Thoreau considère la philosophie comme un art de vivre, et la vie comme une expérience philosophique. Marcheur infatigable, il explore les forêts et construit une cabane près d’un lac : ce retour émerveillé à la nature est le support d’une quête de soi permanente.
Michel Onfray – Philosophie Magazine
La publication du présent recueil d’essais, aux thématiques très diverses, met pour la première fois à la disposition du lecteur français du début du XXIe siècle la variété des intérêts de Thoreau. Elle donne à voir l’évolution de sa pensée, son déplacement entre nature et société. Il faut entendre sa passion pour la nature, son refus d’adopter un comportement moutonnier, accueillir le questionnement qui est au cœur de sa résistance : peut-on subordonner la liberté à des considérations économiques ? La loi de la majorité est-elle démocratique et souhaitable ? La loi rend-elle nécessairement juste ? L’individu seul peut-il favoriser l’avènement de la justice ? Comment ne jamais abandonner sa conscience ?
L’ouvrage comprend les textes suivants:
Histoire naturelle du Massachusetts
Randonnée au Mont Wachusett
Une promenade en hiver
Le paradis à reconquérir
Le journal Herald of Freedom
Wendell Philipps au Lycéum de Concord
Résistance au gouvernement civil
Marcher
L’esclavage au Massachussets
La vie sans principe
Teintes d’automne
Plaidoyer en faveur du Capitaine John Brown
Le martyre de John Brown
Les pommes sauvages
Les derniers jours de John Brown
La succession des arbres en forêt
Revue de presse
Jeudi 20 octobre Michel Granger, américaniste professeur à l’université de Lyon, auteur des appareils critiques de toutes nos éditions des textes de Thoreau était l’invité d’Adèle Van Reeth. Cette émission était la dernière d’un cycle consacré à la solitude, et évoquait bien sûr la notion de solitude chez H. D. Thoreau.
Pour réécouter l’émission :
Les Nouveaux chemins de la connaissance
Le numéro d’été de Philosophie magazine consacre un dossier spécial à l’écrivain et philosophe américain Henry David Thoreau, avec des articles de Michel Granger (qui a rédigé l’appareil critique de nos éditions de Thoreau), Jim Harrison, José Bové... et la reproduction d’extraits de notre édition de Résistance au gouvernement civil.
Introduction du dossier
Il est l’un des grands précurseurs de l’écologie, un critique féroce de la civilisation capitaliste et le pionnier de la désobéissance civile : imagine-t-on penseur plus actuel ? Pourtant Thoreau, philosophe américain du 19e s., demeure relativement méconnu. Pour y remédier, il faut se plonger dans son existence et son oeuvre, indémêlables comme le montre Michel Onfray : Thoreau considère la philosophie comme un art de vivre, et la vie comme une expérience philosophique. Marcheur infatigable, il explore les forêts et construit une cabane près d’un lac : ce retour émerveillé à la nature est le support d’une quête de soi permanente. Son credo : se concentrer sur l’essentiel contre les aliénations de la société marchande, comme le soulignent Michel Granger et l’écrivain Jim Harrison, dans un entretien exclusif. Mais Thoreau est aussi cet insoumis qui refuse de payer l’impôt et prône la résistance contre les abus de l’Etat. Cette éthique et cette politique de l’indignation constituent le second versant de sa modernité, ici présenté par Sandra Laugier et loué par José Bové. Ainsi, que ce soient les randonnées estivales ou les manifestations automnales, Thoreau s’affirme comme un précieux compagnon de route et de pensée…
De la vie dans les bois à la désobéissance civile
Autour de Henry David Thoreau, écrivain américain (1817–1862), considéré comme l’un des pères de l’écologie.
Avec Thierry Gillyboeuf, traducteur de “De la Désobeissance civile” (Ed.Mille et une nuits) et de nombreux autres textes de Henry David Thoreau, Christian Doumet, professeur de littérature française et d’esthétique musicale à l’Université Paris-VIII, auteur de “Trois huttes” (Thoreau, Patinir, Bashô), et Michel Granger, professeur de littérature américaine à l’Université de Lyon II, spécialiste de “nature writing” (Thoreau, Henry Adams, John Muir, Rick Bass), auteur de nombreux livres et articles autour de Thoreau.
Une émission d’une heure avec David Collin et Philippe Zibung.
Pour écouter l’émission, rendez-vous sur son site :
Babylone
Rien de tel que la découverte des essais de ce dissident suprême que fut Henry D. Thoreau (1817–1862) pour rompre avec son image d’ermite retiré sur les bords du lac Walden. Le penseur, s’il se tenait en retrait des mouvements collectifs et manifestait un certain apolitisme, n’en était pas moins attentif aux débats de son temps et à l’actualité de son pays. Michel Granger, préfacier de ce recueil, souligne donc opportunément que Thoreau maintint toujours sa réflexion non moutonnière entre « nature et société », pour tenter de définir l’équilibre qu’un individu libre digne de ce nom pouvait se ménager entre ces deux pôles.
Ce qui est indéniable, c’est son engagement intégral, absolu, pour la nature. Ayant comme nul autre de ses contemporains abordé ce sujet, Thoreau sera l’initiateur d’un genre littéraire à part entière, qui fait encore florès aujourd’hui, celui du nature writing, et c’est en visionnaire qu’il appellera, dès le milieu du XIXe siècle, à la préservation et à la protection des sites menacés par l’homme.
Soulignons d’emblée que l’ouvrage réalisé par les éditions marseillaises Le mot et le reste est d’une très belle facture, notamment au niveau de sa typographie, où élégance se conjugue avec clarté. Au-delà de ce pur attrait bibliophilique (qui rend hommage à l’amour que notre réfractaire portait aux livres), l’intérêt est de retrouver rassemblés les articles et interventions essentiels de Thoreau.
Ce travail anthologique permet enfin au public francophone de parcourir l’évolution, ou plutôt les inflexions, de la pensée plurielle de Thoreau et de rencontrer un sage qui, au lendemain d’une nuit passée en prison parce qu’il avait refusé de payer ses impôts, n’avait d’urgence que d’aller cueillir des airelles. N’est-ce pas là une fréquentation hautement recommandable ?
Appelé «Réfractaire qui se plait à résister», «philosophe dans les bois» ou « père de la désobéissance civile », l’écrivain Henry D. Thoreau (1817–1862) vou-lait, selon le professeur d’anglais de l’Université Lyon 2 Michel Granger, « perturber ce qui ronronne, déstabiliser le prêt-à-penser ». Deux ouvrages qui viennent de paraître présentent cet auteur autrefois apprécié de Proust, Gide et Giono, trop peu connu aujourd’hui en France, mais que Sean Penn cite à plusieurs reprises dans son dernier film « Into the wild »: Thoreau est en effet le maître à penser du héros, ce jeune homme parti vivre en toute liberté et en pleine nature
en Alaska.
« Il faut entendre sa passion pour la nature, son refus d’adopter un comportement moutonnier, accueillir le questionnement qui est au coeur de la résistance… et surtout, accepter de cette personnalité forte la provocation à penser» écrit Michel Granger, spécialiste de Thoreau, dans sa très intéressante introduction à un recueil d’une quinzaine d’essais très divers de l’écrivain dissident et environnementaliste, pour la première fois regroupés en français.
Rébellion contre les injustices
« Comment un homme de nos jours doit-il se comporter à l’égard du gouvernement ainé-ricain ? Je réponds qu’il ne peut pas s’y associer sans se déshonorer », écrit notamment Thoreau dans son essai le plus révolutionnaire intitulé « Résistance au gouvernement civil ». Certes, on comprend plus loin que la principale raison d’un tel juge-ment tenait au fait que l’Amérique de l’époque était celle de l’esclavage. Mais on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il penserait et dirait du monde d’aujourd’hui. Surtout lorsqu’il écrit «Je me plais à rêver d’un État qui pourrait enfin se permettre d’être juste envers tous les hommes et de traiter l’individu avec le respect dû à son prochain; un État qui en vérité ne trouverait pas incompatible avec sa tranquillité l’existence de quelques-uns qui choisiraient de vivre en marge, sans se mêler de ses affaires ni se laisser séduire par lui. »
À l’intérêt que suscite la lecture de cette rébellion contre les injustices, qui inspira Gandhi et Martin Luther King et d’une vision très contemporaine de l’environnement s’ajoute le plaisir de découvrir d’autres textes bien plus poétiques également repris dans cet ouvrage, ceux de l’observateur attentif et de l’amoureux des beautés de la nature.