On est donc émerveillé par l’émerveillement de cette écrivaine aventureuse et féministe, amie de Jack London, face aux miroitements subtils de la Sierra Nevada. Modestie, patience… L’écologie avant l’heure.
Arnaud Gonzague – Terra Eco
Revue de presse
Les éditions Le Mot et le Reste nous donnent à lire l’*ouvrage lumineux* de Mary Austin (1868–1934), Le Pays des petites pluies, dans lequel le paysage est le sujet du récit, « pays des frontières perdues » soumis l’été à « un intolérable éblouissement solaire ». Et pourtant il y pleut. Il y a des couleurs, des plus claires aux plus obscures, des formes, des plus élevées aux plus abyssales. Des accalmies et des tempêtes. De la chaleur intense et du gel. Et l’Indien veille, résiste, fier, dans la Vallée de la Mort. L’essence même de la vie sur terre trouve son accomplissement dans ce « véritable désert ». C’est une leçon de nature, presque une parthénogenèse dans laquelle certaines espèces s’auto-multiplient, s’épanouissent, non dans le chaos mais dans l’ordre primordial. Mary Austin identifie chaque arpent de cette terre de l’Ouest américain, l’inventorie, en confectionne un herbier vivace. Elle décrit avec délicatesse les vibrations de la végétation, les plantes adaptées à la sécheresse ou aux milieux aquatiques, les végétaux d’altitude, leurs types biologiques, le pelage des petites bêtes de cette région ; d’où un amour et une compassion à l’égard des espèces du monde végétal et animal.
[…]
La beauté sculpturale des plantes et leur effloraison est telle que Mary Austin y voit la révélation biblique, « peut-être l’explication du buisson ardent ». Dans Le Pays des petites pluies, « quel que soit ce qui monte ou descend les rues des montagnes, l’eau a la priorité » et engendre « la floraison luxuriante qui est la merveille des canyons de la sierra ». Ce précis de nature est un trope, une rhétorique, depuis Rousseau, et l’auteure emprunte le plus souvent à l’hypallage, à la catachrèse, pour décrire le sublime du paysage. La grande romancière sacralise les arbres, « les sapins (…) des pentes orientales [dont les] minarets de branches fixés en étoiles touchent au ciel ». En musicienne, elle recueille les sons de tous les éléments du macrocosme. En pionnière, elle recueille les propos d’une Païute. Passés les guerres et les conflits, le vol des terres, la femme indienne se confie à elle. Tour à tour victime et « proie des conquérants », elle élève seule ses enfants à l’intérieur de ce pays rude et sauvage, mais, nous dit Mary Austin, « en fait elle en sait tout autant que vous qui êtes habitué d’un plus grand espoir »…
Lisez toute la chronique en ligne
C’est sous ce titre sibyllin que les éditions Le Mot et Le Reste publient en version poche le texte planant de Mary Hunter Austin (1886–1934), sorte de pionnière de l’ouest, à plusieurs titres…
J’ai envie de dire Mary Austin, « folle du désert », tant cette forte femme au physique de cow-boy girl, avec stetson et regard altier, entre dans cette littérature américaine appelée « Nature Writing », par la grande porte, comme on pousse les portes du saloon*.
À la suite de Henri David Thoreau, John Muir, mais j’y mets aussi Walt Whitman, ou même Jack London et bien d’autres, elle rejoint ces grands inspirés américains, anti-sociaux et révoltés, ne croyant qu’à la rédemption par les grands espaces…
Ce livre est un émerveillement de notes, petites histoires, descriptions de ce fameux désert de l’Ouest américain ou vivaient les tribus lointaines du sud-ouest, Utes et Shoshones.
[…]
Il faut avant tout savoir attendre, écouter la terre, creuser, ou suivre un orage, pour retrouver de l’abondance : mouflons, lièvres, wapitis, lézards, oiseaux divers, cerfs, ours, cougars, lynx…
Les photos stupéfiantes de cette région en ont fait un lieu de pèlerinage de tourisme supérieur avec quelques rares auberges pour courageux.
C’est un des livres fondateurs de cette littérature américaine des grands espaces. Lumineux, écologique, zen et inspiré, chacun peut y puiser une leçon de vie, une mystique douce, au ras d’un sol magique et changeant comme un mirage.
Lisez la chronique de Jean Rouzaud sur le site de Nova