Revue de presse
Tous les jours dans Alpha Beta Nova (lundi au vendredi, 9h-13h), Sophie Marchand célèbre un anniversaire, d’une personne, d’un disque ou d’un événement.
“Ces jours-ci, ce sont les dix ans d’une compilation qui se présente comme une introduction à un artiste que j’aime immensément. An Introduction to Elliott Smith, publié par le label Kill Rock Stars en 2010.
[...]
Il va étudier la philosophie, monter un groupe, déprimer, nier qu’il touche à la drogue et commencer à affiner ses extraordinaires talents de compositeurs et mélodistes. Je vous conseille une super biographie à son propos publié aux éditions Le Mot et le Reste, écrite par Thierry Jourdain pour comprendre tout ce qui lui arrive à cette époque-là”
L’anniversaire du jour est à lire en intégralité sur Nova
Dire que nous avons failli rater cet artiste, cette musique, ce livre…
Cet auteur a eu au moins le mérite, de nous (re)mettre une bonne petite claque derrière les oreilles, en nous rappelant définitivement les faits suivants.
Personne ne devrait raisonnablement ignorer cet artiste maudit, cet ange dont les ailes peinèrent à se déployer, mais qui, malgré tout, malgré lui, réussit à nous offrir une poignée d’albums.
[…]
Au fil des pages, et à mesure qu’ES avance dans sa propre existence, il apparait évident, le contraire nous aurait d’ailleurs paru suspect, que l’alcool, les drogues récréatives puis dures, deviennent au quotidien, des béquilles chimiques indispensables à son équilibre émotionnel. Elles lui permettent alors de pouvoir rester pour quelques instants encore, l’ombre de lui-même, de faire illusion sur scène, en studio, alors que ses ailes de séraphin se nécrosent. Dangereusement. Définitivement.
Sa disparition prématurée restera un mystère. Violente. Désarmante.
D’une certaine manière, elle lui sera pourtant fidèle, exhibant seulement aux yeux de toutes et de tous, l’abyssale difficulté d’être Elliot Smith, ce petit garçon qui, à l’instar de Ferdinand le taureau au grand cœur, préférait humer les fleurs, que de combattre dans l’arène.
Seule l’idée d’un repos éternel, chèrement acquis, nous console… un peu.
Incontournables. Cultissimes. Éternels.
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Richard Gaitet vous lit le passage d’Elliott Smith par Paris en clôture de sa boîte à livres.
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Thierry Jourdain résume avec précision la trop courte carrière d’Elliott Smith. Depuis son enfance malheureuse au Texas jusqu’à la triste issue que l’on connait.
Comme Jeff Buckley ou Nick Drake avant lui, Elliott Smith a finalement su transformer ses angoisses et son mal-être en des chansons mélancoliques, qui ont viré au sublime. En 150 pages, Thierry Jourdain parvient à synthétiser la carrière du grand Elliott Smith. Son livre nous aide également à comprendre ce qui a dicté ses choix tout au long de sa courte vie. Le récit chronologique convient ici parfaitement, car ce sont les éléments factuels qui sont privilégiés.
Egalement appréciées, les explications de texte des chansons, ainsi que les évolutions des paroles au fil du temps, preuve de son changement d’état d’esprit au début des années 2000. Can’t Make A Sound est vraiment un livre pour les fans et offre une bonne occasion de se replonger dans l’œuvre parfaite du songwriter américain.
BAM BAM, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Aujourd’hui, on explore le baladeur du rappeur le plus souriant de France, Nemir. On parle de musique en Somalie et on vous a préparé un dossier sur la légende Elliott Smith. Et en plus de ça, on vous recommande de super documentaires.
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Basique, c’est l’essentiel de la musique, tous les jours sur France 2. Pour les fêtes, Basique vous recommande quelques cadeaux à mettre sous le sapin dont le livre de Thierry Jourdain.
Le simple nom d’Elliott Smith ne dit peut-être pas grand-chose à certaines personnes, pourtant, nous sommes sûrs et certains qu’elles ont déjà entendu sa musique, ne serait-ce qu’au travers du film Will Hunting dont un des titres de Smith, Miss Misery, fait partie.
Pour d’autres, le nom d’Elliott Smith est synonyme d’excellence. En effet, ce songwriter écorché façonnait ses chansons avec une sensibilité exacerbée.* C’est ce que nous démontre avec brio Thierry Jourdain dans cette biographie* parue chez Le mot et le reste, Elliott Smith, can’t make a sound.
L’auteur y revient bien entendu en détail sur le parcours du chanteur et sur ce qui façonne en partie son œuvre, à savoir une enfance chaotique (divorce de ses parents alors qu’il est jeune enfant, remariage de sa mère avec un homme violent alors qu’il n’a que 4 ans). De ce mariage naissent des maltraitances dont Elliott Smith ne dira rien, ou presque. Il s’exprimera par sa musique, et par l’autodestruction.
Au début de sa carrière, le grunge fait rage et les noms à la mode sont ceux de Nirvana ou Alice in chains. Au sein de Heatmiser, Smith joue du rock, du lourd, mais il sent que ses compositions nécessitent un écrin plus doux, plus en adéquation avec ses goûts. Cependant, les autres membres du groupe étant ses potes, il ressent des difficultés à les quitter. Pourtant, il trouve le courage de s’en émanciper pour proposer sa musique au plus grand nombre, dans le format qui lui convient.
Ce n’est pas simple car il propose une musique complètement en décalage avec l’époque. Il joue en acoustique, avec une manière de jouer n’appartenant qu’à lui, pourtant ses compositions trouvent preneur et sa carrière se lance doucement. Certains sentent chez le garçon un talent énorme, qui sera confirmé lorsque son titre Miss Misery, qu’il interprète sur la scène des Oscars, le met en pleine lumière. Commence alors son ascension fulgurante.
Celle-ci est jalonnée d’excès, comme toutes les rock stars, ou comme tout ceux qui en ont trop bavé. Sa musique pourtant reste toujours aussi limpide, éprise des atmosphères à la Beatles dont l’américain est un grand fan. A partir de Either/Or, les choses changent pour lui mais il se sent en décalage : il aimerait retrouver le côté confidentiel, faire des chansons comme autrefois, avec peu de moyens. Malheureusement, le destin en décide autrement. Elliott Smith meurt poignardé alors qu’il s’était sorti d’années d’addiction diverses. Meurtre ou suicide, la question demeure. Tout comme l’aura de ce chanteur véritablement à part.
Thierry Jourdain retrace son histoire avec beaucoup de tact. Il ne dérive jamais vers le pathos, n’entre pas dans des élucubrations sans fondement, mais restitue l’âme d’Elliott Smith de façon totalement honnête à travers ses textes (ils sont ici proposés en anglais et en français, cette traduction tenant compte des doubles sens propres à l’américain), à travers ses combats contre l’alcool et la drogue. La frontière n’est jamais franchie dans le mauvais goût ou le voyeurisme obscène ce qui rend cette biographie indispensable aux néophytes comme aux amateurs confirmés de ce petit génie du rock indépendant.
Bien évidemment, un véritable travail de recherche est ici effectué, allant jusqu’à décrypter les codas de Smith en détail, revenant sur sa technique, ses accords fétiches et bien entendu ses thèmes de prédilection qu’étaient la séparation, la douleur du passé. Pourtant, ce livre n’est pas plombé par un ciel d’orage ou par une tempête sur le point d’éclater, non, il règne ici comme un parfum de confidence, comme si Elliott Smith, au travers de l’habile plume de Thierry Jourdain, se confiait à nous.
Pour terminer le livre, celui-ci note le fait qu’Elliott Smith vouait un grand amour à la France, dont les journalistes avaient pu déceler tout le talent d’auteur. Étrangement, alors que nous aurions pu finir ce livre sur la note noire de son décès pas encore élucidé, le parti pris de l’auteur tant à la faire disparaître au profit d’un temps suspendu bienveillant qui fait qu’aucun arrière-goût amer ne nous reste en bouche.
Dès lors, nous ne saurions que trop vous conseiller cette lecture passionnante et, bien entendu, de pencher une oreille attentive sur l’œuvre de ce garçon qui ne manquera pas de vous émouvoir.
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Mais qui était Elliott Smith ? Disparu tragiquement en 2003 à l’âge de 34 ans, Smith reste au final un mystère. Son visage, toujours dissimulé par une casquette ou caché par un bonnet ne laissait pas entrevoir les immenses fragilités de sa personnalité.
De Smith, on connaissait ses disques. De 1994 à 2000, ce natif du Nebraska va trouver son bonheur à Portland et enregistrer cinq albums. Thierry Jourdain revient sur le parcours de ce garçon fragile doté d’une capacité de création hallucinante. Etoile filante des 90’s, Smith fit, comme les Guided By Voices, une adaptation américaine de la pop anglaise. Richement documentée et formidablement bien écrite, Elliott Smith : Can’t Make A Sound explique enfin le destin hors-norme de cet américain.
Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire un livre sur Elliott Smith ?
A l’issue d’un premier ouvrage terminé et publié sur Bruce Springsteen, j’ai débuté, courant 2017, l’écriture d’un livre sur R.E.M. qui je le savais me demanderai plusieurs années, d’un point de vue émotionnel et surtout d’un point de vue investigations. J’ai alors commencé en parallèle à écrire sur d’autres artistes qui me tiennent à cœur, pour diverses raisons, pendant les breaks que je m’impose dans l’écriture de ce livre. Elliott Smith fut l’un de ces artistes sur lesquels j’ai eu envie d’écrire pendant l’une de ces pauses. Je pensais qu’il m’engagerait émotionnellement moins que certains autres parce que je l’ai découvert assez tardivement et qu’il a donc, moins, accompagné ma vie mais je me suis fais avoir à mon propre piège. Plus j’en apprenais sur lui et plus j’approfondissais son œuvre, plus j’avais l’impression qu’il faisait partie de moi et qu’il exprimait pour moi ce que je ressentais. Au même titre que celui sur la période 1977–1980 de Springsteen et celui en cours sur l’ensemble de l’existence de R.E.M. (1980 – 2011), l’écriture de ce livre sur Elliott Smith est devenu un besoin viscéral, me permettant de dire également des choses sur moi, à travers lui et à travers ses propres mots (voir « maux »). Quand j’étais en train d’en achever l’écriture, j’ai rencontré quelqu’un qui avait une belle façon de l’apprécier : « Elliott Smith, selon l’état dans lequel je me sens, il me donne envie de tomber amoureuse ou de me suicider ». Je lui avais demandé « Et là, dans quel état te sens-tu ? » et elle m’avait répondu « On verra ». Ses propos résument assez bien Elliott Smith : la lumière et l’obscurité. Et du coup, je n’ai pas eu besoin d’écrire « Say Yes » car Elliott Smith l’avait déjà écrite.
La couverture est raccord avec ta démarche. Pourquoi avoir opté pour un plan chronologique ?
Ce qui m’intéresse chez les artistes que j’admire et plus généralement les personnes que je rencontre, artistes ou non, c’est le processus de création ou si ce n’est pas de l’art à proprement parlé le « processus de construction de quelque chose ». J’ai voulu évoquer Elliott Smith à travers son œuvre, prolonger ce qu’il était à partir de son écriture et de ses compositions pour parler de ses évolutions et de ses choix, artistiques et personnels. L’aspect chronologique s’imposait ainsi de lui-même. Pour expliquer son œuvre, il fallait d’abord tracer les contours de son enfance, de sa famille, des différentes villes qu’il a, souvent, subis pour pouvoir ensuite parler de ses chansons. En ce qui concerne la couverture, nous avons réfléchis avec l’équipe des éditions Le Mot et Le Reste sur ce qui conviendrait le mieux à mon texte et effectivement, ce principe de bandeaux de 4 disques caractéristique de beaucoup des ouvrage qu’ils publient, était le plus cohérent. Ils m’ont demandé de choisir les 4 disques que je voulais et sans réfléchir ça a été Roman Candle, Either/Or (mon préféré), XO et Figure 8.
Pourquoi Either/Or est ton disque préféré ?
Il n’y a jamais aucun titre que j’ai envie de passer pour aller sur un suivant qui me plairait plus. Musicalement, Either/Or est à mi-chemin entre la lo-fi sombre de ses deux premiers albums et du son de studio très produit des deux qui suivront et d’un point de vue des textes, il poursuit sur ses préoccupations habituelles, qui sont aussi les miennes : d’un côté les relations humaines et amoureuses et de l’autre la solitude et la mort. Et puis c’est aussi sur cet album que figurent mes deux titres préférés d’Elliott Smith : Between The Bars et Say Yes. Les deux me bouleversent au plus haut point, chacune pour des raisons différentes. Quand il écrit Say Yes, il vient de se faire quitter par quelqu’un dont il était éperdument amoureux et qui a bouleversé sa vie à tout jamais. Tout ce qu’il veut à ce moment-là, c’est la faire revenir et qu’ils se remettent ensemble mais ça n’arrivera pas. Il culpabilise alors d’avoir tout raté et l’exprime à travers cette chanson. Il y évoque le fait que parfois tout peut changer en bien ou en mal en un rien de temps, grâce ou à cause d’une seule et simple personne. Cet album est pour moi son premier chef-d’œuvre.
On en apprend un peu plus sur la personnalité fortement complexe de Smith. A partir de quand rentre-t-il en dépression ? Alterne-t-il les phases dépressives et les phases non dépressives ?
C’est assez compliqué de définir réellement à partir de quand Elliott Smith rentre en dépression et si c’était véritablement de la “dépression”. Je parlerai, en fait, plutôt d’un mal être et ce mal être il l’a toujours eu en lui. Intrinsèquement les personnes à fleur de peau et qui développent une émotivité exacerbée ne peuvent que présenter des caractéristiques de la dépression quand on voit le monde dans lequel nous vivons. Elliott Smith, de ce que l’on a pu m’en dire mais également de ce que j’ai pu lire, était quelqu’un d’extrêmement drôle… mais par phase. Il a effectivement, à partir d’un certain moment, alterné des phases dépressives et des phases d’euphories, qui étaient probablement en lien avec certaines addictions et relations sentimentales. S’il faut parler d’un changement radical, il se déclenche à partir de la cérémonie des Oscars en 1998 où il devient célèbre malgré lui puis véritablement après la sortie de l’album Figure 8 en 2000.
A partir de quel âge tombe-t-il dans la drogue ?
Comme pour beaucoup de personnes fragiles, les problèmes viennent à partir du moment où les projecteurs se tournent sans prévenir et de manière excessive et disproportionnée sur eux. Ma démarche d’écriture n’est jamais dans une approche polémique ou en tout cas qui s’attarde sur ce genre d’éléments périphériques à l’œuvre de l’artiste. Comme j’ai pu le dire précédemment, tout bascule à partir des Oscars en 1998 et dégénère pendant la tournée suivant la sortie de Figure 8 en 2000. Je n’élude surtout pas les parts d’ombres d’Elliott SMith dans ce livre au contraire mais ce n’est jamais ça le sujet principal. Je ne veux jamais me concentrer sur les éléments racoleurs ou relevant du fait divers.
On s’aperçoit surtout qu’une bonne partie des acteurs de la scène rock indé US des années 90 est totalement ravagée par la drogue… Comment ses addictions influent, selon toi, sur son processus de création ?
Je ne suis en aucun cas un spécialiste des addictions, loin de moi l’idée d’avoir un discours ou une réflexion là-dessus. Je n’ai aucune idée sur comment les drogues ou l’alcool influent sur le processus de création, en bien ou en mal, et encore moins quelles influences elles pouvaient avoir sur Elliott Smith, si ce n’est le fait de le rendre paranoïaque les dernières moments de sa vie. Il y a des études médicales et sociologiques très sérieuses qui mettent en parallèle, justement, toxicomanie et processus créatif, partant du postulat qu’artiste et toxicomane sont tous deux victimes à leur façon d’une “défaillance d’être”. Une des conditions nécessaires au processus créatif serait un certain démantèlement identitaire avant de se retrouver réparé par la création. L’enjeu est alors par quelle voix d’accès on accède à cet ébranlement identitaire. L’addiction quelle qu’elle soit devient alors excitante et rassurante. Selon moi, dans la majeure partie des cas, elle n’aide en rien l’apparition d’un génie qui ne le serait pas déjà. Elle l’aide peut-être juste sur le moment à se croire suffisamment protégé et hors sol pour favoriser l’apparition de conditions propices à la création. Tout ce que je sais, factuellement, c’est qu’à l’époque où il était sous héroïne de manière très intense et sous médicament, Elliott Smith n’était pas capable de donner un seul bon concert, n’arrivant ni à jouer correctement à la guitare ses chansons, ni à s’en rappeler les paroles. Il n’a jamais eu besoin de la moindre drogue, douce ou dure, pour écrire ou composer. C’est véritablement le sentiment d’exclusion sociale, de solitude et de mal-être qui a déclenché en lui toutes ses addictions, que ce soit l’alcool, les drogues et les médicaments. Ce fut ensuite le principe du cercle vicieux où toutes ses addictions n’ont fait que tout empirer. Pour créer, il faut lâcher prise, prendre un certain recul avec ses problèmes mais sans pour autant en faire abstraction et laisser l’inconscient travailler… peut-être que c’est tout cela à la fois que recherchaient dans les substances auxquelles ils étaient addicts ces acteurs de la scène rock indé US des années 90 que tu évoques. Et encore, cela dépassait de bien loin la simple scène rock indé, notre génération se souvient également d’acteurs comme River Phoenix ou même plus récemment Heath Ledger et Philip Seymour Hoffman…
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