite de taille.
Tes entretiens étaient longs ?
Une vingtaine d’heures par personne environ. Ensuite, la différence est aussi dans le travail d’écriture. Tu te débarrasses de tes réflexes journalistiques, tu arrêtes de chercher absolument l’info. Tu poses une ambiance, un décor et tu prends ton temps. Je voulais que ça s’apparente à
ce qu’on appelle de la nonfiction, des faits réels mis en scène, comme un roman.
C’est réussi. Tu y a pris du plaisir ?
C’était pas facile, parfois douloureux. C’est pour ça que je dis que je n’ai pas (encore ?) une âme d’écrivain.
Tu n’es pas de la génération de la French Touch, tu es trop jeune.
Oui, je ne suis absolument pas de cette génération.
Alors, pourquoi ce sujet ? Rapport à ton dossier ?
Oui, et parce qu’au fur et à mesure, je suis rentré dans un univers avec une vraie mythologie et des icônes. Il y avait forcément – sans que ça sonne grandiloquent – une génération à raconter. Et puis ça n’avait pas été fait avant de manière collective et chorale, comme ça.
Tu peux résumer la French Touch ?
Une micro-génération qui a voulu vivre à 1000 à l’heure à un moment où son époque vivait plus lentement ; et qui, par surprise, pas par chance, à réussi à dévorer le monde. Quelque chose comme ça.
Pourquoi « par surprise, pas par chance » ?
Parce qu’ils ont sacrément travaillé, que c’est pas dû au hasard et qu’ils ont façonné une musique qui à l’époque était inédite. Et par surprise, parce que personne ne s’y attendait !
Tu résumes bien la French Touch ; et ton livre ?
Disons que c’est une tentative de description de cette époque et de cette génération à travers les portraits croisés de cinq personnes qui y sont affiliées, connues et pas connues. Et qui arrive, à mon humble avis, à mettre en exergue ce qu’il s’est passé à l’époque, dans l’ombre des Daft Punk.
Ce mois-ci, Arte Creative raconte en douze épisodes la « Touche française » à travers douze morceaux choisis sur vingt ans. Une rétrospective qui fait écho à de nombreuses récentes tentatives de rendre hommage ou souligner l’histoire de la musique française devenue internationale : le film « Eden », la ré-édition du livre de Laurent Garnier « Electrochoc », le nouvel opus de « Super Discount » d’Étienne de Crécy, et « Music Sounds Better With You », livre de Raphaël Malkin.
L’occasion de revenir à froid sur ce livre événement de l’ancien rédacteur en chef de Snatch, sorti l’année dernière, référence évidente à l’un des titres emblématiques de la première French Touch – qui ne pourtant fait pas partie des douze titres choisis par Arte.
La sélection de la chaîne franco-allemande est plus large que le bouquin, et retrace efficacement mais rapidement les différents courants et phases de l’ascension de la French Touch au rang de culture mondiale. Une jolie introduction pour ceux qui n’y connaissent rien et aiment le ton de l’émission TV Tracks.
Quant au livre, une interview avec le principal intéressé nous a permis d’en savoir plus.
Sortir un livre sur la French Touch, est-ce une manière de faire découvrir une culture que tu aimes aux jeunes d’aujourd’hui ?
Avant l’article [ndr : écrit pour Snatch], ce n’était pas forcément naturel. Je n’ai pas de tropisme électronique, j’apprécie la musique électronique mais je ne l’écoute pas en priorité, je suis plutôt un boulimique de rap. En revanche ce qui me branchait, c’est les histoires de gens, des parcours très différents, de destins parallèles, et cette sorte de génération qui est née avec la french touch. C’est un peu mon boulot de journaliste, raconter des histoires. La musique importe finalement peu.
Alors pourquoi avoir choisi ce sujet, écrit au présent, sur une période qui correspond à celle de ton enfance?
Je savais que le film « Eden » allait sortir, on voulait le traiter car ça correspondait au magazine. On s’est dit : « intéressons nous à la scène dans son ensemble ». C’est à ce moment-là que l’idée est née. Le film et le livre sont deux structures qui se rejoignent. Le film va plus loin, il s’intéresse à un seul personnage, de mon côté c’est choral. Les deux projets se complètent. L’idée de faire un bouquin est venue après la sortie de l’article. Je lisais « Génération* », un roman choral sur les personnes qui ont fait mai 68. Je voulais faire la même démarche journalistique pour la French Touch. Ça s’est fait sur le tas, c’est une idée qui est venue et fur et à mesure des interviews avec les différents acteurs qui voulaient bien participer au projet. Ça part d’une volonté journalistique, mais avec une envie littéraire.
Dans ta façon d’écrire, on a l’impression que les personnages, que tout le monde connaît, et dont le monde connaît les petites histoires, deviennent des légendes, et leurs actes, des mythes fondateurs.
Le texte est basé sur des techniques de journalisme narratif, pour mettre en scène les choses telles que le lecteur puisse se mettre en situation, vivre avec les personnages. Il faut lire le bouquin comme si ça n’avait jamais existé. Comme si c’était un roman. J’utilise beaucoup de métaphores et de descriptions, pour essayer de faire comprendre une ambiance. Ce qui compte pour moi, c’est que le lecteur soit conscient que ça n’est pas un pur objet journalistique.
Comment as-tu construit le récit, sachant que l’article écrit pour Snatch était déjà long et fourni ?
L’article a été construit en trois ou quatre mois, à partir de juillet 2014. Le papier est sorti en novembre. La matière pour l’article avait nécessité deux interviews de chaque personnage. Dans le bouquin, il y a Dimitri [ndr : from Paris] en plus, et beaucoup d’autres détails. J’ai poussé l’exercice de l’interview, une à deux fois par mois avec les personnages principaux, combinés à d’autres interviews d’une quinzaine de personnages autour.
D’où vient l’absence de figure féminine dans le livre ? La scène French Touch était-elle misogyne, ou n’y avait-il simplement pas de djettes ou actrices ?
Ce n’est pas qu’il n’y ait pas eu de nanas à l’époque, j’en ai rencontré deux, plusieurs fois, mais ça n’a pu se faire, pour diverses raisons.
Comment expliques-tu que le film Eden, comme ton livre et, en vérité, la scène French Touch, se terminent sur des notes dures, pleines de désillusion ?
Tout le monde a vécu la même euphorie. Il y a peu de gens qui arrivent à rester au top. Mon constat : c’est comme ça que ça s’est passé, les musiques vont et viennent, les modes vont et viennent, et c’est très dur de maintenir le niveau. Le film « 24 hour party people » montre très bien ça.
Pourquoi en parler aujourd’hui ?
C’était il y a vingt ans, à partir du moment où on passe ce cap, on peut se permettre de se retourner. C’est la distance idéale, les acteurs sont encore vivants, mais les histoires sont suffisamment froides pour avoir du recul. C’est pareil pour les albums de rap : les grands classiques des albums de rap sont sortis en 1993, et on commence à vraiment les apprécier aujourd’hui.
Quelle similitudes y vois-tu avec la scène électronique actuelle ? On sent presque une incitation à l’organisation de soirées, l’enregistrement de disques, mais aussi une mise en garde sur les excès, et par là, un rapprochement avec l’histoire de pratiquement toutes les scènes musicales depuis 50 ans (le rock’n’roll des années 50, le hard rock de Led Zeppelin, la britpop, tous ces mouvements ont le même cycle).
Je suis pour le mélange des genres, modeler une matière qui est faite de pleins d’inspirations, une tambouille qui est propre à notre génération, même si on a pas encore trouvé la bonne formule. Mais il y a une envie de la plupart des gens de FAIRE, de créer des concepts, de faire naître de l’originalité, des supports, des médiums.
D’une facilité déconcertante de lecture, sujet passionnant oblige, le livre se dévore en une dizaine de lignes de métro. On se délecte de ces histoires qu’on a entendues ci et là : on se prend au jeu d’être pour un moment dans le studio à Pigalle de Motorbass, ou de trembler à l’arrivée des flics lors des premières rave parties de Fred Agostini. On en profite pour ré-écouter ces quelques magnifiques albums: « 1999 » de Cassius, « Pansoul » de Motorbass, « Homework » évidemment, « Sacrebleu » de Dimitri from Paris et « Super Discount », le premier Étienne de Crécy. Tous ont vieilli, certains titres font tiquer, la faute à l’overdose de house filtrée qui a suivi le succès de la clique, d’autres surpassent encore leurs descendants.
On se demande à quoi sert ce livre exactement : raconter des histoires pour faire rêver ceux qui n’ont pas vécu cette période, rattraper cette période que nous n’avons pas vécue, rendre hommage aux artistes, ou combler un vide dans la littérature sur cette période ? Certainement tout cela à la fois, et comme le dit son auteur, à raconter tout simplement l’histoire de ces quelques français qui ont changé l’histoire de la musique en une dizaine d’années à peine.
Découvrez l’interview de Raphaël Malkin sur le site de Beyeah
Music Sounds Better With You n’est pas un énième récit de l’épopée french touch. Raphaël Malkin évite toute redite en croisant les destins de 5 personnalités au sein d’une même histoire, du début des années 90 à 2003. Les témoignages les plus intéressants proviennent des trajectoires de Philippe Zdar, de Pedro Winter, mais aussi de Fred Agostini, organisateur des fameux rendez-vous Respect au Queen. Des premières soirées aux airs de block party pour une génération en quête d’exutoire, réunis par le simple plaisir de faire la fête. C’était l’heure pile de Homework et de la conquête du monde pour Daft Punk.
Retrouvez cette chronique dans l’édition numérique de Clutch Magazine
Ou comment débuter dans des rave-parties au Fort de Champigny et finir à la Playboy Mansion via le Queen. À travers les destins croisés de cinq figures (David
Blot, Fred Agostini, Philippe Zdar, Dimitri From Paris, Pedro Winter), Raphaël Malkin tente de cerner l’histoire de la French Touch – vaste fourre-tout devenu synonyme réducteur de house filtrée. Le journaliste nous accroche dès les premières pages et ce bouquin nous aura valu deux nuits blanches. La musique demeure ici secondaire, tant Malkin s’attache à des parcours, à des caractères (l’humain d’abord). Pas sûr qu’Ivan Smashe, pas vraiment présenté sous son meilleur jour, apprécie ce récit. Tant mieux : on attend le sien.
Music Sounds Better with You”, le livre de Raphaël Malkin reprend l’histoire de la French touch autour de quelques grandes figures qui en ont forgé la légende. En attendant la suite – peut être une vidéo d’entretiens entre Cathy Guetta et le philosophe Slavoj Zizek ? – on revient sur les malentendus culturels qui parcourent cette belle histoire de France.
C’est une sorte de jeu de 7 familles dont on n’aurait supprimé les grands-pères et grands-mères. Un jeu globalement interdit au plus de 50 ans pour les raisons qu’on imagine, l’âge de l’auteur et aussi, sans doute, la difficulté de raccrocher cette histoire de l’électro à des racines bien de chez nous. On parle et on s’adresse ici à des gens nés avec l’Internet ou presque. Et comme tout va forcément très vite au pays de ceux qui n‘ont pas inventé mais incarné la postmodernité, la mort du père se mélange avec celle du grand-père, c’est-à-dire du père du père. Un père catégorique, figure insaisissable du terreau de l’histoire de la musique en France : Dominique Blanc-Francard et Jean-Philippe Bonichon, le deux cadors du studio Marcadet, discrète génération Mitterrand qui accouchera de la french touch dont il est question ici : cette bande de mecs qui, approchent doucement de la cinquantaine sans être vraiment devenus millionnaires mais sans pour autant avoir franchement foiré leur life. C’est leur roman qui est raconté ici sur un peu moins de 300 pages divisées en 20 chapitres chronologiques. On va les citer sinon le livre perd cruellement de son intérêt ; il ‘agit du journaliste David Blot, du manager PR Pedro Winter, du fêtard-organisateur Frédéric Agostini et de deux musiciens Philippe Szdar et Dimitri from Paris. Cinq personnages emblématiques de l’affaire et avec qui l’auteur s’est gentiment embeddé pour mieux comprendre et tirer la matière première du bouquin. Et le boulot a suffisamment été bien fait pour que tout ce petit monde finisse par vraiment s’affoler en s’imaginant que l’auteur allait vraiment tout balancer. Vu de l’extérieur, il n’y a pas de quoi se mettre la rate au court-bouillon. Mais on jugera sur pièces.
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Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site de Gonzai
“C’est un peu à la manière d’un Tarantino ton livre. C’est comme un film, comme un roman choral, (...) ce n’est pas un article de journaliste, il y’a une dimension littéraire.”
Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le site de Radio FG
Vous avez pu remarquer que la maison d’édition française Le mot et le reste avait publié au cours de cette année ce qu’on appelle modestement à Modzik « le meilleur du bouquin musique », satisfaisant notre envie de découvrir l’histoire du hip-hop français (Rap français, Une exploration en 100 albums de Mehdi Maizi / Regarde ta jeunesse dans les yeux, Naissance du hip-hop français 1980–1990 de Vincent Piolet) et de revenir sur la vie de nos musiciens fétiches (Girl In A Band, Kim Gordon). Music Sounds Better With You n’échappe pas à la règle. Écrit par Raphaël Malkin, co-fondateur du regretté Snatch et plume pour Society et Radio Nova, après un an d’enquête, le livre nous raconte l’histoire de la French Touch «à travers le parcours de ceux qui l’ont construite».
« Là dans la boîte la plus branchée de la ville la plus branchée, eh bien si la fin du monde arrive, on sera au centre de la Supernova ». Seize ans, c’est le temps qu’aura duré cette période bénie où Paris est devenue « la capitale où tout se passe ». Mais qu’est-ce qui nous intrigue tant dans cette histoire de French Touch ? De nombreux articles, documentaires, livres et films lui ont déjà été consacrés et pourtant, en lisant les pages de Malkin, on a l’impression d’en découvrir l’histoire pour la première fois. Plus proche du reportage romancé que du roman chorale, Raphaël Malkin relie entre eux les ambitions et les heureux hasards qui ont fait se croiser entre 1987 et 2002, David Blot, Fred Agostini, Philippe Zdar, Dimitri From Paris et Pedro Winter à l’époque manager des Daft Punk. En revenant sur la vie de ces protagonistes qui ont fait connaître cette scène française à l’international, c’est toute une époque qui renait ; les années Pasqua contre la techno et les raves, mais aussi l’émergence de nombreux artistes dont les Daft Punk, David et Cathy Guetta, MC Solaar (dont l’album culte Prose Combat a été produit par Philippe Zdar en 1994), Étienne de Crécy ou encore Air.
«Il est tard et les filles ont les joues chaudes parce qu’elles s’amusent. Elles se sont vernies les paupières de paillettes et aiment être en baskets qu’elles portent avec une robe courte. Il y en a aussi qui viennent en Gavroche pour couvrir leurs cheveux et trottent avec le sac en bandoulière. Les garçons ont encore cette manie de se teindre les cheveux en blond et, quand ils se mettent à transpirer, nouent leur sweat à la taille pour continuer de voltiger. Les plus cools relèvent leur paire de lunettes de soleil sur le haut de leur crâne». Avec Music Sounds Better With You, Raphaël Malkin fait renaître un âge d’or de la musique électronique où tout semblait possible et où la scène indé dominait les forêts environnantes de Paris, les disquaires indépendants et les grands clubs. C’est sans doute le plus fou dans cette histoire légendaire, l’idée qu’à un moment les clés du château ont été donnés à 5 Français qui ont su marcher sur le fil rouge de l’histoire sans vraiment se prendre de cartons. Nous permettant, en filigrane, de voir émerger la scène électronique actuelle qui nous éloigne heureusement de «la techno pour les fans de Phil Collins» comme l’avait craint David Blot.
Lisez l’article sur le site de Modzik
Dans le livre Music Sounds Better With You, le journaliste Raphaël Malkin raconte les parcours croisés de cinq figures de la French Touch : Philippe Zdar, Pedro Winter, Dimitri From Paris et les créateurs des soirées Respect, David Blot et Fred Agostini. Ancien journaliste – et créateur – du journal Snatch, Malkin revient sur la réalisation de cet ouvrage hyper descriptif et passionnant.
Trax : Comment est né ce livre ?
À l’occasion de la sortie du film Eden, nous avons réfléchi comment traiter ce sujet à Snatch. Nous n’avions pas envie de faire un article directement sur le film mais plutôt un papier qui soit attaché à la French Touch. L’idée s’est imposée de raconter cette histoire en développant un récit choral avec des gens de cette époque, certains connus et d’autres peu connus. Comment s’est fait le choix des intervenants ? Je voulais des personnes qui ont vécu et ont grandi durant cette période et qui puissent l’aborder de différentes manières. Cela passait donc par des fonctions différentes. J’ai donc choisi, et ils ont accepté, Philippe Zdar pour le côté DJ/producteur, Pedro Winter, comme manager de Daft Punk, David Blot, qui était journaliste, et Fred Agostini, le promoteur de soirées (notamment des soirées Respect, NDLR).
À quel moment cet article de Snatch s’est transformé en livre ?
J’avais énormément de matière. Même si l’article dans Snatch fait une vingtaine de pages, j’avais encore beaucoup de choses. Mes collègues à Snatch m’ont dit : « C’est bête de ne pas en faire un livre ! » Je me suis laissé convaincre et j’ai envoyé l’article à une seule maison d’édition : Le mot et le reste. C’était un test et j’ai eu une réponse dans la journée. Ce livre est une aubaine.
Qu’a-t-il fallu changer pour que le livre prenne corps ?
L’éditeur a voulu des personnages en plus. J’ai tout de suite pensé à Dimitri From Paris, qui a été important durant la French Touch mais qui n’est plus très en vue actuellement en France. Même s’il tourne beaucoup à l’étranger où il est très reconnu. C’était une manière de la remettre au goût du jour. Et surtout, il a une trajectoire particulière en ayant commencé comme animateur dans de grosses radios comme Skyrock et NRJ avant de se lancer dans la house.
Y a-t-il d’autres intervenants que tu as envisagés ?
J’ai approché Étienne de Crécy, mais il n’a pas voulu se prêter à l’exercice, et aussi Ivan Smagghe. Ivan était intéressé, notamment par le côté sociologique de mon approche et du récit, mais c’est aussi quelqu’un de lunaire… Et je n’ai plus eu de nouvelles… J’avais très envie également d’avoir un regard féminin sur la French Touch. J’ai pensé à Maya Massebœuf, l’ancienne directrice artistique de Labels/Virgin qui a signé et travaillé avec pas mal d’artistes French Touch, et aussi à Aline, qui a fait les compilations Aline Can Dance, Aline In Wonderland. Mais elles n’étaient pas très à l’aise avec cet exercice qui demande de creuser sa mémoire, de trouver des anecdotes, de prendre du recul par rapport à cette époque et à son propre parcours.
Justement, comment se sont déroulés les entretiens ? Cela a du te demander un énorme travail d’enquête.
Entre le début pour l’article de Snatch et la fin des entretiens pour le livre, cela m’a pris dix mois. J’ai interviewé chacun des cinq intervenants une dizaine de fois. Quasiment une fois par mois. Je les ai essorés ! J’ai réalisé aussi une vingtaine d’entretiens parallèles avec des artistes, des disquaires, des journalistes. Tous ces témoins m’ont éclairé sur des éléments de contextes, ont complété des souvenirs. Et j’ai récupéré des anecdotes dans des magazines comme NME ou Billboard. Cela m’a permis de saisir aussi l’ambiance d’événements comme la Winter Music Conference à Miami.
As-tu été surpris par les infos récoltées lors des entretiens ?
Les personnes interviewées m’ont surpris car elles m’ont touché. J’attendais juste qu’elles me racontent leurs vies et leurs parcours sont parfois surprenants. Je pense en particulier à Dimitri From Paris. Finalement le livre parle énormément de faits de vie mais peu de musique. C’est le parti pris depuis le départ. Je voulais croiser des regards, raconter comment la French Touch a été vécue au jour le jour. Je voulais aussi que le récit soit très descriptif. Que les décors soient posés de façon précise et que le lecteur soit complètement plongé dans cet univers, dans cette époque.
Tu es né en 1987. Avant d’attaquer l’article puis le livre, quel regard portais-tu sur cette période de la French Touch que tu n’as pas vécue ?
Déjà, il faut préciser que je ne suis pas fan de musique électronique. Je suis plutôt obsessionnel du rap US indé. J’écoute des artistes et des groupes comme M.O.P., Da Bush Babees, Jose Guapo ou Johnny Cinco. Du coup, j’avais un regard assez lointain. Mais il y a une certaine mythologie autour de cette période. C’est quand même le premier mouvement musical français, avec un tampon tricolore dessus, qui a marché en Angleterre, aux États-Unis et dans le monde entier. Cette période véhicule l’image d’une certaine effervescence, d’une fougue, d’une nervosité créatrice. Et personnellement, j’ai un rapport particulier avec la French Touch car je suis né et j’ai vécu mon enfance à Montmartre. Je suis même né précisément l’année où Philippe Zdar est arrivé à Paris et s’est installé dans le quartier. Et puis, j’ai appris que les bureaux de Daft Trax, la boîte de Daft Punk, donnaient sur ma cour d’école ! Donc j’ai vécu dans cette bulle, dans ce petit territoire de la French Touch.
Est-ce une période que tu regrettes de ne pas avoir vécue ?
Pas du tout. Je suis très bien dans mon temps.
Après cette première expérience, est-ce que cela t’a donné envie d’écrire d’autres livres ?
J’ai toujours envie de raconter des histoires. Toujours dans cet esprit d’exercice fourmillant, très descriptif. Je réfléchis à deux projets : l’un sur un personnage français qui a évolué dans le contexte musical, un manager tendancieux, et l’autre sur un sujet plus sociétal, une histoire de flics.
Retrouvez l’interview sur le site de Trax
Dans le livre Music Sounds Better With You, le journaliste Raphaël Malkin raconte les parcours croisés de cinq figures de la French Touch : Philippe Zdar, Pedro Winter, Dimitri From Paris et les créateurs des soirées Respect, David Blot et Fred Agostini. Ancien journaliste – et créateur – du journal Snatch, Malkin revenait sur la réalisation de cet ouvrage hyper descriptif et passionnant dans une précédente interview avec nous. Voici en exclusivité un passage de son ouvrage, au chapitre 25.
Retrouvez l’extrait sur le site de Trax
Journaliste pour feu Snatch et grand curieux sur les ondes de la Radio Nova, le journaliste Raphaël Malkin sort aujourd’hui son premier livre, Music Sounds Better With You. Où il est question de french touch, évidemment, mais surtout de destins.
Te souviens tu de ta première rencontre avec la french touch ?
Mon souvenir de ma première rencontre avec la French Touch est assez diffus pour une raison toute particulière: je n’appartiens pas à la génération qui a grandi avec ce mouvement. Je n’ai pas de chance, je fais partie de la suivante. Lorsque Homework des Daft Punk est sorti, en janvier 1997, j’avais neuf ans et demi. Ce serait, de fait, mensonger de dire que le disque a représenté un choc ou une épiphanie pour moi. Disons simplement qu’il me revient en mémoire des images du clip d’“Around The World” passant sur M6, après la sortie de l’école primaire. Il y avait des couleurs et du rythme. C’était carnavalesque et cela a dû m’interpeller, sans nul doute.
Tu avais écrit sur le sujet dans Snatch. Ce livre, c’est une version longue de ton article ?
Après la parution de l’article dans Snatch en novembre 2014, je me suis très vite rendu compte qu’il me restait sous le coude un paquet de matière que je n’avais pas convoqué. J’avais du grain à moudre pour écrire encore des pages et des pages. Ce bouquin, c’est une version plus détaillée, plus fouillée de l’article. C’est aussi une version prolongée, complétée, dans la mesure où il a fallu que je retourne voir mes interlocuteurs et que j’ajoute un personnage (Dimitri from Paris).
Qu’est ce qui t’a donné l’envie d’écrire un livre ?
Mon envie d’écrire un bouquin tient simplement au fait qu’il me restait justement toute cette manière. Je n’ai jamais eu l’ambition d’écrire un livre, ou de devenir un auteur. C’est une occasion fortuite mais bienvenue. Cela dit, bien avant d’écrire le papier, j’avais en tête de m’essayer à un modèle d’écriture particulier qui consiste à présenter des destins croisés. Cela vient de ma lecture des deux tomes de Générations qui font le récit de la vie d’une tripotée de personnages ayant participé aux évènements de Mai 68. L’article, c’était ma manière à moi de me tester sur ce format. Le bouquin m’a permis d’aller plus loin.
J’ai lu un article récemment sur les difficultés à faire vivre la musique électro sur grand écran, et comment aucun film n’avait vraiment réussi à retranscrire l’ambiance de ces soirées. Sur papier, c’est une difficulté qu’on retrouve aussi ?
Il y a une difficulté, c’est de rendre compte de l’atmosphère grouillante, suante et heureuse des fêtes de l’époque. Pour autant, pour ce bouquin, il faut avouer que la musique n’est qu’un prétexte pour raconter des parcours de vie. Finalement, la musique n’est pas le point le plus essentiel de cette histoire, c’est simplement une trame de fond.
J’imagine que tu as vu Eden. Tu en as pensé quoi ?
J’ai vu Eden. Le simple fait d’avoir mis en scène l’histoire de ces gens, les souvenirs d’une époque est, selon moi, louable. Ensuite, on peut discuter de la manière dont ça a été fait. Mais, franchement, je ne suis pas le plus calé pour parler de cinéma.
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Rendez-vous sur DumDum.fr pour lire l’interview dans son intégralitéétait-eux-contre-le-reste-du-monde
“Music Sounds Better With You”, ses quelques mots d’anglais sont évocateurs. Pour cause, il s’agit du titre du seul morceau et unique tube de Stardust, side project de la moitié de Daft Punk, Thomas Bangalter avec deux autres acolytes: Alan Braxe et Benjamin Diamond. “Music Sounds Better With You” basée sur un sample de “Fate” de Chaka Khan, représente aussi l’apogée, le climax de la French Touch, ce mouvement musical de la house garage française qui est un savant mélange de funk/disco filtrée moderne. C’est sans doute pour cela que Raphaël Malkin, journaliste chez Nova et Society a choisi ce titre pour son premier ouvrage aux excellentes éditions Le mot et le reste (on leur doit le très bon Regarde ta jeunesse dans les yeux de Vincent Piolet) afin de raconter l’ampleur de ce phénomène. La genèse du livre a débuté par un simple article dans les pages du regretté _Snatch Magazine. D’ailleurs, nous avions évoqué ce remarquable article dans nos colonnes à l’occasion de la sortie d’_Eden_ de Mia Hansen-Løve qui traitait également de la French Touch.
Music Sounds Better With You revient sur cette période bénie à travers cinq personnages incontournables (Pedro Winter, David Blot, Fred Agostini, Phillipe « Zdar » Cerboneschi de Cassius et Dimitri From Paris) de ce mouvement qui a bousculé La France et le monde à la fin du millénaire précédent. L’ouvrage revient sur cette époque où Paris était une fête, une période que l’on regrette d’autant plus avec l’actualité. Une période formidable où Paris était la capitale de la fête avant que les nuits berlinoises ne viennent lui voler la vedette.
Lorsque j’ai eu Music Sounds Better With You entre les mains, j’ai eu un doute : que l’ouvrage ne soit pas à la hauteur de l’article. Et bien, le doute s’est dissipé très vite laissant la place au plaisir. L’article ne faisait office que d’amuse-bouche en attendant le plat de résistance. La réussite de Music Sounds Better With You réside sans le fait d’avoir observé le mouvement à travers ses acteurs et surtout à travers son époque. J’ai le même âge que Raphaël Malkin qui arrive à me rendre nostalgique de ces années-là où impossible rimait avec français.
À vrai dire, il est question dans Music Sounds Better With You de diverses addictions à travers la passion pour la musique et la fête et bien sûr, les drogues. La lecture du livre fait écho à ses dernières. En effet, Music Sounds Better With You est aussi entêtant que la chanson et équivaut à un gros sachet de came, de Yayo dont chaque ligne donne la sensation de sniffer un rail de coke. Ce livre est addictif et à consommer sans modération afin de comprendre le succès actuel de Daft Punk et celle de la génération 2.0 de l’électro française. En un mot : Respect.
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