26.00 €
À paraître le 25/04/2025
Une sorte d’histoire de France écrite par les enfants de Marx, du nucléaire et du poulet en plastique et traversée de flashs sublimes, d’épisodes pathétiques, de beauté sale et de musique électrique. Tout ce qui est encore et toujours l’ADN de la jeunesse qui brûle.
Philippe Azoury – Obsession
Revue de presse
Alain Pacadis est ce que l’on pourrait appeler un ovni dans le monde journalistique. Il a baigné dans la drogue, le rock’n’roll, le punk et le disco alors qu’il écrivait des articles/chroniques pour le journal_ Libération_ de la fin des années 70 jusqu’à son décès en 1986. Le livre qui retrace son parcours va plus loin qu’une simple biographie, il retrace quasiment deux décennies d’évolution de la société française, de Mai 68 jusqu’au milieu des années 1980. C’est l’occasion de croiser la route de journaux alternatifs tels que Tout !, Actuel et Le Parapluie, de survoler l’épopée des radios libres ou encore de retrouver les précurseurs du punk français. Il n’est pas question de politique ni d’écologie dans cet ouvrage passionnant qui témoigne à sa manière de révoltes et d’alternatives portées par une diversité de mouvements et de personnalités. À sa lecture nous faisons plutôt un pas de côté pour observer et comprendre une génération d’hommes et de femmes qui portaient en eux une certaine forme de révolution, qui passerait par la culture.
Dans “Une jeunesse dorée”, son dernier film sorti en salles aujourd’hui, la réalisatrice Eva Ionesco fait la chronique des nuits parisiennes des années Palace – les années 70, 80 – et ressuscite Alain Pacadis (1949–1986), le chroniqueur punk du journal Libération.
Mercredi-ciné
Tewfik Hakem s’entretient avec le journaliste Alexis Bernier et l’écrivain François Buot, auteurs de Alain Pacadis, itinéraire d’un dandy punk, aux éditions Le mot et le reste (re-édition 2018). Avec les témoignages de la réalisatrice Eva Ionesco et du journaliste écrivain Bayon qui ont tous deux connu Alain Pacadis.
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Alexis Bernier et François Buot rendent hommage à l’une des figures de l’underground français des années 70/80. Alain Pacadis, Itinéraire d’un dandy punk raconte les aventures de ce journaliste SDF flamboyant qui a connu le punk et le Palace et incarné une certaine idée de la contre-culture.
En 1968, il avait été sur les barricades ; du temps des hippies, il avait voyagé jusqu’en Afghanistan. Et puis, surtout, “reporter de l’underground”, comme il se désignait, Alain Pacadis avait vécu et raconté la naissance du punk, traîné sa silhouette de freluquet et ses costumes à la propreté douteuse de salle de concerts en boîte de nuit, pour chroniquer les soirées parisiennes et son époque. Le 12 décembre 1986, celui que tous ses proches imaginaient condamné à mourir du sida ou d’une overdose a été étranglé par son amant, à 37 ans. Le lendemain, Libération, le journal pour lequel il écrivait depuis 1975 et où il tenait la rubrique “Nightclubbing”, consacra quatre pages à l’événement.
Ce numéro spécial, ce qu’il donnait à voir du personnage, ont marqué Alexis Bernier. Il avait 18 ans, avait grandi à Blois, fait “une grande partie de son éducation culturelle” en lisant Libération, dont les articles de Pacadis, avec leur ton neuf et leurs fulgurances, parfois – un Pacadis que le jeune homme avait aperçu dans une soirée. Pour sa part, François Buot, professeur d’histoire-géographie, avait, lui aussi, beaucoup lu Pacadis ; il lui était également arrivé d’“enjamber” le corps du chroniqueur, endormi ou plongé dans les vapes par la drogue, au milieu de l’escalier du Palace, la boîte de nuit emblématique de l’époque.
Cinq ans après la mort du journaliste, Alexis Bernier et François Buot, son aîné de treize ans, qui se connaissent depuis peu, se rendent à un concert d’Iggy Pop – personnage récurrent des chroniques de Libé. Ils se mettent à parler de Pacadis, de ce qu’il a incarné. Le lendemain, François Buot, qui vient de faire paraître une biographie de l’écrivain René Crevel (Crevel, Grasset, 1991) et de signer un nouveau contrat avec son éditeur, appelle Bernier pour lui proposer d’écrire à deux une biographie d’Alain Pacadis – cet Itinéraire d’un dandy punk, qui reparaît aujourd’hui. “Dès le départ, précise Alexis Bernier, il était clair pour nous qu’il s’agissait de l’utiliser comme fil rouge d’un livre qui raconterait les années 1970 autrement qu’on en avait l’habitude ; par un prisme autre que le seul politique.”
Est-ce qu’écrire la biographie du plus fameux oiseau de nuit de son temps plonge directement les auteurs dans un tourbillon de fêtes et de paillettes ? Même pas. Alexis Bernier se rend chaque jour à la Bibliothèque nationale, traquant tous les papiers signés par Alain Pacadis entre 1973 et 1986. Ceux de Libération, mais aussi de Façade, L’Echo des savanes, Gai Pied ou encore Playboy (”Ça faisait très sérieux d’aller à Versailles, là où la Bibliothèque nationale conservait les périodiques, et de demander tous les Playboy de l’année 1977”). Il photocopie et classe ces papiers, ce qui lui permettra d’établir une anthologie des textes de Pacadis (Nightclubbing. Chroniques et articles 1973–1986, Denoël, 2005) quand le personnage aura fini par devenir une sorte de mythe, tout comme les “années Palace”, qui firent l’objet d’une multitude de documentaires et autres Mémoires entre 2000 et 2005.
ARAGON AU PALACE
En 1992, cependant, Pacadis est loin d’être l’objet d’un culte. Au point que Grasset demandera à ce que son nom ne figure pas dans le titre du futur livre. Les lecteurs l’ont à peu près oublié, et ceux qui l’ont connu s’étonnent d’être sollicités pour des entretiens. Alexis Bernier et François Buot en mènent plus de 150, avec des personnes aussi différentes que François-Marie Banier et Philippe Sollers, les Rita Mitsouko, Hervé Vilard, Bernard-Henri Lévy, Jack Lang ou deux amis proches de Pacadis, le “rock critic” Yves Adrien et le producteur Marc Zermati.
Parce que le projet est de raconter l’effervescence culturelle et sociale des années 1970–1980 à travers la figure du journaliste (et parce que c’est plus pratique quand on écrit à deux), les auteurs divisent le livre en plus de 300 courts chapitres, dont ils se répartissent l’écriture. ”Ça nous permettait d’aborder rapidement beaucoup de phénomènes ou de micro-événements qui nous semblaient intéressants – la présence d’Aragon au Palace, par exemple, nous n’allions pas en tirer vingt pages, mais nous voulions l’évoquer”, explique François Buot.
L’Esprit des seventies paraît en 1994. “Sans doute trop tôt”, estime Alexis Bernier. Il affirme en riant que la republication du livre par Le Mot et le reste, arrive, elle, “probablement trop tard” : les gens de 20 ans, aujourd’hui, peuvent-ils seulement imaginer l’importance qu’ont eue, à l’époque, Libération ou Actuel ? Se figurer que certains de leurs journalistes étaient des stars ?
“Dans la première édition, poursuit François Buot, il y avait des références à des phénomènes politiques ou culturels qui nous semblaient évidentes. Elles ne le sont plus.” Non content d’augmenter leur ouvrage d’un peu de pédagogie, les deux auteurs ont aussi ajouté des témoignages recueillis entre-temps, étayé des paragraphes, supprimé des ”scories ”, étoffé le (formidable) cahier photos. Ils ont, enfin, choisi un titre qui rendait à Pacadis le marginal sa place centrale dans le livre. Près de vingt-sept ans après sa mort, Alain Pacadis. Itinéraire d’un dandy punk, permet à cet “esprit des seventies” de planer encore.
Alain Pacadis. Itinéraire d’un dandy punk, d’Alexis Bernier et François Buot, préface de Gérard Lefort, Le Mot et le reste, 364p., 23 €.
Au milieu des années 90 paraissait un drôle d’ouvrage baptisé L’Esprit des seventies. Ses auteurs le ressortent aujourd’hui en s’intéressant à une figure culte du Paris des années 70–80, Alain Pacadis, personnalité libertaire, destroy, follement décomplexée et passionnante.
À l’époque, le livre signé par deux jeunes journalistes, semblait à contre-courant voire précurseur : avant la tendance au vintage et aux sixties sublimées, il célébrait une aventure de l’underground à la française, passant du gauchisme au punk, des trips hippie au délire disco puis l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981 qui sonna le glas de ces années folles… Un journal était au cœur de ces bouleversements, c’était Libération — le vrai, le pur, celui de Serge July. De 1975 à 1986, le quotidien hébergea un certain Pacadis Alain, profession pigiste, mais surtout une personnalité incroyablement libre, foutraque, dopée à tout, un don inné pour mettre le bordel, le tout porté sur un physique de dessin animé. Pacadis donc, dont le présent ouvrage sous-titré Itinéraire d’un dandy punk est une réédition augmentée de L’Esprit des seventies publié vingt ans plus tôt. C’est la biographie pas banale d’un jeune homme (chic) — titre de l’unique ouvrage de Pacadis — qui se laisse porter par la griserie de son époque et qui , surtout, se trouve là où ça se passe : chez les Mao-spontex, les folles homo des Gazolines, la nouvelle presse (Actuel, L’Imprévu), les lieux mythiques (L’Open Market, la galerie Spengler, le Châlet du lac…), et puis bien sûr à Libé. Irritant, mais doué, Pacadis a le don de sentir les tendances avant tout le monde : amoureux d’Iggy Pop et de Lou Reed, Pacadis cesse d’être punk au moment où tous les autres viennent de découvrir le phénomène. Le voici disco, célébrant les nouveaux lieux de la nuit (du Palace aux Bains), le petit monde branché des 80’s, ses artifices et ses drogues… La déchéance viendra dans les années 80. Pacadis meurt dans la misère, célébré à ses funérailles dans un délire macabre et très punk. Il avait 37 ans.
En semptembre 1985, un an avant sa mort tragique, Alain Pacadis, le plus punk des journalistes français, livrait ce récit de voyage épique et destroy au magazine Gai Pied. À l’occasion de la publication de sa biographie, Tsugi exhume cette aventure du nightclubber en vacances, dans sa quasi-intégralité. Enjoy.
Article à retrouver dans le Tsugi du mois de juin, disponible en kiosque.
Une passionnante biographie du chroniqueur gonzo de la nuit parisienne, pour plonger au cœur des années Palace et de la faune qui les a rendues cultes.
Il a tout vu
Les événements : Mai 68, l’Afghanistan, les nuits de Pigalle, la première hécatombe du sida, les années Palace puis Bains Douches, la dope et le punk… Les cliques : Bizot, Kouchner et Actuel, Emaer et les fidèles du Palace, Mourousi, Jack Lang, le show-biz avec Hervé Vilard ou les Rita Mitsouko, sans compter les groupuscules de gauche et les trav’ du Bois… Pacadis a tout simplement vécu (et souvent chroniqué) l’emblématique.
Il a tout essayé
“Paca” possède un supplément dramatique : physique ingrat, élégance destroy, enfance choyée, suicide maternel, tropisme napoléonien, amour des marges, fin tragique et, malgré une autodestruction frénétique, la production, pour Libération, de textes d’envergure générationnelle.
Il a tout raconté
“Pacadis fut l’homme de la rupture, écrivit Libération. Subjectif, totalement politique dans son irresponsabilité feinte, et rigoureux dans sa négligence apparente. Toute une rédaction s’en trouvera influencée.” Dans ce foisonnant ouvrage que les courts chapitres thématiques rendent facile à explorer, se distingue aussi l’histoire singulière de la presse libre en France. Passionnant.
Belle idée que cette biographie du journaliste iconoclaste Alain Pacadis, éditée aux éditions Le mot et le reste. À travers le portrait de toute une génération, Alexis Bernier, journaliste à Libération et directeur de la publication du magazine Tsugi ainsi que François Buot, écrivain et professeur dans un lycée parisien, se penchent sur la trajectoire éclair d’un météore de la contre-culture française des années 70 et 80.
Les années Palace ! “Paca” au Palace ! Les images remontent à cette simple évocation (invocation ?) Nous étions trop jeunes, à l’époque, 15/16 ans tout au plus, pour réellement comprendre à quoi pouvaient bien rimer les soirées orgiaques organisées au 8, rue du Faubourg-Montmartre dans le 9e arrondissement par Fabrice Emaer et son équipe. Pourtant on se souvient des images retransmises par la télé française grâce à Yves Mourousi, journaliste et personnalité phare de l’époque, ou Thierry Ardisson dans Lunettes Noires pour Nuits Blanches, invitant sur leurs plateaux (à des heures de grande écoute !) des artistes aussi divers et décadents que, en vrac, Serge Gainsbourg (période Gainsbarre), Lio, Mick Jagger, Andy Warhol, Yves-Saint-Laurent et son compagnon, Pierre Bergé, Philippe Manœuvre et Jean-Pierre Dionnet, l’équipe de Bazooka, Patrick Dewaere, Coluche, la troupe du Splendide (d’avant Sarko), le sémiologue Roland Barthes, Iggy Pop ou Karl Lagerfeld. Une sacrée salade de culture, au sein de laquelle on trouvait toujours, Alain Pacadis, journaliste inimitable et chroniqueur acéré et visionnaire de ces années post-Giscardiennes !
Pacadis, la beauté déchirée
Pacadis n’était pas beau. Les photos sur lesquelles il apparaît le montrent maigre, le visage longiligne et fatigué, le front caché par une mèche grasse, le costume froissé cachant mal l’hygiène douteuse de son propriétaire. Constamment défait, complètement déchiré, à l’ouest, en pleine vape ou en pleine extase, Paca. Il faut dire que celui qui était connu comme un “expérimentateur détaché des névroses modernes” (dixit Bruno Bayon, son collègue à Libération) était aussi un expérimentateur averti de tout ce que l’époque produisait de substances stupéfiantes.
Très tôt initié au LSD (après le hash bien sûr), puis plus tard à l’héroïne, “Paca” comme l’appelaient ses amis, n’était pas un saint, ni un top modèle. Au royaume des stars qu’il fréquentait assidûment, il n’était certainement pas le plus séduisant. Mais Alain Pacadis avait de l’esprit. La répartie facile, un sens aiguisé du présent, de ce qui faisait son époque. Il avait la provoc’ dans le sang aussi (ce qui lui valu maille à partir avec beaucoup de personnalités, et même certains de ses collègues de rédaction). Soutenu par un autre grand excentrique, Yves Adrien, Pacadis était de toutes les fêtes mais avait aussi prévu l’éclosion de mouvements sociaux-politiques bien avant tout le monde.
Un clodo visionnaire
Après mai 68, Pacadis voyage, il part en Inde, au Pakistan, en Afghanistan, découvre les joies de l’opium et revient. Déçu par les mouvements trop dogmatiques à son goût, Paca découvre le punk avant tout le monde en France. Il couvrira le fameux Festival de Monts-de-Marsan, rencontrera Blondie en pleine ascension, Iggy Pop en pleine descente, côtoiera Andy Warhol, le peintre beat Brion Gysin, l’ami de William Burroughs, il tiendra la jambe à Paco Rabanne, Kenzo, Lou Reed, Television, les Clash, les Damned. En 1977 il est à Londres pour le jubilé de la reine d’Angleterre, le fameux jour où les Sex Pistols immoleront l’image royale au son de “No Future” et “God Save The Queen” sur la Tamise.
Véritable concentré de culture rock, Pacadis découvre la jet set naissante au Palace, une ancienne boite de nuit qui deviendra dés 1978 l’équivalent français du Studio 54 à New York. Là, le gratin de la télévision, du cinéma, de la mode et de la variété côtoie l’underground, les dealers, les putes et les journalistes rock. C’est dans ce monde interlope qu’Alain Pacadis va créer Nightclubbing, une rubrique de Libération toute entière dédiée au monde de la nuit et à ses frasques : drogue, sexe et disco. Il en sera bien sûr l’acteur principal et invente, au-delà de l’époque, la notion de “clubbing” – écumer les boîtes de nuit – telle qu’on la conçoit aujourd’hui. L’on n’ose pas imaginer ce qu’il aurait ressenti, aujourd’hui, à la vision de certaines soirées, au moment de la déferlante techno et après, lui qui dès 85 écrivait sur Joy Division et Kraftwerk, enterrant la disco.
Itinéraire d’un dandy punk et de son époque
Dans leur biographie qui paraît ces jours-ci, Alexis Bernier et François Buot retracent le parcours accidenté de ce fils d’immigré grec et d’une mère française de religion juive, qui “bénéficiera” paradoxalement d’une éducation catholique. Excellent dans toutes les matières, élève extrêmement brillant, Alain Pacadis aurait put être un fonctionnaire ou un technocrate comme les autres en pleine ère Pompidou, s’il n’avait pas eu cette étincelle soixante-huitarde et ce grain de folie en lui. Son homosexualité, ses addictions, son goût du décorum et de la fête plus grande que nature, mais aussi son immense culture, sont décrites par le menu, jusqu’à sa fin tragique en 1986 (le journaliste-chroniqueur est retrouvé mort dans son sommeil le 12 décembre, étranglé par son amant de l’époque, dans son appartement de la rue Tronchet près de la Madeleine) dans Alain Pacadis, Itinéraire d’un dandy punk. Mais le livre est également prétexte à tracer le portrait de toute une génération. Une jeunesse perdue, déçue de l’après-soixante-huit, qui avait soif d’expérimenter la vie, dans un monde condamné d’avance à toujours plus de profits et de performances. Un monde où la folie, la laideur assumée et les freaks seront bientôt pour toujours stigmatisés. De fait, des personnages comme Pacadis aujourd’hui, seraient tout bonnement condamné à la marginalité. En ce sens, le journaliste fut un des tous derniers de son espèce. Un de ceux que l’on ne pourra donc qu’éternellement regretter.
On l’a adoré, on l’a haï, mais il avait le grand mérite de bousculer les conventions. Alain “destroy” Pacadis, de 1973 à 1986, année de sa mort, a retranscrit l’énergie du punk avec brio, au point de devenir l’un des premiers journalistes “stars” de Libération. On l’a croisé au Palace ou aux Bains Douches, dans de multiples concerts, dans les meilleures (et les pires) soirées, avec toujours cette envie de bousculer ce qui devait l’être.
Alain Pacadis, Itinéraire d’un dandy punk, écrit par Alexis Bernier François Buot, est dorénavant en librairies, édité par Le mot et le reste. Le travail d’analyse et de recherche des deux auteurs, qui ont ressorti un nombre incalculable de textes et d’interviews (de Gainsbourg à Warhol), fait revivre toute un époque, via le prisme de la vie de Pacadis.
Alain Pacadis, Itinéraire d’un dandy punk, d’Alexis Bernier et de François Buot (Le Mot et le Reste). Plume pour Libération, Façade, Playboy de 1973 à 1986, dandy tendance clodo, écrivain punk à l’écriture White Flash… Alain Pacadis était cet « expérimentateur des névroses modernes » (Bayon). Cet « Itinéraire » conduit des soirées disco à New York, au retour d’Iggy Pop à Londres, et fait redécouvrir le culte de la nuit made in Palace… Du nightclubbing chic !
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Alain Pacadis
OISEAU DE NUIT KAMIKAZE, ICÔNE DU PALACE, JOURNALISTE NOVO ET DANDY PUNK, NOTRE WARHOL NATIONAL A PASSÉ L’ARME À GAUCHE EN 1986.
La vie online, vous regrettez de ne pas avoir connu?
Alain Pacadis: L’humanité entre dans une nouvelle phase. Elle navigue dans une «noosphère» infestée de haters anonymes planqués derrière leur clavier, et de copycats qui n’ont rien dans le ventre. Plus d’errance, plus de panache, plus de mise en danger dans la vraie vie, c’est bien triste. D’un autre côté, vous avez de la chance, vous avez beaucoup plus de chose qui s’offrent à vous. À vrai dire, je suis un peu jaloux: j’aurais rêvé d’être connecté au Web 24h/24h. Maintenant que j’ai franchi le seuil de l’immanence, je regrette ce flux sans répit du présent, où chaque chose qui advient dans la seconde efface la précédente.
Qui sont vos héritiers?
Je me suis bien gardé de laisser le moindre héritage. En revanche, je me demande bien pourquoi autant d’apprentis journalistes essayent de me singer. Pas que moi d’ailleurs, mais aussi Yves Adrien, Marc Zermati ou Hunter S. Thompson… C’est une époque révolue, il est temps de tourner la page.
Que pensez-vous de Paris 2013?
Aujourd’hui, on tuerait sa mère pour une soirée privatisée par Alfa Romeo ou SFR. Le glamour n’a plus le même flamboiement. Ces tocards de blogueurs qui se prennent pour des «jeunes gens modernes» des années 1980, c’est quand même pas eux la relève? Notre vie à nous, c’était de la haute voltige sans filet. On ne faisait pas semblant.
Et la drogue, c’est de la merde?
J’ai fait le fourmilier pendant des années et j’y ai laissé ma peau, mais je ne regrette rien. À d’autres la rédemption misérabiliste.On s’en foutait plein le cornet, c’est sûr, mais c’était pas pour aller faire les kékés au Wanderlust, ou dans je ne sais quelle boîte aussi aseptisée qu’un hôtel Starck. Et la coke n’était pas coupée à l’ammoniac.
Réflexions engagées autour du livre Alain Pacadis, Itinéraire d’un dandy punk.
Avec la réédition du gros livre d’Alexis Bernier et François Buot, les vieilles mémoires vont se rafraîchir et les jeunes cerveaux s’ouvrir à des manières perdues.
Cette enquête sur la vie d’Alain Pacadis, journaliste à Libération et fan de rock, après sa disparition volontaire, tente de rétablir l’état d’esprit et les connexions entres médias, lieux, starlettes, attitudes, modes, clans et zones blanches, entre la fin des années soixante et le milieu des années 80. Vaste programme, d’où les 350 pages.
Alain « too young to die too fast to live » Pacadis, signait aussi sa chronique White Flash, puis Nightclubbing de Libé : Alain « death trip » Pacadis, pour vous donner une idée du mec. Homo, punk, junkie et semi clodo, Alain a également beatnick, hippy, routard et ensuite, décadent, glam, Rock puis Punk. A ses yeux, point d’autre Sainte Trinité que Warhol, Iggy et Lou Reed.
J’ai bien connu Alain Pacadis. Comme le groupe graphique Bazooka se trouvait chez moi, rue de Turbigo, juste entre le Gibus, le Tango, les Bains et le Palace – les 4 clubs « in » de Paris – Alain y passait souvent. Il était orphelin, pauvre, laid et, disons-le sans ambages, sale. Sa petite piaule rue de Charonne n’avait qu’un évier, nappé de crème dépilatoire et parsemé de poils de barbe de Dina, la travelotte qu’il logeait. Une vie et un décor plus près de l’assommoir de Zola que de la Factory de Warhol.
Mais comme ce même garçon hantait tous les cocktails, vernissages, expos, concerts et autres lieux mondains de Paris et qu’il avait fini par le raconter dans Libé, dans un style faussement simple et candide, il était à son tour devenu une starlette. Il parlait gentiment et avec une certaine préciosité ; il était cultivé et délicat… tant qu’il ne buvait pas. Ensuite il devenait étrangement agressif et suicidaire, s’attaquant à plus fort que lui.
Il fut trop pauvre pour mourir d’overdose d’héroïne, comme tant d’autres à cette époque. Libé payait égalitairement 10 000 frs chaque salarié, sauf Alain qui était royalement arnaqué… (pigiste comme votre serviteur qui, après plus de deux ans de dessin de presse, BD et pleines pages, ne fut jamais déclaré.) Les punks qui sauvaient Libé de la faillite étaient punis par les vieux gauchistes reconnaissants. Car cette époque n’était pas tendre ; les jalousies exacerbées, les coups bas quotidiens et les drames de la trahison monnaie courante. C’est même drôle à quel point on pense les années soixante gaies, alors qu’elles étaient sinistres et les année soixante dix généreuses, alors qu’elles étaient marquées par l’avidité et l’arrivisme.Il s’en dégageait pourtant un torrent de créativité, impensable aujourd’hui.
L’enquête des deux auteurs, véritable reconstitution d’un parcours sinueux et trouble est d’autant plus rare, qu’après la mort d’Alain, un paquet de gens parlaient de lui comme d’un intime, alors qu’ils n’avaient jamais approché le desperado. Au séminaire de Libé, par économie, on avait des chambres par deux obligatoires, j’étais le seul à être OK pour partager sa chambre, ou il se plongeait dans la baignoire, sans shampoing ni savon et en sortait avec quelques coulures sombres.
J’insiste sur tous ces détails afin que ceux qui liront ce livre n’imaginent pas une seconde que sa vie était un lit de roses. Comme lorsqu’il fut l’invité d’_Apostrophes_ où Pivot le prit pour un jet-setter, lui qui se nourrissait, au choix, de petits fours dans les cocktails, ou d’amour et d’eau fraîche (càd, ne se nourrissait pas). C’est justement ce paradoxe du vrai pauvre, qui côtoyait les riches et les célèbres, de ce « dejado », qui ne pouvait pas prendre soin de lui-même, entouré de gens chics et apprêtés, qui lui conférait une valeur par l’absurde, et par l’incompréhension qu’il générait.
À la fois le roi et le fou du roi, respecté par les punks pour son indifférence à l’endroit des considérations matérielles, et pourtant ultra branché, invité partout, malgré son allure et ses dérives permanentes.C’est comme ça qu’est née sa légende d’éternel enfant abandonné et recueilli par la tribu Punk-rock dont il chantait les louanges.
Mais la période fut bouclée en deux trois ans et il se jeta alors dans la voie sans issue du Disco, des paillettes et du clubbing, ou il n’était plus reçu que comme un fantôme. Sa fin romantique et morbide mit une note finale à sa notoriété. Le petit orphelin de la rue de Charonne eut un enterrement parisien énorme ou Jack Lang, Gainsbourg, acteurs, chanteurs, journalistes et écrivains se retrouvèrent un peu hébétés, autour du joueur de flûte.
Si j’ai un seul conseil à donner pour pénétrer ce monde d’alors, c’est d’oublier les noms connus du livre, et de s’intéresser à tous les inconnus passionnants que côtoyait Pacadis, et qui tout comme lui, furent le sel de cette époque sans pitié.
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GQ révise son histoire de la musique en compagnie du dandy punk Alain Pacadis, du rock-critic Simon Reynolds et de quelques ouvrages pop bien sentis.
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