C’est une formidable expérience et un récit extraordinaire.
Matthieu Vidard – France Inter // La Terre au carré
À l’hiver 2015, Gwenaëlle Abolivier réside trois mois dans le sémaphore de l’île d’Ouessant, au bout de la Bretagne, sa région natale. C’est pendant, et à la suite de ce séjour, qu’elle écrit ce récit. Là, sous le grand phare du Créac’h, se racontent un voyage immobile et une expérience d’immersion au contact des éléments et des îliens. Elle explore les lieux et rencontre les habitants, les derniers marins de commerce, les guetteurs-sémaphoriques et gardiens de phares, et les femmes, gardiennes des lieux, qui occupent une place prépondérante sur cette île du Ponant. On découvre à quel point ce territoire est à part : territoire de l’extrême qui entretient un rapport particulier à la noirceur et à la mort. Face à la mer et sous les faisceaux du grand phare, l’auteure vit cette expérience comme une renaissance dans le passage et l’exil que représente l’écriture.
Revue de presse
[…] Elle ne décide rien, l’île s’offre à elle, avec le vent, les embruns, les paysages, les cris d’oiseaux. Petit à petit, au fil des jours, les habitants se confient et elle découvre diverses facettes de son environnement.
Elle raconte la météo incertaine, la pluie, les rafales, les conversations, les cadeaux (un succulent poisson), chaque rencontre est un pas vers la découverte plus intime de ce lieu atypique. Elle explique que cette terre est un avant-poste, une rampe de lancement vers l’ailleurs, tout en restant intimement liée à l’histoire de chaque personne qui y vit. Elle a appris à lire « derrière les regards ». En explorant l’île, en apprenant à la connaître, Gwenaëlle, en naufragée volontaire, s’est retrouvée avec elle-même, en phase pour écrire, cherchant les mots pour retransmettre chaque ressenti, chaque scène… et elle le fait avec brio.
Son écriture est lyrique, parfois elle présente un paragraphe comme un poème, donnant un tempo au texte. Les mots volent, s’envolent, portant des messages subtils qui viennent jusqu’à nous. Ce texte est enchanteur par son phrasé, son rythme.
Pendant trois mois, l’autrice s’est posée sur Ouessant, délicatement, sans s’imposer, se laissant apprivoiser par le lieu et l’apprivoisant elle-même. Il en résulte ce magnifique ouvrage qui laisse de la place à l’introspection, à la poésie, aux rêves… […]
Elle offre au lecteur une magnifique rencontre, qui aurait pu être accompagnée de quelques photographies….et qui donne envie de se rendre là-bas.
Une chronique à retrouver en intégralité sur le blog La constellation livresque de Cassiopée
Une ode aux îles, aux îliens et aux îliennes, un poème d’amour à Ouessant, un livre hypnotique que l’on ne peut quitter qu’à regret… A lire sans aucune modération.
À l’hiver 2015, Gwenaëlle Abolivier réside trois mois dans le sémaphore de l’île d’Ouessant, au bout de la Bretagne, sa région natale. C’est pendant, et à la suite de ce séjour, qu’elle écrit ce récit.
Là, sous le grand phare du Créac’h, se racontent un voyage immobile et une expérience d’immersion au contact des éléments et des îliens.
Elle explore les lieux et rencontre les habitants, les derniers marins de commerce, les guetteurs-sémaphoriques et gardiens de phares, et les femmes, gardiennes des lieux, qui occupent une place prépondérante sur cette île du Ponant.
On découvre à quel point ce territoire est à part : territoire de l’extrême qui entretient un rapport particulier à la noirceur et à la mort. Face à la mer et sous les faisceaux du grand phare, l’auteure vit cette expérience comme une renaissance dans le passage et l’exil que représente l’écriture.
Écoutez la chronique sur le site de France Inter
RÉCIT – Ralentir pour renaître. Poser son sac de bourlingueuse et vivre au rythme des marées et du vent chaque jour comme une éternité. Écouter les oiseaux, regarder le soleil se lever et se coucher, marcher sous la pluie, méditer face à la mer et aux nuages…
C’est pour se retrouver au cœur de l’essentiel que l’écrivaine, journaliste et femme de radio Gwenaëlle Abolivier s’est immergée un automne en résidence d’écriture dans le sémaphore de Ouessant, à l’ombre du Créac’h, le phare le plus puissant d’Europe.
Partie à la recherche d’elle-même mais aussi d’un monde pas encore englouti par l’uniformisation des zones commerciales et des lotissements, elle nous raconte les histoires de ces vieux cap-horniers qu’elle a enregistrés et chez qui elle a pris un café, et de ces femmes de marins furieusement modernes qui ont connu depuis bien longtemps la liberté et l’indépendance que les femmes du continent n’avaient pas à la même époque.
[…]
Ce sont ces multiples expériences sensorielles doublées de réflexions aussi bien informatives que poétiques qui font le sel de cet ouvrage dont chaque page se nourrit d’une langue animée par un souffle iodé. Cet ouvrage est une magnifique déclaration d’amour à Ouessant et à la mer « reflux des souvenirs ». Aux hommes et aux femmes de l’île, résumé du monde, aux paysages et aux traditions ancrées dans les veines des Ouessantins pour qui le changement n’apporte rien de bon.
On décèle chez Gwenaëlle Abolivier une fascination pour les gardiens de phares qui veillent sur la lumière — les Lumières — symbole d’une connaissance dont nous avons plus que jamais besoin pour refuser l’obscurantisme.
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Parfait fantasme de continentaux, s’en aller vivre dans une île reste généralement au stade de la rêverie, celle que l’on nourrit lorsque le ras le bol de la vie citadine nous donne des envies de fuite et d’oxygène. Mais peu de gens en seraient réellement capables. Il faut en effet supporter de vivre dans un espace limité, d’y croiser sans cesse les mêmes personnes, à qui il devient difficile de cacher ses moindres mouvements, et avec lesquelles il faut pouvoir coexister en paix.
Vivre dans une île c’est accepter de restreindre son territoire physique et savoir élargir son territoire mental. À moins d’y être né, il est très rare d’y parvenir. Surtout lorsque l’île en question n’est pas située sous les Tropiques.
Élevée à France Inter par l’ami Claude Villers, Gwenaëlle Abolivier a donc de solides références en matière de reportage radio.
Nagra à l’épaule, elle a longtemps arpenté la planète pour nous en rapporter la rumeur. Dorénavant tentée par l’écriture, exercice qui demande un peu de sédentarité, c’est à Ouessant qu’elle a fait escale, durant 3 mois de l’hiver 2015, histoire de réaccoutumer son regard à l’introspection.
Installée dans l’ancien sémaphore, sous le phare du Créach’, elle a beaucoup regardé la lumière, écouté le vent , offert sa peau aux embruns, et entendu les histoires des ouessantins ,héritiers des navigateurs au long cours, à qui la modernité impose aujourd’hui des choix difficile. “Tu m’avais dit Ouessant”, le livre qu’elle en a rapporté, est paru aux éditons Le mot et le reste.
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Gwenaëlle Abolivier est une journaliste et écrivaine française ainsi qu’une voix familière de France Inter. Formée à l’école de Claude Villers, elle a présenté pendant plus de 20 ans des émissions dans lesquelles elle mettait en scène ses reportages à travers le monde.
Depuis plusieurs années, elle s’est tournée vers l’écriture littéraire tout en continuant d’intervenir sur les ondes de la Radio télévision suisse (RTS) et dans différentes revues comme la bretonne ArMen. Son écriture alerte, sensible et inspirée, puise ses racines dans le voyage au long-cours et les horizons du monde entier avec une forte attirance pour les terres polaires, les grands espaces, les voyages en train ou en cargo, le monde maritime et les îles…
À l’hiver 2015, elle a vécu pendant trois mois une expérience intense dans le sémaphore de l’île d’Ouessant, au bout de la Bretagne sa région natale. Une résidence d’écrivain pour le moins originale à l’invitation de l’association C.A.L.I. Culture, arts et lettres des îles, présidée par Isabelle Le Bal qui s’intéresse à la littérature insulaire et qui organise chaque été depuis plus de 20 ans le Salon International du Livre Insulaire.
C’est pendant, et à la suite de ce séjour, sur cette terre ultime du Finistère qu’elle écrit ce récit intitulé « Tu m’avais dit Ouessant ». Là, sous le grand phare du Créac’h, se racontent un voyage immobile et une expérience d’immersion au contact des éléments et des îliens. Elle explore les lieux et rencontre les habitants, les derniers marins de commerce, les guetteurs-sémaphoriques et gardiens de phares, et les femmes, gardiennes des lieux, qui occupent une place prépondérante sur cette île du Ponant.
Territoire de l’extrême
A portée de vue du phare du Stiff, sur la pointe de Penn Arlan, sa curiosité l’emmène pour le lever du soleil à la rencontre du Stonehenge ouessantin. Un cromlech, une couronne de pierres dressées datant du néolithique (2000 avant J.-C.) décrivant face à la mer une ellipse de granite énigmatique. Au cours de ce récit intime, le lecteur découvre à quel point ce territoire est à part : territoire de l’extrême qui entretient un rapport particulier à la noirceur et à la mort. La proëlla ou la broëlla en est certainement la traduction la plus singulière.
« Par le passé, quand on apprenait la perte d’un homme en mer, les jeunes filles du village étaient envoyées dans toute l’île pour prévenir que le soir même, il y aurait broëlla dans la famille du défunt. Elles allaient alors chercher à l’église un crucifix d’argent et de la pâte de cierge avec laquelle elles façonnaient cette croix de cire blanche. Dans la maison endeuillée, on étendait sur la table un drap, deux morceaux de dentelles ou encore la coiffe de la veuve ainsi que le portrait du marin et on disposait la croix qui servait de substitut au corps du disparu. Ainsi le corps était présent et on pouvait, selon la croyance, à travers cette cérémonie d’enterrement fictif retrouver l’âme du disparu, ce qui lui assurait la paix et un retour au pays » décrit t-elle. Face à la mer et sous les faisceaux du grand phare, l’auteure vit cette expérience comme une renaissance dans le passage et l’exil que représente l’écriture. « Tu m’avais dit, pars au bout du monde, pars au bout de la terre, et je suis partir sur une île né »e au milieu de l’océan, une île du Finistère, de l’autre côté de l’horizon, de l’autre côté du Fromveur*, il y a une île où des femmes et des hommes s’aiment dans le vent, il y a une île ou des femmes et des hommes vivent dans le rêve de l’océan » écrit dans un souffle d’Iroise Gwenaëlle Abolivier.
*Fromveur : le mur de la peur en breton.
Avec les îles, c’est compliqué. Surtout avec Ouessant. Je m’en suis expliqué dans les pages mêmes de ce blog(1). J’ai dit pourquoi c’était à mes yeux l’île idéale, avant que la manie de la nature, parallèle à sa destruction, ne frappe les familles obsédées par le VTT ; sans parler de la manie de la culture — salons du livre et autres festivals. Bref, c’est avec un peu de réticence, je l’avoue tout de suite, que j’ai ouvert un livre qui ne pouvait qu’ajouter, ne serait-ce qu’un peu, à la notoriété fâcheuse du bout de rocher qui met un point vraiment final au Finistère.
C’est difficile, les îles, et Ouessant, en dépit de son caractère, serait-on tenté de penser, littéraire à l’extrême, n’a eu, malgré Savignon(2) et Queffélec(3), que peu de chantres. Et, prudents, ceux-ci avaient recours à la fiction. C’est encore plus périlleux d’aller, comme l’a fait Gwenaëlle Abolivier, passer trois mois sur l’île dans le but explicite d’y écrire un ouvrage qui lui soit consacré.
Les hommes, les femmes, le monde…
Un tel ouvrage navigue inévitablement entre plusieurs écueils : le style guide touristique, le lyrisme, les considérations philosophiques tendance new age. L’ancienne journaliste à France Inter n’en évite, disons-le, aucun. Mais au moins a-t-elle le mérite de les aborder franchement, honnêtement, sans prétention et, pour ainsi dire, en toute candeur. Et puis, je suis injuste, il y a quand même un énorme récif qu’elle contourne assez gracieusement : l’autobiographie. Elle ne prend pas prétexte d’Ouessant pour parler de soi, c’est déjà beaucoup.
Donc, visite guidée et petit historique des lieux. Ouessant, île des femmes, lesquelles, « pendant trois siècles, (…) ont tenu et façonné l’île à une époque où les hommes étaient contraints de la quitter pour servir la Royale ou le Commerce ». Et, en même temps, Ouessant, île des hommes, pour qui « la mer, c’est la grande affaire », et qui, « au bar-tabac de la Poste », égrènent ensemble des noms qui font rêver, Djibouti, Saïgon, Port-Saïd, Dar es Salam… Ces anciens marins ont fait « entrer le monde entier dans leurs maisons, devenues, au fil de leurs retours, de véritables cabinets de curiosités » — jolie contradiction qui fait, d’un lieu restreint et clos, le résumé du tout.
Ouessant (autrefois) île des naufrageurs ? C’est évidemment un point plus délicat — et, du reste, controversé. On ne fera donc que l’effleurer, les insulaires, de jadis ou de maintenant, devant rester, quoique rudes, sympathiques, forcément sympathiques… Il est, du reste, de fait que les témoignages recueillis et relatés par Gwenaëlle Abolivier (ex-marins au long cours, ex-gardiens de phare…) sont ce qu’il y a de plus émouvant et de plus instructif dans son livre.
Entre ciel et mer
Mais il n’y a pas que les hommes, il y a la nature… Les tempêtes, les naufrages, les eaux de l’Atlantique et celles de la Manche se divisant à la pointe de l’île. L’auteure était logée dans l’ancien « sémaphore » se dressant au pied du fameux Créac’h, une des nombreuses tours qui font d’Ouessant l’île aux phares. Le « sémaphore » aussi est une tour, à peine plus modeste, « trois étages, chapeauté d’un toit-terrasse », avec une « chambre de veille », « balcon quasi circulaire qui flotte comme une auréole entre le ciel et la mer ». Dans ces conditions, difficile, évidemment, de résister à la tentation de la poésie. Chaque fois que Gwenaëlle Abolivier y cède, mieux vaut sauter. Mais quand elle se cantonne dans la description minutieuse, elle devient vraiment poète. Et elle parvient, en évoquant « les syncopes du vent », à composer une vraie petite musique. Quand elle parle des « vagues couleur ardoise », du ciel en « lavis gris-jaunâtre », de l’océan lorsqu’il « n’est plus qu’un mur d’une blancheur phosphorescente », on éprouve l’envie de voir ces aquarelles qu’elle dit par ailleurs exécuter au coin des landes et des criques. Et on se prend à regretter qu’elle n’ait pas creusé la belle idée, venue face à la mer, d’une écriture « antérieure à l’acte d’écrire » et venant « de plus loin ».
Mais ce n’était pas le propos. Et c’est déjà assez pour qu’on se sente prêt à pardonner bien des « lâcher-prise », des « via » fautifs, des « lieux de vie ». Et à refermer ce petit livre avec l’envie d’aller, ou de retourner, voir sur place au plus tôt. C’était bien son but, non ?
P. A.
(1) Voir ici
(2) André Savignon, Filles de la pluie, Grasset, 1912
(3) Henri Queffélec, Un homme d’Ouessant, Mercure de France, 1953
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Tu m’avais dit Ouessant est un récit aux envolées poétiques et métaphysiques de Gwenaëlle Abolivier. Cette autrice et journaliste (elle est une voix de France Inter) a passé plusieurs semaines sur cette île emblématique, pour ne pas dire mythique, au large du Finistère. Là où finit la Terre commence la découverte de soi et celle des autres…
Un récit superbe de Gwenaëlle Abolivier.
Ouessant, île du bout de la Terre, nourrit bien des fantasmes. L’imaginaire qu’elle abreuve se compose de mort, de tempêtes, de naufrages, de légendes. En passant plusieurs semaines sur place, Gwenaëlle Abolivier, pourtant rompue aux exercices extrêmes, sera confrontée au vent, à la mer, aux îliennes et aux îliens, au passé, à elle-même surtout.
Elle relate cette aventure dans Tu m’avais dit Ouessant. Mais loin de se contenter d’un récit de voyage, elle nous offre une plongée dans un autre monde, chargé d’une poésie au sel de mer. Il ne s’agit pas, dans ce livre, d’une description d’un lieu, des personnes qui y habitent, mais d’une véritable incursion dans la psyché d’une île et dans celle de cette autrice à la plume magistrale.
Une écriture somptueuse.
L’un des faits marquants de ce livre réside dans la patte de Gwenaëlle Abolivier. Son écriture est racée, ne tourne pas en rond tout au long de ces 184 pages. Combien même toute île possède des frontières, l’écriture de cette femme ne se laisse enfermer par aucune règle. Elle mêle habilement le témoignage (celui des lieux et de ses habitants) et la poésie, ainsi que ses pensées intimes (et celles qui s’inscrivent dans une pensée universelle).
Bien qu’une île donne parfois le sentiment d’enfermement, la plume de Gwenaëlle Abolivier, elle, produit exactement l’effet inverse. Là où nous aurions pu voir une succession d’événements similaires, de lieux identiques (mais qui connaît la Bretagne sait qu’une côte révèle toujours des surprises, même à 100 mètres d’intervalle), mais il n’en est rien. Avec ses mots, elle rend l’île d’Ouessant vaste comme les océans et son ciel grand comme l’univers.
Une poésie féerique.
Ses incursions poétiques nourrissent également notre imaginaire, d’une façon très sensuelle et sensitive. Mais si Gwenaëlle Abolivier ne mettait pas tant d’elle-même dans ce carnet de voyage (relativement) immobile, nous ne pourrions pas forcément y adhérer. Mais voilà, elle raconte sa vie dans le sémaphore, sa visite du phare de Créac’h, les relations intimes (et Dieu sait qu’en Bretagne elle se gagne, cette intimité) avec les habitants du lieu, et surtout place tout cela dans un contexte métaphysique jamais abstrait, et cela nous touche en plein cœur.
Toutes ses bribes d’histoires qu’elle nous conte, tous ses fragments de naufrage retranscrit, toutes ces parcelles de visage qu’elle esquisse nous font réagir. Bretons nous-mêmes, nous comprenons ce qu’elle évoque, en creux, en plein, en volutes, mais nous savons que tout étranger qui soit est à même de s’identifier dans ces propos jamais sectaires ou identitaires.
Égalité face aux embruns.
Ce livre se déguste lentement, comme pour mieux s’en imprégner. Il faut comprendre que cette île, comme d’autres à travers le monde, possède une âme à part, un orgueil aussi. La pudeur y est de mise mais le caractère éminemment humain de ce qu’elle renferme ne peut laisser personne insensible. Face à la mer, au vent, à la voûte céleste, c’est finalement face à elle-même que s’est retrouvée Gwenaëlle Abolivier. Et par la lecture de son récit, c’est un peu comme si elle nous laissait une part de cet héritage acquis sur cette terre au bout de la Terre.
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“C’est une formidable expérience et un récit extraordinaire.” Matthieu Vidard
Gwénaëlle Abolivier est journaliste et auteure, elle vient de publier « Tu m’avais dit Ouessant » éditions Le Mot et le reste. Elle a passé trois mois à l’hiver 2015 dans le sémaphore de l’île d’Ouessant, l’île du Ponant la plus éloignée du continent. Elle avait pour volonté de vivre une expérience d’immersion au contact des éléments et des habitants pour faire ce récit.
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Le dernier livre de notre consœur Gwenaëlle Abolivier vient de sortir aux éditions Le mot et Le Reste. Un ouvrage né de ses 3 mois passés au sémaphore de l’île d’Ouessant à la fin de l’automne 2015.
Entre la grande Histoire et les légendes, de belles rencontres avec les habitants, un inévitable retour sur soi et des éléments parfois déchainés, « Tu m’avais dit Ouessant » est aussi poétique qu’initiatique. Deux approches, mais une seule vérité : celle qu’une île du Ponant veut bien dévoiler dès lors que l’on parle secrets et mystères toujours ancrés dans le quotidien. Si la mort rode autant que le vent, les vrais témoins de l’ile sont toujours et encore les femmes. Les hommes s’accrochant à leurs rêves de long cours et de gardiens de phares.
Gwénaëlle Aboliver s’est donc immergée dans les éléments avec l’envie et l’espoir de se retrouver. Si elle est partie plus apaisée, elle le doit sûrement à ses rencontres. Et ça, la reporter de Radio France sait nous le conter mieux que quiconque. Un art qu’elle déploie dans ces bouts de vie que sont chaque invitation à prendre un café qui ramènent à la surface rires et chagrins.
On se surprend également à aimer les tempêtes qu’elle a affrontées et celles qu’on lui racontées, notamment la terrible déferlante de 1999. Car ici la météo guide les pas. Et le vent reste bien plus pernicieux que la pluie. Il peut rendre fou ! Ses voix sont parfois pénétrables… comme une porte qui s’ouvre vers l’au-delà.
Bref, c’est un récit qui donne envie – à notre tour – de se perdre un temps au bout de ce monde breton. A Enez Eusa comme on dit chez nous.
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Invitée d’îles 2019, regards croisés des sciences, des cultures et de la société, à Brest,
la journaliste-auteure évoque son récit Tu m’avais dit Ouessant qui vient de paraître en librairie.
Après dix-huit ans passés à France Inter, à parcourir les routes de la Terre, Gwenaëlle Abolivier a « glissé vers l’écriture littéraire » et elle a su que c’était la seule voie possible pour densifier son parcours.
“Je me suis alors attelée à ma table de travail avec mes archives sonores, et j’ai foncé dans ce que je sentais vraiment, dans cette écriture personnelle. » Un premier récit est né. Vertige du Transsibérien. Les retours positifs ne se font pas attendre. Elle postule pour les résidences d’artistes-auteurs au Sémaphore d’Ouessant. Un moment charnière. “Ouessant que je fréquentais depuis plusieurs étés déjà. Après toutes ces années de grands voyages à travers le monde, je cherchais à me poser et à revenir vers la Bretagne. J’avais compris que c’était une ile qui m’attirait depuis ma jeunesse. J’ai toujours vu Ouessant comme un verrou et que mon retour au pays natal allait se faire par le Finistère.”
Une île en changement
Novembre 2015 pour trois mois. Gwenaëlle Abolivier pose dans le Sémaphore, ses valises et son écriture, « jusqu’à l’épuiser mais tout en puisant ses racines dans l’exercice radiophonique ». Tu m’avais dit Ouessant est une grande adresse qui passe par la découverte de l’ile par les Ouessantins. Elle se balade avec son Nagra et enregistre « des kilomètres de bande ”· Elle veut « capter une ile en changement. “Quand je suis arrivée, j’avais l’impression qu’elle sortait de l’éternité. J’ai rencontré des personnes qui sont toutes mortes aujourd’hui. J’ai pu capter une mémoire vivante et vivace d’un monde sur la bascule, en train de disparaitre ”·
Encore aujourd’hui, dans ces hautes solitudes, il y a beaucoup de mystère et de violences. Il m’arrive de lire, sur les visages et dans les regards, certaines résurgences de ce passé, de ce manque de tendresse quasi insondable, peut-on lire p 101.
Emportée par la force indicible qui se dégage de cet endroit extrême, avec la mer pour horizon, Gwenaëlle Abolivier nappe son écriture d’un voile poétique, suspendu aux aléas de l’histoire, de sa propre histoire aussi. Cette résidence d’écriture, ce long séjour est un nouveau voyage initiatique, « un exil qui m’a permis de progresser dans mon chemin d’écriture et de mieux me découvrir”·
« Sonder les ailleurs »
En venant à Ouessant, elle voulait “sonder les ailleurs, c’est-à-dire que de tous ces voyages à travers le monde dont je suis imprégnée, cette ile me parlait de l’ailleurs.” Elle a comblé sa quête. “Quand on finit par rentrer dans une maison ouessantine, on arrive dans une cabine de bateau, comme dans un cabinet de curiosités. Les marins ont rapporté la modernité, une sorte d’ouverture d’esprit, tandis que les femmes tiennent l’ailleurs à distance et tout ce qui peut le leur rappeler. »
Tu m’avais dit Ouessant. On a envie de savoir qui se cache derrière ce Tu. “C’est le lecteur, la lectrice, le Ouessantin, la Ouessantine. Un lecteur universel, dans un sens. Ce sont aussi toutes ces personnes qui nous font confiance.” On ajoute une forme d’aboutissement. Gwenaëlle Abolivier touche au but.
Michel Pagès reçoit Gwenaëlle Abolivier pour parler de son dernier livre, de Ouessant, du titre, de l’écriture et de Bretagne.
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