Son personnage dépressif , naïf, très citadin, nous emmène dans des contées extrêmes, où rien n’arrête la violence. Ce livre ne se lâche pas il se dévore…
Agnès – Librairie Livres en tête (Sallanches)
Lauréat du Prix du Polar de Villeneuve-lès-Avignons 2019
Finaliste du Prix des Libraires 2019
Finaliste du Grand Prix de Littérature Policière 2019
Sélection Prix Une Terre, un ailleurs 2020
Finaliste du Prix des lecteurs du Livre de poche – polar
Revue de presse
Nous avions fini l’année 2018 avec le somptueux Terres fauves, publié chez Le mot et le reste. Nous ne connaissions pas Patrice Gain, la découverte fut marquante, le roman s’avérant l’un des meilleurs titres français de l’année… Nous vous proposons de débuter 2019 par un bref retour sur ce roman, en cinq points commentés par l’auteur.
Le mot et le reste
Le mot et le reste est une maison d’édition marseillaise dirigée par Yves Jolivet. L’ambiance y est excellente et les relations simples et directes. Elle publie dans sa collection littérature des textes « À ciel ouvert ». Cette dernière accueille des auteurs comme Mary Austin, Kenneth White, Ahmed Kalouaz ou encore André Bucher.
L’Alaska
L’Alaska c’est trois fois la France pour 740 000 habitants. C’est une terre sauvage jusqu’à son emplacement géographique.
« L’environnement forge les hommes. C’est son côté caméléon. L’Inuit ou l’homme du désert ne me ressembleront jamais, et c’est heureux pour eux, pour leur survie je veux dire. »
C’est une phrase de David, le narrateur et c’est précisément l’idée que je me fais de la chose.
Comme Ron Rash, je pense que notre destin dépend de l’endroit où l’on vit et ce dernier n’est pas toujours choisi. Dans Terres fauves, quand David rencontre le guide Alex McKilian près d’un lac au pied du Mont Logan, il lui dit ceci « Le lieu où j’habite m’importe plus que ce que je peux y faire ». À titre personnel, c’est ce que je me suis efforcé de faire jusqu’à aujourd’hui.
Quand j’écris, il me faut un territoire, des paysages et je pose mes personnages au milieu. Ils interagissent ensuite les uns avec les autres.
La nature
Dans mes romans il y a des hommes, des montagnes, des canyons, des rivières et des espaces où l’on peut suivre le fil de l’horizon sans que rien d’humain ne vienne l’entacher. Des endroits « où le voisin le plus proche est le bon Dieu ».
Enfant, j’aimais courir les Grées et les landes avec mon cousin pendant des journées entières. Il était plus âgé que moi et en connaissait tous les recoins à des kilomètres autour de la ferme. Puis il y a eu les rencontres avec la montagne, les territoires d’altitudes, les espaces arides, désolés, frileux et sauvages. Ils exercent sur moi une vraie fascination.
La nature n’est ni bonne ni mauvaise. Elle est juste elle-même et il faut bien avouer que ce n’est pas à proprement parler le monde des Bisounours. Schématiquement, les plus costauds chassent les plus faibles, mais il existe une foule d’interaction qui participe à un subtil équilibre, une harmonie. Il appartient à chacun d’en capter ses essences en fonction de sa propre psychologie environnementale.
La violence
Mes personnages cultivent souvent une forme d’ambiguïté que j’aime attiser, introspecter. Il m’arrive de m’interroger sur ce que je ferais dans telle ou telle situation. J’aime étudier, travailler leur psychologie. C’était déjà le cas dans Denali. La résilience de Matt face aux épreuves de la vie, la descente aux enfers de son frère Jack perdu dans les affres de la méthamphétamine et celles des hommes rencontrés, portant parfois en eux l’ambivalence du Bien et du Mal.
Patrice Gain
Dans Terres fauves, David a une conscience très forte de notre époque, ce qui lui fait dire ceci quand il rencontre les gars de Kluane Wilderness « J’ai parfois le sentiment de me trouver à un croisement de l’humanité : l’un des chemins ancre l’homme dans sa condition de prédateur et l’autre l’amène à s’en éloigner et à cultiver ce qu’il mange. »
La fin de l’histoire n’est pas morale, mais je ne suis pas là pour prendre parti ou imposer une direction.
Le roman noir
Je suis un inconditionnel de Steinbeck, que j’ai découvert très jeune. Je citerai également Larry Brown et ses merveilleux dialogues, Charles Williams, Jim Thompson, Richard Wagamese, (découvert récemment, merci à Jacky), Richard Ford et l’excellent Kent Haruf.
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Louise vient de le quitter, il en est professionnellement réduit à faire le nègre pour un candidat aux prochaines élections, bref, David McCae écrivain new yorkais est au fond du trou. Son éditeur l’enfonce encore un peu plus quand il lui demande d’aller rencontrer un certain Dick Carlson en Alaska pour le livre du futur gouverneur. David n’est résolument pas fait pour la nature, et surtout pas celle-là, mais il faut bien gagner sa vie…
Le malheureux va avoir droit à tout ce que le citadin redoute, et même plus. Il règne une chouette ambiance dans le repaire hivernal de Carlson, enfin une chouette ambiance pour qui aime les week-ends de chasse à l’ours entre amis… David s’efforce de faire bonne figure pour recueillir les souvenirs de cet ancien alpiniste mondialement célèbre pour avoir le premier vaincu l’Hidden Peak, 8 000 mètres d’altitude et de surcroit jadis conseiller du président Jimmy Carter. Adulé du grand public, le type est pourtant éminemment détestable, un vieil autoritaire imbu de lui-même. Bref, un riche connard arrogant. Mais David enregistre bien malgré lui les délires nocturnes et éthyliques de Carlson. Et voilà que les ennuis commencent vraiment.
En s’attaquant au mythe Carlson, David ne mesure pas la dangerosité de ses déclarations. Il sera abandonné en pleine nature, dans le lieu le plus hostile qu’il puisse imaginer. Il ne connaît rien à la survie en pleine nature et va devoir affronter le froid, la faim, la solitude et les ours… Cette ambiance survival se double d’une chasse à l’homme dont David est la proie. Et c’est bien la nature humaine qui se dévoilera alors à ses yeux ainsi que l’impitoyable jeu social que jouent ceux qui sont tout en haut et entendent y rester. Tous les coups sont alors permis.
Patrice Gain que je découvre avec Terres fauves fait efficacement monter la tension. David McCae est d’abord un type quelconque, un peu fade voire même fourbe qui acquiert petit à petit et bien malgré lui un statut de héros. Il n’a rien d’un justicier, il n’est que fatigué par l’arrogance des puissants qui passent pour ce qu’ils ne sont pas et ne sont pas soumis aux mêmes lois que tout un chacun. C’est donc David contre Goliath…
On pense à David Vann et son Sukkwan Island avec son Alaska hostile. Je pense aussi toujours à Délivrance quand je lis les aventures malheureuses de quelque citadin égaré en marâtre Nature : la solitude des grands espaces n’est pas faite pour tout le monde et certainement pas pour ce David McCae (qui même s’il n’apprécie pas les paysages qui l’entourent les décrit fort bien). J’ai aimé ce personnage banal, au creux de la vague qui se dévoile à lui-même quand il décide de ne pas accepter ce qui est moralement inacceptable. Terres fauves est donc très bien construit car il donne petit à petit de l’ampleur au narrateur et au récit qui devient de plus en plus haletant. Je ne regrette que les derniers chapitres qui ajoutent à mon goût bien trop d’éléments dramatiques nouveaux.
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L’auteur
Patrice Gain est un auteur français qui a déjà écrit deux romans publiés aux éditions Le mot et le reste : La Naufragée du lac des Dents Blanches, prix du pays du Mont-Blanc 2017 et prix « récit de l’Ailleurs » des lycéens de Saint-Pierre et Miquelon 2018 et Denali.
En bref
Du rififi en Alaska ! Sous le héros Carlson, que David McCae – tout droit venu de New York – doit interviewer, se cache un vrai sale type, magouilleur, menteur et surtout criminel.
David n’est pas au bout de ses déconvenues, l’une d’elles ayant de grosses pattes griffues et un peu trop de dents pour que sa compagnie soit plaisante.
Ce que j’en dis
David McCae n’écrit plus. Panne. Pour se refaire la main, pour alimenter son compte en banque, le voilà qui accepte la proposition de Sydney, le seul éditeur ou presque à le faire encore bosser, d’être le nègre du gouverneur Kearny qui va publier fort opportunément ses Mémoires, élections oblige.
David n’est pas seulement en bout de course littérairement parlant, il est aussi en passe de se séparer de sa compagne, Louise. En fait, il n’y a plus grand chose qui va dans sa vie, et ce boulot est aussi une manière de fuir tous les problèmes qui s’accumulent et de se remettre financièrement à flot.
Fuir, oui, mais David n’avait pas pensé que ce puisse être aussi loin ! Lui qui ne jure que par New York, qui déteste les grands espaces aussi bien que tout ce qui manque de bitume, de bars et de connexion wifi va devoir aller faire un petit séjour en Alaska…
Pourquoi ? Lubie du gouverneur qui veut inclure dans ses mémoires un chapitre sur son grand ami Dick Carlson, un alpiniste célèbre et très populaire, qui devrait avoir des anecdotes savoureuses à raconter sur Kearny avec de vrais morceaux d’héroïsme dedans! De quoi rendre les Mémoires irrésistibles et assurer la réélection !
Très perturbé par ce déplacement qui inclut, il le sent bien, beaucoup plus de nature sauvage que sa ration habituelle, David se promet de travailler vite et bien de manière à revenir le plus tôt possible dans ce qui ressemble à une ville.
Oui mais voilà, les choses ne vont pas se passer tout à fait comme cela.
Tout d’abord parce que Dick Carlson n’est que fort peu enclin à confier quoi que ce soit à David qui met tout d’abord ses manières rogues et déplaisantes, ainsi que son amour pour l’alcool fort dès le matin, sur le fait qu’il s’est blessé et ne peut que boitiller à l’aide de béquilles. Peut-être aussi est-il juste habitué à être obéi au doigt et à l’oeil, genre premier de cordée au sens propre comme au sens figuré ? Quoi qu’il en soit, l’accueil peu amène dont il fait l’objet décontenance David et lui donne toujours plus envie de tout envoyer balader et de rentrer chez lui.
Tout ce qui fait la beauté et la singularité des paysages que rencontre David est pour lui une horreur : les animaux sauvages, le froid, la solitude, la nature reine. Il grelotte, mal équipé pour le climat, a peur des mauvaises rencontres et donnerait tout pour un vrai bistrot et une vraie ville, des gens dans la rue et un peu de culture quoi !
Cependant, boire a parfois d’étranges conséquences : in vino veritas, dit-on, alors quand il s’agit d’alcool fort, la vérité est encore plus explosive, et le malheur veut que David ait tout enregistré, presque à l’insu de son plein gré puisqu’il s’était endormi et qu’une conversation plus que compromettante pour Carlson et Kearny soit donc désormais – peut-être – dangereusement publique.
Dès lors, David sait qu’il a entre les mains de quoi déboulonner l’idole montagnarde et il va chercher à diffuser ses infos. C’est sans compter sur Carlson qui n’a absolument pas l’intention de laisser ce freluquet s’immiscer dans ses affaires. Sans aucune connaissance du terrain, seul et démuni, David n’a aucune chance de s’en sortir. Il va tout simplement mourir, comme d’autres petits curieux avant lui.
Le citadin va devoir très vite apprendre à se défendre, et les plus grand dangers ne viennent pas forcément des ours…
Évidemment, l’apprentissage ne va pas sans douleur, David y laisse plus que ses illusions, il y laisse aussi un peu de sa peau. Mais surtout, il se découvre infiniment plus solide et fort que ce qu’il croyait être, et beaucoup plus apte à la survie en milieu hostile que prévu.
Roman d’aventure et initiatique, avec des passages très réussis sur la nature, l’isolement dans un paysage de neige et de glace, la survie dans des conditions extrêmes. L’auteur est un professionnel de la montagne doublé d’un ingénieur en environnement, on le sent dans la justesse et la précision de ses descriptions qui donnent beaucoup de relief à l’aventure de David.
Un extrait
« Il était dix heures passées quand le téléphone a sonné. J’étais allongé sur mon lit et par la fenêtre ouverte de la chambre j’entendais monter le tumulte de la rue. J’ai tendu la main vers la table de nuit et j’ai attrapé mon portable. Le nom de Sydney s’affichait sur l’écran. J’ai décroché. Ça faisait cinq jours qu’il cherchait à me joindre. Je n’avais pas envie d’entendre ce qu’il avait à me dire, mais je ne pouvais pas faire la sourde oreille indéfiniment, d’autant que Sydney Baldaci était un des rares éditeurs à me faire travailler.
– Toujours vivant ? Une semaine que je te cours après. Même Louise dit ne pas avoir de tes nouvelles. Tu es où ?
– Je suis dans un hôtel, du côté de Rockaway Beach.
– Je peux savoir ce que tu fiches ?
– Je sais pas très bien. J’avais besoin de voir la mer. De la respirer.
– Tu crois vraiment que le Queens est l’endroit rêvé pour prendre des vacances ?
– Je ne prends rien. Je me suis juste rendu à l’évidence.
– Garde tes phrases à la con pour les textes que je te paye à prix d’or et dis-moi si tu as avancé sur l’ouvrage de notre cher gouverneur.
– Je lui ai envoyé mon travail il y a dix jours, mais je crains que ce type ne sache pas bien de quoi doit traiter son livre. Il change d’avis à chaque journal télévisé.
– Ok, ok, mais tu sais comment sont ces politicards ! Je l’appellerai demain pour convenir d’une idée directrice. Et ton nid d’amour ? Tu t’es enfin décidé à lâcher la bride ?
– Louise m’a quitté, Sydney. Vendredi dernier. Enfin pour être exact, elle m’a dit qu’elle en avait marre de m’avoir dans ses pattes. Je suis sorti. Prendre l’air. J’ai tourné en rond une bonne partie de la nuit et finalement j’ai échoué ici. Je n’ai pas bougé depuis.
Il y avait eu un silence.
– Putain, David, quand ça va pas, tu fais vraiment des trucs de dingue ! Je savais pas que ça ne collait plus vous deux. Entre nous, elle est un peu spéciale, non ? Je me suis toujours demandé ce qu’elle pouvait bien faire avec un type comme toi.
– Elle aussi probablement. Pour le gouverneur Kearny, c’est au-dessus de mes forces. Vois avec lui. Je vais avoir besoin de faire un break quelques jours pour digérer tout ça.
– N’y pense même pas. Il compte sur son livre pour gagner les voix de sa réélection. Tu connais ma maison d’East Hampton ?
– Non. Je déteste la campagne. J’ai horreur du vide.
– Au bord de l’océan, et c’est tout sauf un trou. Tu files là-bas, tu te remets au boulot, tu te fais une raison et quand tu auras fini de pleurnicher sur ton sort fais-moi signe.
Avant de raccrocher, il avait ajouté que si je ne terminais pas le travail je pouvais m’asseoir sur ma rémunération. Sydney était comme ça. Il parlait beaucoup d’argent. Il changeait de filles comme de voitures et ne prêtait un réel intérêt qu’à son job. Les états d’âme, ce n’était pas son truc. Je lui disais qu’il n’était pas à l’abri, que ça pouvait lui arriver un jour. Ça le faisait doucement rigoler. Je l’aimais bien, contrairement à son style de vie qui compilait carriérisme et mondanité. » (p. 10 et 11)
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TERRES FAUVES – PATRICE GAIN
S’il fallait me cataloguer en tant que lectrice de romans, j’irais directement vers le thriller mais ce serait limiter mes goûts. J’ai un autre penchant livresque très prononcé pour la nature et les grands espaces, doublée d’un attrait aux livres de solitude. Aimer ces deux genres me pousse souvent au grand écart, ou plutôt au jonglage entre les livres que j’entreprends : un coup un thriller, un coup sur la nature. Mais certains auteurs arrivent à allier les deux et quand c’est bien fait, il y a un sacré double effet kiss cool pour moi !
Aujourd’hui, je vous parle d’un super livre qui a réussi à me donner ce double effet kiss cool et à réconcilier deux genres littéraires pas toujours faciles à joindre, et pourtant c’était pas gagné !
Terres fauves – Patrice Gain
Résumé de Terres fauves de Patrice Gain (éditions Le mot et le reste)
David McCae, écrivain new-yorkais en mal d’inspiration et citadin convaincu doit quitter Brooklyn pour l’Alaska dans le but de terminer les mémoires du gouverneur Kearny. Le politicien visant la réélection, il envoie son porte-plume étoffer l’ouvrage d’un chapitre élogieux : le célèbre alpiniste Dick Carlson, ami de longue date, aurait de belles choses à raconter sur leurs aventures. Direction Valdez pour David, vers le froid, les paysages sauvages et un territoire qui l’est tout autant. Plus adepte du lever de coude que de l’amabilité, l’alpiniste n’en est pas moins disert et David en apprend beaucoup. Trop. Devenu gênant, la violence des hommes, et celle d’une nature qui a préservé tous ses droits, va s’abattre sur lui et l’obligera à combattre ses démons pour survivre.
En savoir un peu plus sur l’auteur (notes de l’éditeur)
Patrice Gain est né à Nantes en 1961. Professionnel de la montagne, ingénieur en environnement, les territoires d’altitude et les grands espaces l’attirent depuis toujours. Il est déjà l’auteur de deux romans aux éditions Le mot et le reste : La Naufragée du lac des Dents Blanches (Prix du pays du Mont-Blanc et Prix « Récit de l’Ailleurs » des lycéens de Saint-Pierre et Miquelon) et Denali.
Mon avis sur Terres fauves de Patrice Gain
J’avais déjà entendu parler de Denali par Patrice Gain, sans pour autant pouvoir le lire. J’ai par contre eu l’occasion de découvrir la plume de Patrice Gain à travers Terres fauves, sorti pour la rentrée littéraire 2018.
Pour être honnête, je ne m’attendais pas à un si bon livre à la lecture du résumé ! J’ai un énorme problème quand je lis les résumés, l’impression qu’ils me donnent ne reproduisent que rarement l’intérêt ou le désintérêt que la lecture va rendre. Mea culpa, résumer un livre tout en faisant ressortir le style de l’auteur est assez difficile et loin de moi l’idée de sous-entendre que je serais meilleure. Disons que c’est plutôt frustrant d’avoir un a priori faux sur le livre en cours, et c’est pour ça que j’essaie de plus en plus d’éviter de trop lire les résumés…
Comme vous l’aurez compris, je me suis lancée dans cette lecture à cause du thème de la nature que j’apprécie particulièrement, surtout les grands espaces d’Amérique du Nord pour en avoir profité moi-même.
Au départ, le personnage m’est apparu totalement antipathique et j’ai eu peur pour la suite des événements. Bien m’en a pris de continuer à suivre David dans son voyage plutôt banal pour finir l’écriture d’une biographie. Mais c’est en Alaska que tout dévisse et j’ai adoré me faire happer dans cette aventure en pleine nature. Je me suis peu à peu attachée à ce personnage qui évolue, change et découvre tout de la nature, sa rudesse, mais aussi ses bon côtés.
J’ai particulièrement apprécié le développement de la vision de la nature par David, l’auteur nous décrit avec justesse et précision le cheminement presque philosophique de David quant à sa relation avec la nature. Les autres personnages étaient également très intéressants. Au final, c’est un gros coup de coeur que j’ai eu pour ce thriller en pleine nature ! J’ai hâte de pouvoir lire les précédents romans de Patrice Gain pour voir si ce coup de coeur peut se reproduire ;).
Carnage dans le Wilderness boréal
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Quand l’éditeur Le Mot et le Reste a sorti cet été le dernier roman de Patrice Gain, je l’ai mis directement dans ma wish-list. Comble de bonheur, je l’ai reçu via la maison d’édition. Aussitôt reçu, aussitôt lu.
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L’auteur, professionnel de la montagne a écrit là un beau thriller survivaliste se situant en Alaska.
Mais pas que ! Et c’est pour ça justement que j’apprécie ces petites maisons d’édition proposant des romans intimistes, aux thèmes variés et surtout avec une touche de nature writing. Ce qui sublime un roman noir et apporte cette petite note presque magique. Petit bonus : pas de traduction puisque l’écrivain est français.
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Le narrateur, David, est un journaliste new-yorkais, de profil citadin jusque dans ses préférences qui vont à la foule, le bitume, le bruit. Un personnage qui ne colle pas vraiment avec les attributs des grands espaces.
David sera parachuté dans l’immensité du Grand Nord à la demande du gouverneur dont il doit réécrire sa biographie. Il interviewera donc l’antipathique Dick, cet alpiniste de renommée mondiale qui aurait « copiné » avec le gouverneur. Sur cette apparente et simple entrevue, la vie de David va s’enrayer. Méchamment.
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Par mégarde, David apprendra trop sur ces histoires véreuses. De simple invité, il deviendra « persona non grata » voire gênant. La course à la montre a démarré. Dans un paysage magnifique mais dangereux et si hostile, David devra utiliser toutes ses ressources personnelles – même les plus enfouies – pour se sortir de cette chasse à l’homme.
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L’auteur a su créer un climat terrifiant et oppressant jusque dans les moindres détails – le spray à ours qui m’a donné des frissons, quoi des ours, où ça ? . Tous les codes du roman noir sont maniés à la perfection : immersif, haletant, réaliste. Des scènes si marquantes que j’en ai rêvé la nuit même !
Et parlons du décor mes amis ! Une projection sur 360° , un peu comme si vous étiez assis au Kinémax 4D au Futuroscope et que vous vous preniez pour un aigle survolant ces majestueuses forêts enneigées d’Alaska. Voilà, c’est ça la sensation que j’ai eu. Et la claque de l’ours en prime !!!
Impossible pour moi de lâcher la fin. Tant pis pour les corvées dominicales !
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La nature règne en maître. L’homme n’est plus qu’un grain de poussière. Démuni. De tout (surtout du réseau téléphonique!). Mais il peut aussi devenir le prédateur pour ses autres congénères. Pas touche à mon territoire !!!
*Ce roman, quelle force, quelle violence mais aussi quelle humanité déconcertante.
Attention, un auteur prometteur à suivre de très près, il nous réservera certainement encore de belles surprises. Pour moi, c’est « carton plein » !!!*
Retrouvez la chronique sur lecteurs.com
« L’ Alaska était le dernier endroit après l’enfer où j’avais envie de mettre les pieds et de surcroît je détestais prendre l’avion. »
Après Denali, magnifique roman initiatique prenant ses sources dans les terres du Montana, Patrice Gain récidive cette année et revient avec Terres Fauves : nature et culture, deux éternelles ennemies ? Encore une fois, en refermant le livre, le lecteur se retrouve un peu hagard, un sentiment de solitude au creux de la poitrine, comme abandonné au bord de la route : l’histoire est finie.
David McCae, citadin par excellence, écrivain au creux de la vague et amoureux éconduit depuis peu, doit quitter New York la rassurante pour les terres inhospitalières de l’Alaska. Il est en train de plancher sur un livre de « mémoires » relatant la vie du gouverneur Kearny et ce dernier souhaite (élections obligent) y faire rajouter un chapitre héroïque de sa vie, son amitié avec Dick Carlson, haute figure de l’alpinisme.
Le hic : le fameux Dick Carlson vit en Alaska, à Valdez. Soit. De toute façon ce n’est pas comme si David, le narrateur avait le choix : il est sous contrat, il doit y aller.
Dick Carlson est à l’image des terres qu’il habite : revêche, sauvage, inaccessible – à moins qu’il décide du contraire. Dans tous les cas, rien dans son attitude ne rendra le séjour de David plus agréable : « Je n’étais pas armé pour approcher des types comme lui. Il me faisait l’effet d’être une plante épiphyte, une tique qui avait, toute sa vie durant, cherché les meilleures échines pour s’implanter, se nourrir et se développer. Ce dieu mégalomane me mettait mal à l’aise. »
Le supplice de David ne fait que commencer : comprenons-le, sa vie personnelle est loin d’être épanouie, professionnellement il fait office de ghost writer au service d’un politique au passé pas très clair et pour combler le tout, il est coincé avec l’un des types les moins avenants de la Terre au fin fond de l’Alaska. Le jour où notre malheureux narrateur découvre par hasard que l’aventure partagée par le gouverneur Kearny et Dick Carlson cache des zones d’ombre peu reluisantes… hé ben oui, la situation empire encore !
A la demande de Carlson, David accompagne celui-ci à Ravencroft pour un week-end de chasse en compagnie de plusieurs amis de l’alpiniste : ce bain de nature sauvage en compagnie des ours et des armes devait faire comprendre à l’écrivain de quel bois se chauffent les hommes comme le gouverneur Kearny. Dans ce contexte, la fragilité de David et son complète inaptitude à une existence autre que la vie urbaine, deviennent de plus en plus inquiétantes. Autant les compagnons de chasse de son hôte sont tous des citadins, hommes d’affaires, hommes de pouvoir jouant aux sauvages à la petite semaine, la virilité étant directement liée à leur capacité à affronter un ours et d’en déguster les steaks en fin de journée, autant David est l’exemple parfait de l’urbain actuel, dépourvu de ressources une fois hors les murs rassurants de la Ville.
« Ah, te voilà, David. J’espère que ce séjour t’aura été profitable. Je ne vais pas pouvoir te prendre dans l’hélico tout de suite. Tu vas devoir patienter un peu. »
A partir de ce moment, on retrouve dans le roman de Patrice Gain le souffle, la puissance qui nous avait laissé sur le carreau à la lecture de Denali. Rien ne sera épargné à ce pauvre David et le combat qui s’engage désormais entre ce type plutôt médiocre au demeurant et les forces spectaculaires de la Nature, sans compter l’intrigue politique en arrière toile de fond, a de quoi vous coller à votre canapé.
Petit à petit et grâce à ce combat qu’il n’a pas cherché (il l’aurait même fui s’il avait eu le choix) mais qu’il doit affronter – il s’agit de sa survie – David devient. Il devient enfin. J’ai hésité à rajouter le C.O.D. qui va bien mais finalement non parce qu’il devient tout court grâce à la confrontation avec la Nature.
Je vous laisse méditer là-dessus (et non, vous n’avez pas tout deviné, je vous assure, vous ne pourrez connaître le fin mot de l’histoire qu’en lisant Terres Fauves et je vous promets que ça vaut le coup !).
Monica.
Retrouvez la chronique sur le blog Nyctalopes
L’Alaska, terre sauvage s’il en est, n’en finit pas d’alimenter rêves et fantasmes, crainte et fascination. Il n’est donc pas surprenant que Patrice Gain, homme de la montagne et des grands espaces, y situe son troisième roman, après La Naufragée du lac des Dents Blanches (2016) et Denali (2017), également parus aux éditions marseillaises du Mot et Le Reste.
Sollicité par le gouverneur Kearny, David McCae, écrivain new-yorkais, a accepté d’écrire les mémoires du politicien. Afin d’étayer le récit de témoignages élogieux, McCae part en Alaska à la rencontre de Dick Carlson, alpiniste renommé et ami du gouverneur. Mais la rencontre ne se déroule absolument pas comme prévu et, suite à l’enregistrement involontaire de déclarations plutôt compromettantes, McCae va faire l’expérience de la violence des hommes en même temps que la découverte d’un milieu aux antipodes de ce qu’il connaît.
Patrice Gain creuse le sillon entamé avec ses deux précédents romans mais, là où on pouvait auparavant émettre quelques réserves sur l’écriture un peu scolaire et un scénario affaibli par excès de bons sentiments (en particulier sur La Naufragée du lac des Dents Blanches), il franchit un cap avec Terres fauves en balayant d’un revers de main cette forme de bienveillance préjudiciable à la force de ses histoires. Il dépeint ainsi, à travers le personnage de Dick Carlson, une forme d’archétype du mal, un concentré d’égoïsme, de méchanceté, de mensonge et de suffisance. Carlson et ses acolytes , en mettant en péril la vie de McCae, lui feront prendre conscience de l’inépuisable capacité au mal dont est capable l’être humain.
Abandonné à son sort, McCae, le citadin, va également devoir faire connaissance avec la vie sauvage dans tout ce qu’elle a de plus rude et d’inhospitalier, affrontant avec terreur des moments particulièrement difficiles. Mais, en opposant l’indifférence de la nature à la malveillance de l’homme, Patrice Gain choisit son camp et c’est ce que sera amené à faire David McCae, nouveau Candide au pays de la dernière frontière.
Patrice Gain noircit le propos et donne ainsi à ses Terres fauves une rugosité qui manquait à ses précédents romans. Les grands espaces et la vie sauvage s’accommodent finalement assez peu des bons sentiments et c’est en dévoilant la noirceur de l’homme qu’on leur restitue ce qui en fait la force et la beauté. On ne peut qu’espérer que l’auteur poursuive dans cette voie et continue à explorer cette mythologie nord américaine qui le fascine depuis son entrée en littérature.
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Ô bien aimés romans sur la nature et les hommes, leur fougue commune et leurs crocs féroces ! C’est un topos mille fois modelé et sans doute celui qui, en littérature, me séduit le plus : grand air et âmes rugueuses, fenêtre ouverte sur une brutalité entière et tellement limpide que j’en envie les contours, moi, jeune femme nourrie au tout-confort d’un monde occidental pré-apocalyptique. Mais le nature-writing n’est-il pas, au fond et peut-être avant tout, un baume à nos peurs connectées et urbaines, l’espoir imprimé d’un ailleurs à notre siècle ?
Bref, Terres fauves. Que j’aurais pu lire rien qu’à son titre, si en plus de cette prometteuse accroche mon génial collègue (toujours lui, pour les habitués du coin) ne m’en avait vanté la rudesse et le rythme. C’est l’histoire d’un gars qui s’en prend plein la poire du début à la fin, et ça file en cavalcade, sans un souffle.
Accroche-toi, c’est parti.
David McCae, ghostwriter à l’existence bien mal en point, vit à New-York et pour New-York, où il termine péniblement d’écrire les mémoires du gouverneur Kearny. Le politicien est bien entendu un type véreux – conservateur de surcroît – et l’ego fait la paire : pour atteindre des sommets élégiaques, Kearny envoie son prête-plume au fin fond de l’Alaska, à la rencontre d’un alpiniste renommé et ami de longue date : Dick Carlson. David passe quelques pages longuettes à pleurnicher sur son sort d’exilé à la marge du monde, puis l’action démarre – parce que l’Alaska, ça donne de belles photos #wildandfree pour te la péter sur les réseaux, mais quand t’es tout seul dans la montagne et qu’il y a des ours, tu rigoles moins et tu cours vite.
[…]
C’est con mais ça marche, ou plutôt ça fonce – fuite en avant, hors d’haleine, vers une survie des plus élémentaires. La plume habille l’os et ne s’embarrasse de rien, ciselée, laminaire, et pourtant, par je ne sais quelle économie de sensations au profit d’une extrême âpreté, on s’y croirait. Magie de ce galop aux paysages tranchés, ces terres fauves éprouvantes dont j’ai perçu les teintes et les matières, jusqu’au froid qui ondule le long de ma colonne et me noue la gorge – c’est donc cela, évoluer en homme parmi ses semblables, ne pas vouloir plier sous la paume du plus fort, du plus rusé. Et ne s’en sortir qu’en transgressant ses lois…
Terres fauves m’a coupé le souffle.
Avec ses hommes tenaces et fous de vivre, Carlson grand connard, Buddy et Mark du bout du monde, et Lennie, oh Lennie, joie de retrouver ton âme simple de colosse en ces lieux.
Avec ses paysages suggérés, la montagne impitoyable et les rivières glacées, Valdez hostile, maillage de routes cannibales.
Ça secoue et ça balafre, c’est un régal de noir. Avec, au bout du bout de ce tunnel infernal, un peu de lumière…
Lire la chronique intégrale sur À l’horizon des mots
Après avoir découvert l’année passée Denali, un fabuleux roman noir (retrouvez ma chronique ici), j’étais impatiente de retrouver cette plume qui m’avait tant charmée et envoûtée. Une petite appréhension m’accompagne, comme toujours à la lecture d’un nouveau roman d’un auteur que j’affectionne mais dès les premières pages la magie opère et elle s’envole. Je retrouve le style et la plume singulière de l’auteur que j’avais tant appréciés. Une fois encore, le bonheur est au rendez-vous.
Fan de littérature américaine, je retrouve tout ce que j’aime chez ce Frenchy qui s’approprie avec brio les codes du roman noir nature writing.
L’auteur dépeint à merveille ce territoire aussi magnifique que malveillant, et nous offre la possibilité de découvrir une intrigue surprenante en accompagnant David dans son combat empli de souffrances, pour survivre et échapper à toute cette violence à laquelle il se retrouve confronté, malgré lui.
Un récit immersif où la peur et l’angoisse ne nous quitte jamais.
Patrice Gain a l’art et la manière pour instaurer un climat terrifiant, pour rendre ses personnages attachants et nous offrir une histoire poignante dans un décor grandiose qui réserve des rencontres surprenantes, le tout sublimé par une écriture soignée, ciselée à la perfection.
Un livre dédié aux lecteurs amoureux du noir et des grands espaces, qui ne seront pas contre un voyage livresque aux nombreuses qualités.
Coup de foudre de cette rentrée littéraire. Un roman qui rejoint ceux que l’on oublie pas.
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Note : 10/10
Premières phrases
Je n’aime pas les carrefours. Ces routes qui se croisent et se ressemblent tant. Leur antagonisme m’oppresse. Je préfère les longues lignes droites. J’aime quand le temps passe sans faire de vague. Les pires sont ceux qui orchestrent la circulation des campagnes à coup de pancartes rouillées et de destinations hasardeuses. Celui qui se dessinait dans la lueur blanche des phares de ma voiture était un modèle du genre : criblés de balles, les panneaux étaient illisibles et n’apportaient aucune indication probante si ce n’est sur l’état de désœuvrement des populations locales.
Pourquoi ce livre?
Patrice Gain est l’auteur du sublime Denali et du succulent La Naufragée du lac des dents blanches. Alors quand celui-ci, il y a plusieurs mois, m’a laissé entendre que son prochain roman se déroulerait en Alaska, vous imaginez bien que j’avais hâte de le lire ! Et il est enfin là. Je suis d’ailleurs très reconnaissante envers la maison d’édition Le mot et le reste, car j’ai eu l’honneur d’être la toute première lectrice de Terres fauves.
Mon avis sur Terres Fauves de Patrice Gain
Davis McCae est un écrivain new-yorkais, un citadin pur et dur. Ne lui parlez pas de nature, cela lui file des boutons. Et pourtant, son éditeur va l’envoyer en Alaska pour ajouter un nouveau chapitre au livre sur le gouverneur Kearny qu’il est en train d’écrire (à la demande de celui-ci, qui espère que l’ouvrage contribuera à sa réélection). Lors de ce voyage, il doit interviewer Dick Carslon, un célèbre alpiniste et ami du gouverneur. Tous deux ont effectué l’ascension du plus haut sommet des États-Unis.
David part donc à Valdez rencontrer Dick, et tout ce que je peux vous dire, c’est que son séjour ne va pas se dérouler comme il l’avait prévu, ni même imaginé dans son pire cauchemar.
P19 « L’Alaska est le dernier endroit après l’enfer où j’avais envie de mettre les pieds et de surcroît je détestais prendre l’avion »
Je ne vous raconte pas mon état d’excitation à l’idée d’enfin pouvoir vous parler de Terres Fauves, car je peux enfin vous dire que cette lecture a été un immense coup de cœur !
Il y a bien longtemps qu’il ne m’était pas arrivé de prendre autant un personnage de roman en affection.
J’ai eu pitié de David pendant les 200 pages du livre. Je n’arrêtais pas de me dire : le pauvre… (Promis, je me soigne).
P46 « il y avait là toute la quintessence de ce qui m’angoissait ; le genre d’endroit où le voisin le plus proche est le Bon Dieu »
Pendant la première partie du roman, qu’est-ce que j’ai pu envier le personnage ! Fairbanks, Whitehorse, Valdez ! Que des endroits qui me font rêver. Je lui disais : mais arrête de râler contre cette magnifique nature sauvage et ses paysages à couper le souffle, profite. Puis au milieu du livre, l’histoire bascule et là tu te dis, mais WTF ! Une scène terrible et hallucinante — que j’ai relue 2 fois pour être sûre de ce que je venais de lire — m’a fait me demander pourquoi l’auteur s’acharnait autant sur ce pauvre David.
P57 » Les deux hydravions ont glissé sur les eaux calmes de la baie avant de prendre lentement de l’altitude. Quelques minutes après ils avaient disparu. Je me suis assis sur le ponton et j’ai attendu. Une angoisse sourde me serrait déjà le ventre. Je calculais mentalement le temps nécessaire pour faire l’aller-retour à Valdez et décharger le matériel. Je me disais que dans une petite heure l’hélicoptère serait de retour […] Quand le soleil est passé derrière les sommets et que les eaux de la baie sont devenues noires, j’ai compris que personne ne reviendrait me chercher “
P92 « Mon dernier espoir était de me réveiller »
L’écriture de Patrice Gain est terriblement addictive et immersive. Il vous sera impossible de lâcher cette histoire avant la fin. La description des paysages va vous projeter à des milliers de kilomètres, un aller simple pour Valdez sans bouger de chez vous (et cela vaut mieux, croyez-moi).
Je ne sais pas pourquoi, mais dès la première phrase, l’auteur m’a embarquée avec lui : « Je n’aime pas les carrefours ». Cette phrase m’a hypnotisée. Un état de fait qui a perduré pendant 200 pages, car tout le reste de l’histoire n’a été qu’explosion de sentiments. 200 pages où rien n’est en trop, 200 pages de pur bonheur littéraire.
Je suis vraiment passée par toutes sortes d’émotions lors de ma lecture. J’ai été surprise, stupéfaite, choquée, horrifiée mais j’ai aussi ri et été émue dans les dernières pages de l’ouvrage.
J’ai ri car l’aversion qu’a le personnage pour la nature est décrite avec humour. C’est un délice de le voir « subir » ces immensités sauvages.
On retrouve dans Terres fauves deux thèmes déjà présents dans son précédent roman : celui de l’alpinisme (une des passions de l’auteur), mais aussi l’image du père.
J’ai adoré les petites références ici et là à Steinbeck (un auteur que j’aime énormément) et particulièrement à son roman culte Des souris et des hommes. Patrice a même donné vie à son Lennie à lui.
Avec Denali, l’auteur avait mis la barre haute en s’appropriant les codes de la littérature américaine des grands espaces. Avec Terres fauves, il entraîne le lecteur dans une lutte pour la survie dont peu sortiront indemnes.
Un livre drôle, terrible et émouvant. Un livre que vous devez absolument lire, Parole de Chinouk !
Par contre, voilà quelques petites recommandations avant d’entamer votre lecture de Terres Fauves: prévoyez quelques heures où vous ne serez plus disponible pour personne. Débranchez votre téléphone, faites-vous un bon thé/café/chocolat chaud et profitez du voyage !
Retrouvez le billet de Chinouk sur son blog
David McCae est envoyé par son agent en Alaska, pour y rencontrer Dick Carlson, alpiniste chevronné, premier alpiniste Américain à avoir gravi un sommet de plus de 8000 mètres, et ami de longue date du gouverneur Kearny dont David doit rédiger les mémoires. Sur place, il découvre un homme qui lui est tout de suite antipathique.
Lors d’une interview fortement alcoolisée, l’alpiniste se laisse aller à la confidence… fortuite. David réalise qu’il possède une véritable « bombe » et devient de ce fait fortement gênant. Commence dès lors son calvaire, sur une terre sauvage, où les fauves ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Grand roman d’aventures, dans tous les bons sens du terme, Terres fauves (aux Éditions Le mot et le reste) de Patrice Gain nous transporte en des lieux inhospitaliers, rudes, magnifiques également. La nature y est sauvage, dans tous les sens du terme, les hommes qui l’habitent ne le sont pas moins.
L’auteur place dans cet univers de glaces, de lacs et de forêts, un écrivain qui vient de se faire larguer par sa compagne, écrivain plus ou moins en berne qui ne sait pas trop quel sens donner à sa vie. Nègre, il va se retrouver, bien malgré lui, à Valdez, village isolé d’Alaska, pour y rencontrer des hommes sans scrupules, des ours et des loups, la nature, et surtout lui-même.
Les phrases de Patrice Gain, au début du roman, sont hachées, presque pronominales. Elles retransmettent parfaitement l’état de désespérance de son personnage, hagard, perdu. Par la suite, elles s’étirent, elles entrent dans une forme de contemplation, parfois horrifique tant elle est brutale, pour retransmettre au mieux ce que ressent son personnage face à l’univers qui, contre son gré, devient le sien.
Elles transmettent la peur, le besoin irrépressible de survivre, nous placent dans le contexte en nous interrogeant sur ce que nous ferions en pareilles circonstances. Elles nous caressent également, déroulent devant nos yeux comme un plan-séquence au cinéma, où les péripéties arrivent sans que les voyions venir, avec ce caractère inexorable, parfois terriblement cruel et injuste, lié au monde sauvage.
Le roman est plus que crédible. Nous nous posons la question de savoir si de tels événements sont justes imaginaires ou tirés de faits divers. Dans les deux cas, Patrice Gain possède le talent pour nous faire croire que tout cela est réel, ce qui instaure en nous un sentiment entre le malaise et la fascination, d’autant plus que la psychologie de David McCae est fouillée. Si ce dernier nous paraît légèrement agaçant au début, à se morfondre sur lui-même, au fur et à mesure de l’histoire il s’étoffe pour devenir une sorte de héros malgré lui. Humain, il se bat pour voir le matin suivant, se réveille d’une léthargie dont nous connaîtrons le fin mot quelques pages avant la fin.
Vous l’aurez compris, un souffle épique parcours ce roman de bout en bout, un souffle authentique inspiré du parcours professionnel de l’auteur (spécialiste de la montagne et ingénieur en environnement), qui restent ancrés en nous durant de longs jours. Ce roman n’a de cesse de nous revenir en tête, comme un souvenir enfoui en nous.
Ne restent dès lors que deux sentiments à ressurgir régulièrement, inspirés par la beauté de la nature et son indicible cruauté : l’émerveillement et le respect.
Magnifiques Terres fauves…
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