L’œuvre regorge d’anecdotes et d’analyses pertinentes qui permettent de comprendre une musique étrange et novatrice, qui continue à influencer les nouvelles générations, notamment celle du hip-hop.
Rémi Bonnet – L’Echo Républicain
Le double LP du trompettiste et compositeur de jazz Miles Davis Bitches Brew (littéralement « brouet de salopes », avec un jeu de mot en résonnance avec l’expression « Witches Brew », la « potion de sorcières »), sorti en 1970, marqua une rupture dans l’histoire du jazz et dans celle du rock ainsi que l’avènement d’un genre nouveau, le jazz rock ou fusion.
Miles Davis a su tout au long de sa carrière s’affranchir des codes, renouveler ses champs d’expérimentations. La tournure rock et psychédélique prise dans Bitches Brew avait déjà été amorcée dans ses albums précédents, In a Silent Way notamment. Mais c’est Bitches Brew qui véritablement parvient à métisser les textures et les influences. Fruit de la collaboration entre Miles et le producteur Teo Macero, dont le nouveau langage musical non-instrumentiste « influencera lui-même des générations de musiciens électroniques et rap », fruit aussi de la découverte qu’a faite Miles peu auparavant des musiciens noirs américains de rock et de soul, en première ligne desquels Jimi Hendrix, Bitches Brew est une vraie révolution.
Revue de presse
Il ne paie pas de mine, Matthieu Thibault, lorsqu’il débarque à TsfJazz pour nous relire Bitches Brew à l’aune de sa culture rock et de son look cyberpunk. Ça tombe bien. Les lorgnettes ultra-jazzeuses pour apprécier la force d’éblouissement du plus bel album de Miles Davis (avec « Kind of Blue », évidemment…), c’est un peu limite…
Contextualiser, en revanche, comme le fait le jeune musicologue, la révolution sonore de l’an 69 dans ce que l’époque avait de plus électrique est autrement plus opérationnel. Dans Bitches Brew ou le jazz psychédélique, paru aux éditions Le Mot et le Reste, Matthieu Thibault montre comment, avec l’aide de son précieux producteur, Teo Macero, Miles est parvenu à métisser textures et influences rock, funk et soul pour faire naître un groove unique, à la fois expérimental et dansant.
Ces influences, on les connaît évidemment: James Brown, Jimi Hendrix, Sly & The Family Stone… Mais aussi Betty Mabry, la muse du trompettiste à l’époque. Chapitre excellent. La jeune chanteuse ne renouvelle pas seulement la culture de Miles. Elle le réhabille, dans tous les sens du terme, reléguant au vestiaire le costard jazzy black & white des sixties pour des tenues plus colorées… Une révolution comportementale qui, dans le même temps, ne concède rien aux codes plus ou moins acides et destroy qui embrasent l’époque… Miles Davis, après tout, n’aura jamais été aussi clean que dans sa phase psychédélique.
Mais le plat de résistance du livre, évidemment, c’est l’enregistrement du disque. Déjà, dans « In a Silent Way », le tandem Miles/Macero procédait par segments et découpages post-studio. Bitches Brew pousse encore plus loin l’expérience, utilisant le studio d’enregistrement lui-même comme une sorte d’instrument. C’est l’autre emprunt et il est de taille à la culture rock.
Les sidemen de Miles évidemment sont décontenancés. Ils ne comprennent pas où on veut les emmener. Joe Zawinul n’est pas le moins marri de voir dans quel magma vont cramer ses jolis thèmes. Les futures étoiles du jazz rock se rattraperont plus tard, déplore Matthieu Thibault, qui ne semble guère goûter la virtuosité gratuite et les solos interminables auxquels un John McLaughlin, notamment, était contraint de renoncer au moment de Bitches Brew. On n’est pas obligé de partager tous les parti-pris de l’auteur dont le propos, parfois, aurait gagné à être à la fois plus resserré et mieux étayé dans certains passages. Il n’empêche que face à un album aussi ébouriffant, la prose de Matthieu Thibault décoiffe autant que sa coupe de cheveux.
Sorti le 22 mars dernier aux éditions Le Mot et Le Reste, Bitches Brew ou le jazz psychédélique est un ouvrage consacré à l’album éponyme de Miles Davis.
C’est en 1970 que sort l’album Bitches Brew de Miles Davis. Double LP, il marquera une rupture dans l’histoire du jazz, et entraînera l’avènement d’un genre nouveau pour l’époque, le jazz rock, également appelé jazz fusion.
C’est pour rendre hommage à cet album, véritable petite révolution de son temps, que le musicologue et enseignant Matthieu Thibault s’est intéressé à l’histoire de Bitches Brew, et plus généralement, à la personnalité de Miles Davis. Le trompettiste et compositeur de jazz a toujours su en effet s’affranchir des conventions, ne pas se contenter des codes établis et aller jusqu’à tester ses nouvelles expérimentations. Ainsi, la tournure jazz rock si percutante dans Bitches Brew avait déjà été amorcée dans son album précédent, In a Silent Way. Malgré tout, c’est véritablement cet album qui parviendra à métisser agréablement les textures et les influences du jazz et du rock.
Parlons maintenant d’un livre qui vient d’être publié aux éditions Le Mot et Le Reste. Il est signé de Matthieu Thibault et il est consacré à Bitches Brew, ou le jazz psychédélique, “Bitches Brew”, le fameux album de Miles Davis qui a fait basculer le jazz dans le jazz-rock, et toute une génération qui s’y est engouffrée.
Le livre est passionnant, parce qu’il commence sur l’avant-“Bitches Brew” pour expliquer d’où les choses sont venues musicalement, et finalement assez progressivement. Il est très intéressant parce qu’il amène une réflexion non musicologique autour de la vie sentimentale de Miles, sur l’influence que Betty Davis, qu’il avait épousé juste avant d’enregistrer ces sessions, a pu avoir en lui faisant découvrir le rock noir américain et en lui donnant envie d’épicer sa musique de ce côté-là. Il y a évidemment aussi des analyses très précises sur les séances d’enregistrement, comment les albums ont été montés, etc.
Ça vient de paraître, donc, chez Le Mot et Le Reste.