Chez Dylan, pas de logique temporelle. Ni dans chaque partie de l’œuvre, ni dans son évolution générale. Mais si la qualité d’un artiste tient à sa capacité à créer des mondes différents de celui dans lequel on vit – et ce même si sa création n’existe et ne vaut que par rapport à ce monde-là – alors Dylan est le plus grand.
Des phrases, des notes, des intonations dylaniennes peuvent déconstruire le temps tel qu’on le perçoit_: avec elles, grâce à elles, la fuite en avant est entrecoupée de retours en arrière et d’incursions dans des univers parallèles. Elles procurent ainsi les émotions les plus profondes et surtout, la plus grande source d’apaisement des peurs existentielles. Avec elles, on est armé pour défier le temps. L’issue du combat ne laisse pas de place au doute, mais elle n’est plus ressentie comme une injustice. Dès lors qu’il est entendu qu’aucun argument n’est sérieux ou valide face à la vanité de l’existence, les règles du jeu sont posées, et ne sont plus contestables ni contestées. Et on peut enfin jouer. Vivre.
Revue de presse
Interview de Nicolas Rainaud
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Au-delà du constat, Nicolas Rainaud avance une théorie originale pour expliquer cette fuite en avant dylanienne, cette réinvention permanente par le chanteur de son propre personnage. Selon l’écrivain, Dylan vit et crée en déconnexion totale avec son temps et est donc en décalage constant avec l’époque, quelles qu’en soient les tendances et les modes.
“Si j’ai écrit ce livre, c’est parce que j’avais la sensation que la clé chez Dylan, c’était sa relation au temps”, indique l’auteur de “Figures de Bob Dylan”.
“Ca correspond exactement au titre de son album de 1997, ‘Time out of mind’, ‘Le temps chassé de l’esprit’: c’est comme s’il s’était retiré progressivement de son temps. Ca a collé au début des années 60, mais à ce moment-là, c’est l’époque qui collait à ce qu’il faisait, et ce n’est pas lui qui a cherché à ce que ça colle”.
Cette métamorphose permanente s’étend au coeur même de l’oeuvre de Dylan: ses chansons. En concert, il les transforme, les rend méconnaissables, au point qu’il faut parfois plusieurs minutes pour les identifier, même s’il s’agit de standards.
Les concerts sont donc évolutifs, changeant d’un soir à l’autre au gré des humeurs d’un Dylan imperméable aux attentes du public… qui, selon les spectacles, juge ses prestations soit inoubliables soit catastrophiques.
Surtout, ces soirées s’inscrivent dans un cadre sans équivalent: une tournée entamée à la fin des années 80 sans limite de temps et surnommée “Never Ending Tour”. Fidèle à sa logique de contre-pied, Dylan a pris ses distances avec ce surnom. Mais le concept même de tournée sans fin valide la théorie formulée par Nicolas Rainaud d’un Dylan hors du temps.
“On ne se rend pas compte que ce Never Ending Tour est unique. Mais quand Dylan mourra, on réalisera qu’il s’agit de l’une des plus grandes oeuvres musicales de tous les temps”, s’enthousiasme l’écrivain.
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