Revue de presse
Changement de genre avec le bouquin “Au-delà du rock” qui revient sur la musique tour à tour planante, expérimentale et électro telle qu’elle nous est arrivée d’Allemagne dans les années 70. Ce livre nous raconte donc l’histoire du genre, en parlant forcément de groupes comme Can, Kraftwerk ou Tangerine Dream. Mais, surtout, il nous rappelle comment ce mouvement a influencé toute une frange du rock plus tard, la new wave à l’électro-funk en passant par la trilogie berlinoise de Bowie. Cerise sur le planant, le livre est signé par Eric Deshayes, qui a déjà signé une biographie de Kraftwerk qui fait encre autorité. Nous sommes donc en de bonnes mains.
Une chronique à retrouver dans Re-Cycle
Que les années 1970 aient été une aire d’expérimentation intense et frénétique dans nombre de domaines et autant d’endroits dans le monde est une lapalissade que plus personne n’a envie de relever. Soit. Mais de ce qui ressemble de plus en plus à une “parenthèse enchantée”, il reste encore beaucoup de leçons à tirer, de pistes à explorer. Si la contre-culture musicale anglaise et américaine a été amplement documentée, on ne peut guère en dire autant par exemple du rock allemand, connu aussi sous l’appellation “rock choucroute” soit, en V.O., “krautrock”.
Jusqu’à présent, il n’y avait guère que le bouquin de Julian COPE, Krautrocksampler – miraculeusement traduit en français –, qui pouvait permettre de faire plus ample connaissance avec ce sujet. En voici un autre, dont la première particularité vient de son titre, qui évite soigneusement le terme krautrock. La raison en est donnée en filigrane par une perspective historique retracée dans un premier chapitre qui éclaire avec pertinence sur les conditions sociales, politiques et culturelles qui ont favorisé l’émergence d’une contre-culture typiquement germanique. […]
Bienvenue dans un autre monde, dont Au-delà du rock se fait le guide attitré, et d’autant plus recommandable qu’il a été rédigé par un spécialiste du genre qui n’est autre qu’Éric DESHAYES, créateur du site internet NÉOSPHERES et accessoirement contributeur à TRAVERSES, pour lequel il avait rédigé un article sur ce “kraut-au-delà-du-rock” qui a en quelque sorte servi de déclencheur. C’est cette fois à une véritable encyclopédie que l’auteur s’est attelé, mais dont la présentation a été aérée par un découpage scrupuleux qui évite d’avoir affaire à un “pavé” aux chapitres interminables.
En dépit de ses 428 pages, l’ouvrage est donc d’une lecture aisée, d’autant que le style choisi ne s’embarrasse guère de fioritures, au risque de paraître parfois un peu trop sec et manquant de “liant”. Au premier chapitre analytique déjà évoqué succèdent des biographies de nombreux groupes et artistes, célèbres ou plus obscurs, qui explicitent leurs démarches et leurs évolutions musicales.
Des discographies complètent de plus chaque article, et quelques pochettes de disques illustrent le livre. Il n’en faut pas davantage pour mettre l’eau à la bouche des collectionneurs comme des néophytes pour partir en quête de découvertes discographiques. […]
Au-delà du rock met ainsi en évidence les liens et ramifications qui ont pu exister entre les événements, les lieux, les artistes, les labels et les producteurs, et il ne faut donc pas s’étonner de voir évoqués à plusieurs reprises certaines anecdotes ou faits historiques, ou même certains disques. Après tout, la répétition est à la base de toute pédagogie, et l’histoire du mouvement électro-expérimentalo-planant allemand est avant tout celui d’une grande famille à la généalogie aussi foisonnante que passionnante.
Tout à la fois encyclopédie, mine d’or et jeu de pistes, cet ouvrage est un opulent manuel auquel les amateurs se référeront souvent.
PS : Au-delà du rock a été édité pour la première fois en 2007. Il a fait l’objet d’une nouvelle édition en 2021 (chez le même recommandable éditeur) dans laquelle l’auteur a procédé à divers ajouts de textes, à des modifications, voire à des réécritures de paragraphes au sein des chapitres, de manière à traiter de l’évolution et de la production de certains groupes et artistes depuis la première édition d’Au-delà du rock. L’illustration de couverture a de même changé et est devenue plus percutante en même temps que plus “vintage”. De nouvelles illustrations ont également été ajoutées (pochettes de disques, logos…), mais paradoxalement, la nouvelle édition comporte un peu moins de pages que la précédente, du fait de sa nouvelle mise en page. Cette nouvelle édition révèle donc une mise à jour tout à fait bienvenue et démontre que l’influence de cette « vague planante, électronique et expérimentale allemande des années 1970 » reste toujours d’actualité aujourd’hui… et sans doute au moins jusqu’à demain !
Une chronique à retrouver en intégralité sur Rythmes croisés
Autre scène-clé ayant fortement influencée le rock dit stoner : le rock allemand des années 1970, surnommé Krautrock. Son influence est plus éparse chez les groupes anglo-saxons, mais absolument majeures : Oh Sees, Queens Of The Stone Age… Elle est par contre absolument capitale en Europe : Slift, Causa Sui, Kanaan, Mythic Sunship, The Heads, The Cosmic Dead…
Eric Deshayes avait publié une première version de cet ouvrage en 2007, mais, méticuleux, il décida de l’enrichir de nouvelles références musicales et d’en proposer une version actualisée et enrichie, récemment publiée. L’auteur fait un historique particulièrement intéressant et accessible sur la scène rock allemande en pleine Guerre Froide, expliquant les nombreuses racines sociologiques et historiques qui conduiront à cette scène musicale particulièrement originale et riche.
L’Allemagne sous tutelle anglo-américaine, appelée Allemagne de l’Ouest, était un pays coupé en deux, au plus près de la menace militaire de l’Union Soviétique et américaine, mais qui devait aussi se reconstruire sur les cendres du Troisième Reich, dévoré par l’incompréhension, la colère, le remord. L’absence de réelle épuration politique va laisser planer un climat politique lourd sur le pays, que la nouvelle génération d’Allemands, né après la guerre, veut clairement nettoyer. La scène artistique allemande sera donc provocatrice, très engagée à gauche politiquement, et cherchera à créer de nouvelles voies d’évasion intellectuelle à ce qui semble ressembler à un terrible marigot de vieilles idées de droite réactionnaire imposées par d’anciens nazis.
Le bouillonnement musical qui en découle va apporter des artistes absolument majeurs : Can, Tangerine Dream, Kraftwerk, Klaus Schulze, Amon Duul II, Neu !… mais aussi des formations transversales toutes aussi intéressantes : Faust, Cluster, La Dusseldorf… Il est évident à la lecture de cet ouvrage que cette scène est étroite, et que les musiciens copulent artistiquement entre eux de manière massive.
L’ouvrage décline l’histoire de chaque formation, avec une discographie dédiée. Eric Deshayes revient également sur les principaux protagonistes ayant contribué au développement de cette scène, le producteur Conny Plank notamment.
Ce qui est assez savoureux, c’est d’imaginer le visage de l’un d’entre vous découvrant « Tago-Mago » de Can ou « Timewind » de Klaus Schulze. Le décollage intellectuel est immédiat. Et pour faire bonne mesure, il faut enchaîner cela avec la quintessence qu’est « Ummon » de Slift, et vous saurez alors ce que l’on appelle le voyage sonore total.
Une chronique à retrouver sur La planète du stoner
La question que chacun se pose : et après ?! Sujets graves : la vie, le travail, toi… Ou plus léger : que se passe-t-il au-delà du rock ? « Le post-rock » répondra le plus cartésien de vous tous ! Ou une sorte de fusion des genres (rock et rap, musiques du monde et rock, jazz et rock, …) en ce qui concerne les oreilles largement ouvertes… Mais ici, le débat ne se pose pas en ces termes-là. Le livre d’Eric Deshayes est sous-titré « La vague planante, électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix »… Le rock se trouvant être ici celui que Elvis (caserné en Allemagne à la fin des années cinquante…), puis les Beatles (Hambourg, où tout commença…) et tant d’autres firent déferler sur l’Allemagne de l’Ouest dans les années soixante. Touchant largement une jeunesse « mal dans sa peau »… Outre le passage compliqué à l’âge adulte, les adolescents allemands doivent en plus digérer les affres d’un pays divisé en deux (l’Allemagne de l’Est proscrit rapidement toute diffusion de musique rock sur son territoire…), la honte du passé nazi (y compris au sein de leurs propres familles) et… comme si tout cela ne suffisait pas, elle se trouve en première ligne d’une « guerre froide » qui plombe l’ambiance.
Mais quelques teenagers relèvent le défit courageusement… Plutôt que se laisser bercer par le courant anglo-saxon, ils produiront leurs propres sons, à contre-courant des modes… au-delà du rock ! A partir de la seconde moitié des années soixante, on assistera à un éveil allemand qui se concrétisera par l’arrivée d’un flot impressionnant de musiciens, auteurs, plasticiens qui fusionneront psychédélisme, science-fiction et électronique… Pourquoi, comment ? Eric Deshayes nous l’explique dans la première partie de cette « brique » imposante.
S’en suit une deuxième partie (la plus importante en quantité), celle où l’auteur dresse un portrait minutieux (et alphabétique) de chaque groupe recensé sur la carte du rock allemand de l’époque (surnommé de façon un peu simpliste « le krautrock »). Vous saurez (presque) tout, au sujet des groupes les plus connus (Can, Kraftwerk, Neu !, Popol Vuh, Tangerine Dream, …) ou nettement moins célèbres (Brainticket, Exmagma, Xhol, Agitation Free,…). Enfin, vous aurez droit à une analyse portant sur les labels et les managers qui ont permis cette éclosion, des portraits des personnages influents pour cette génération d’artistes (le compositeur Karlheinz Stockhausen en particulier) et de ceux qui en sont devenus les héritiers (Bowie et Eno en premier lieu, bien entendu…). Comme c’est bien souvent le cas chez cet éditeur, on a affaire ici à un travail de fourmi, extrêmement complet et passionnant !
Un article à retrouver sur Jazz Mania
Eric Deshayes, l’auteur du livre vous narre l’histoire de groupes allemands novateurs, apparentés à la vague planante électronique, aux confins des musiques improvisées issues du free jazz, qui ont révolutionné les paysages musicaux des années 70. Il s’intéresse aussi aux labels et producteurs qui ont diffusé et infusé ces musiques. En ces temps révolus où une certaine idée du rock outre Rhin pactisait dans sa diversité à créer un nouvel univers musical hors les normes en vigueur. A écouter ou à découvrir, histoire de s’en imprégner entre les pages de cet ouvrage d’Eric Deshayes, un sage érudit partageur, les esgourdes toujours alertes vivantes et cultivées et surtout sans œillères pour notre plus grand bonheur.
[...]
Un grand merci à Eric Deshayes l’auteur érudit de nous avoir fait partager son amour d’un « Au-delà du rock » qui donne le titre à son ouvrage très riche, documenté et très bien écrit. Franchement il m’a redonné envie d’écouter toutes ces musiques d’un autrefois assez récent. Elles gardent leur inventivité dans ses sonorités d’un rock psychédélique puissant, avec ses pionniers du synthétiseur au cœur de la création musicale. Digne des improvisations du free jazz. Elles ont su chercher, trouver et pulser des sons par-delà les frontières du bien et le mal si cher à Nietzche.
Surtout, soyez curieux et ne boudez pas votre plaisir de vous replonger dans cette époque charnière à la colle avec les recherches musicales hors les normes habituelles du rock, aux confins du jazz improvisé et les sonorités inédites. D’autant, O joie, pour ainsi dire tous les disques vinyles dont il cause, ont refait surface et se sont mués en CD.
Comme quoi, il n’existe aucune vérité, aucune certitude sertie en termes musicaux. Elles sont toutes bonnes à écouter, du moment qu’on s’y intéresse et qu’on y creuse un sillon de connaissances à partager. Comme Eric Deshayes s’emploie à saisir attentivement, analyser avec talent ces musiques à la marge, ouvrages après ouvrages. Pour notre plus complète félicité de le lire et d’avoir aussi envie de découvrir des nouveaux sons, mêmes anciens, car si modernes et novateurs. Même et surtout de nos jours si moroses et si ternes.
Une chronique à retrouver en intégralité sur Le Mague
À la fin des années 70, l’artiste lâche son Thin White Duke et passe la frontière allemande pour produire notamment les albums Low et Heroes.
Difficile de savoir quand l’idée d’aller régénérer son art dans la marmite krautrock est venue toquer à l’esprit de David Bowie, d’autant que l’artiste, en représentation permanente à l’époque et aux prises avec l’héroïne, n’a jamais à notre connaissance levé le voile sur les coulisses du grand virage qu’il entreprit en 1976, lâchant le Thin White Duke de Station to Station pour se plonger dans les arcanes du son.
On peut cependant dire que, comme souvent chez lui, l’image et le style ont précédé la musique, fut-ce de manière superficielle et maladroite. Fasciné par le modèle de communication nazi, il commence par le comparer à la manière dont les maisons de disques vendent les rock stars : tout le monde lui tombe dessus, mais Roger Waters ne dira pas grand-chose d’autres quand il écrira son grand œuvre, The Wall, pour les Pink Floyd, en 1982. Bowie aura d’abord une approche esthétique de la geste kösmisch : des chansons sans début ni fin, sans objet non plus, qui semblent flotter dans l’air comme les brumes de chaleur au-dessus du bitume écrasé par le soleil.
Version bêta
Bowie avait besoin d’un passeur, Brian Eno sera celui-là : l’ex-saboteur en chef de Roxy Music fait à l’époque de fréquents allers-retours à Frost (Basse-Saxe), où il collabore avec le duo électronique Cluster ainsi qu’avec Michael Rother, la moitié de Neu!, le groupe qui a lancé le style Motorik – une récurrence de motifs simples dans un environnement sonore quasi constant, une sorte d’équivalent sonore de ce que serait un voyage en voiture sur une autoroute dégagée. S’il vit officiellement en Suisse à l’époque, Bowie, toujours accompagné d’Eno, passe le plus clair des années 1976 et 1977 aux studios berlinois Hansa, aux studios Musicland de Munich ainsi qu’au château d’Hérouville en France. Où il s’offre une sorte de version bêta en produisant l’album The Idiot d’Iggy Pop. C’est sur la deuxième face (“Dum Dum Boys”, “Mass Production”) que Bowie fait porter son effort, avec de longues traînées synthétiques qui prennent le pas sur le propos, comme si le paysage absorbait l’action.
Quasi simultanément, il entreprend l’enregistrement de Low, un vrai risque commercial à son échelle, même s’il essaie de ménager la chèvre et le chou : une première face purement pop (avec un tube, Sound and Vision) censée emmener le public vers une deuxième moitié d’album plus risquée, où l’objet narratif a complètement disparu (Warsawa), laissant la place à des strates sonores devant tout à l’électronique.
Les fans de krautrock auront du mal avec sa démarche : Bowie extirpe les aspects les plus immédiatement séduisants de la kösmisch (les gimmicks remplaçant la mélodie, l’ampleur naturaliste) et la débarrassant de cette rage interne sous-tendant une scène allemande portée par l’idéalisme et l’extrême gauche. On peut à l’inverse dire qu’il a ouvert une porte sur l’underground : à charge pour le public anglo-saxon de l’ouvrir ou non.
Avant-garde
Bowie enchaînera dans la même veine avec Heroes, dont le morceau-titre est une resucée du “Silver Cloud”, un énorme carton commercial de La Düsseldorf (le groupe de Klaud Dinger, ex- Neu!) en Allemagne. D’après Éric Deshayes, auteur d’une remarquable encyclopédie du krautrock (1) Bowie envisage un temps d’embaucher l’autre moitié de Neu!, Michael Rother. L’affaire ne se fera pas mais l’Anglais Robert Fripp, un habitué, lui fera ces notes allongées de guitare qui figurent la signature ultime de la kösmisch.
Bowie passera à autre chose dès Lodger (1979), même s’il l’enregistre aussi à Berlin. Il y a gagné pour longtemps une aura d’innovateur sans doute excessive. Mais là comme ailleurs, sa faculté de toucher le grand public avec des éléments d’avant-garde a fait de lui un artiste à part.
(1) Au-delà du rock, éditions Le mot et le reste
Lire l’article sur le site de Libération
Sorti au printemps dernier mais retardé à la chronique afin que l’on s’y consacre pleinement (belle excuse en bois), cet ouvrage fort bien documenté sur « la vague planante, électronique et expérimentale allemande des années 70 » se pose comme une nouvelle pièce de choix issue de la collection Formes, éditée par Le mot et le reste. Car à y bien réfléchir, elle fait le lien entre le précédent ouvrage de Philippe Robert (Rock, pop, un itinéraire bis) et celui qu’il sort ces jours-ci en collaboration avec le GRIM (Musiques expérimentales, une anthologie transversale) chez la même maison d’édition phocéenne. Soit un document qui recense les différents acteurs de ce courant communément appelé krautrock, décisif dans l’évolution de la musique pop européenne (de la new-wave à la techno) par sa capacité à la pousser dans des contrées jusque-là inexplorées. L’auteur, qui gère de sa Bretagne natale un webzine spécialisé, connaît son affaire, suffisamment pour faire d’Au delà du rock un pendant très honnête au réputé Krautrocksampler de Julian Cope.
Eric Deshayes est le fondateur du site internet „Néosphères“, dédié au rock et aux musiques actuelles. Dans son ouvrage „Au- delà du Rock“, il offre au lecteur une plongée dans les années 70. Il présente le contexte historique avant de s’attarder sur les groupes de l’époque.
Le dernier chapitre retrace l’itinéraire de quelques personnages clés (producteurs, ingénieurs du son, enseignants) du mouvement Krautrock. II présente une vue transversale des principaux labels discographiques qui ont diffusé ces productions hors normes.
Parfois je prends le temps de ne pas écouter 10 nouveaux disques dans la semaine, mais d’ouvrir… tenez-vous bien… attention, c’est pas courant, vous allez être surpris….. un livre.
Voilà, je l’ai dit, vous pouvez rigoler 5 minutes et revenir quand vous serez calmés, c’est bon, soufflez un bon coup tout va bien se passer.
(...)
Il y a à Sciences-Po Paris, rue Saint Guillaume, un amphi dédié à la mémoire d’André Siegfried, qui a décrit le vote en Bretagne selon le type de terroir, granit à droite, calcaire à gauche (les incrédules peuvent se reporter à la bio du monsieur). On se demande si une étude de ce genre n’est pas à entreprendre en matière de musique : après tout, ce n’est pas un hasard si la bossa nova est née à Rio et pas à Dusseldorf.
Quoi qu’il en soit, il existe en Allemagne une scène rock tout à fait particulière dont les représentants les plus connus s’appellent : Can, Neu !, Ash Ra Temple, Amon Düül, Faust ou Kraftwerk. Ils sont dans ce livre, en compagnie de formations plus obscures. Ce qui confirme que les éditions Le Mot et le reste, déjà responsable de Rock pop, un itinéraire bis en 140 albums essentiels (voir notre article) il y a peu est le contraire d’Allia, qui s’ingénie à publier des livres épais qui font la synthèse d’un genre entier (électro, rap, soul, new wave). Cette maison marseillaise se fait une spécialité de fouiller dans les marges du rock. Et Eric Deshayes, qui dirige le site internet Néosphères montre que cette scène pousse le rock dans une dimension cosmique, hypnotique ou robotique, ce qui devait forcément amener vers d’autres expérimentations, d’autres genres. Le rock se coupa ainsi en partie de ses racines américaines, pour s’en créer de nouvelles, europééennes celles-là, et elles sont encore vivaces puisqu’elles viennent d’inspirer Turzi, qui le revendique sur son récent album, “A”. Et quand on écoute les Ecossais Mogwai, leur son a bien plus à voir avec cette musique européenne jusqu’auboutiste qu’avec les bluesmen noirs du delta du Mississipi.
Bienvenue dans un autre monde, dont Au-delà du rock se fait le guide attitré, et d’autant plus recommandable qu’il a été redigé par un spécialiste du genre qui n’est autre qu’Eric Deshayes, créateur du site interne NEOSPHERES et accessoirement contributeur à TRAVERSES pour lequel il avait rédigé un article sur ce kraut au-delà-du-rock qui a en quelque sorte servi de déclencheur. C’est cette fois à une véritable encyclopédie que l’auteur s’est attelé mais dont la présentation a été aérée par un découpage scrupuleux qui évite d’avoir affaire à un «pavé » aux chapitres interminables. En dépit de ses 450 pages l’ouvrage est donc d’une lecture aisée d’autant que le style choisi ne s’embarrasse guère de fioritures au risque de paraître parfois un peu trop sec et manquant de « liant ». (…)
Au delà du rock met ainsi en évidence les liens et ramifications qui ont pu exister entre les événements, les lieux, les artistes les labels et les producteurs et il ne faut donc pas s’étonner de voir évoqués à plusieurs reprises certaines anecdotes ou faits historiques ou même certains disques. Après tout la répétition est à la base de toute pédagogie et l’histoire du mouvement électro-expérimentalo-planant allemand est avant tout celui d’une grande famille à la généalogie aussi foisonnante que passionnante. Tout à la fois encyclopédie mine d’or et jeu de pistes, cet ouvrage est un opulent manuel auquel le-s amateurs se référeront souvent.