Parution : 21/04/2006
ISBN : 2915378221
560 pages (21 x 14,8 cm)

30.00 €

Du mot à l’image & du son au mot

Théorie, manifeste, documents : une anthologie de 1887 à 2005

La lettre, le mot, la phrase, le vers, le signe, constituent les objets de réflexion des textes
ici rassemblés. Ils indiquent à travers les ans et au gré des esthétiques que le poème s’est écrit et s’est dit de multiples façons, qu’il a été lu et vu selon divers angles, qu’il fut compris et entendu comme matière, matériau, son et signification. De la page seule au livre pluriel, du tableau à l’affiche, du dépliant à l’objet, de l’image à la figure, de la surcharge de formes aux blancs, de l’oeil au souffle, il s’est déployé à l’intérieur de sa langue comme à l’intérieur du langage. Ces textes montrent que la nature du poème est de retrouver son histoire dans le parcours de son propre sens.

Jacinto Lageira

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[...] La littérature ici subit une exquise crise, fondamentale.
Qui accorde à cette fonction une place ou la première [la presse], reconnaît, là, le fait d’actualité : on assiste, comme finale d’un siècle, pas ainsi que ce fut dans le dernier, à des bouleversements ; mais, hors de la place publique, à une inquiétude du voile dans le temple avec des plis significatifs et un peu sa déchirure.
Un lecteur français, ses habitudes interrompues à la mort de Victor Hugo, ne peut que se déconcerter. Hugo, dans sa tâche mystérieuse, rabattit toute la prose, philosophie, éloquence, histoire au vers, et, comme il était le vers personnellement, il confisqua chez qui pense, discourt ou narre, presque le droit à s’énoncer. Monument en ce désert, avec le silence loin ; dans une crypte la divinité ainsi d’une majestueuse idée inconsciente, à savoir que la forme appelée vers est simplement elle-même la littérature ; que vers il y a sitôt que s’accentue la diction, rythme dès que style. Le vers, je crois, avec respect attendit que le géant qui l’identifiait à sa main tenace et plus ferme toujours de forgeron, vînt à manquer ; pour, lui, se rompre. Toute la langue, ajustée à la métrique, y recouvrant ses coupes vitales, s’évade, selon une libre disjonction aux mille éléments simples ; et, je l’indiquerai, pas sans similitude avec la multiplicité des cris d’une orchestration, qui reste verbale.[...]

1897, Stéphane Mallarmé, Crise de Vers.

*

Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà « un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise
du vulgaire »*.[...]

1916/1920, Tristan Tzara, Pour faire un poème dadaïste.

*

SIGNIFICATION ET ARTIFICE
La raison pour laquelle il est difficile de parler de la signification d’un poème — sans que la superficialitéou la partialité du commentaire vous laisse sur votre faim — c’est qu’en qualifiant un texte de poème on suggère que ses significations doivent être situées dans une sorte de « réseau », par-delà l’empilement des procédés formels & des thèmes. Tout type de texte peut faire l’objet d’une lecture poétique ; on peut considérer qu’un « poème » est un type particulier d’écriture visant à englober ou promouvoir des stratégies de lecture plutôt heuristiques que passives. L’« artifice »est une des mesures de la résistance du poème à une lecture qui le réduirait à la somme de ses figures & de ses thèmes. En ce sens, l’« artifice » s’oppose au « réalisme » qui met un point d’honneur à présenter une expérience des faits — du monde « extérieur » de la nature, ou du monde « intérieur » de l’esprit —sans médiation (non médiée); par exemple dans la représentation naturaliste ou la cartographie phénoménologique de la conscience. En régime poétique, les faits sont avant tout refaits, objets d’une médiation. [...]

2004, Charles Bernstein, Artifice et Absorption.
Sous la direction de Jacinto Lageira
Le XXe siècle a vu une accélération des théories imbriquant texte et image, des mouvements dadaïstes ou surréalistes, aux spatialistes et situationnistes, puis du postmodernisme jusqu’à nos jours.
Cet ouvrage souligne la part essentielle des poètes dans l’aventure du langage et des arts en général. Plus discrets que les images, les textes n’en sont pas moins à leur hauteur et incontournables pour la compréhension du monde.
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