Revue de presse
Nicolas Bogaerts a interviewé Michel Granger dans le cadre de la réédition de Walden dans sa belle édition.
Une interview à réécouter ICI
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Henry D. Thoreau, un pitch de quelques lignes s’impose. Henry David Thoreau (1817–1862) a directement inspiré le Mahatma Gandhi avec son livre La Désobéissance civile de 1849. Walden est son œuvre majeure, celle qui a inspiré, entre autres, des auteurs de la beat generation et Jim Harrison. Le film de Sean Penn Into The Wild de 2007 s’inspire de la vie Christopher McCandless, qui prit congé de la société moderne en s’inspirant de Henry Thoreau, Jack London et Tolstoï. Walden apparaît aujourd’hui comme un volume de bon sens en terme de réflexions écologistes.
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Brice Matthieussent, le traducteur de notre édition de Walden, était l’invité du Déjeuner sur l’herbe pour une émission consacrée au thème “Les poètes ont-ils pensé une autre Amérique”, et où l’on pouvait difficilement se passer de faire la part belle à Thoreau.
Marie-Hélène Fraïssé s’intéresse au silence dans les religions, au retrait, aux ermites. Elle invite Michel Granger à venir parler, à ce propos, de la retraite près du lac de Walden de Henry-David Thoreau.
De 1845 à 1847, Thoreau se retira dans une cabane au bord du lac Walden, dans le Massachusetts. L’écrivain américain en tira une œuvre à mi-chemin entre philosophie de vie et journal intime, qui rappelle “Les Essais” de Montaigne. L’ouvrage fondateur du “nature writing” ressort, préfacé par un admirateur : Jim Harrison.
Jeudi 20 octobre Michel Granger, américaniste professeur à l’université de Lyon, auteur des appareils critiques de toutes nos éditions des textes de Thoreau était l’invité d’Adèle Van Reeth. Cette émission était la dernière d’un cycle consacré à la solitude, et évoquait bien sûr la notion de solitude chez H. D. Thoreau.
Pour réécouter l’émission :
Les Nouveaux chemins de la connaissance
L’Histoire et les divagations d’un auteur de la littérature classique, H. D. Thoreau, lorsqu’il vivait au plus près de la nature, près de l’étang de Walden. Ce récit raconte sa révolte solitaire, la nécessité de garder le contact avec la nature et de résister aux empiètements de la société.
Le numéro d’été de Philosophie magazine consacre un dossier spécial à l’écrivain et philosophe américain Henry David Thoreau, avec des articles de Michel Granger (qui a rédigé l’appareil critique de nos éditions de Thoreau), Jim Harrison, José Bové... et la reproduction d’extraits de notre édition de Résistance au gouvernement civil.
Introduction du dossier
Il est l’un des grands précurseurs de l’écologie, un critique féroce de la civilisation capitaliste et le pionnier de la désobéissance civile : imagine-t-on penseur plus actuel ? Pourtant Thoreau, philosophe américain du 19e s., demeure relativement méconnu. Pour y remédier, il faut se plonger dans son existence et son oeuvre, indémêlables comme le montre Michel Onfray : Thoreau considère la philosophie comme un art de vivre, et la vie comme une expérience philosophique. Marcheur infatigable, il explore les forêts et construit une cabane près d’un lac : ce retour émerveillé à la nature est le support d’une quête de soi permanente. Son credo : se concentrer sur l’essentiel contre les aliénations de la société marchande, comme le soulignent Michel Granger et l’écrivain Jim Harrison, dans un entretien exclusif. Mais Thoreau est aussi cet insoumis qui refuse de payer l’impôt et prône la résistance contre les abus de l’Etat. Cette éthique et cette politique de l’indignation constituent le second versant de sa modernité, ici présenté par Sandra Laugier et loué par José Bové. Ainsi, que ce soient les randonnées estivales ou les manifestations automnales, Thoreau s’affirme comme un précieux compagnon de route et de pensée…
Henry David Thoreau, auteur américain du milieu du XIXe siècle, revêt aux Etats-Unis une importance indéniable. Plus connu pour son Essai sur la Désobéissance civile qui inspira Gandhi, Nelson Mandela, Martin Luther King et tout le mouvement des luttes d’émancipation non-violentes. Cependant, pour qui aime la nature, les grands espaces, les forêts, les rivières et les lacs, Thoreau est alors un père fondateur mais qu’on a peine à classer. A la fois poète, naturaliste, explorateur, philosophe, il s’inspire des observations effectuées au cours de longues marches dans les bois, le long des rivières et de la vie qu’il mena en ermite au bord du lac de Walden. Ses écrits prennent alors une dimension qui saisit l’imagination par une parfaite qualité descriptive et par le sentiment que la nature déploie en toute saison une esthétique qui se dévoile à l’observateur attentif et amoureux. Thoreau ne néglige rien des détails, il aime le ciel, les arbres, les mousses, le ruisseau et la rivière, la flaque d’eau et le lac et tous leurs animaux. La nature chez Thoreau rend meilleur, plus sensible, plus sage, elle est une école non pas dans ce quelle peut avoir de rigueur et de discipline mais de libération et d’accomplissement de soi. Walden c’est cela, un bois, un lac surtout et Thoreau y vivra pendant deux ans quasiment en ermite, modeste et enthousiaste, possédé par le lieu, éloigné de la ville et de son croupissement humain.
(...)
Les amis américains
Tendance lourde cette année : l’abondance de traductions de textes de référence en matière de philosophie de la pensée écologiste, et d’auteurs de “nature writing”, la littérature inspirée par la nature, très en vogue aux États-Unis. Wildproject veut ainsi donner accès aux ouvrages américains qui ont construit le courant de l’éthique environnementale. (...) Dans un registre similaire, l’éditeur marseillais Le Mot et Le Reste a lancé en janvier Le Pays des petites pluies, un des grands classiques de la tradition américaine de “nature writing”, écrit par Mary Austin. Est également prévu en août Histoire naturelle de Selborne, ouvrage paru pour la première fois en 1789 et écrit par Gilbert White, considéré comme l’un des pères fondateurs de la pensée écologiste. L’année dernière, la nouvelle version française de Walden de Henry D. Thoreau par Brice Matthieussent, le traducteur notamment de Jim Harrison, avait obtenu un gros succès, les 4000 exemplaires étant aujourd’hui épuisés. (...)
De la vie dans les bois à la désobéissance civile
Autour de Henry David Thoreau, écrivain américain (1817–1862), considéré comme l’un des pères de l’écologie.
Avec Thierry Gillyboeuf, traducteur de “De la Désobeissance civile” (Ed.Mille et une nuits) et de nombreux autres textes de Henry David Thoreau, Christian Doumet, professeur de littérature française et d’esthétique musicale à l’Université Paris-VIII, auteur de “Trois huttes” (Thoreau, Patinir, Bashô), et Michel Granger, professeur de littérature américaine à l’Université de Lyon II, spécialiste de “nature writing” (Thoreau, Henry Adams, John Muir, Rick Bass), auteur de nombreux livres et articles autour de Thoreau.
Une émission d’une heure avec David Collin et Philippe Zibung.
Pour écouter l’émission, rendez-vous sur son site :
Babylone
Je suis parti dans les bois parce que je désirais vivre de manière réfléchie, affronter seulement les faits essentiels de la vie, voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu’elle avait à m’enseigner, et non pas découvrir à l’heure de ma mort que je n’avais pas vécue.
Considéré comme un des pionniers de l’écologie, célèbre pour son traité sur la Désobéissance civile, critiqué par les positivistes, traité de un american par Mac Carthy, mais inspirateur de Gandhi, Martin Luther King, John F. Kennedy et, en France, admiré de Giono puis redécouvert en mai 68, Henry D. Thoreau (1817–1862) fut l’auteur de nombreux ouvrages et en particulier de la vaste somme que constitue Walden ou la vie dans les bois, paru en 1854. De son expérience de 2 ans dans une cabane isolée à quelques miles de Concord, Massachusetts, au bord du lac Walden, Thoreau a tiré ce que Michel Granger appelle «une sorte de monographie encyclopédique et écocritique détaillant les composantes du paysage».
S’ajoute à cela une évidente ambition littéraire que la toute nouvelle édition, traduite par Brice Matthieussent, préfacée parJim Harrison, relue, annotée et postfacée par Michel Granger, met en évidence.
Offrant ainsi une belle occasion de redécouvrir cet Américain hors normes dont la lecture propose un véritable art de vivre, à la manière d’un Montaigne ou du Rousseau des Rêveries… Car Thoreau ne se contente pas de décrire le lac, les arbres, les animaux, les bruits et les couleurs qui peuplent sa solitude volontaire. Il propose une philosophie de la frugalité et un mode de vie en harmonie avec la nature, dont les actuels adeptes de la décroissance ne pourront qu’applaudir l’intuition…
Sans aucun doute à ne pas manquer ! Ceux qui se sont frottés à Walden ou la vie dans les bois aux éditions Gallimard auront dégusté un texte, certes magnifique, mais tellement mal traduit qu’il faut s’y reprendre plusieurs fois pour comprendre le fond de l’histoire.
C’est chose faite, par un petit éditeur, une nouvelle traduction qui rend plus claires les divagations, philosophies et histoires de Thoreau alors qu’il vivait son aventure près de l’étang de Walden pendant deux années, au plus près de la nature.
Un texte fondateur de l’écologie contemporaine.
Les éditions Le Mot et le Reste publient une nouvelle traduction du Walden d’Henry D. Thoreau, son œuvre majeure (1854). Walden ou la vie dans les bois est le récit d’une « révolte solitaire », au bord d’un lac, dans une maison construite de ses mains. Deux ans et deux mois d’isolement et de réflexions avant de retourner « dans la civilisation ».
Il ne s’agit pas seulement pour Thoreau de rendre compte d’une expérience, d’une retraite mais de se demander « où j’ai vécu et pour quoi j’ai vécu », de livrer des essais, sur l’économie, la société, en un journal d’observations, d’anecdotes.
Dialogue avec soi, avec le monde dont il s’est volontairement absenté pour mieux en saisir la présence, dialogue avec la culture et la littérature, Walden est un texte anticonformiste et d’une actualité tout à fait étonnante, comme le souligne la préface de Jim Harrison qui déclare avoir « grandi dans une profonde fascination pour Thoreau » dont témoignent d’ailleurs ses romans et insiste sur « l’improbable vitalité de l’œuvre de Thoreau près de deux siècles plus tard ».
Le conseil général des Bouches‐du‐Rhône a eu raison de soutenir la publication de ce Walden élaboré par des passionnés. Ces derniers ont su regrouper, baliser et enserrer l’oeuvre ‐ infinie ? ‐ de Thoreau : une introduction lumineuse de Jim Harrison, une postface exigeante de Michel Granger, le tout porté par la traduction raffinée de Brice Matthieusent et clôturé par des plans de Concord et de Walden Pound. Une esquisse de sa « cabin » (cabane) révèle Thoreau en pleine lecture*, mais… l’auteur possède aussi une intrigante « maison » en ville entre le chemin de fer, la prison et le barrage du moulin !
Le titre Walden, en apparence énigmatique, est celui du lac situé au sud de sa cabane. Inscrire topographiquement sa pensée en ce lieu sauvage – à quelques miles de son lieu de naissance – marque la volonté d’y explorer et vivre selon une certaine conception du monde. Cette renaissance à soi s’ouvrsur un chapitre dont le nom serait rébarbatif, s’il ne révélait une véritable « économie de vie » (une philosophie) : un monde conçu autrement, re‐conçut en quelque sorte. Thoreau y déshabille d’abord l’homme civilisé de tous ses oripeaux civilisateurs : les vêtements la propriété (p. 39), l’acte de location (p. 40), etc. Ainsi l’homme croit « posséder une maison, mais c’est elle qui le possède.
Sa position de renoncement général, basée sur une décroissance anticipée, commence par lui (Où j’ai vécu, pourquoi) – puis s’étend vers le monde des lieux (Village, lacs, ferme Baker), des êtres vivants (Anciens habitants, visiteurs d’hiver, voisins animaux, animaux d’hiver), des actes (Lire, Solitude, Pendaison de crémaillère), soumis à des règles (Les lois) et dont émerge une temporalité (Printemps). Il conteste la division du travail (habiter une maison que l’homme n’a pas construite) et revendique une simple satisfaction des besoins (bâtir sa maison comme l’oiseau son nid) qui libèrerait nos facultés poétiques à l’image du chant des oiseaux. Il s’arrête à des moments de vie avec une forte jouissance à la Giono : sarcler les haricots, observer la perdrix maternelle, communiquer avec un simple bûcheron.
Thoreau reconstruit un monde autre en inversant sans cesse les perspectives **. Cependant cette société inventée et si proche de la nature s’inscrit dans les lignes d’un livre (la culture donc). En effet, l’ouvrage doit susciter chez le lecteur la métamorphose proposée. Outre l’homme, on découvre l’écrivain au style original. Il préfère « être assis sur une citrouille et l’avoir tout à (lui) » qu’être « au milieu d’une foule sur un coussin de velours ». La maison n’est qu’un « vestibule à l’entrée d’un terrier » (la cave). Que dire d’autre si ce n’est que la jouissance de la lecture invite vraiment à mettre en oeuvre ce rêve « thoreauiste » (néologisme style rousseauiste). Un commencement presque Into the wild*** !
Jane Hervé
*attrait évoqué dans le chapitre Economie.
** L’homme se croit gardien du troupeau, mais les troupeaux sont de fait les gardiens des hommes. *** film de Sean Penn.
Walden, Henry D . Thoreau, préface de Jim Harrison, traduction de Brice Matthieussent, éditions Attitudes, coll. Le mot et le reste, 2010, 23 euros.
Festival du livre et de la presse d’écologie
Jadis, avant l’arrivée de H.D. Thoreau, le brouteur d’herbe et néanmoins auteur d’un superbe livre, Walden, vivait et écrivait Charles Lane.
[...]
Nouvelle traduction (de Brice Matthieussent), préface de Jim Harrison : Walden, de Henry D. Thoreau, revient en scène, aux éditions Le mot et le reste.
A lire (ou relire) pour Dame Nature, ce paradis perdu : « J’aime parfois m’emparer de la vie dans toute sa luxuriance et passer ma journée comme font les animaux. Peut-être dois-je à cette occupation et à la chasse, dès ma prime jeunesse, ma connaissance très intime de la Nature (…). Les pêcheurs, chasseurs, bûcherons et autres personnes passant leur vie dans les champs et les bois sont souvent d’humeur plus favorable pour l’observer dans les intervalles ménagés par leurs occupations, que les philosophes ou même les poètes, qui l’abordent en attendant beaucoup d’elle. »
En refusant un monde «où les hommes vont trop vite» et en prônant le respect de la nature, Henry David Thoreau, dont on réédite Walden, avait cent cinquante ans d’avance sur son temps.
Quel plaisir de lire ou de relire la nouvelle traduction du livre essentiel, publié en 1854, du poète-naturaliste-philosophe américain Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois. Ouvrage qui reste la bible des écologistes américains, mais a franchi depuis des lustres les frontières états-uniennes. L’auteur, né en 1817 et mort en 1862 à Concord (Massachusetts), est connu aussi bien pour ses écrits naturalistes ou philosophiques que pour avoir inventé la non violence et la désobéissance civile, refusant de payer ses impôts à un État qui acceptait l’esclavage et menait une guerre contre le Mexique. Il inspira aussi bien Tolstoï, avec lequel il correspondait, que Gandhi, Martin Luther King ou José Bové, qui le cite souvent.
Dans son récit des quelques années qu’il passa à vivre « naturellement» dans une cabane qu’il avait construite sur les bords du lac Walden, il commence par dénoncer « l’esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire des nations » extrait du discours dérangeant qu’il fit en quittant l’université de Harvard à l’âge de 20 ans, en prônant « la résistance individuelle à un gouvernement et à des lois injustes ».
De ses années dans les bois, il affirme qu’elles représentent un temps « pendant lequel [sa] vie elle même était une distraction », et il conclut, au terme de sa longue retraite, que « ce sont les amateurs de luxe et de dissipation qui définissent les modes que le troupeau suit avec zèle ». La lecture de Thoreau trouve à chaque chapitre d’étranges résonances avec les premières années du XXIe siècle, d’où la nécessité de refaire de Walden un ouvrage de référence.
L’homme, qui fut aussi jardinier , toute sa vie il cultiva un jardin , précepteur, gardien des villas de ses amis ou instituteur, n’avait rien d’un ours ou d’un sauvage, et n’oppose jamais l’homme et la nature. Il n’est en aucun cas le bon sauvage un peu benêt ou hypocrite de Jean-Jacques Rousseau. Il raconte joliment que, dans sa maison en bois de la forêt, il y a trois chaises: une pour la solitude, deux pour l’amitié et trois pour la société et lorsque les visiteurs sont plus nombreux, ils restent debout. Ses rapports avec la nature sont simples, sains et admiratifs, mais il admet qu’il est logique d’en vivre. Lorsque le long d’un chemin proche de sa maison, dont il raconte en détail la construction, il teste des cerises sauvages pas très goûteuses, il assure que c’est par simple politesse envers la nature. Et il ajoute, en s’expliquant longuement et en les énumérant, que « n’importe quel objet naturel peut procurer la compagnie la plus douce et la plus tendre, la plus innocente et la plus encourageante ». Tour en faisant bien comprendre que vivre dans la nature n’est pas un luxe d’intellectuel mais simplement un choix permettant de prendre du recul sur un monde « où les hommes vont trop vite». Au XIXe siècle…
Il fait, en contradiction avec les lamentations de ses contemporains, le même éloge de la pluie, du vent, de la neige ou des orages que du soleil. Tous bénéfiques pour le jardin qui lui permet de vivre et de varier ses menus à base de poissons tirés de la rivière ou du lac, tout proches. Dans sa cabane, il est évidemment, et le raconte dans une langue extraordinaire, à l’écoute de tous les bruits, aussi bien celui de charrettes paysannes que celui des trains qui passent non loin plusieurs fois par jour, des « engoulevents (oiseau qui se nourrit surtout de papillons la nuit) qui psalmodient leurs vêpres perchés sur une souche proche de la maison », ou encore des sérénades nocturnes des grands ducs. Il est bien sûr à l’affût des animaux qui traversent son royaume: loutres, écureuils roux, ratons laveurs, tous les oiseaux de jour et de nuit, orignaux (version nord-américaine de l’élan européen), renards, lièvres ou lapins, et même chats redevenus sauvages. Des pages de descriptions minutieuses pour des espèces dont il explique « qu’il est remarquable que tant de créatures vivent, libres, sauvages et pourtant en secret, dans les bois et parviennent encore à se nourrir au voisinage des villages et connus des seuls chasseurs ».
*Depuis sa cabane, Thoreau nous invite à une réflexion passionnante et imagée sur l’économie, la politique, la nature, les faits divers et sur une écologie qui n’existait pas encore. De sa conclusion on peut retenir une phrase:
« Les choses ne changent pas, c’est nous qui changeons.»*
Grand événement.
Walden de Thoreau (1817–1862) reparaît dans une nouvelle traduction de Brice Matthieussent, préfacé par Jim Harrison.
Un texte publié en 1854. Récit d’un temps solitaire passé en plaine forêt, hors du temps, hors du monde. Méditation sur la nature, sur l’Homme et leurs relations à une époque où l’Amérique fait encore figure de paradis terrestre.
Un livre de référence et de pleine actualité.
Yann Courtiau de la librairie Le Rameau d’Or à Genève fait l’éloge de cette belle réédition de Henry-David Thoreau.
Au milieu du XIXe siècle, Thoreau expérimente le retrait du monde pendant environ deux ans, et deux mois. De cette expérience faussement recluse dans une cabane au bord du lac de Walden naîtra un recueil à la portée universelle et d’un engagement absolu pour la nature: en effet, Thoreau n’écrit pas sur la nature, mais depuis la nature. Philosophe des bois en quête d’harmonie apprécié de Proust, voyageur immobile à l’écriture fluide, son message de désobéissance civile se retrouve chez Gandhi et Martin Luther King. Presque oublié, Thoreau est redécouvert par la France de 1968, puis par le très bon roman Into the Wild, porté à l’écran avec brio par Sean Penn.
Idéalement réédité par la petite mais ô combien fiable maison d’édition marseillaise Le mot et le reste, cette nouvelle version de Walden profite d’une présentation sobre à la typographie élégante qui rend hommage à l’amour que portait Thoreau aux livres et à la littérature en général.
Indispensable aussi pour l’excellente traduction du passeur de littérature américaine qu’est Brice Matthieussent (B. E. Ellis, Bukowski, John Ford), l’édition présente réjouira particulièrement le lecteur par sa postface de Michel Granger, et surtout pour sa préface passionnée (et passionnante!) de Jim Harrison, qui place volontiers Thoreau aux côtés des géants que sont Hermann Melville et Walt Whitman.
Doit-on encore ajouter que Walden est un classique?
Absolument.
Les dix pages du chapitre “Lire”, on devrait en faire un tract et le distribuer à la sortie des collèges et lycées à l’égal d’un texte subversif susceptible de renverser le gouvernement. A propos, c’est de 1854. Comment dit-on déjà, que tout change pour que rien ne change?
Une nouvelle traduction de Walden.
Les éditions marseillaises Le Mot et le reste publient le 9 septembre une nouvelle traduction, signée Brice Matthieussent, de Walden d’Henry David Thoreau, accompagnée d’une préface de Jim Harrison ainsi que d’une postface et de notes du spécialiste Michel Granger. Publié pour la première fois en 1854, ce classique qui, dans cette nouvelle édition, a perdu le sous titre Ou la vie dans les bois qui accompagnait les éditions existantes («L’imaginaire» Gallimard; L’Age d’homme ; Aubier en édition bilingue), décrit, tout en en tirant les enseignements philosophiques, une expérience de vie solitaire en autosubsistance dans la nature, menée par l’auteur de 1845 à 1847 dans une cabane, près de l’étang de Walden en Nouvelle Angleterre. Brice Matthieussent, traducteur de nombreux grands écrivains anglosaxons, auteur lui même d’un roman Vengeance du traducteur (P.O.L, 2009), modernise la langue de Thoreau pour mieux souligner la vivacité et l’actualité de ce grand récit de «nature writing». Harrison, dans sa préface, classe pour sa part son compatriote parmi les « trois géants» de la littérature américaine du XIXe siècle, aux côtés de Melville et de Whitman.
Les éditions Le Mot et le reste, créées et dirigées depuis 1996 par Yves Jolivet, abritaient déjà dans leur catalogue, diffusé depuis début août par Harmonia Mundi, un recueil d’essais de Thoreau, paru en 2007.
Un classique peut en cacher un autre. Encore faut-il avoir derrière ce qui ne va pas toujours de soi, le classique charriant par définition dans le halo qui le nimbe davantage de poncifs que n’importe quel autre livre. Une réédition en bonne et due forme, de celles qui apportent au lecteur quelque chose qui lui avait échappé, est l’occasion d’y aller voir. Walden (380 pages, 23 euros) de Henry D. Thoreau (1817–1862) est à revisiter à l’initiative d’une petite maison marseillaise, les éditions Le mot et le reste.
D’abord le titre. Les connaisseurs en littérature américaine, qui pullulent sur “La République des livres”, auront remarqué le parti pris des éditeurs qui l’ont amputé puisque généralement, les autres éditions le présentent sous son habit de Walden ou la vie dans les bois (1854) suivant en cela les premières éditions de Walden ; or life in the woods (on peut lire ici la version originale en anglais) bien que l’auteur ait demandé à son éditeur de s’en tenir au seul Walden. La traduction ensuite. Elle est signé de Brice Matthieussent, l’un des plus réputés passeurs de littérature américaine, lauréat du prix Maurice-Edgar Coindreau, traducteur de Richard Ford, Bret Easton Ellis,Thomas McGuane, Charles Bukowski, John Fante, Paul Bowles entre autres. On ne s’étonnera pas de voir le nom de Jim Harrison aux côtés du sien sur la couverture (peu inspirée, un comble vu le sujet), l’un de ceux dont il est le plus proche.
Ce n’est pas un hasard si c’est à l’auteur de Dalva et de Retour en terre qu’a été confiée la préface. Thoreau et Steinbeck, auteurs de chevet de son père, ont baigné son enfance. Son compagnonnage est donc ancien et c’est la volonté de balayer les lieux communs qui encombrent le chef d’œuvre (idylles campagnardes pour chromos accrochés dans le salon, retour à la nature, idéal rousseauiste du bon sauvage) qui l’a poussé à écrire ces quelques pages à la gloire d’un Thoreau qu’il range parmi les géants de son temps aux côtés de Hermann Melville et Walt Whitman.
Alors, ce fameux livre ? Le guide de vie d’un voyageur immobile. Pendant deux ans et deux mois, entre 1845 et 1847, Henry D. Thoreau (prononcez Thó-row,“the h sounded, and accent on the first syllable”) a décidé de faire une parenthèse dans sa vie (il travaillait dans l’entreprise familiale de crayons) et de s’installer sur les rives du lac Walden, un étang plutôt, à Concord, Massachusetts, un village situé à une trentaine de kms de Boston. Il s’y est construit sa maison, une cabane plutôt, a vécu seul et du seul travail de ses mains. Il l’a fait dans l’idée de tenter une expérience d’autosuffisance. Walden, le texte le plus connu d’une oeuvre qui en compte bien d’autres, est constitué de la mosaïque de fragments tirés du journal de cette expérience. Cela tient parfois du collage d’extraits, de citations, d’emprunts à toutes les sources (latine, grecque, anglaise, chinoise et biblique, surtout Matthieu, l’Ecclésiaste et l’Exode) mais si bien fait que les coutures en sont invisibles. Sa lecture est d’une fluidité qui semble naturelle tant les observations comme les analyses coulent d’une même eau. Nulle affèterie de langage comme on en retrouve parfois chez les auteurs de cette époque. Aucune mièvrerie dans son discours (au contraire, il est même sans tendresse pour les villageois de Concord qu’il compare à une colonie de rats musqués), pas de faux-lyrisme comme on pourrait le craindre dès que la nature inspire, et pas davantage de vision manichéenne dans le débat nature vs culture qu’il vit au jour le jour (on en retrouve l’écho dans la passionnante Correspondance qu’il échangea avec son ami et mentor Emerson que les éditions du Sandre viennent de publier pour la première fois en français)..
Ce n’est pas “moderne” ni actuel, comme on dit trop rapidement trop sovent pour mieux arrimer une ancienne pensée à notre siècle; c’est de tous temps, comme tout ce qui a une portée universelle. Même si on a voulu que Gandhi et Martin Luther King aient puisé chez lui leurs principes de non-violence. Mais c’est surtout son message de désobéissance civile (il refuse par exemple de payer ses impôts à un Etat qui soutient l’esclavage) qui a ressuscité Walden dans la France de mai 68. Dans une postface succincte mais éclairante, Michel Granger, qui fut le maître d’oeuvre d’un Cahier de l’Herne consacré à Thoreau, rappelle à juste titre que, derrière sa critique des institutions étatiques et du capitalisme industriel, Walden encourage le lecteur à s’affranchir de toute tutelle en développant un esprit non-conformiste. Il invite à exécuter un pas de côté en permanence pour penser au-delà du sens commun sans pour autant s’engluer dans l’idéologie. Dans son utopie, il rêve d’une Nouvelle-Angleterre où des sages lettrés éduqueraient la population (idéal qui ne rappelle pas que de bons souvenirs).
Ce voyage-autour-de-ma-cabane est d’une telle richesse que l’on s’en voudrait de le réduire en privilégiant les thèmes qui ont fait son succès en permettant de longue date aux écologistes de le récupérer (de tous les bruits de la nature environnante, celui du chemin de fer est le seul que l’auteur veut bannir). Même si son influence est aujourd’hui devenue si vaste dans tous les domaines (littérature, poésie, musique, cinéma…) que la récupération semble générale. Mais je ne résiste pas à la tentation d’isoler l’un des quinze chapitres, qui n’est pas “Le champ de haricots” ni “Pendaison de crémaillère” ou “Solitude”, encore qu’ils vaillent vraiment le détour, mais “Lire”. Thoreau s’y livre en quelques pages à une puissante apologie de l’enseignement des humanités gréco-latines dans leur langue, qui mériterait d’être publiée en tiré-à-part et distribuée à la sortie de notre ministère de l’Education nationale. Même si un peu partout dans son livre, l’ humanisme est tempéré par un solide puritanisme calviniste dont il ne s’est pas défait quoi qu’il en dise.
A force d’observer la nature, il parvient à en découvrir le vraie nature. Il connaît sur le bout des doigts ce qu’il évoque joliment comme “la grammaire mordorée du monde naturel” et sait trouver les mots pour dire la grâce d’un paysage. Qu’est-ce qui est vraiment nécessaire à la vie ? La question court tout au long de son livre, avec un souci constant de s’en tenir à l’essentiel et de balancer le superflu. S’il revenait vivre parmi nous, Thoreau serait horrifié par ses contemporains et par ce qu’ils ont fait du paysage. Il les verrait tels qu’ils sont : des citoyens-consommateurs. Mais l’Amérique d’aujourd’hui ne manque pas de Concord et de lacs Walden tels qu’ils se présentaient il y a un siècle et demi. Elle est encore assez vaste et sauvage pour permettre à d’autres Thoreau de tenter la même expérience. Mais il ne suffit pas de tenir son Journal sur des petits carnets pour en faire un grand livre. Into the wild, sur l’expérience tragique de Chris McCandless en Alaska, a donné un bon livre de Jon Krakauer et un film saisissant de Sean Penn, mais ils seront oubliés quand Walden sera toujours lu.
Jim Harrison nous l’apprend : ces dernières années, le lac a été sauvé, des promoteurs, du tourisme et du reste, grâce aux dons d’un certain Don Henley, membre d’un ancien groupe de rock, The Eagles. Ce qui ne donne pas nécessairement envie de fredonner Hotel California. Ni même de lire les romans de ceux que Jim Harrison considère comme les héritiers de Thoreau en la personne de Peter Matthiessen et Gary Snyder.
On a juste envie de (re)lire Walden, de préférence dans cette édition désormais car elle apporte un supplément d’âme.
Le conseil général des Bouches-du-Rhône a été bien inspiré de lui donner un coup de main.