Revue de presse
Une traduction de référence (par Brice Matthieussent, le traducteur de Jim Harrison) pour (re)découvrir avec un vrai plaisir de lecture l’oeuvre de Thoreau !
L’avis sur le site de l’association des libraires Initiales
Il y a près de 170 ans, Henry D. Thoreau (1817–1862) écrivait que ses contemporains étaient en train de perdre le lien à la nature, quʹils passaient trop dʹheures au travail pour acheter des objets inutiles et sʹinterrogeait sur la nécessité dʹinstaller le télégraphe partout si les gens nʹavaient rien dʹimportant à se dire. La pensée de ce pionnier de lʹécologie et de la décroissance suscite aujourdʹhui beaucoup dʹintérêt, en particulier en Europe. Catherine Erard a rencontré Michel Granger, professeur émérite de littérature américaine à lʹuniversité de Lyon et spécialiste de Henry D. Thoreau.
Réécouter l’interview de Michel Granger sur le site de la RTS
Pourquoi le philosophe dont nous fêtons cette année le bicentenaire suscite-t-il un tel engouement éditorial ?
C’est un phénomène éditorial aujourd’hui qui a attiré mon attention : le phénomène Henry David Thoreau, et la quinzaine d’éditions de ses textes cette année !
Nous fêtons certes son bicentenaire, mais depuis les années 2000, ses œuvres sont régulièrement rééditées et retraduites : pas moins de 8 traductions de La Désobéissance civile sont disponibles, et 7 de _Walden_… dont la très belle traduction de Brice Matthieussent aux éditions Le mot et le reste, qui m’a raconté, au téléphone, sa propre découverte de Thoreau, et en dit ainsi un peu plus sur cet engouement pour Thoreau…
Fascination pour l’incompréhensible, intérêt financier des maisons d’éditions, ou mieux, amour de la nature, curiosité pour la liberté d’esprit, la langue de Thoreau, ou sa vie philosophique, comme le soutient Michel Onfray dans son dernier essai… les raisons ne manquent pas pour le lire.
Mais comment traduire simplement, légèrement, sensuellement cette philosophie qui n’en a pas l’air ? Comment traduire celui qui voulait justement ne pas se limiter aux livres, aux mots ? Comment traduire ces textes qui touchent à tout, autant manuel de survie, journal, réflexions métaphysiques que morceaux de poésie ?
À écouter Brice Matthieussent, traduire Thoreau serait presque un cadeau… un cadeau, ou pas vraiment… en tout cas, l’occasion d’être dans l’air du temps tout en nous donnant des outils critiques pour l’approcher.
Lisez donc Thoreau !
Walden et Le Journal, traduits par Brice Matthieussent sont disponibles aux éditions Le mot et le reste. Chez ce même éditeur, Teintes d’automne et Marcher viennent de paraître.
Vous pouvez aussi découvrir récemment : Walden chez Albin Michel avec une préface du philosophe Frédéric Gros, ou encore la lecture de Michel Onfray aux éditions Le Passeur, c’est Vivre une vie philosophique : Thoreau le sauvage.
Écoutez la chronique sur le site de France Culture
Au milieu du XIXe siècle, l’insoumis de Concord invente le concept de «désobéissance civile». Le penseur pose le principe des lanceurs d’alerte d’aujourd’hui, mais se tient à l’écart des combats politiques, arpentant la forêt, son refuge. Republiée aujourd’hui, son œuvre s’arrache.
Qui est cet Henry David Thoreau (prononcer «Soreau») dont tout le monde parle ou se revendique sans toujours l’avoir lu ? Ou trop vite. Il n’est jamais celui que l’on croit saisir. Libre penseur ? Sans doute. Anarchiste ? Peut-être, mais qui se tiendrait à l’écart des mobilisations bruyantes et violentes. «Je réclame non pas la disparition de tout gouvernement, mais la formation immédiate d’un gouvernement meilleur», écrit-il dans la Désobéissance civile publiée en 1849. Libertaire ? Oui, quand il pose le principe des lanceurs d’alerte d’aujourd’hui. «La seule obligation que j’ai le droit de suivre est celle de faire en tout temps ce que je pense être le bien», peut-on lire dans la Désobéissance… Libertarien individualiste ? Aussi. Les lois l’ennuient.
Il y a en lui beaucoup de La Boétie, l’auteur du Discours de la servitude volontaire, et un peu de Montaigne, l’introspectif, qui ne serait pas devenu maire de Bordeaux. Rousseau (l’homme – et la femme qu’il oubliait – est bon, la société le corrompt) a pu l’inspirer sans qu’il en parle, sinon furtivement, mais l’activisme de Voltaire l’aurait sans doute ennuyé.
Aux Etats-Unis, il serait plutôt Bob Dylan que Joan Baez, plutôt Jack Kerouac que Noam Chomsky, préférant l’isolement volontaire au bord du lac Walden sur les bords duquel il passera deux ans, deux mois et deux jours à l’écart de la cité des hommes. Mais, il ne faut pas pour autant en faire un loup solitaire. Sa cabane devenue un lieu de vénération, se situait à deux kilomètres de Concord, la ville où il était né en 1817, où il allait vivre et mourir de la tuberculose en 1862.
Il ne faut donc pas lire Thoreau trop vite. Lui allait au rythme de l’arpenteur qu’il était devenu pour vivre et pour rester immergé dans cette nature qu’il vénérait. Quand on lit la Désobéissance civile, ce livre court (38 pages) réédité récemment (1), il convient d’aller à son pas, pour éviter les récupérations tapageuses. A l’époque, les Etats-Unis pratiquent l’esclavage et déclenchent une guerre contre le Mexique pour annexer le Texas estimant que c’est la «destinée» de cette nation jeune et vigoureuse de conquérir de nouveaux territoires.
La désobéissance civile, selon Thoreau, ne consiste pas à refuser tout commandement. Il accepte de payer l’impôt qui permet d’entretenir les routes, mais refuse de s’acquitter de la poll tax, laquelle donne le droit de vote et fonde la citoyenneté américaine. «Quand un sixième de la population d’une nation qui s’est donné pour but d’être le havre de la liberté se trouve réduit en esclavage, et qu’un pays tout entier se voit injustement envahi et conquis par une armée étrangère, je crois qu’il est alors plus que temps que les hommes honnêtes se rebellent et fassent la révolution», explique-t-il dans la Désobéissance civile sans pour autant prendre la tête de la révolution en question. «Ça n’est pas dans son caractère, explique Thierry Gillybœuf, lequel s’est lancé dans la traduction du Journal de Thoreau (2). Il soutient James Brown qui prône et pratique l’insurrection armée contre l’esclavagisme, il aidera sa mère et sa sœur à libérer des esclaves, mais il reste un contemplatif et préfère s’installer sur les bords du lac Walden.»
La difficulté avec Thoreau, c’est qu’il est réfractaire à tout embrigadement. Il semble toujours s’échapper ou ne pas chercher la compagnie y compris celle de son lecteur qu’il tient à distance avec une écriture «aride» notait Libération, en 2014, à l’occasion de la publication du troisième tome du Journal. Voilà son charme. On l’a compris, il arpente plus volontiers la forêt, pour gagner sa vie, que la société des hommes, estimant que l’essentiel pour chacun est «de trouver son Walden, son point d’équilibre personnel», explique Gillybœuf, auteur de Henry David Thoreau. Le célibataire de la nature (3).
Un détail met en évidence le caractère insaisissable de Thoreau : le titre si fort de son livre le plus connu, la Désobéissance civile, Civil Disobedience en anglais, n’est pas de lui. Il ne viendra qu’avec une édition de 1866, quatre ans après sa mort, remplacer le titre initial trop long et trop plat : Resistance to Civil Government. Il est le père de l’idée pas du terme.
Alors que faut-il retenir de celui que l’on s’arrache en 2017, deux cents ans après sa naissance ? Evidemment, le Journal (2) qui paraît année après année grâce à la ténacité des éditions Finitude. Mais aussi l’œuvre littéraire avec Walden (4) – peut-être dans l’édition parue chez le Mot et le Reste, avec une préface de Jim Harrison. Sept Jours sur le fleuve (5) et De la marche, enfin, parue en 2002 chez Mille et Une Nuits. Là, on peut le suivre même si Gillybœuf, prudent garde frontière, freine les enthousiasmes : «Je me méfie aussi quand on dit qu’il est le premier des écologistes. Il écrivait depuis la nature, plutôt que sur la nature. Il donne un cadre à la réflexion qui verra le jour à la fin des années 60, de là à en faire le premier des écolos…» lui ne franchit pas ce pas.
(1) La Désobéissance civile, Henry David Thoreau, éditions Gallmeister, avril 2017, 3 €.(2) Le Journal de Thoreau dont quatre tomes sont parus et qui en comptera quinze. Dernier paru le Journal de Thoreau, 1846–1850, éditions Finitude, 2016. Prochaine parution prévue à l’automne 2018.
(3) Henry David Thoreau, Fayard, 2012, 25 €.
(4) Walden, préface de Jim Harrison, éditions le Mot et le Reste, 2015, 24 €.
(5) Sept Jours sur le fleuve, Fayard, 2012, 22 €.
Article à retrouver sur le site de Libération
En 1845, Henry David Thoreau part vivre seul dans la forêt, près du
lac Walden, non loin de Boston (Massachusetts). L’écrivain y construit
lui-même sa cabane en bois et y cultive son jardin. Il résidera là, isolé,
jusqu’en 1847. Walden, publié en 1854, prend appui sur cette expérience.
Mais le livre n’est pas le journal de bord de ces deux ans passés
dans les bois. C’est avant tout le moyen pour l’auteur de développer des
réflexions philosophiques et de féroces critiques du mode de vie occidental dont le
matérialisme est alors alimenté par la Révolution industrielle. Éloge de la sobriété
choisie, c’est aussi le témoignage poétique d’un homme vivant avec ce que peut lui
offrir la terre. *Cet ouvrage phare du « transcendantalisme » et fondateur de la pensée
écologiste est publié en poche par les éditions Le Mot et le reste, dans la traduction de
référence de Brice Matthieussent. À mettre dans tous les sacs de rando !*
Œuvre culte de plusieurs générations de lecteurs et d’aventuriers, le livre de Thoreau reparaît enfin dans une traduction révisée par Brice Matthieussent lui-même. Journal de bord d’une immersion totale dans la nature, ce texte impressionnant résume aussi la philosophie de l’auteur, cherchant une nouvelle voie entre tradition et progrès. Véritable hymne à l’individualisme éclairé, et au lien nécessaire avec la nature, Walden est d’une actualité brûlante.
Indispensable !
Adèle Van Reeth consacre quatre épisodes de ses Chemins de la philosophie à l’œuvre de Henry D. Thoreau. Pour ce deuxième épisode, elle se consacre à son chef-d’œuvre : Walden.
À propos de notre traduction, dont un extrait est en lecture :
” Lisez Walden chers auditeurs dans la traduction de votre choix, je vous conseille celle de Brice Matthieussent qui a été lue par le comédien Ivan Morane qu’on trouve aux éditions Le mot et le reste qui d’ailleurs publient d’autres textes de Thoreau, excellentes éditions Le mot et le reste qui nous accompagnent cette semaine.”
Michel Granger est l’invité du quatrième épisode consacré au Journal de Thoreau.
Réécouter l’émission consacré à Walden sur la page des Chemins
Réécouter l’émission consacrée au Journal avec Michel Granger en invité