Un polar très efficace, construit dans les règles de l’art et non dénué d’humour. De l’humour noir, on s’entend. Impossible de le déposer avant d’avoir tourné la dernière page. Vous serez prévenus !
ICI Radio-Canada
Revue de presse
Je peux te dire que dans le genre amusement sanglant, Étienne Chénier n’y va pas qu’avec la crosse de son Glock et c’est… totalement génial. Bon, d’accord, le fait que le personnage principal soit libraire de son état pourrait te faire dire « ça y est, c’est facile cette identification »…tss tss, que nenni, car Étienne est un tueur acharné, plutôt pas mal bon dans ce domaine d’ailleurs.
Mais pourquoi donc cette obstination farouche à tuer des hommes déshabillés de toute fioriture phallocentrique ? car oui Étienne apprécie d’abattre sa proie dans le plus simple appareil. Et bien à toi d’y aller car il serait fort dommageable que tu passes à côté de ce très bon polar qui ne s’arrête pas au limite du genre.
En face d’Étienne, Éric Forbes place un enquêteur du Service de Police de Montréal, un certain Denis Leblanc, qui se demande comment ce singulier individu a pu bénéficier d’une large remise de peine. La figure de Leblanc est déjà tout un poème « (…) Une seule fois il avait lu un livre de ce genre, et il n’avait pas vraiment aimé. Le personnage principal, un policier alcoolique et bedonnant au seuil de la retraite, râlait sans cesse à propos de tout et de rien ; et, malgré son caractère exécrable, finissait au lit avec une blonde pulpeuse qui se révélait être la meurtrière. À croire que les auteurs ne connaissait strictement rien au métier de policier(…) ». Bref.
Dans cette histoire qui te prend aux tripes, sans mauvais jeu de mots, ce qui est plus qu’agréable c’est cette galerie de personnages composée par Forbes. Il y a du consistant, de la carcasse usagée, le sens exquis de la formule et de la mise en situation, les plaies, les bosses et toute la sympathie humaine tout à fait anti-héroïque.
Sur un rythme soutenu, l’auteur, lui aussi libraire, collectionneur de polars et originaire d’Amqui, va, par petites gouttes ensanglantées, te mener au secret qui ronge son protagoniste, certes « imparfait » et pourtant terriblement fascinant.
L’inspiration de Jean-Patrick Manchette n’est pas loin, pas loin non plus des détectives privés comme Philip Marlowe (Raymond Chandler) ou Sam Spade (Dashiell Hammett).
Sauf que « notre » Étienne Charnier, euh excusez moi, Chénier, est plutôt un homme en colère. Des bas quartiers aux grandes villas, sa vengeance s’étale et rien n’est plus dangereux qu’un homme qui n’a plus rien à perdre.
Éric Forbes balance dans son shaker littéraire un flic alcoolique et un libraire ivre de revanche pour t’offrir un cocktail explosif où la pointe d’humour, forcément noir, te tracera un sourire et te gardera l’œil pétillant jusque tard dans la nuit.
Dans le jeu du massacre où le tueur montre bien que le monstre n’est pas forcément celui que l’on croit, « Amqui » t’entraîne dans un tumultueux chemin jamais pavé de bonnes intentions.
Voici un polar hors cadre qui t’électrisera jusqu’au bout.
Coup au cœur bien noir.
Sur le site Aire(s) Libre(s), Amqui est à retrouver aux côtés de Betty de Tiffany McDaniel !
[...]
On suit deux romans en un, finalement, puisqu’on épouse à la fois le point de vue de Chénier et celui de Leblanc, pas forcément ennemis mais plutôt adversaires, chacun se tenant, vacillant, de son côté de la loi.
Les deux hommes ont en commun des blessures que rien ne pourra cicatriser mais chacun a une manière différente d’y survivre, l’alcool et la dépression pour l’un, la justice expéditive pour l’autre.
Au centre de ce récit, un regard extrêmement critique sur la société québécoise : gangrenée, pourrie, corrompue jusqu’au coeur de la classe dirigeante, elle détruit la vie des hommes et les pousse au désespoir et à la violence.
Écrite dans cette langue réjouissante et inventive, l’intrigue est convulsive et sèche comme un coup de trique, la noirceur et la mort ne cessant de se répandre au fil des pages, avec, çà et là, des moments d’humour comme des aboiements brefs et un amour des polars à l’ancienne que je partage totalement.
Le début de cette chronique ainsi que des extraits sont à lire sur En lisant, en écrivant.
”Ça faisait un moment que je n’en avais pas lu un, un roman policier pur et dur. Ici en québecois, ce qui donne une note parfois très très comique aux scènes les plus saignantes, et il y en a un bon lot, ce qui n’est pas pour me déplaire.”
[...]
“Très bel épilogue, avec un libraire revenu à sa vie de libraire, mais… pour moi un roman jubilatoire et ça ne se refuse pas .”
La chronique est entière et illustrée d’extraits sur le blog La livrophage.
Sur ce même blog, vous pouvez également retrouver un entretien avec l’auteur.
“Cher Éric, bonjour et merci. Merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions et merci pour la lecture savoureuse que vous m’avez offerte.
J’ai pu lire que vous êtes libraire et collectionneur de polars. Vous avez donc de beaux atouts pour à votre tour vous lancer dans l’écriture.
Est-ce qu’il a fallu beaucoup de temps pour oser vous lancer, l’envie était-elle là depuis longtemps ou bien ce fut un besoin pressant, un sujet qui survient, une stimulation particulière ? Dites-moi quelle a été la machine qui s’est mise en route pour débuter ce roman.
Depuis à peu près l’âge de 12 ans, soit depuis que je m’intéresse au polar, l’idée d’écrire un roman m’a toujours trotté dans la tête. Sauf que, pendant longtemps, je ne croyais pas avoir ce qu’il faut pour en écrire un. À force de fréquenter les plus grands auteurs, j’avais développé, je crois, une espèce de complexe d’infériorité. Et, honnêtement, même après l’écriture d’Amqui, et son succès inespéré, ce complexe me hante toujours. Comme si j’étais un imposteur sur le point d’être démasqué ! Ce qui m’a décidé à envoyer le manuscrit d’Amqui (qui dormait dans un tiroir, et sur lequel je travaillais par intermittence depuis une douzaine d’années), le véritable élément déclencheur, est un sentiment d’urgence qui m’a saisi après un incident cardiaque où j’ai failli laisser ma peau ( le même genre d’incident qui tue le fils de Leblanc dans mon livre). Quand on réalise que, dans la vie, tout peut basculer en un claquement de doigt, on fait fi de ses scrupules et on fonce en se disant qu’on a rien à perdre, sauf, peut-être, un peu d’amour propre.”
L’interview est à lire en intégralité sur le blog La livrophage
Pour son premier roman, l’écrivain québecois nous emmène dans la région du Bas-Saint-Laurent, sur les traces d’un libraire transformé en tueur.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, Amqui est une ville du Québec, dont le nom signifierait «lieu d’amusement et de plaisir», ce qui paraît difficile à croire quand on lit le roman noir d’Eric Forbes. Amqui, c’est la ville dont son héros est originaire : Etienne Chénier, un libraire trentenaire que l’on découvre dès la première page imbibé de pluie sous un abribus devant le mythique pénitencier de Bordeaux, non pas en Gironde mais au nord de Montréal. L’homme vient de purger quatre ans de prison pour meurtre : il a été libéré bien plus tôt que prévu pour une raison inconnue et, manifestement, il entend bien utiliser ce temps de liberté qui s’ouvre à lui pour régler quelques comptes.
Quand il commence à laisser trop de sang couler derrière lui, un enquêteur se lance à sa poursuite. Denis Leblanc est l’archétype du flic dépressif et bedonnant mais il a une circonstance atténuante : son fils unique Samuel est mort par négligence médicale à l’hôpital Jean-Talon, et il reste hanté par l’image du jeune homme «affalé dans un fauteuil roulant, inerte, la tête renversée vers l’arrière, les yeux révulsés, la bouche entrouverte». Une course-poursuite va s’engager entre les deux hommes, Leblanc ayant toujours un coup de retard sur Chénier. Celui-ci a un point faible, sa mère, hospitalisée pour Alzheimer. «Dès l’apparition des premiers symptômes, elle avait su qu’elle partait à toute vitesse dans un autre monde. Un monde de noirceur et de silence. Sa prison à elle. Elle l’avait supplié de la tuer. Chénier en avait été incapable.»
[…]
Eric Forbes a mis beaucoup de lui-même dans ce premier roman car il est libraire et originaire d’Amqui, comme son héros. On adore ses dialogues avec le mot «pis» à toutes les sauces («Tiens, ton nouveau gun, l’héroïne, pis tes autres gugusses. Vu que l’arme était pas prévue, pis qu’il a fallu couper dans les délais, ça va te coûter le double») et ses références aux polars (qu’il collectionne).
Lisez toute la chronique sur Libération.fr
Un noir roman dont le flic s’appelle Leblanc ? Tabarnak ! Nous sommes à Montréal où le dénommé Chénier vient d’être libéré de prison plus tôt que prévu. Que lui vaut cette gracieuse remise de peine ? Mystère. Mais visiblement, Chénier a des comptes à régler. Avec un tram de retard, le neurasthénique sergent enquêteur Leblanc et sa plus dynamique collègue Sophie se lancent à ses trousses.
Étrange tout de même : Chénier était auparavant un libraire sans histoire. Qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’il se métamorphose en tonton flingueur prêt à vider son chargeur à la première contrariété ?
[…]
Chic alors : Éric Forbes nous délivre un percutant roman chargé d’humour et d’hémoglobine où l’on se délecte de dialogues avec l’accent québécois authentique. Crisse ! Un pur bonheur tarantinesque.