SINGE, s. m. Ouvrier typographe. Ce mot, qui n’est plus guère usité aujourd’hui et qui a été remplacé par l’appellation de typo, vient des mouvements que fait le typographe en travaillant, mouvements comparables à ceux du singe.
Eugène Boutmy était typographe à une époque où cette activité nécessitait d’être un ouvrier savant, sachant à la fois manier le plomb, manipuler les tournures de la langue et faire respirer un texte sur une page. Ce labeur a donné naissance à une langue verte, un argot qui permettait «d’entrer en imprimerie». Cet ouvrage, en plus de nous présenter un lexique fleuri, souvent drôle et très imagé, rend hommage au labeur des typographes, dur et contraignant, renforçant leur conscience sociale et politique.
Revue de presse
Jacques Munier s’empare du fameux dictionnaire d’Eugène Boutmy et vous parle du métier des typographes.
L’imprimerie reste un maillon essentiel de la fabrication des journaux. Elle a donné lieu à une véritable culture ouvrière d’excellence.
Simiesque, la métaphore désigne d’ailleurs les gestes et mouvements que fait le typographe en travaillant, c’est pourquoi, dans l’argot du métier on l’appelle un « singe », peut-être aussi « parce que son occupation consiste à reproduire l’œuvre d’autrui ». Les éditions Le mot et le reste ont réédité l’ouvrage célèbre d’Eugène Boutmy sur la parlure des ouvriers du livre, de la presse et de l’affiche, le Dictionnaire de l’argot des typographes, paru en 1883. Avant d’entrer dans ce lexique fleuri, il convient de distinguer les différents métiers qui concourent à l’impression d’un texte : le prote, le metteur en pages, le paquetier et le corrigeur.
Une chronique à réécouter sur France Culture
Auteur du Dictionnaire de l’argot des typographes – Augmenté d’une histoire des typographes au XIXe siècle et d’un choix de coquilles célèbres, réédité à Marseille aux Éditions Le mot et le reste, Eugène Boutmy, polygraphe et correcteur d’imprimerie français, collaborateur du Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, né le 14 septembre 1828 à Sargé-sur-Braye, était typographe à une époque où cette activité nécessitait d’être un ouvrier savant, sachant à la fois manier le plomb, manipuler les tournures de la langue et faire respirer un texte sur une page.
Ce labeur a donné naissance à une langue verte, un argot qui permettait « d’entrer en imprimerie ».
Son ouvrage, en plus de nous présenter un lexique fleuri, souvent drôle et très imagé, rend hommage au labeur des typographes, dur et contraignant, renforçant leur conscience sociale et politique.
Florilège :
Nous ne fournissons ici que la traduction de quelques mots, sans les commentaires éclairés de l’auteur sur leurs origines.
AMPHIBIE : Ouvrier typographe qui est en même temps imprimeur ou correcteur.
BOURDON : Omission d’un mot, d’un membre de phrase ou d’une phrase.
CANARDIER : Compositeur d’un journal.
CHIER DANS LE CASSETIN AUX APOSTROPHES : Quitter le métier de typographe.
CHOUFLIC : Mauvais ouvrier.
IL N’Y EN A PAS ! Réponse invariable du chef du matériel.
LEVER LES PETITS CLOUS : Composer.
PETIT-QUÉ : Le point-virgule.
PROTE : Chef d’une imprimerie.
SINGE : Ouvrier typographe.
Coquilles :
Dans un Évangile en latin, on imprima : « Quid vides festucam in culo fratris tui et trabem in culo tuo non vides ? » pour « Quid vides festucam in oculo fratris tui et trabem in oculo tuo non vides ? » (Pourquoi vois-tu le fétu de paille dans l’œil de ton frère et ne vois-tu pas le faisceau dans ton œil ?)
Avec in culo, (« dans le cul ») pour in oculo (dans l’œil »), cela change tout…
Dans un poème destiné à une dulcinée, on put lire :
J’aime à te voir, ô jeune fille,
Détachant ta noire mantille
De tes épaules de catin.
(Pour satin, bien entendu…)
Ailleurs, on se gaussa de :
« La vertu doit avoir des cornes » pour : « La vertu doit avoir des bornes ».
« On ne lui connaît pas de maîtresse ; il est toujours soul » pour : « On ne lui connaît pas de maîtresse, il est toujours seul ».
« Ces excellents produits sortent des urines de M. Lorilleux » pour : « Ces excellents produits sortent des usines de M. Lorilleux ».
Médications chrétiennes pour : Méditations chrétiennes.
Âneries :
Dyslexique :
« La pêche au chocolat » pour « la pêche au cachalot ».
Myopes :
« L’archipel de 600 kilos » pour « l’archipel de Cook ».
« Les Anglais sont divisés en « toupies et en vaches » pour « en tories et en whighs ».
Indeed !
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Les éditeurs, secrétaires de rédaction, imprimeurs, auteurs et autres passionnés de lettres vont apprécier ce Dictionnaire de l’argot des typographes, augmenté d’une histoire des typographes au XIXe siècle et d’un choix de coquilles célèbres, d’Eugène Boutmy.
L’ouvrage nous invite dans l’univers insolite de ce métier vieux comme l’imprimerie, son histoire — riche en faits et fugues alcoolisées — et surtout sa langue pittoresque et imagée.
Où l’on découvre que ce jargon haut en couleurs est peuplé d’animaux : si l’on sait ce qu’est un canard, on connaît moins les chiens, les singes, les chèvres, les loups-phoques, les hannetons (quand ce ne sont pas des araignées dans la coloquinte)...
Les coquilles — la hantise du correcteur et du typographe — dont l’étymologie est inconnue (l’auteur nous propose sa version) font l’objet d’un chapitre entier tant il y a d’anecdotes malencontreuses à raconter.
Enfin, pour terminer le bestiaire, un florilège d’âneries que des typographes ou gens de lettres dignes de ce nom n’auraient pas dû laisser passer.
Si la modernisation de l’imprimerie a fait disparaître ce métier, son histoire et son langage revivent grâce à cet ouvrage.
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Le Dictionnaire de l’argot des typographes d’Eugène Boutmy est un classique à plus d’un titre. Le métier de typographe, aujourd’hui disparu, donnait ses lettres de noblesse à l’édition. Et Eugène Boutmy était l’un d’eux, maniant les plombs des cassetins comme personne, mais surtout connaissant parfaitement l’argot de son métier. Car une confrérie des typographes s’était établie, et on n’y entrait pas sans montrer qu’on en était ! Il n’y a plus — ou presque ! citons l’admirable travail du maître typographe Christian Laucou — d’imprimeur au plomb aujourd’hui. L’informatique est venu lisser cet art et, par le fait, isoler les professionnels. L’écran a remplacé la grande salle et le langage propre a disparu.
L’argot d’un temps passé
Si les termes de casse, de coquille ou de justification sont entrés dans le langage de tout infographiste metteur en page, d’autres ont disparu. Soit parce que l’objet lui-même n’est pas utilisé (comme un cassetin), soit par absence d’usage, « modernité », « Progrès »…
Avant l’informatisation des procédures, la typographie était un travail manuel. Il fallait être habile et savant, un artisanat d’un caste supérieure. Et pour se distinguer, rien de mieux qu’un langage propre. Si l’argot, à la base, est la langue inventée par les Apaches (voyous et truands du début du XXe siècle) pour discuter à l’abri des oreilles policières, certaines professions ont créé le leur propre, comme le louchébem des bouchers et bien sûr l’argot des typo !
Augmenté d’une histoire des typographes au XIXe siècle et d’un choix de coquilles célèbres
Le très beau témoignage d’Eugène Boutmy dans son Dictionnaire de l’argot des typographes est aussi complet que possible.
D’abord, il y a un long historique de la profession. C’est un texte important parce qu’il donne ses lettres de noblesse à un artisanat d’art. Boutmy commence par faire l’historique de la profession, et l’ensemble des fonctions, ainsi que leurs évolutions avec le développement des techniques et des industries. Il liste en outre les différents métiers qui complètent les tâches quotidiennes des typographes. Attention, ne pas confondre avec l’imprimeur, c’est un point sur lequel Boutmy insiste fort, même si leur développement est conjoint.
Ne sont pas typographes tous les ouvriers employés dans une imprimerie : celui seul qui lève la lettre, celui qui met en pages, qui impose, qui exécute les corrections, en un mot qui manipule le caractère, est un typographe ; les autres sont les imprimeurs ou pressiers, les conducteurs de machines, les margeurs, les receveurs, les clicheurs, etc. Le correcteur lui-même n’est typographe que s’il sait composer, et cela est si vrai que la Société typographique ne l’admet dans son sein que comme compositeur, et non en qualité de correcteur.
Ensuite, il y a le dictionnaire en lui-même. On y trouve des expressions imagées (avoir une araignées dans le coloquinte = avoir le cerveau fêlé ; chier dans le cassetins aux apostrophes = quitter le métier de typographe). Des verbes sonnant dont l’usage pourrait être remis au goût du jour avec bonheur (gourgousser = se répandre en jérémiades ; piauler = mentir). Des expressions passées dans le langage commun (kif-kif, casser sa pipe, chercher la petite bête). Les typo aiment bien aussi tirer la pelote d’un mot, comme à partir de sarrasin (ouvrier « compositeur qui ne fait pas partie de la société typographique. Cette expression vient sans doute de ce que les Sarrasins sont des infidèles ») ils forment sarrasinage, sarrasiner…
Enfin, deux petites pépites. « Coquilles célèbres ou curieuses » rappelle un peu les Perle de la littérature de Dominique Jacob. Mais c’est un peu moins drôle parce qu’un peu moins énorme. Et « Âneries » qui veut montrer les vraies fautes nées de l’ignorance, mais qui est, malheureusement, un peu daté.
Le Dictionnaire de l’argot des typographes prendra place à portée de main de tous ceux qui s’intéressent au beau métier que fut celui des typographes. Mais aussi à la typographie au sens large.
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