Revue de presse
“Toujours au rayon des bons souvenirs du rock, on épinglera cette biographie de Creedence Clearwater Revival aux éditions ” Le Mot et le Reste ”. Et John Fogerty, fondateur du groupe, se souvient des années 60 et de la musique à cette époque : ” Musicalement, je faisais des choses différentes, notamment de la country, mais j’étais présent au Fillmore ou à Haight Ashbury – hauts lieux de la culture hippie – car j’ai grandi dans la baie de San Francisco. Politiquement, j’étais proche des hippies, même si socialement je ne l’étais pas pour moi, un hippie est quelqu’un de défoncé qui ne travaille pas. Mais si on parle de rendre le monde meilleur, de protéger les pauvres en payant plus d’impôts pas pour fabriquer des bombes , je suis là. Pour finir, je ne suis pas devenu un yuppie, à l’inverse de bien des hippies. Ces types avec des attachés-cases qui admiraient Ronald Reagan et faisaient de la cupidité une valeur. Moi, je suis resté aussi idéaliste que je l’étais dans les années 1960.”
Bien que né en 1984, Steven Jezo-Vannier est un spécialiste de la contre-culture hippie et du Rock west coast des seventies. Il consacre son huitième ouvrage aux éditions LMELR à Creedence Clearwater Revival, quatuor puis trio responsable de la bande-son de toute une époque, y compris en France. Plutôt qu’un trip sous LSD, CCR propose à l’époque du Summer Of Love un voyage dans les marécages de la Louisiane: le swamp Rock d’un Sud fantasmé que le leader John Fogerty ne visitera qu’en 1990. Si la success-story de 1967–72 est connue du plus grand nombre – 7 albums placés dans le top 100 US, dont 3 chefs-d’oeuvre rien qu’en 1969 – le début de la fin l’est beaucoup moins. Suite aux revendications des sans-grades Stu Cook (basse) + Doug Clifford (batterie), John ne compose qu’un tiers de l’ultime LP ‘Mardi Gras’ qui contient par conséquent…deux tiers de déchet. L’échec de la démocratie égalitaire conduit au split. L’auteur, exhaustif, embraye sur les différentes carrières solo à l’intérêt artistique souvent nul, et les procédures judiciaires fratricides. Le grand gagnant de l’histoire est Saul Zaentz, patron du label Fantasy qui a capitalisé sur le nom du groupe avant de devenir un important producteur de cinéma multi-oscarisé.
Retrouvez cette chronique sur le site paris-move.com
De 1967 à 1972, ils ont su imposer leur Swamp Rock à des multitudes peu préparées à ce qui allait arriver, tout imprégnés du son des Grateful Dead, Jefferson Airplane et autre Quick Silver Messenger Service qu’ils étaient alors, et ont obtenu, grâce à cela, un succès planétaire, le San Francisco Sound régnant alors en maître de cérémonie sur Terre. Les quatre bons copains, John Fogerty, Tom Fogerty, Doug Clifford, Stu Cook, sont en effet un peu arrivés à la manière de l’éléphant dans le magasin de porcelaine, bousculant un certain nombre d’habitudes acquises. Le groupe californien a, en 7 albums, bouleversé la donne musicale et parfaitement intégré dans son répertoire, à la fois un certain nombre d’éléments de contestation sociale et d’éléments de la culture américaine traditionnelle, suggérant par exemple un ancrage sudiste dans leur chanson, Born In The Bayou, alors qu’ ils n’avaient jamais mis leurs santiags dans la région… En guise de deuxième exemple, je rappellerai qu’en plein dans le conflit vietnamien, ils n’ont pas hésité à écrire un Fortunate Son, qui dénonçait le fait établi que c’était le plus souvent les enfants issus des classes laborieuses sans relation qui partaient en Asie, plutôt que ceux favorisés inscrits en université.
Ce ne sont que deux petits détails illustrant l’ouvrage qui regorge d’informations érudites…
Ce livre, tout comme tous ceux dont j’ai déjà parlé, mérite amplement la définition que je vais en donner ci-après : Un livre qui se lit tout autant qu’il s’écoute.
Ne pas réécouter les classiques que sont Bayou Country, Green River ou Cosmo’s Factory à ce moment précis, serait une faute de goût !
Creedence Clearwater Revival : 5 ans de succès, 40 ans de querelles
Interview. Steven Jezo-Vannier vient de sortir une biographie consacrée à Creedence Clearwater Revival aux éditions Le Mot et le Reste. L’occasion était belle de revenir avec lui sur l’histoire de ce groupe phare de la scène californienne des années 60.
Racontez-moi votre découverte de Creedence Clearwater Revival ?
La musique du groupe m’a toujours été familière, par la radio et les films, mais la découverte réelle du groupe, les premières écoutes attentives et passionnées ont suivi la découverte de Cosmo’s Factory dans la discothèque du père d’un ami. On a écouté l’album en boucle… C’est d’ailleurs avec ce disque que j’ai commencé mon immersion profonde dans le rock et notamment le son de la West Coast et plus particulièrement de San Francisco, pour lequel j’ai un faible assumé.
D’où vient ce son si particulier de Creedence Clearwater Revival ?
D’un mélange unique : des racines rock’n’roll et rhythm’n’blues qui ont marqué les musiciens dans leur adolescence, comme à peu près toute cette génération d’artistes sixties, et surtout d’une attirance pour l’univers du blues et du bayou, qui imprime profondément le son et les paroles de John Fogerty. Mais ce décor, aussi sincère et authentique puisse-t-il paraître, n’est rien de plus qu’un habillage en carton, car Fogerty ne découvre la réalité du bayou et de la Louisiane que dans les années quatre-vingt-dix. Avant cela, il écrit à partir de souvenirs fantasmés et d’images de films. Le groupe est né dans un petit lycée de Californie, bien loin des méandres du Mississippi. Pourquoi leur son est si particulier ? Parce qu’ils ont une identité forte, marquée par le swamp rock, un style qu’ils ont inventé et qu’ils sont les seuls à jouer, et par la puissance et l’énergie de l’association guitare/rythmique soutenue par la voix de John.
Bien qu’apparu dans le San Francisco de la fin des 60s, Creedence Clearwater Revival n’est pas un groupe hippie ou psychédélique. En quoi était-il différent ?
Parce qu’ils avaient les yeux et l’imagination rivés sur la Louisiane quand tous les autres regardaient ailleurs… les uns ne juraient que par le blues de Chicago, d’autres se vouaient au style surf californien ou à la pop britannique. La contre-culture hippie, pour aller vite, regarde vers l’Ouest et San Francisco, comme l’ont fait les beatniks avant elle. Pas CCR. Quant au psychédélisme, comme son nom l’indique, il est alimenté par la drogue hallucinogène et les musiques de CCR sont propres. Ils sont un peu de la vieille école, il faut dire qu’ils ont débuté très tôt, à la fin des années cinquante ! Au lieu d’embarquer dans le trip sous acide et de se laisser prendre par le tourbillon psyché, ils restent les deux pieds ancrés sur la terre, restant fidèle à la culture populaire et ouvrière américaine. Pas question pour eux de s’adonner aux délires de la jeunesse blanche de la middle class.
Pendant un certain temps, le groupe vivote sous différentes appellations. Pourquoi a-t-il mis autant de temps à percer ?
Parce que CCR a un peu le parcours d’un groupe garage avant l’heure. Et l’impression de longueur est renforcée par le fait que le line-up définitif est fixé dès l’automne 1959 sous le nom de Tommy & the blue velvets ! Trois ados qui partagent les bancs du lycée : Stu Cook, Doug Clifford et John Fogerty, qui rejoint le frère aîné du dernier, Tom Fogerty. Ils se forment à domicile, dans les garages familiaux et le circuit des kermesses et fêtes étudiantes. Il faut du temps avant que le groupe soit repéré, mais il faut se souvenir que la scène musicale de la baie de San Francisco est encore loin d’exploser. Il y a peu de radios, uniquement de petits labels sans envergure… donc peu de chance de percer. Creedence réalise un premier label chez Orchestra Records mais c’est un flop. Il faut dire que le groupe n’est pas encore arrivé à maturité, et cette étape indispensable ajoute à la lenteur du processus. Enfin, lorsque le groupe signe chez Fantasy en 1964, les dirigeants déploient un plan marketing catastrophique, très loin de l’authenticité musicale revendiquée par John Fogerty. On les affuble de perruques afros blanches, de costumes coordonnés et d’un nom ridicule : The Golliwogs, qui est le nom d’une poupée représentant un Noir à l’image déformée par les clichés racistes. Les échecs se succèdent et il faudra finalement que le groupe attende le rachat du label par Saul Zaentz, qui va donner carte blanche à Fogerty. Le succès suit de peu le changement de nom et la sortie des nouveaux singles puis du premier album en 1968.
Creedence Clearwater Revival n’a pas duré très longtemps. Comment se fait-il qu’il compte toujours autant après ?
Tout d’abord grâce à sa singularité, on l’évoquait tout à l’heure. CCR a une identité fortement marquée et reconnaissable dès les premières secondes. Ensuite, il y a évidemment la force des chansons, des paroles autant que la musique, qui ont marqué au fer rouge la génération. Pourrait-on parler des années soixante sans évoquer « Proud Mary », la guerre du Vietnam sans « Fortunate Son » ? Il y a le succès, évidemment, que peu de groupes ont pu égaler. Enfin, il y a l’extraordinaire productivité, car Creedence c’est seulement cinq ans de carrière, mais sept albums publiés, dont cinq dans le top 5 des classements !
Au cœur de Creedence Clearwater Revival et donc de votre livre, il y a John Fogerty, un musicien qu’on trouve sympathique au début puis beaucoup moins par la suite. Comment le décririez-vous ?
Fogerty se définit avant tout par sa détermination et son autodiscipline. Dès l’adolescence, il voulait réussir en musique et s’est battu pour cela, il a ensuite voulu rivaliser avec les Beatles et gagner le sommet. Il s’est finalement illustré avec une productivité inédite dans l’histoire du rock, le tout en se tenant à l’écart des tentations qui entourent la vie de rock star, pas de drogue, d’alcool ou d’aventures extra-conjugales.
[…]
Découvrez l’intégralité de l’interview sur le site de Yuzu Mélodies
Interview de Steven Jezo-Vannier pour la deuxième émission de la saison cinq de Vol De Nuit Airport.
Écoutez l’interview sur le soundcloud de Canal Voyage
Mesdames Messieurs les fans, attention! La lecture de la récente biographie française consacrée à CCR pourrait bien vous expédier le moral dans les chaussettes. Les quelques chapitres narrant l’ascension et la lune de miel artistique du groupe s’avèrent réjouissants, certes. Mais les deux tiers du bouquin relatent son agonie, son explosion et surtout l’interminable putréfaction des rapports entre ses membres après la séparation. Trois années de bonheur intense pour quatre décennies de procès en pagaille, d’aigreurs accumulées, d’infâmes dissonances. Ce n’est pas joli. Ce n’est pas gai. Ce n’est pas rock.
Sans toute cette longue coda bileuse, la saga de Creedence pourrait pourtant s’avérer exemplaire. Le quatuor n’a-t-il pas écrit quelques-unes des plus belles pages de la culture pop? “Proud Mary”, “Green River”, “Fortunate Son”; ses tubes, et il y en a une cascade, demeurent sur toutes les lèvres. Tandis que son registre musical, âpre mais mélodique, rustique, sobre et tendu, n’a nullement vieilli, ce qui n’est pas exactement l’apanage des productions d’un nombre de leurs contemporains. C’est d’ailleurs là l’une des singularités de CCR. Le groupe enlace la gloire en pleine période psychédélique. À San Francisco on gobe des acides comme des smarties. On jame des heures en secourant ses grands cheveux. On se vautre dans la boue en riant. les gens de Creedence ne mangent pas de ce LSD-là. Droits dans leurs bottes, ils font dans la chanson de trois minutes et le concert millimétré. Banlieusards californiens, ils se sont forgé un rock’n’roll qui louche vers le bayou louisianais, le bues des origines et la country rurale plus que vers les improvisations oiseuses. Des rednecks au pays des babas.
Et bosseurs avec ça. La gloire du groupe se bâtit en quelques mois. Entre 1968 et 1970, il enchaîne les tournées et publie cinq albums brillants (dont trois en 1969!), truffés de hits jusqu’au dernier sillon. Notez qu’une décennie de galères a précédé la consécration. C’est le temps qu’il aura fallu au chanteur guitariste John Fogerty pour pousser doucement son frère aîné Tom dans l’ombrer et s’emparer des manettes de la formation. C’est du reste ce putsch initial qui finira par tout pourrir. Les trois Creedence relégués au second plan ne digéreront jamais l’hégémonie de John, ce dernier leur reprochant leur ingratitude. on vous passe les détails des très rances démêlés judiciaires avec les les maisons de disques du groupe, Fantasy, qui vont empoisonner les relations des musiciens jusqu’aux années 2000. Il faut dire que cette petite compagnie aura tout tenté pour plumer la poule aux œufs d’or jusqu’au croupion. Écrite d’une plume un rien administrative, la biographie s’intéresse aussi à la production musicale des quatre Creedence après la salit. Production qui, en dehors de quelques rares coups d’éclat chez John, ne retrouvera jamais la flamboyante des années 1969–1970.
[...]
Pour Creedence Clearwater Revival, idem les errances et les difficultés des débuts, ponctuées par l’interminable attente de trouver un label. Emmené par un John Fogerty autoritaire et omni présent, le groupe restera le même dans l’anonymat comme dans la gloire – d’une efficacité militaire.
Excellents musiciens, c’est également en quatre albums et en à peine plus de trois ans (Green River, Bayou Country, Willy & the Poor Boys et Cosmos Factory) que CCR va conquérir les stades et affoler les ventes. Groupe expérimenté et discipliné, Creedence pratique un « swamp rock » sans fioritures porté par le voix puissante de John Fogerty. Ces Californiens que leur titre “Born on the Bayou” et leur son roots firent passer longtemps pour issus de la Louisiane furent vite adoptés par la scène de Frisco à laquelle ils apportaient leur énergie et leur simplicité (morceaux courts, tendus et efficaces plongeant leurs racines dans la musique rock traditionnelle, le blues et le rythm and blues). Après une succession de hits comme “Fortunate Son”, “Proud Mary” ou “Up Around the Bend”, CCR sera confronté à un violent problème de leadership. En effet, John Fogerty, ayant balayé toute initiative du groupe et en particulier celles venant de son frère Tom, va très vite compromettre l’avenir du groupe (le crépusculaire Pendulum sera leur dernière production “presque” tous réunis) et se retrouver seul. La suite ne sera qu’anecdotique mais CCR avait eu le temps, vanté aujourd’hui par Bruce Springsteen, entre autres, de marquer à jamais la musique américaine.
Deux publications incontournables, composées similairement en émaillant chronologiquement la narration du détail des albums, qui feront la joie des nostalgiques comme des baby rockers.
Lire l’intégralité de l’article sur le site des Obsédés Textuels