Revue de presse
Ahmed Kalouaz, auteur prolifique d’une trentaine de livres, sans distinction de public (adolescent ou adulte), ni de genre (nouvelles ou romans ou théâtre ou poésie) signe un recueil de nouvelles traversées par les aléas de l’existence. C’est un homme de mots à la langue directe et vivante, soutenue par un sens de la description et de la psychologie particulièrement vif. Il parle des gens avec une tendresse profonde, les décrit avec ce regard doux et lucide qui marque sa plume, quel que soit le style de texte dans lequel il se déploie. Ce recueil de 23 courtes nouvelles tisse un univers sensible et délicat, joyeux et nostalgique, mélancolique et vivant. Profondément vivant. Si le passé et le présent pèsent sur ces personnages un peu malmenés par la vie, le futur reste à portée de main, à esquisser, à aller chercher sans jérémiades ni plaintes. Ils en ont vu d’autres, ces gens, touchants dans leur existence.
Ces nouvelles sont des esquisses, comme si Ahmed Kalouaz traçait les portraits pudiques des personnages qu’il met en scène sans jamais s’aventurer plus loin que ce qu’il a pu observer. Immigrés algériens, réfugiés maliens, anciens amoureux, jeunes, vieux, français, étrangers… tous prennent, chacun leur tour, le devant de la scène pour un bref instant, juste le temps de montrer un peu de leur vie, de leur singularité et puis repartent vers ce futur qu’ils attendent, malgré tout. Instantanés, ciselés, ces textes rappellent le talent de conteur d’Ahmed Kalouaz.
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La langue est l’art d’allier et d’harmoniser les mots pour exprimer la vie. Avec beaucoup de délicatesse, de tendresse et de respect, nous voyageons au cœur des émotions humaines. Même sur des thèmes douloureux comme la perte des mots chez une vieille dame, le décès d’un être cher, la pauvreté… beaucoup de sensibilité et de beauté émane de l’écriture d’Ahmed Kalouaz. L’amour, l’amitié s’expriment dans l’alliance poétique des mots pour évoquer l’indicible au fil de vingt-trois courtes nouvelles :
Il n’est jamais facile de vieillir et de perdre l’usage fluide de la parole : « Reconstruire des phrases qui se lézardent. Quand je retrouve le fil, il est trop tard, l’oiseau volette, et j’ai oublié l’enchaînement. C’est venu doucement, comme des clés que l’on égare, des cheveux qui blanchissent. Et l’on se retrouve honteux d’être surpris à chercher ce que l’on veut dire. »
Comment vivre après la perte d’un proche ? « Je fais dix pas vers la rive du lac. J’ai déposé l’urne sur une pierre, ouvert la bouteille. Les verres sont pleins. C’est la fin, nous sommes ensemble. Sans toi, je vais prendre patience. »
[…]
Le racisme dans les stades de foot est un mal qui malheureusement perdure : « Si je te parle de cette histoire ancienne, c’est que j’ai vu hier à la télé, le malheur d’un joueur noir comme moi, à qui des spectateurs ont lancé des cris de singe pendant un match. Le pauvre a pris le ballon dans ses mains pour arrêter le match, s’est tourné vers les arbitres et les dirigeants, avec l’air de demander de l’aide, d’implorer même, que ces gens aillent saisir l’individu par la veste, le virer du stade. Mais comme d’habitude, le match a repris. »
Voici des tranches de vie avec leurs bonheurs, leurs angoisses, leurs malheurs, leurs quêtes, leurs deuils… qui nous permettent aussi de rêver grâce à l*’écriture poétique d’Ahmed Kalouaz qui ouvre les portes de l’espoir.*
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On connaît sans doute mieux Ahmed Kalouaz comme écrivain pour la jeunesse. Il a notamment publié plus de dix romans pour ados au Rouergue. Mais l’écrivain né en Algérie en 1952 et arrivé en France peu après a aussi une œuvre considérable de dramaturge, de poète, de romancier, d’auteur de récits et de recueil de nouvelles en littérature générale chez divers éditeurs, dont “La brune” au Rouergue et Le mot et le reste. Justement, son dernier titre en date est un superbe recueil de nouvelles, “Sur le bout de la langue” (Le mot et le reste, 114 pages). Vingt-deux textes suivent celui qui donne son titre à l’ouvrage.
[…]
Toute la force de son écriture précise, descriptive sans excès, est qu’il leur donne vie. Ils rient ou ils sont tristes (“Le mot perdu, c’est la lumière qu’on n’arrive pas à retenir, la journée qui s’enfuit”). Ils philosophent mais ne pleurent pas sur eux-mêmes. Au contraire, ils ont de la force. Ils résistent. Que ce soit dans une quête amoureuse, dans des rêves, dans des histoires de leur passé (“Je n’aime pas dormir sans toi”), ils ont toujours l’idée qu’il y a aujourd’hui (“Marceau répondait tout en ne comprenant rien à ce qui se passait. Il ne connaissait pas de Cory, ni depuis huit jours ni depuis toujours”) et même demain. L’écrivain nous fait apprécier, aimer ses personnages qui ont souvent les mêmes références que nous, que ce soit en cinéma ou en balades ou en actualités, en prise avec leur vie qui est parfois un peu la nôtre. Qui appartient en tout cas à notre paysage familier. Ahmed Kalouaz donne une très belle présence à ces anonymes qui nous entourent et nous rappelle ainsi, par la vigueur de sa belle langue, combien peut être riche la diversité des humains. Comme l’énonce le grand-père de la dernière nouvelle: “Regarde bien, ici, nous avons le monde sur le bout de la langue.”
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