Y a‑t‑il une chance que le fameux Smile, ce disque mythique qui devait succéder à Pet Sounds, sorte un jour?
Oh, il a incendié un immeuble. On essayait de faire une musique de sorcellerie. J’étais bourré de haschisch et de marijuana. Et je suis parti un peu trop loin avec ce morceau qui s’appelait « Fire ». Un endroit en bas de la rue a pris feu le jour où on a fait cette chanson, je me suis dit : « D’une façon ou d’une autre, c’est nous qui avons dû mettre le feu à cet immeuble. »
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En 1992, grâce à Christian Fevret des Inrockuptibles, Michka Assayas entre enfin en contact avec le leader des Beach Boys, Brian Wilson, et parvient à l’interviewer pour le compte du magazine. De cette rencontre à Malibu émerge un article fleuve d’une cinquantaine de pages. En préambule de l’interview, Michka parle de sa relation à la musique des Beach Boys, de leur place dans le paysage musical international, de l’importance de Brian Wilson dans l’évolution de la pop, de son histoire tantôt tragique, tantôt fantastique. Puis vient le temps de l’échange, passionnant, entre le jeune critique rock et ce génie fou qu’est Brian Wilson, quatre ans après son retour sur le devant de la scène, quatre ans après sa résurrection.
Revue de presse
Michka Assayas était l’invité de l’émission Entrez sans frapper sur La Première RTBF afin de parler de son livre Brian Wilson. Interview, Malibu, 1992.
Une émission à réécouter sur La Première RTBF
Un journaliste québécois a dit du journalisme que c’était un acte mineur un peu comme Gainsbourg n’en disait pas mieux de la chanson populaire. Eh bien le métier de scribe à ses lettres de noblesse et Michka Assayas en donne une preuve éclatante avec cette entrevue qu’il avait réalisé en 1992 avec Brian Wilson le leader du mythique groupe des Beach Boys qu’on a accusé tellement de faire dans le genre bleu bleu. Même si Assayas reconnaît être un inconditionnel depuis l’âge aussi tendre de huit ans, il n’en est pas moins critique et ne gobe pas tout d’emblée sur ce qu’a produit la formation au cours des ans. Il a donc rencontré son idole à Malibu et lui a posé des questions franches pour lesquelles il a obtenu des réponses toutes aussi transparentes. Cela donne un livre régal avec l’entrevue précédée d’une mise en situation de ce que les Beach Boys ont été dans le paysage du rock. On doit à Assayas le Nouveau dictionnaire du rock chez Laffont et il tient le micro sur France Inter de l’émission “Very Good Trip”.
Et si vous regrettez que la lecture de l’entrevue avec Brian Wilson a été très courte et que vous adorez l’approche journalistique d’Assayas, sachez que celui-ci, dans une même mouture que le livre précédemment décrit nous offre également une introspection sur la carrière de Bono et ça donne Bono par Bono toujours chez le même éditeur Le mot et le reste. A Montréal quand Bono débarquait dans sa suite de l’Hôtel St-James, une horde d’admirateurs campait aux abords de l’établissement pour l’accueillir avec frénésie. Sa cote chez nous demeure inchangée, et surtout en raison de son engagement humanitaire. Dans le cas de son sujet il a eu la grande opportunité de partager plusieurs moments d’intimité. Il nous sert ici une entrevue remontant à il y a quinze ans. Sur les fondamentaux du chanteur de U2 la démarche est inchangée. S’il y a un dénominateur avec Katerine cité plus haut, c’est que l’artiste le plus choyé et respecté de la planète s’en tient à un discours, tout sauf formaté. Nous on adore. Là nous avons un petit pavé entre les mains qui se déguste comme du petit lait. On se rend compte avec Bono de l’utilité des artistes, cette distanciation et cette contestation du monde qui fait du bien à entendre.
Un génie troublé
Quand Assayas rencontre Brian Wilson en 1992, il s’agit d’un évènement dont il est peut-être aujourd’hui difficile d’imaginer la portée. Wilson a été leader du seul groupe de pop qui a, à un moment, réussi à surpasser les Beatles. Porté par le succès de Surfin’ Usa, le groupe constitué de Brian, de ses frères Carl (quelle voix !) et Dennis, d’Al Jardine et de Mike Love, a suscité aux États-Unis une véritable mania, antérieure à celle des Beatles. Surtout, Brian est un grand compositeur, un « Mozart primitif » comme l’écrit Assayas, tout aussi intuitif que sensible.
Fruit d’une enfance très perturbée, traumatisé par la violence de son père Murry, Brian renonce rapidement aux tournées et se concentre sur le travail en studio. Obsédé par le son créé par Phil Spector (Assayas le raconte très bien) et sa rivalité avec les Beatles (et surtout Paul McCartney), Wilson créée des chefs d’œuvres comme California Girls et surtout l’album Pet Sounds suivi du single Good Vibrations. En 1966, il y a eu un moment de stupeur à Abbey Road en écoutant ces disques : les quatre de Liverpool pouvaient-ils faire mieux ? Ils gagneront le match avec Sergeant Pepper’s lonely heart club band et Brian Wilson, devenu fou, craque pendant l’enregistrement du fameux Smile : il sombre alors dans un état dépressif qui empirera dans les années 70.
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La bonne surprise de l’entretien obtenu par Assayas est que Brian Wilson se montre très disert. Il a envie de parler, de se livrer, malgré quelques réticences. Il parle de son groupe, de Spector, avec une liberté de ton appréciable. Plus tard, il se délivrera de Landry et terminera Smile (enfin, presque). On laisse le lecteur sur cette phrase magnifique captée par Assayas. Elle justifie pour tout amateur de musique de lire cet ouvrage :
Je crois que si vous avez une obsession monomaniaque pour la musique, comme c’était mon cas, et comme c’est apparemment le vôtre, vous recueillez la musique en vous et vous continuez jusqu’à ce qu’elle ne vous quitte plus jamais. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est faisable. Vous pouvez l’emporter avec vous, vous promener avec…
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Plaisir total à la lecture de cet entretien intense avec le génie créateur de Beach Boys.
Cette fois, tout y est: le sujet parfaitement anglé, l’écriture au poil, le sens du cadre comme du détail. Plaisir total à la lecture de cet entretien intense avec le génie créateur de Beach Boys.
Le texte date de 1992. Il a été publié, dans les «Inrockuptibles» une première fois, puis dans un recueil, déjà à l’enseigne du Mot et le Reste. Pas un problème. Ce qui était bon hier le reste aujourd’hui. Et l’on replonge dans l’histoire aussi touchante qu’effrayante de l’aîné des Wilson, compositeur principal du groupe phare de la pop nord-américaine.
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L’histoire est connue. Mais l’entendre par la voix du principal intéressé lui confère une réalité autrement nuancée. Brian avait 50 ans à l’époque. Il en a aujourd’hui 78 et joue encore de la musique. Pour Michka Assayas, cette rencontre lui a révélé que « dans le rock, la résurrection n’était pas un vain mot ».
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