Revue de presse
Le village des apparences
Malabre, le village que met en scène Marc Trillard dans Fantaisie villageoise, est tout sauf mort, lui. Et tellement normal en apparence. Un village sans histoires, avec son boulanger, son épicerie, ses quelques petits commerces et ses habitants qui se connaissent tous. C’est l’été. La nature exulte dans cette région rurale du Sud-Ouest. Les travaux des champs battent leur plein. Jeanne Ambarel vient de s’installer. Elle prend la suite du médecin généraliste du canton, non remplacé depuis sa mort quelques années plus tôt. Très vite, elle se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond dans ce petit village pimpant. Pourquoi personne ne vient-il à ses consultations ? Pourquoi semble-t-il n’y avoir aucun décès à Malabre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de monument aux morts ? Pourquoi n’y fête-t-on pas le 14 juillet ? Pourquoi y suit-on chaque année le même rituel, une grande marche de deux jours autour du canton ? À toutes ces questions, et à d’autres encore, l’esprit rationnel de Jeanne exige des réponses… qu’elle obtiendra à force d’obstination. Elle découvrira alors les dessous de l’histoire, ce qui tient prisonniers les gens de ce canton. Croyances, superstitions d’un autre âge sont au cœur de ce court roman qui se dévore mais laisse planer le doute… et comme une sourde angoisse.
Une chronique à retrouver dans Zibeline
La désertification des campagnes a son corollaire : le désert médical. Ceux qu’on nomme ruraux pleurent les kilomètres à parcourir pour consulter loin là-bas, à la ville. Mais à Malabre, la nouvelle docteure, on n’en veut pas. Telle ce bon vieux docteur Knock, Jeanne Ambarel hérite d’une salle d’attente vide. Ainsi commence la Fantaisie villageoise de Marc Trillard.
“Mercredi jour du crémier, les molécules de calcium ; à faire descendre dans les os. Après-demain vendredi jour de la marée, les particules d’iode ; à transfiltrer vers la thyroïde. Et toute l’année les molécules de glucose dans les pots de miel de Pech aux côtés des bocaux de la mortelle gelée de mûres. Les Malabrais ont-ils besoin de quoi que ce soit qui ne leur parvient pas ? Même le carburant, tous les lundis, pour les voitures qui restent dans les garages. On ne va pas cavaler vers les océans ou les alpages laitiers puisque tout nous arrive, même les médecins qu’on n’a pas demandés.”
L’écriture de Marc Trillard est tour à tour descriptive, dialoguée, légère, grave : elle rend compte au plus près de l’ambiance étrange de ce village hors du temps. Jeanne Ambarel a tout de l’archétype de roman noir, celui de l’étranger qui débarque dans la ville pour mieux mettre en lumière ses mystères et ses dysfonctionnements. Malabre, sous la plume de l’auteur, a un air du Village de Night Shyamalan. A-t-on sous les yeux une secte ? Est-on passé dans une quatrième dimension ? Quelle superstition, quel charme pèsent sur ces lieux ?
Jeanne Ambarel (vous l’avez repéré, l’anagrame ?) porte la voix de ce court et réjouissant voyage dans la tradition et la mémoire. Une fantaisie incroyable, légère et dramatique.
Une chronique à retrouver sur Fondu au noir
L’écrivain Marc Trillard, qui a longtemps vécu à Toulouse – il est aujourd’hui installé en Asie du Sud-Est –, est décidément un sacré conteur d’histoires. Révélé par “Eldorado 51” (Prix Interallié en 1994), il nous revient, après l’excellent “Aéroplanes”, publié par les éditions Le mot et le reste en 2019, avec un nouveau roman, “Fantaisie villageoise” (à nouveau chez Le mot et le reste) aussi passionnant que troublant. On voyage souvent très loin avec le bourlingueur Trillard : une fois n’est pas coutume, c’est quelque part en France, dans un espace-temps incertain, qu’il situe son roman et place son personnage central, encore une femme à la personnalité attachante, après Gabrielle, la jeune journaliste d’Aéroplanes. Malabre, désert médical : c’est ici, dans le canton de Theyllise, que Jeanne Ambarel, médecin, vient échouer après le décès du docteur Malbosc. Jeanne va à la rencontre de la population locale un peu fruste, qui l’accueille entre bienveillance et méfiance… mais sans jamais franchir le seuil de son cabinet. Pourquoi cette réticence ? La jeune femme s’interroge…
Elle décide d’enquêter sur le passé médical de la région et découvre peu à peu des récits de processions païennes, d’éducation dévote, d’emprise et de dépendance sur les esprits les plus jeunes… Jeanne et le lecteur, captivé, ne sont pas au bout de leurs surprises… Un excellent roman, qui se lit d’une traite et dont l’atmosphère envoûtante vous hante longtemps après en avoir tourné la dernière page…
Une chronique à retrouver sur La Dépêche
Tout juste débarquée à Malabre, village du canton de Theylisse, Jeanne Ambarel, jeune médecin dépêchée par l’agence régionale de santé afin d’éradiquer ce territoire de la liste des déserts médicaux, entend bien créer sa place et s’intégrer à la population locale. Mais la Fantaisie Villageoise de Malabre, se manifestant de façon pour le moins spéciale, l’entraînera dans une sorte de quête de la vérité un peu particulière.
Ce roman de Marc Trillard est à mi-chemin entre la fable sociale (prenant pour décor une commune rurale isolée), la farce et le « thriller », médical ou pas. Pour nous, il évoque les romans de Kenneth Cook, 5 matins de trop ou de Douglas Kennedy, Cul-de-sac, se déroulant tous deux dans le bush australien et dont certaines similitudes se retrouvent dans ce roman aux nombreuses qualités.
[...]
Fantaisie villageoise est un roman absolument stupéfiant. Nous utilisons à dessein ce terme car il fait naître en nous plusieurs constatations/remarques. La première étant la suivante : mais est-ce qu’une telle histoire n’est que le fruit de l’imagination d’un auteur inspiré ou est-elle plus ou moins fondée sur des éléments concrets, réels.
La base du roman repose sur une réalité tangible, celle des déserts médicaux et/ou administratifs dans des villages ou cantons très peu peuplés de l’hexagone. Ceux-ci, laissés l’abandon par les pouvoirs publics, se débrouillent comme ils peuvent, comptant principalement sur la solidarité des habitants qui y vive, faute de mieux, en quasi autarcie.
La seconde naît de la première : mais qui peut y changer quelque chose ?
Une légère touche d’humour grinçant.
Dans le cas présent, Marc Trillard décrit une (triste) réalité mais en y insufflant un je-ne-sais-quoi d’humour (pince-sans-rire, presque ironique). Les habitants, des paysans, des « ploucs » plus vrais que nature, se trouvent mis en décalage par le personnage principal. Celle-ci apporte la seule dose de modernité dans ce village replié sur lui-même. Le contraste est flagrant, joue sur la peur de l’autre, sur la méfiance (pour ne pas dire la défiance) des uns envers l’autre.
Fin, drôle (a posteriori) et interrogeant le monde.
Au final, ce Fantaisie villageoise s’avère être un roman très intéressant. De par ses qualités littéraires et son rythme, mais également par le regard qu’il porte sur le monde. Car en creux, c’est bien de cela qu’il s’agit. Il interroge sur le pouvoir administratif de l’état, sur le fait qu’il laisse à l’abandon certains territoires ruraux. Il questionne sur l’exode vers les grandes villes, sur les questions de résistances/résiliences, mais également sur la tolérance dans une certaine globalité.
Sans tirer sur de grosses ficelles, procédé qu’il eut été facile de mettre en place, Marc Trillard nous offre un roman subtil et intelligent, qui dit les choses sans les nommer (donc ne nous prend pas pour des imbéciles), en portant un regard empli d’amour pour ses personnages et, au-delà, pour ses « déserts » français chargés d’une histoire forte, profondément ancrée dans le sol par des racines séculaires. En bref, un roman d’amour (en quelque sorte).
La chronique est à retrouver dans son intégralité sur Litzic
Illustration de couverture exceptionnelle et tout à fait dans le ton. J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas des lignes qui vont suivre car il ne faudra surtout les considérer comme réductrices de son roman.
D’abord un petit jeu de mots sur le titre. Fantaisie pourrait s’écrire en anglais Fantasy et ce livre relèverait alors d’un genre à la mode. Mais je préfèrerais l’associer à un autre mot français et à un auteur particulier… Fantaisie pourrait renvoyer à Fantastique et je ferais référence alors à Claude Seignolle, un des grands maîtres français du genre. De ce fantastique qui dépend de la manière dont on observe les choses et les gens, de l’éclairage qui nous les montre.
Imaginez une jeune femme – pas encore trentenaire – qui s’installe dans un petit village – entre deux cent cinquante et deux cent soixante habitants – deux ans après le décès du précédent docteur ayant officié pendant quarante-cinq ans. La jeune toubib va constater diverses anomalies comme l’absence de fiches médicales concernant les décès dans le village, un dépôt de carburant alors que la plus proche station-service n’est qu’à une dizaine de kilomètres, la présence de la carte du canton un peu partout. Et surtout l’absence de malades, de consultants dans le village. Et elle va chercher à comprendre par tous les moyens modernes à sa disposition. Elle trouvera la solution et j’aurais pour ma part préféré qu’elle n’explicite pas ce que nous venions de comprendre, même si ce qu’elle fait alors l’intègre au village.
C’est subtilement écrit avec de belles tournures de phrases qui rendent compte d’un parler villageois particulier et d’autres qui renvoient à nos scepticismes. Je pense que vous avez là un bon plaisir de lecture… Idéal pour les transports en commun et aborder lucidement une journée de labeur…
Bonne lecture.
Une chronique à retrouver sur Daily Passions
Ce matin dans le Livre du Jour, Frédéric Koster nous fait découvrir Fantaisie villageoise de Marc Trillard, paru aux Éditions Le Mot et le reste.
Dans la sélection Culture & Vous de Jean-Paul Guéry
En succédant au vieux docteur installé depuis 45 ans, Jeanne sait bien qu’il lui sera difficile de se faire accepter parmi les quelques centaines d’habitants de ce petit village. Comme elle n’a aucune visite, elle a le temps de consulter les fiches et là, première surprise, seulement onze patients répertoriés dont deux morts. En fouillant un peu, Jeanne va découvrir une communauté totalement repliée sur elle-même et attachée à des valeurs qu’elle ne discerne pas. Isolée mais déterminée, elle défie courageusement les édiles locaux, bien décidée à comprendre… Une histoire originale au suspense grandissant.
Jeanne Ambarel, jeune médecin fraîchement diplômée, s’installe à Malabre, un désert médical du sud-ouest. Accueillie sans enthousiasme par le maire, elle s’entête, avec la ferveur d’une néophyte, à démarrer là une vie professionnelle dont elle a fait siennes les exigences déontologiques. Elle pourrait vite renoncer devant l’indifférence ou la méfiance de sa patientèle supposée, pour le moins troublantes. Au contraire elle décide de comprendre : les décès survenus sans trace de suivi médical par son prédécesseur, les inhumations sans certificat, etc.
Un polar en milieu rural, non. Une « fantaisie » ! Écrit à la première personne, ce roman suit l’itinéraire de l’héroïne, le cheminement de son enquête au gré de ses conversations avec les autochtones : elle oppose son rationalisme à « la raison bancale » du village, une communauté rurale repliée sur elle-même dans un hors-la-loi favorisé par l’incurie administrative. Plus intéressant est le rapport de force qu’installe le romancier entre deux manières de faire face aux coups du sort. « L’entêtant nectar de la coutume » érige l’isolement en sauvegarde, au rythme de rituels dont on a perdu l’origine et la signification. Vertige de la raison ? L’écriture dense et efficace alterne les dialogues et un monologue intérieur souvent décalé, contaminé par le parler local. L’efficacité professionnelle passerait-elle par l’empathie, la compréhension des autres, leur « fantaisie » plus que par un affrontement stérile ?