EXTRAIT
On doit aux Lomax, John le père et Alan le fils, d’avoir recueilli des instants magiques uniques, entre autres en rapport avec le folk. Par exemple, c’est Alan Lomax qui, le premier, en août 1941 dans une plantation du Mississippi, enregistre le bluesman Muddy Waters, alors totalement inconnu. Son premier magnétophone, John Lomax le récupéra des mains de la veuve de Thomas Edison, et l’utilisa pour collecter des chansons de cow-boys, mais aussi des chants traditionnels captés jusque dans les États ségrégationnistes du Sud, en milieu naturel, qu’il s’agisse de fermes, d’églises voire même de prisons. Cette aventure, dans laquelle le père entraîna très tôt le fils, a permis de révéler un monde qui serait probablement resté inconnu du plus grand nombre sans eux; un monde que leur génie visionnaire a su faire exister sur disque, dans le cadre d’une écoute paradoxale et domestique.
Le folk est un courant musical riche et authentique, en perpétuelle évolution. Un courant dont l’influence demeure considérable et qui, à l’origine, est issu du peuple à destination du peuple.
Dans le folk, ce sont le plus souvent des situations de la vie courante qui sont relatées, et ceci aussi bien dans la veine classique que dans la renaissance urbaine associée aux clubs américains et britanniques sous la houlette des Fred Neil, Karen Dalton, Bob Dylan, Bert Jansch et John Renbourn pour ce qui concerne la génération des années 1960. Que le renouveau du folk actuel s’arrime dans la permanence d’une certaine tradition (Woody Guthrie voire John Jacob Niles aux Etats-Unis, Shirley Collins ou Fairport Convention en Angleterre) ne l’a nullement empêché d’intégrer des éléments extérieurs, issus du psychédélisme par exemple, des musiques ethniques ou même de l’improvisation, comme en a dernièrement témoigné le free ou le freak folk de Devendra Banhart ou le retour de Vashti Bunyan aux côtés d’Animal Collective.
Cet ouvrage parcourt neuf décennies d’albums, de la célèbre anthologie d’Harry Smith à Joanna Newsom, en passant par Donovan, Trees, Dando Shaft, Heron, Ed Askew, Michael Hurley, Bonnie ” Prince ” Billy, Crosby, Stills, Nash & Young ou Leonard Cohen, sans oublier les virtuoses du finger-picking que sont John Fahey, Robbie Basho, Jack Rose ou James Blackshaw, parmi 130 autres non moins intéressants.
Revue de presse
Sur chaque planète où l’art musical a été assimilé par la population, il existe un folklore, dessinant la tradition et l’histoire de chaque contrées. Barbara Carlotti s’intéresse de plus prés au folk féminin.
Barbara Carlotti revient sur le folk et fait appel à plusieurs reprises à notre ouvrage.
L’occasion d’effectuer un fabuleux voyage sonore dans le temps et d’un continent à l’autre nous est offerte grâce à ce superbe ouvrage où érudition et simplicité ne sont pas antagonistes, mais complémentaires. Folksongs, songster, folksinger, medecine shows, country music, oldtime, folk boom, revival old time, Folk Revival, Folk Rock, Acid Folk, Acid Folk, Néofolk, Lo-Fi, Free Folk ne seront plus de vains mots pour le lecteur et John Lomax ou Alan Lomax (son fils), Woodie Guthrie, Bob Dylan ou les Byrds feront bientôt partie de votre famille.
Ce qui a débuté il y a plusieurs centaines d’années a pris une ampleur certaine aux alentours des années vingt. En 1927, pour être précis, puisque c’est de cette année-là que datent les premiers 78 tours répertoriés, avant que cela ne se poursuive jusqu’à Greenwich Village, New York, au début des années soixante, pour ensuite se développer encore et donner naissance à des courants musicaux dont nous ne faisons qu’évoquer l’esprit, jusqu’au Free folk d’aujourd’hui. Une histoire qui a démarré il y a bien longtemps et qui n’a jamais cessé de se poursuivre… Car tant qu’il y aura des humains, des artistes, des musiciens et des auditeurs pour le faire perdurer, pour composer, jouer, interpréter et le faire vivre, rien ne s’opposera à ce que le Folk poursuive sa route encore longtemps…!
S’en suit une série de chroniques judicieuses et pertinentes de disques que nous avons, pour certains, tenus entre nos mains et que nous aurions aimé avoir écoutés, pour d’autres…. Plus de cent cinquante et un disques recensés, avec en plus, à chaque fois, les rubriques ‘A écouter aussi’ et ‘Egalement conseillés’ qui démultiplient les opportunités de faire de vraies découvertes. Et des artistes que nous croyions enfouis au fond de notre mémoire, reviennent en force: Bert Jansch, Fairport Convention, Incredible String Band, et beaucoup d’autres…
En somme, l’encyclopédie sur le Folk que nous n’osions espérer. La découverte livresque que nous n’imaginions même pas dans nos délires les plus fous. Je regrette cependant que ne figurent pas à la fin du bouquin quelques pages blanches que chacun aurait pu compléter par des notes perso sur ses découvertes les plus récentes, car la roue de l’histoire continue et les nouvelles découvertes commencent déjà à s’accumuler: Baskery, Brooke Fraser, Carolina Chocolate Drops, Ed Halle, Eth, Ex Norwegian, Joep Pelt, Red Sky July, Straylings, TD Lind, Three Cane Whale…, et tant d’autres, encore. Lisons et relisons encore tout ce qui est évoqué ici, car cela se bouscule déjà pour faire partie d’un second volume…!!!
De manière assez logique, la parution de ce nouvel ouvrage chez les éditions du Mot et du Reste, consacré au folk anglo-saxon et écrit par Bruno Meillier et Philippe Robert satisfera les amateurs de ce domaine musical par la possibilité offerte à la fois de réviser ses classiques comme de découvrir des albums restés jusque-là plutôt confidentiels. Pour ainsi dire, la lecture de l’ouvrage donnera l’envie de replonger dans la discographie des Byrds, de Neil Young ou encore des pionniers comme Pete Seeger et Woody Guthrie, comme rappellera les seconds couteaux assez souvent oubliés de tels classements (tant Roy Harper, Michael Hurley que Perry Leopold) et conduira au goût du jour des musiciens complètement ignorés (Harry Taussig, The Tree People ou bien Dick Gaughan).
Avec ses chroniques de plus de cent-cinquante albums complétées par un riche addenda en fin d’ouvrage, multipliant au moins par quatre le nombre de disques mentionnés, cette anthologie du folk constitue bel et bien un inventaire pleinement exhaustif de ce qui s’est fait dans ce registre musical, cela quand bien même on pourrait s’étonner de certains choix d’albums : Rains On Lens pour Smog par exemple alors que les derniers disques de Callahan comme Apocalypse et Sometimes I Wish We Were An Eagle sont oubliés tout comme d’ailleurs un album à mes yeux important du point de vue de l’héritage de la musique américaine, à savoir From The Great American Songbook de Tom Carter et Christian Kiefer. Bien entendu chacun pourrait y aller de sa critique pour la sélection de tel ou tel album mais ce serait épiloguer sans fin sur les manques et les défauts inhérents à ce type d’entreprise de classification.
Comme l’indique le titre de l’ouvrage, Folk & Renouveau, les auteurs ont souhaité également intégré des albums qui pourront paraître moins s’étiqueter folk au premier abord, c’est-à-dire en fait des pratiques qui dépassent le cadre strict de ce répertoire mais qui l’intègrent pleinement à leur identité. C’est le cas par exemple de Fables Of The Construction de R.E.M. que l’on identifierait plus comme de la pop-rock mais qui, par l’hommage de Peter Buck à certains musiciens britanniques (le disque a d’ailleurs été enregistré à Londres par Joe Boyd, le producteur de Fairport Convention et de l’Incredible String Band), transgresse les frontières clairement délimitées. Néanmoins, c’est plutôt le sentiment d’une continuité de l’héritage des années 1960–1970 qui se fait le plus ressentir à la mention des disques qui nous sont contemporains : le folk primitif cher à John Fahey est prolongé par Jack Rose comme James Blackshaw, le folk savamment orchestré se retrouve chez Joanna Newsom, le folk-rock puise de nouvelles ressources auprès des entités que sont Ben Chasny et mv & ee, le traditionnel offre toujours de nouvelles perspectives à des musiciens comme Alasdair Roberts ou les Baird Sisters, etc. Seuls ce que l’on nomme le dark folk ou le néo-folk avec David Tibet et In Gowan Ring comme quelques expériences isolées (tel le projet de Michael Gira avec The Angels Of Light) semblent instaurer une pratique disons plus inédite en regard des périodes anciennes.
C’est que la période, pour faire large, située entre 1965 et 1975 correspond véritablement à un boom folk du côté des Etats-Unis et de l’Angleterre et continue, notamment au gré des rééditions, à motiver les aspirations des musiciens du XXIe siècle. En fait, si l’on se prête à comptabiliser les disques par périodes à travers l’ouvrage, on se rend compte que bien plus de la moitié des albums ont été publiés à ce moment tandis que des décennies suivantes jusqu’à nos jours, la tendance folk, du moins les hautes qualités du folk choisies par les deux auteurs, est nettement moindre. De prime abord, on s’étonnera quand même de constater que les années 1980 offrent plus de bons albums que les années 1990 mais l’addenda viendra en fin de compte renverser la tendance (39 albums pour les années 1990 contre 21 pour la décennie précédente). Sans nul doute l’abondance d’albums pour les années 2000 provient, comme cela est mécanique dans les classements de ce genre (à titre d’exemple le classement des meilleurs films de tous les temps à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958 faisait la part belle aux productions d’après-guerre), de l’ancrage des deux auteurs dans la période : on retient bien plus facilement ce que l’on a connu récemment.
Dès lors faut-il réfléchir particulièrement aux mécanismes qui ont une fonction mémorielle et qui participent en fin de compte d’un processus de patrimonialisation. Lesquels sont-ils? A ce titre, l’ouvrage, qui joue bien sûr lui aussi un rôle dans le façonnement d’une mémoire du folk, indique bien, au travers des notices de chaque album, l’importance à la fois des passeurs pour faire découvrir des musiciens (que ce soit Ben Chasny pour Gary Higgins ou David Tibet pour Comus), des rééditions à travers des labels spécialisés (à l’instar de Light In The Attic), des reprises, singulièrement lorsqu’elles sont l’œuvre d’artistes de notoriété publique (Chan Marshall risque bien plus de faire connaître par ses reprises Michael Hurley que ne le pourrait Espers) mais aussi des rencontres musicales entre générations (Vashti Bunyan enregistrant avec Animal Collective à un moment où le groupe est célébré). Il faudrait évoquer également le rôle assigné à la critique musicale dans ce processus bien qu’elle puisse paraître de nos jours bien moins influente, amoindrie par les liens sociaux du net qui se créent à travers forums et blogs.
Même si cela pourra paraître initialement plutôt conventionnel, il faut souligner la pertinence de Bruno Meillier et Philippe Robert d’avoir établi en introduction de leur liste d’albums une chronologie de l’histoire du folk car ses origines, bien moins connues que le reste, sont éclairées de manière parfaitement claire et synthétique. Où l’on voit combien le folk au début du XXe siècle était sensiblement inscrit dans le quotidien des catégories sociales les plus pauvres – les travailleurs et surtout les exilés – à travers une tradition orale (un film comme Hallelujah de King Vidor sorti en 1928 montre bien, dans un tout autre registre musical, cette intégration de la musique à la vie de tous les jours). Il est chose aisée en conséquence de saisir la forte politisation de ce registre aux côtés des mouvements sociaux et du militantisme, politisation que l’on redécouvrira d’ailleurs dans le contexte américain de la fin des années 1960…mais qui semble aujourd’hui grandement absente. D’un point de vue technique, l’ouvrage incite à se consacrer à un chantier de réflexion important quant à l’apparition puis la systématisation de l’enregistrement de la musique folk, deux étapes qui se tiennent sur une période allant de la fin des années 1920 aux années 1950 : en somme nous ne connaissons qu’une partie infime des chants et pratiques folk de la première moitié du XXe siècle malgré les travaux de captation respectifs de Moses Asch et d’Alan Lomax comme la passion de collectionneur d’Harry Smith.
En guise de conclusion, j’insisterai sur le fait que l’ouvrage permet de saisir la réelle fécondité des liens entre la jeune génération de musiciens de folk (qui souvent d’ailleurs évolue en plus sur d’autres domaines musicaux) et leurs aînés, laquelle fécondité nourrit à mon sens les albums les plus importants de ces dernières années. Dans ce sens, l’inquiétude d’un Simon Reynolds, à travers son ouvrage Rétromania, quant à une paralysie de l’innovation musicale par de trop nombreuses formes nostalgiques du passé me semble minimiser la qualité musicale qui peut ressortir d’un certain classicisme. C’est dire en fait combien Reynolds confond trop à mon goût modernité et amélioration de la qualité musicale. Si notre époque n’aura peut-être pas suscité de ruptures musicales profondes comme les époques antérieures, au moins peut-on fortement se réjouir de son intérêt et de son enthousiasme quant à son passé et son histoire ; attitude – bien entendu lorsqu’elle se veut intelligible – qui préfigure une meilleure compréhension de son identité, par-là même de son présent. Je crois vraiment qu’il faut se féliciter de voir un vieux de la vieille comme Neil Young, accompagné de son Crazy horse, prendre un réel plaisir à se plonger dans les méandres de l’histoire américaine à travers son dernier album de reprises intitulé significativement Americana car, à partir d’un matériau préexistant, peut s’élaborer une esthétique stimulante et enrichissante, même si elle ne rompt pas radicalement avec son modèle.
Philippe Robert et Bruno Meillier signent un livre inattendu lorsque l’on connaît leur goût pour les musiques innovatrices. Leur étude sur le folk et ses déclinaisons actuelles, souvent empreintes de rock, est tout à fait cohérente grâce à leur ouverture d’esprit et leurs choix éclectiques.
Musicien (Etron Fou Leloublan, Les I, Bruniferd, Zero Pop, etc.), organisateur du festival Musiques Innovatrices à Saint-Étienne, Bruno Meillier est également label manager de Okhêstra International, distributeur en France de tout ce qui se fait d’original en matière discographique. Leur locomotive est le célèbre Tzadik dirigé par John Zorn, mais ils s’occupent de plus d’une centaine de labels tels Ambiances Magnétiques, BVAAST, Cuneiform, FMP, GRRR, In Situ, Intakt, Knitting Factory, Nûba, Potlatch, Trace, Umlaut, Victo, etc.
Le journaliste Philippe Robert a collaboré aux Inrockuptibles, à Vibrations, Jazz Magazine, Guitare & Claviers et signé sept ouvrages sur la musique aux éditions Le mot et le reste dont ce remarquable Folk et renouveau, une balade anglo-saxonne.
Après un survol historique des différents courants, les auteurs ont choisi environ 150 albums pour illustrer leur propos.
Les folksongs et la musique traditionnelle anglo-saxonne n’ont jamais été ma tasse de thé, mais il n’existe aucun genre qui ne mérite qu’on s’y attache pour peu que l’on soit correctement guidé ! Le moindre rejet musical n’est qu’affaire de psychanalyse, les histoires familiales orientant fondamentalement nos goûts. Face à l’excellence on se laissera surprendre et emporter.
Traçant ma route parmi cette somme fortement argumentée j’ai pu ainsi retrouver des émotions oubliées en écoutant les albums évoqués qui avaient marqué ma jeunesse ou en faisant de nombreuses découvertes puisque le panorama débute en 1927 avec la célèbre Anthologie de la musique folk américaine publiée par Harry Smith et se développe jusqu’à aujourd’hui. Le folk s’est toujours coloré de maintes influences en se mariant, par exemple, avec l’énergie électrique du rock ou la liberté du jazz et de l’improvisation. Pendant ces 90 ans la critique sociale et politique y a rivalisé avec les élucubrations délivrées par l’alcool et les psychotropes.
Par affinité j’ai laissé tomber les classiques Peter Seeger, Woody Guthrie ou Bob Dylan, pour profiter de la voix envoûtante de Sandy Denny avec Fairport Convention ou Fotheringay, des envolées psychédéliques de Crosby Stills Nash & Young, des Byrds ou Buffalo Springfield. Mais j’ai surtout fait des découvertes en me plongeant dans Alasdair Roberts, Comus, Espers, Roy Harper, Pearls Before Swine, Peter Walker, R.E.M., The Holy Modal Rounders qui m’avaient échappé ou en dévorant coup sur coup treize albums de l’Incredible String Band qui m’avait tant plu à l’adolescence pour leur inventivité débridée et leur naturel décomplexé.
Si Folk et renouveau est bien une balade, c’est aussi une mine, un territoire gigantesque dont Robert et Meillier ont dressé la carte en s’en faisant les passeurs pour quiconque souhaite s’ouvrir sans cesse à de nouveaux paysages et se laisser porter par de sublimes ballades.
Ah, on l’attendait avec impatience ce nouveau Philippe Robert. Il ne l’avait pas annoncé, mais son existence coulait de source. Il était évident, vu certains choix dans ses sélections précédentes, que notre critique et érudit allait un jour consacrer un ouvrage tout entier à un genre qui le mérite, ce très prolifique folk qui plonge ses racines au plus profond des musiques traditionnelles anglo-saxonnes, et se montre toujours aussi vivant de nos jours.
Comme pour ses deux volumes sur le hard rock, Philippe Robert a choisi cette fois de s’accorder du renfort en la personne de Bruno Meillier, un connaisseur, musicien et activiste, auteur par ailleurs d’ouvrages sur le rock psychédélique. Et c’est exactement comme attendu, du Robert (et Meillier, donc) du meilleur cru qui, sur le même principe que ses livres précédents chez Le Mot et le Reste, brosse une histoire du genre et l’illustre à travers une sélection de plusieurs dizaines d’albums, étalés sur près d’un siècle, incluant figures de proue et artistes maudits, passant sans cesse de l’Amérique à la Grande Bretagne, ou vice-versa, abordant toutes les tendances, toutes les évolutions du folk, de Woody Guthrie et la Carter Family à Joanna Newsom et Alasdair Roberts, en passant Dylan (le seul cité deux fois, ce qui ne choquera personne), Fairport Convention et Billy Bragg.
A nouveau, on retrouve ces présentations d’albums denses, riches, jaillissantes, remplies de tant de références que les phrases semblent s’allonger et s’éterniser, qu’elles en deviennent parfois difficiles à suivre, tout autant qu’elles orientent le lecteur vers des dizaines d’autres œuvres, d’autres artistes, d’autres pistes. C’est à nouveau un ouvrage qui se lit vite, mais cite assez de disques pour se repaitre de folk pendant toute une vie.
Bref, c’est très exactement ce qui était attendu, et on bataillerait sec pour trouver un reproche sérieux à adresser à cette nouvelle livraison. Quelques répétitions dans l’introduction, quand il est dit à deux reprises que Sandy Denny a collaboré avec Led Zep ? Des broutilles. Un manque de clarté quand on parle des racines du folk, quand on semble confondre le Sud américain et les Appalaches ? Là encore, pinaillage. L’éternel magistère du magazine Wire sur les écrits de Philippe Robert ? Il y a pire comme référence.
Peut-être alors pourrons-nous regretter l’absence de références extérieures au monde anglophone, alors que les autres volumes proposaient des sélections très internationales. Cependant, comme le souligne le sous-titre, Une Balade Anglo-Saxonne, comme les auteurs eux-mêmes le rappellent, le folk est substantiellement anglais, américain, voire irlandais et écossais. Le folk des autres pays, sous ses formes brutes ou mutantes, c’est ce que d’aucuns ont voulu regrouper sous l’appellation fourre-tout de “world music”.
Non, décidément, il y a peu à reprocher à ce livre. Peut-être pourrons-nous juste regretter qu’il laisse une question importante sans réponse : pourquoi donc ce folk semble-t-il increvable ? Pourquoi subsiste-t-il comme une tendance forte de la musique populaire? Pourquoi parvient-il à se régénérer mieux que ces musiques traditionnelles américaines plus momifiées que sont le blues et la country ? Oh, certes, il arrive quelquefois à ces deux autres genres de retrouver quelques couleurs, par exemple il y a 10 ou 15 ans, avec les disques de R.L. Burnside pour l’un, ou avec le retour d’un Johnny Cash sous le patronage de Rick Rubin pour l’autre. Mais rien de commun avec l’extraordinaire pérennité de ce folk qui irrigue toutes les décennies, même pendant le coup de mou des années 80, et qui fait encore l’actualité au XXIème siècle dans sa version freak, psych ou weird.
Peut-être cette longévité est-elle due à l’adoption précoce de ce genre musical par les intellos et par Greewich Village, des gens qui avaient les moyens médiatiques et relationnels d’entretenir la tradition du folk, quand le blues renvoyait à une image passée et dévalorisante de l’homme noir, et que la country, enferrée dans une imagerie de cow-boys, était devenue la musique des rednecks. Mais pas sûr, cependant, car ces styles là ont eues aussi, parfois, les faveurs des branchés… Alors pourquoi ?
On ne le sait pas vraiment. Mais qu’importe. Exemples à l’appui, le livre, l’un des meilleurs d’une série pas loin d’être irréprochable, démontre la vivacité exceptionnelle de ce genre sorti du fond des âges et du terroir anglo-saxon, et c’est tout ce qui compte.
PS : il n’aura échappé à personne que l’auteur de ces lignes sort prochainement un ouvrage dans la même collection que ce livre. Il tient à préciser, cependant, qu’il avait commencé à commenter les publications Le Mot et le Reste bien avant d’avoir envisagé de publier quoi que ce soit chez cet éditeur, et qu’il continuera dans les mêmes conditions, sans renoncer à partager des avis sincères, favorables ou moins, sur ses différentes sorties.
Galvaudé, assaisonné à toutes les sauces – de l’acid folk au metal-folk… -, le terme « folk » renvoie à une histoire multiséculaire, que retracent Philippe Robert et Bruno Meillier, auteurs d’un récent livre consacré à cette musique qui n’a jamais cessé de se réinventer. « Forever young » chantait Bob Dylan…
Philippe Robert : Le mot même de “folk” date d’une époque où l’on ne parlait pas encore de pop music. La musique dite folk désigne la musique des gens, d’un peuple : disons que c’est la musique des gens du peuple à destination de leurs semblables. Il s’agit au départ, du 18e jusqu’au 20e siècle, d’une musique traditionnelle, de transmission orale, à l’origine vocale (a capella) puis accompagnée d’instruments acoustiques. On associe souvent à tort le folk aux seuls États-Unis. Probablement parce que l’histoire de l’édification de ce grand pays est la plus récente, et que c’est là que le brassage communautaire a été le plus fort, que des composantes infiniment variées se sont mélangées : les anonymes couplets des esclaves noirs des plantations du Sud, les refrains nostalgiques des matelots de la marine marchande, les balades s’élevant des caravanes d’émigrés irlandais ou écossais, la musique des indigènes indiens… Autant d’affluents qui sont venus grossir le courant !
Bruno Meillier : Le folk est avant tout une musique de métissages, de renouvellement d’une tradition constamment remise sur l’ouvrage, de fertilisations croisées aussi. Ce qui en fait quelque chose d’éminemment complexe. Les pionniers de l’histoire du folk ont beaucoup insisté sur toutes ces racines et branches qui ont fini par faire la modernité de cette musique au cours du vingtième siècle.
Quand émerge le courant « folk » en tant que tel ? Avec des artistes fondateurs comme Woody Guthrie ?
B. M. : Le folk émerge du fonds commun dont nous venons de parler. Avec la figure du « songster », ancêtre du « folksinger » à proprement parler : de véritables troubadours allant de fermes en campements d’ouvriers, en échange du gîte et du couvert d’abord, avant d’être enregistrés sur 78 tours, puis de commencer à se professionnaliser. L’expansion de cet art populaire s’est donc fait en fonction de la richesse des échanges culturels. Le folk s’est inspiré du blues (courant dans lequel les Noirs s’adressent à leur communauté) et de la country (où l’instrumentation est la même, mais pas les préoccupations politiques, tout du moins jusqu’à l’émergence tardive du mouvement rebelle et anti-conservateur dit “outlaw”). Dans les Appalaches, ce fut un lent processus mené par des inconnus, ce que relate entre autres la fameuse Anthologie de la Musique Folk Américaine concoctée par Harry Smith, et dont les premiers enregistrements datent de 1927.
P. R. : Avec Woody Guthrie, au début des années 30, le folk se montre de plus en plus impliqué dans les problèmes de son temps. Dès lors, les chansons vont s’adapter aux évènements, épouser des causes. On est en prise direct sur le social : on parlera même de chanson syndicaliste. Pete Seeger en fournit un autre exemple.
Comment et par qui naît le « renouveau » que connaît le folk dans les années 1950 et 1960 ?
P.R. : L’engagement du folk, ses prises de position socio-politiques en faveur des exclus, des opprimés, des Noirs, des Indiens finira par séduire les campus universitaires et les quartiers intellectuels des grandes villes du nord des USA. Les clubs de Greenwich Village à New-York offrent alors un véritable théâtre des opérations à des folkeux surgis de partout, et animés de motivations identiques. Le festival de Newport constitue la grande messe annuelle, célébrant un véritable mouvement qui se traduira même par l’obtention de certains droits civiques.
B. M. : Incontestablement Woody Guthrie et Pete Seeger ont été les pionniers de ce renouvellement. Eux-mêmes se sont inspirés des chansons traditionnelles collectées par quelqu’un comme Alan Lomax. Et Bob Dylan, sur qui au milieu des sixties tous les regards se porteront, s’est nourri de tout ce joli monde. Sa parfaite connaissance du répertoire et son talent finiront par en faire un porte-parole. D’autres, en parallèle, proposeront de ce renouvellement une version édulcorée : le Kingston Trio notamment, ou encore Peter, Paul & Mary.
Ce « folk boom » ne concernera pas que les USA…
B.M. : Par le diminutif “folk” (pour” folk music”), on désigne généralement ce qui ressort de la sphère anglo-saxonne. C’est-à-dire, grosso modo, ce qui vient des USA mais aussi du Royaume-Uni, d’Irlande, d’Écosse (on se doute bien que le Canada finira par jouer un rôle : il suffit de citer Joni Mitchell, Leonard Cohen, Gordon Lightfoot ou Neil Young pour s’en convaincre). Des Américains comme Dylan, Ramblin’ Jack Elliott, Tom Paxton, Joan Baez, Dave Van Ronk, Judy Collins ou Buffy Sainte-Marie auront une influence déterminante sur ce qui se tramera dès les années 1960 en Europe. Ils viennent même se faire entendre à Londres. Presque tous traversent l’Atlantique quand ils ne s’y installent pas pour un temps (Jackson C. Frank). L’Angleterre, avec Davy Graham, puis Fairport Convention, Steeleye Span, Michael Chapman, Mick Softley, Nick Drake… ne sera pas en reste question renouveau. Ce sera, là aussi, un long processus, dans lequel un Ewan McColl ou une Shirley Collins ont joué, les premiers, un rôle prépondérant en collectant et réinterprétant les chants traditionnels de leurs pays.
Ancré initialement dans la tradition, le folk s’en détache dans les années 1960 et 1970 : peut-on dire que c’est Dylan qui lance le mouvement ?
P.R. : Si Bob Dylan est loin d’être le seul, il est manifestement un catalyseur. Son rapport aux Beatles, le scandale à Newport où son groupe joue électrique, le fait que ses chansons se dépolitisent autant qu’elles s’électrifient… Beaucoup de choses se renouvellent à son contact. Même si un guitariste écossais d’origine guyanaise, Davy Graham en l’occurrence, a aussi beaucoup fait de son côté, en s’inspirant des ragas indiens et de la musique arabo-andalouse. Un autre exemple de cette interpénétration constante et fertile.
B.M. : Le folk évoluera alors au gré des métissages. Quand le rock psychédélique, une excroissance du folk-rock, accapare l’attention, le folk s’en inspire : on parlera d’acid folk. Beaucoup plus tard, le folk intégrera des éléments issus du punk-rock, en matière de production notamment, avec ce que l’on a appelé la lo-fi. Si le folk paraît se diversifier, son appellation, elle, perdure, quelque soit le préfixe qu’on lui accole. Le folk évolue avec son temps, mais les préoccupations d’antan ne perdent jamais non plus de leur actualité. Avec un groupe comme Current 93, qualifié de néo-folk dans les années 1990, on se retrouve en ligne directe de la tradition de Shirley Collins, Tim Hart et Maddy Prior, qui date des années 1960. La nouveauté proviendrait d’un zeste d’acide rajouté, comme chez l’Incredible String Band, ou dans le sillage d’un Comus, groupe singulier des seventies.
Le folk connaît un renouveau depuis une vingtaine d’années…
B.M. : Depuis les années 1990, le folk s’est au moins renouvelé plusieurs fois… La plus intéressante des métamorphoses est probablement la dernière en date. Celle qui a fait titrer au magazine anglais The Wire : “Welcome to the New Weird America”. Elle a commencé par refléter une réalité américaine, directement issue des plus barrées des expérimentations de l’acid folk des sixties, avant d’influencer l’Angleterre. Ces musiciens, appartenant à ce que l’on a fini par nommer « free folk », ou bien issus du renouveau écossais, qu’il s’agisse d’un Matt Valentine, d’un Jack Rose ou d’un Alasdair Roberts n’ignorent rien de la tradition des John Fahey, Shirley Collins ou Roscoe Holcomb. Ces musiciens ne sortent pas de n’importe où, ils ne se sont pas improvisés musiciens de folk parce qu’ils en auraient eu la dégaine : la mode, aujourd’hui, voudrait que tout ce qui est acoustique, sur tempo de ballade, soit du folk. C’est infiniment plus complexe. Tout renouvellement ne se fonde que sur une bonne connaissance du passé.
P.R. : Le folk, dans son ensemble, d’hier à aujourd’hui, correspond à un même geste, désintéressé, authentique, avec ses hésitations, ses évolutions, d’ailleurs pas si drastiquement révolutionnaires que ça puisque le rattachement à une ou plusieurs traditions lui importe. Mais tout en gardant à l’esprit qu’un genre musical qui n’évolue pas tombe rapidement en déliquescence. Le be bop, dans le jazz, s’est métamorphosé à un moment donné en free jazz : c’est un même geste une fois de plus. Il n’y a pas de rupture, contrairement à ce qu’on peut croire “sur le coup”. Juste continuité d’une même histoire. Idem pour le folk. L’électrification d’une musique acoustique est une révolution de salon, somme toute annexe. Le scandale qu’on lui associe a juste été amplifié afin de créer du mythe.
À lire
Signé par Bruno Meillier et Philippe Robert, ex-journaliste à Vibrations, aux Inrockuptibles, etc., Folk & renouveau (aux Éditions Le mot et le reste) constitue une parfaite introduction au folk. Une impeccable sélection commentée de 150 disques clés, des pères fondateurs aux derniers rejetons de la famille folk, où figurent bien sûr les incontournables – Bob Dylan, Neil Young…- mais aussi quantité d’artistes oubliés par l’histoire officielle, et dont les disques ont pourtant conservé une « inaltérable jeunesse ». Une mine d’or.
Fruit d’une collaboration bicéphale inédite – Philippe Robert et Bruno Meillier –, cette “balade anglo-saxonne” propose un itinéraire en 147 étapes dans la pléthorique production dispensée dans le sabir qui s’échappa des îles britanniques pour envahir la planète.
Qu’ils soient australiens, canadiens, américains, ou godons de base, les patients radiographiés sont tous traités de la même façon : un de leurs enregistrements sert de point de mire, autour duquel est bâtie une biographie succincte, qui appelle d’autres cousinages, voire des ramifications de parentés, ou des suggestions d’écoutes parallèles qui peuvent étonner.
Renommés ou à diffusion plus confidentielle, chanteurs à textes ou instrumentistes muets, les spécimens sélectionnés trouvent leurs places dans ces 360 pages (ISBN 9781360540303) sans se piétiner. Chacun peut le vérifier contre 23 euros…
La qualité éditoriale de la collection Formes, publiée par Le Mot et le Reste, n’est plus à prouver. Pas plus que le sérieux et l’implication des auteurs pour ce volume consacré à la musique folk, de ses origines au disque (l’Anthology Of American Folk Music de Harry Smith) jusqu’à aujourd’hui (MV& EE), dans le cadre strict du monde anglo-saxon, Bruno Meillier (acteur de la scène française puisque musicien, organisateur-programmateur de festival et distributeur) ainsi que Philippe Robert (ancien collaborateur du journal que vous tenez entre les mains et déjà auteur de très substantiels volumes de la collection, dont celui consacré aux exigeantes musiques expérimentales que nous vous recommandons avec ferveur) livrent un parcours sérieux et très complet, sinon parfaitement exhaustif, de cette musique magique, protéiforme et paradoxale parfois. Après un propos liminaire clair et synthétique qui rend bien compte de la notion de genres (folk rock, acid folk, free folk, etc.) sans lui donner plus d’importance que la musique elle-même, ils déroulent une sélection bien sentie d’albums indispensables et symboliques de chaque courant*, balançant entre inévitables bornes (Woody Guthrie, Bob Dylan, Fairport Convention ou Bert Jansch), familiers des happy few (Peter Walker, Judee Sill ou Michael Chapman) et découvertes providentielles (The Trees Community, O.W.L. ou In Gowan Ring).
Les renvois discographiques dans les notices ainsi que dans un addendum particulièrement bien vu prolongeront durablement les découvertes. Un livre qu’on n’est pas près de refermer.
Après le rock, la great black music ou les musiques expérimentales, Philippe Robert poursuit sa visite parallèle des genres musicaux en s’attaquant cette fois-ci au folk. Il est à l’honneur du dernier Tohu Bohu : chronique de son livre “Folk et renouveau” par Kalcha et mini-interview plus détaillée ici .
Ce nouveau livre revient sur le folk dont vous remontez le fil jusqu’à la fin des années 20. Qu’est-ce qui explique que cette musique traverse les âges avec autant de succès ?
Le folk a certes un long passé, résultant d’un enracinement profond et constamment remis sur l’ouvrage. Mais pour autant il n’a, me semble-t-il, pas toujours eu du succès. Je dirais que l’on assiste depuis le début des années 2000, enfin, à son retour en grâce. Car après le folk boom des 60s, suivi par la percée des singers-songwriters dans les années 1970, l’avènement du punk-rock a quelque peu bousculé la donne. L’image du folk, pendant un temps au moins, a même fini par paraître (à tort) désuète, au moment de l’émergence de la new wave notamment. Peut-être n’avait-on alors pas saisi à quelle point l’idée sous-tendue par le “do it yourself” punk était proche des préoccupations du folk ? Pourtant cela ressortait des disques d’un Billy Bragg dans les années 1980, un musicien dont l’on dira qu’il est un héritier de Clash, Dylan et Woody Guthrie. Un homme, une guitare (“cette machine peut tuer les fascistes” ne l’oublions pas), un engagement : l’histoire est simple – et finalement indémodable. Ceci étant le folk n’est pas que cela, heureusement, comme le démontre son évolution. Dans les années 1990, il aura irrigué la lo-fi par exemple. Et son expression demeure imperturbablement variée : chantée ou instrumentale ; acoustique ou électrique ; traditionnelle ou quasiment expérimentale en ce qui concerne le free folk des années 2000. Sa variété, son enracinement profond, son renouveau incessant en ont fait une musique vivante capable de refléter toutes sortes de préoccupations, quelle que soit l’époque. Ce qui fait sa force, et, au final, son succès. Incontestablement Bob Dylan, Leonard Cohen, Tim Buckley, Nick Drake ou John Fahey, qu’on les aime ou pas d’ailleurs, sont devenus des figures incontournables. Pour notre part, Bruno (Meillier, avec qui j’ai écrit ce livre) et moi, nous les adorons tous les cinq !
Quels critères retenez-vous pour qu’un disque soit dans la sélection ?
Des critères à la fois qualitatifs et historiques. Tous les disques choisis me semblent importants, à des degrés divers. Il y a des albums, assez peu d’ailleurs, dont l’intérêt me paraît surtout historique, et ceux-là fonctionnent comme des balises, des repères. Par contre la plupart des disques sélectionnés le sont pour leur qualité musicale, évidemment. Ainsi y a-t-il dans “Folk & Renouveau” des classiques sur lesquels tout le monde s’entend à juste titre, du genre Bob Dylan, Neil Young, Leonard Cohen. Mais il n’y a pas que ça non plus, loin de là. On y trouve donc, et surtout, des trésors cachés, dus à des groupes assez obscurs comme Dando Shaft, Trees, Mellow Candle, Comus, OW.L., Silmaril et quantité d’autres. Ceci étant l’élaboration de la liste a pris quelque temps, jusqu’à s’affiner au fil de la rédaction – quelques suppressions, quelques rajouts, afin d’équilibrer plus ou moins ce qui peut aussi se lire comme un récit, enfin je crois. Avec Bruno, nous nous sommes parfaitement entendus. Aucune friction à ce sujet, ni à quelque autre que ce soit. De toute manière, cette histoire du folk en forme de “balade anglo-saxonne” ne fait que proposer un parcours possible. A partir des addenda du livre, d’autres pourraient être constitués et être tous aussi “valides”.
Vous avez sorti plusieurs “discothèques idéales parallèles”. D’où vous vient ce besoin/cette envie de ne pas vous contenter de l’Histoire officielle ?
Justement, pour revenir à ma réponse précédente, je dirais que ces itinéraires, s’ils sont parallèles, ne sont pas idéaux pour autant : bien d’autres, établis à partir des seuls addenda de fin d’ouvrage par exemple, seraient aussi pertinents… Mais effectivement je crois que l’Histoire officielle de la musique ne reflète en rien sa richesse, que ce n’est la plupart du temps que l’Histoire de l’industrie du disque et de ses gros vendeurs. Cependant je reconnais sans problèmes qu’il existe des “best-sellers” dont la qualité est indéniable et touche à l’universalisme. Sauf que la reconnaissance de ceux-ci s’exerce en général au détriment des chercheurs irréductibles ou de ceux qui n’ont pas vocation de faire carrière. Les “perdants magnifiques” m’attirent plus que les gagnants, et même si j’apprécie Beatles et Rolling Stones, Gene Clark et Townes Van Zandt présentent à mes oreilles infiniment plus de charme. Chacun sa tasse de thé. Et ce n’est pas du snobisme que de raisonner ainsi, comme le laisserait sous-entendre, non sans humour, “Le Dictionnaire snob du rock”. Pour dire : en ce qui concerne le cinéma et le western en particulier, j’aime tout autant (sinon plus) le méconnu “La Chevauchée des bannis” d’André de Toth que “La Prisonnière du désert” de John Ford. En ce qui concerne le folk, Bruno et moi nous sommes retrouvés sur quantité de noms : Roscoe Holcomb, Sweeney’s Men, Steeleye Span, Tim Hart & Maddy Prior, Anne Briggs, Steve Tilston… Eveiller la curiosité a été l’un des moteurs de la réalisation de cet ouvrage.
Magnifique passeur d’idées musicales, les éditions Le Mot Et Le Reste n’ont guère l’habitude de prendre leur lectorat pour du vulgum pecus de tête de gondole chez Auchan. Respectueux de l’intelligence de son public, adeptes des formes identifiables (ah, les couvertures, à la fois dépouillées et alléchantes), balayeur de genres en marge des conventions, la maison marseillaise n’a eu de cesse, depuis sa création en 1996, de (re)défricher les genres, en un arc tendu qui relie le passé au présent – dans tous les cas, il est exclusivement anglo-saxon comme le souligne le sous-titre de l’ouvrage, conçu telle une promenade balayant les trois-quarts du vingtième siècle et le début du suivant. Habitué des lieux, l’ex-Inrocks/Jazz Magazine/Vibrations Philippe Robert en est à son cinquième numéro sur LM&LR, sans compter ses parutions auprès d’autres éditeurs (dont votre grisli préféré). Moins auteur et plus acteur de terrain, Bruno Meillier a multiplié les activités en plus de trente ans d’activisme – musicien dans plusieurs projets dont Etron Fou Leloublan ou Zero Pop), label manager d’Orkhêstra International et programmateur du festival stéphanois Musiques Innovatrices.
Témoin de cette philosophie musicologique – rassurez-vous, le propos n’a rien d’intellectualisant en dépit de son exigence et de son acuité – la couverture de leur premier ouvrage commun relie deux œuvres majusculement majuscules de la folk music – The Times They Are A-Changin de Bob Dylan et Ys de Joanna Newsom. En une imposante et magistrale recomposition d’un paysage exclusivement anglophone à guitare acoustique (et autres instruments à cordes), leur Folk & Renouveau parcourt, en près de 150 albums majoritairement indispensables, un style que traversent près de quatre-vingts ans discographiques. Nullement exhaustif tel que les deux auteurs le précisent dans leur avant-propos (encore que…), le parcours débute, faudrait-il écrire évidemment, en 1927 avec l’incontournable Anthology Of American Folk Music Edited By Harry Smith pour s’achever en 2009 avec le Barn Nova des néo-hippies Matt Valentine et Erika Elder, alias MV & EE.
Même si chacun complètera la liste avec quelques disques à ses yeux incontournables (pour ma part, j’y aurai inclus Jay Reatard, Marissa Nadler (citée toutefois en p. 37), Tara Jane O’Neil, Jana Hunter ou Meg Baird en solo – encore que cette dernière soit de la partie en tant que vocaliste d’Espers ET moitié du duo Baird Sisters, ce qui est déjà remarquable). Au-delà de ces remarques forcement personnelles, plusieurs aspects, davantage objectifs, frappent l’œil dès la consultation des 350 pages du livre. D’abord, la très grande diversité des artistes cités : sur 147 productions discographiques recensées, un seul personnage a l’honneur d’apparaître à deux reprises – et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit de M. Dylan himself, pour un opus en studio encore acoustique (le déjà cité The Times They Are A-Changin) et un live (The Royal Albert Hall Concert) qui a marqué la véritable rupture de Robert Zimmermann avec la musique folk.
Heureusement, la liste, aussi merveilleuse soit-elle, ne se résume pas une à une simple table des matières répétitive et soûlante. A l’issue de chaque article, Robert et Meillier nous gratifient d’une sélection bienvenue des productions de l’artiste présenté. Dans le cas des très actifs Dylan, Leonard Cohen ou Neil Young, la démarche est bienvenue, tant les liens tissant leurs canevas musicaux se doivent d’être mis en évidence, ne fut-ce que succinctement (ou bien la brique compterait le triple de pages et deviendrait rapidement indigeste). Pour les autres représentants de la « cause », le choix s’avère naturellement moins cornélien, soit en raison de la brièveté de leur discographie, voulue (Bridget St John, Judee Sill) ou non (Tim Buckley, Nick Drake). Bien que, là aussi, les digressions soint parfois discutables (pourquoi s’arrêter en 1969 pour Buffy Sainte-Marie ?), la vision d’ensemble n’est pas loin de ressembler à un Top 1000 de la folk music, qu’elle soit traditionnelle, freak, acid, New Weird Americana ou psyché.
Autre complément d’information, sinon peu original mais bienvenu, les auteurs mettent en relief les parentés stylistiques des musiciens en citant des noms aux univers cousins (John Fahey ou Jack Rose pour Robbie Basho), parfois au-delà du genre majoritairement abordé (Animal Collective chez Vashti Bunyan). Le plus souvent, les rapprochements sont d’une évidente pertinence, versant d’ailleurs au-delà des limites de la folk pure (Mojave 3 ou Lambchop en lien évident avec le très déprimé Fables Of The Reconstruction de R.E.M., Coil en glorieux prédécesseur de Current 93, etc.). Nul doute qu’au cours des prochaines années et décennies, la liste ne demandera qu’à être prolongée, tellement la vitalité de la musique folk anglo-saxonne demeure élevée. Pour notre part, et que les auteurs nous pardonnent cette intrusion, nous y verrions bien le récent et formidable Smoke Ring For My Halo de Kurt Vile, indispensable en 2011 comme il le sera à l’avenir.
PHILIPPE Robert et Bruno Meillier sont deux vigies des océans de musique. Le premier est l’auteur de nombreuses sommes ouvrant des voies depuis les rivages buissonneux de la pop et du rock vers des trésors souvent oubliés. Le second fut le saxophone du groupe Etron Fou Leloublan. Il est l’organisateur programmateur du festival Musiques Innovatrices à Saint Étienne et le label manager de la structure de distribution Orkhêstra International qui est l’une des sources les plus sûres pour qui cherche à s’abreuver en raretés (jazz, rock, musiques savantes, traditionnelles, improvisées). A eux deux, ils sont capables de déplacer des montagnes, notamment celles qui résultent de l’accumulation des poussières recouvrant les zones de la vraie musique.
Ils viennent de tracer la seule route qu’il convient de suivre pour découvrir le vaste palais du folk, un monument dont les premières pierres furent posées en 1927. Tel un parcours chronologique, Folk & Renouveau, déroule, année après année, l’histoire d’un mouvement issu de la rencontre des sea shanties, des chants indiens et des cantiques de la tradition méthodiste évangélisatrice. Une pâte musicale chansonnée par les fermiers US qui deviendra une multitude de façons dont les artisans se nomment Woody Guthrie, Joan Baez, Bob Dylan, Buffy Sainte Marie ou encore Bert Jansch. Ceci n’est pas un panorama, nous disent Philippe Robert et Bruno Meillier, en s’excusant de ne pas être exhaustifs. Certes, il faudrait bien des volumes pour couvrir toutes les pages de la folk music. Tout de même, voici quelque chose de suffisamment grand pour connaître le mouvement sous tous ses aspects à partir de la famille chantante des Carter jusqu’aux perpétuateurs, de Joanna Newsom à Simon Finn qui vient de faire paraître un nouveau disque, Through Stones (Ten To One/Orkhêstra International). Les Lillois auront la chance de pouvoir l’entendre à La Malterie (42 rue Kuhlman), le 22 février.
Parmi les quelques cent soixante noms cités dans ce livre, il en est un que nous aimons particulièrement. Michael Hurley, né en 1941 à Bucks County (Pennsylvanie), est un homme de la route de l’école Kerouac. II a dix sept ans lorsqu’il entreprend sa dérive à travers l’Amérique. En 1964, il est signé sur le label Folkways (celui là même qui précisa les carrières de Pete Seeger, de Woody Guthrie et de Dock Boggs). La légende veut que First Songs fut enregistré sur un magnétophone à cassettes ayant appartenu à Leadbelly, figure à rixe du temple folk.(...)
(...) Et des légendes, il y en a aussi, dans un autre style musical : le folk. Depuis bien plus longtemps, d’ailleurs, faut-il le préciser, car 1927 marque l’année des premiers enregistrements des grands noms du genre.
Depuis neuf décennies, la folk music inspire la culture populaire et n’a cessé d’influencer les nouveaux courants musicaux. Fred Neil, Karen Dalton, Bob Dylan, Bert Jansch, John Renbourn, Joanna Newsom, Woody Guthrie, Pete Seeger… La liste des chanteurs et des musiciens à avoir apporté à ce style musical ses lettres de noblesse est interminable.
De leur côté, Bruno Meillier et Philippe Robert ont relevé le défi de sélectionner les albums les plus emblématiques du genre, de les replacer dans leur contexte historique et de montrer pourquoi ces œuvres traversent le temps.
Loin des encyclopédies et des anthologies fastidieuses, les deux hommes proposent une randonnée musicale à la fois vivante et originale et revisite les plus beaux monuments du patrimoine folk. Passionnant !
Aujourd’hui, dans l’arène, un livre qui séduira aussi bien les néophytes que les amateurs éclairés : Folk & Renouveau, une balade anglo-saxonne, où sont passés en revue 150 albums de folk, d’acid-folk, de free-folk et de freak-folk. Interview de l’un des deux auteurs de l’ouvrage, Philippe Robert. (co-écrit avec Bruno Meillier). (Une interview fleuve et passionnante de Philippe Robert dans l’émission culturelle de Chrystelle André sur les ondes du lundi au vendredi, diffusée en deux parties, jeudi 22 décembre et vendredi 23 décembre. Extraits.)
Chrystelle André : Vient de paraître aux éditions le Mot et le Reste le 7e ouvrage de Philippe Robert. Après les musiques expérimentales, le pop, le post-punk, vous vous êtes attaqué à la folk music. Folk & Renouveau raconte avec une belle plume limpide et à travers 150 albums l’histoire de cette musique américaine dont les racines plongent très loin dans le cœur des premiers immigrants.. Est-ce qu’il y a un cliché, Philippe Robert, sur le folk qui vous rend dingue. Par exemple, le folk, c’est une musique de hippies ?
Philippe Robert : Oui, il y a beaucoup de clichés attachés à la folk music, effectivement, musique de hippies. Pendant des années je pense, la folk music a été un peu mise au ban, grosso modo après le mouvement punk. Autant le folk a pu avoir beaucoup de succès à une certaine époque autant ça n’a plus été le cas passé un certain cap. J’en veux pour preuve, par exemple, le magazine Rock & Folk. Autant on a pu y parler de folk à un moment donné, avec un spécialiste comme Jacques Vassal et avec de grands entretiens, Bob Dylan, Leonard Cohen, etc. autant passé une certaine époque j’ai l’impression que le folk apparaît comme une musique de vieilles barbes ou de personnages un peu barbants alors que c’est pas ça du tout. J’en veux pour preuve le renouveau actuel. C’est d’ailleurs pour ça que le livre s’appelle Folk & Renouveau, parce que le folk est quand même une succession de renouveaux, c’est une musique qui s’est constamment renouvelée au contact d’univers qui parfois peuvent paraître a priori très éloignés de la folk music.
CA : Ce qui est étonnant c’est que dans les années 1990 justement, après le grunge, le folk revient, reprend le dessus.
PR : Oui complètement. Je pense à quelqu’un comme Kurt Cobain qui a écouté beaucoup d’artistes des années 1930 et pas seulement : Led Zeppelin, du metal, ou je ne sais quoi. C’était un fan de Leadbelly qu’il a d’ailleurs repris dans une émission acoustique. Effectivement, avec le grunge, il y a un retour du folk, oui, complètement, et un peu plus tard, d’autres artistes s’y intéresseront, américains souvent, qui proposeront des choses intéressantes.
CA : Grosse question : comment pourrait-on définir la musique folk ? Est-ce que c’est la musique du mal de vivre par exemple ?
PR : C’est difficile quand on s’est penché sur le folk – je n’ai pas écrit ce livre seul, comme il a été dit en préambule (…) Le folk n’est pas qu’une histoire de paroles. Autant le folk était engagé au début autant à une certaine période je dirais presque qu’il se désengage. Dylan y est pour beaucoup dans cette évolution. Pour moi, c’est vraiment une succession de renouveaux, une musique qui se nourrit d’une quantité d’influences qui peuvent être liées aux musiques du monde. Par exemple, la musique indienne a eu je trouve une influence considérable sur le folk, sur certains guitaristes et d’ailleurs, puisque je parle de guitaristes, le folk n’est pas non plus qu’une musique chantée puisque c’est une musique instrumentale. Il y a de grands guitaristes, je pense à John Fahey, à Robbie Basho, à Peter Lang et à quantité d’autres guitaristes dont la plupart des albums sont instrumentaux. Certes Robbie Basho chante mais l’essentiel de son œuvre est quand même instrumentale donc je dirais que d’un côté, il y a des gens comme Pete Seeger et Woody Guthrie, qui sont des gens très engagés, on peut parler même parfois de chansons quasiment syndicalistes, Bob Dylan arrive, le folk s’électrifie, les Byrds c’est déjà autre chose et à un moment par exemple l’influence des Beatles sur le folk devient énorme. Faut savoir que les Beatles partents aux Etats-Unis si ma mémoire est bonne en 1964 pour participer à une émission télé de Ed Sullivan, Ed Sullivan Show. Après, la folk music s’en trouvera complètement transformée et ce à tous les niveaux. Déjà, acoustique n’apparaîtra plus comme la seule garantie d’une authenticité possible dans le milieu du folk. Donc le folk, c’est quelque chose en constante évolution. Nous on a beaucoup insisté là-dessus, dans notre livre, jusqu’à aujourd’hui avec le mouvement free-folk qui va puiser à l’improvisation voire au free jazz même si c’est pas totalement nouveau, Tim Buckley s’y était déjà essayé sur certains de ses albums dont Lorca (1970).
Pause musicale
PR : Grâce au travail des labels, aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile d’avoir du recul par rapport à n’importe quelle musique. (…) Ce que je veux dire c’est qu’aujourd’hui, on a accès à des disques auxquels on n’avait pas du tout accès à l’époque de leur sortie. Et je pense qu’un magazine comme Rock & Folk retenait majoritairement les disques reçus à la rédaction, que les rédacteurs étaient néanmoins des passionnés, que ceux-ci achetaient beaucoup des disques qu’ils devaient aussi chroniquer, mais à côté de ça, il y avait beaucoup d’autoproduction, des disques assez rares et assez difficiles à trouver qui ont fini par devenir l’apanage des collectionneurs et qui ont fini aussi par coûter très cher. Et grâce à certains labels qui ont fini par racheter très cher ces disques, ils sont aujourd’hui à la disposition de tout le monde y compris en vinyle parfois mais la plupart en CD et on peut redécouvrir des groupes.
Pause musicale
CA : Si le folk se renouvelle sans cesse, ses racines plongent très loin dans les chants de marin et la musique celte, par exemple. C’est très intéressant, l’histoire de la folk, Philippe Robert.
PR : En fait, c’est toujours pareil. Comme je l’ai dit le folk est en perpétuelle évolution. Il se nourrit d’apports extérieurs, d’allers-retours géographiques. Dans notre livre, il y a un sous-titre important : une balade anglo-saxonne. Donc on s’est cantonné au domaine anglo-saxon, c’est-à-dire pas seulement au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis mais aussi l’Australie, le Canada, etc. Il y a des musiciens qui font des allers-retous entre l’Angleterre et les Etats-Unis, qui se nourrissent les uns les autres donc effectivement les chants de marins, les chants des ouvriers… En Angleterre, ce genre de choses a été beaucoup documenté par certains labels, je pense au label Topic (NDE : Topic Records : http://www.topicrecords.co.uk/) et par des gens, je pense à Ewan MacColl, là on est en Ecosse. Aux Etats-Unis, d’autres ont documenté quasiment la même chose, je pense à Alan Lomax, qui dresse une histoire de la folk music, une histoire à la fois faite de photographies et d’enregistrements de terrain. Les américains se sont nourris de quantité de choses, y compris le chant des indiens, le blues aussi.
CA : Le chant des esclaves aussi.
PR : Oui, le chant des esclaves, et ce qui est intéressant, c’est qu’on a des musiciens anglais qui partent sur le terrain aux Etats-Unis, je pense à Shirley Collins, qui part rejoindre Alan Lomax en 1959, et à l’inverse on a des musiciens américains, je pense à Peggy Seeger, la demi-sœur de Pete Seeger, qui elle part en Ecosse rejoindre Ewan MacColl qui est une grande figure du folk et qui deviendra son compagnon. Avec parfois des traditions très fortes qui sont conservées et à l’inverse je dirais des musiciens qui cherchent à dépasser ces traditions. C’est un peu comme dans le jazz. A une époque, les gens qui appréciaient le be-bop n’étaient pas forcément les mêmes que ceux qui appréciaient le swing (…).
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Il serait interminable de vouloir dresser la liste des qualités qui font la pertinence du folk à l’heure actuelle, sous l’ombre tutélaire d’artistes comme Woody Guthrie, rentrés dans la légende au fil de leurs vagabondages. Il serait également interminable de vouloir dresser la liste des références accumulées et intelligemment ordonnées sur papier par l’érudit Philippe Robert, dont on ne peut que vous conseiller l’ensemble de la biographie éditée par Le Mot et le Reste, maison d’édition marseillaise, dont il serait interminable de dresser la liste des bienfaits.
Le 18 décembre, Summertime recevait Piers Faccini pour une émission 100% folk, une bien belle balade folk, en partie construite autour de l’ouvrage de Philippe Robert et Bruno Meillier.
Philippe Robert et Bruno Meillier ont édité une anthologie d’albums de folk présentés avec passion aux éditions Le Mot et le Reste. On y retrouve de vieux amis, ce qui est déjà pas mal, mais surtout on y découvre de véritables pépites. L’ouvrage commence avec l’Anthology of American Folk Music d’Harry Smith et s’achève en 2009 avec Barn Nova de MV & EE sur Ecstatic Peace, manière de dire que le genre n’a pas rendu les armes et que l’histoire continue. On reparle bientôt ici-même d’un projet en cours aux éditions Le mot et le reste…
Bien que nous ayons le même éditeur, Guillaume Belhomme, Philippe Robert et moi, ne nous sommes jamais rencontrés. Mais je corresponds régulièrement avec Philippe, qui avait fait une belle liste folk pour ce blog et dont le livre sur le folk anglo-saxon vient de sortir (et il est très recommandé : on y découvre des disques jusqu’alors inconnus et très attirants). Ensemble, ils font un fanzine autour du free jazz : Free Fight. Du coup, alors qu’ils préparent le numéro 2, je leur ai demandé une liste de leurs disques free favoris. Philippe Robert : “A l’initiative de Guillaume (Belhomme), à qui l’on doit trois ouvrages sur le jazz (une anthologie en deux tomes, une biographie d’Eric Dolphy), nous avons entrepris, lui et moi, d’explorer nos discothèques respectives à coup de chroniques d’albums plus ou moins rares que nous possédons en vinyle, et issus du free jazz ou de ses parages. A chaque texte correspondent des photos personnelles, comme autant de mises en abymes et de correspondances. Le résultat s’appelle Free Fight, This Is (Our) New Thing, c’est une petite publication A5 éditée à 100 exemplaires. On peut trouver sur le site du Souffle Continu les derniers exemplaires disponibles du premier tome. Le second volet paraîtra quant à lui en janvier et peut être pré-commandé directement sur www.lesondugrisli.com.”
(...)
Cette émission, première d’une duologie, se consacrait au livre co-signé par Bruno Mellier et Philippe Robert, paru aux éditions du Mot et du Reste, « FOLK ET RENOUVEAU (UNE BALADE ANGLO-SAXONNE) ». En un parcours de 150 disques, ce livre se propose de dresser une histoire de la folk musique et de ses actuelles descendances… Cette première émission débute dans les années 50 et s’achève à la fin des années 60…
ECOUTER L’EMISSION – PARTIE 1
ECOUTER L’EMISSION – PARTIE 2
A l’occasion, début décembre, de la séance d’écoute folk qu’il a mené au Daki Ling à Marseille, Philippe Robert a été interviewé par le journal VENTILO. Une interview fleuve et très intéressante qui nous fait découvrir le personnage, son écoute et son rapport à la musique, ses ouvrages, son goût pour le folk et la musique psychédélique mais, entre toutes, du jazz et du free jazz. Il revient aussi, bien sûr, sur la genèse de Folk & Renouveau, co-écrit avec Bruno Meillier, label manager d’Orkhêstra International et fondateur du Festival Les Musiques innovatrices.
EXTRAITS :
Philippe Robert… ce nom vous dit sûrement quelque chose. Si vous vous intéressez à la littérature musicale du moins, vous l’aurez probablement déjà croisé en rayons ou en bas d’un article. Après avoir collaboré pour de nombreux titres de la presse écrite française spécialisée (des Inrocks à Mouvement, pour ne citer que les plus connus), il se consacre depuis quelques années à la rédaction d’ouvrages, en proposant des discographies sélectives élaborées en parcours initiatiques, au cœur des musiques d’hier et d’aujourd’hui, tous styles confondus. Invité début décembre au Daki Ling pour animer une séance d’écoute collective organisée par le GRIM et l’AMI, afin de marquer la sortie de son nouveau bouquin Folk et renouveau, une balade anglo-saxonne paru aux éditions marseillaises Le Mot et le Reste, nous nous sommes longuement entretenu avec lui.
Peux-tu te présenter comme tu te présenterais à des personnes que tu viens de rencontrer ?
J’ai beaucoup de mal avec ça. Déjà, j’ai un boulot à côté, qui me prend beaucoup de temps, donc le principal de mon activité, ce n’est pas d’écrire des livres, même si c’est ce qui m’intéresse le plus. Je ne vis pas de l’écriture et je ne me présente pas comme un auteur. J’en ai un peu vécu à l’époque où je travaillais dans la presse, mais je ne me suis également jamais considéré comme un journaliste, tout au plus comme un collaborateur free-lance. Pour ceux dont je me souviens de tête, j’ai bossé pour Les Inrockuptibles, Vibrations, Jazz Magazine, Mouvement, Revue & Corrigée, Guitare & Claviers, Batteur Magazine… Et puis j’ai surtout travaillé pour des fanzines plus ou moins connus comme Octopus, des choses plus underground comme Ortie. J’ai commencé avec les fanzines, mon propre titre bien sûr, Numéro Zéro, mais aussi celui de Marie-Pierre Bonniol, Supersonic Jazz, anciennement installé à Marseille. J’ai peut-être été professionnel à une époque, donc, mais je n’ai jamais revendiqué ce statut, tout comme je ne revendique pas, aujourd’hui, le statut d’auteur. J’écris des livres pour partager des choses et y voir plus clair dans ma discothèque, principalement. Et je préfère plutôt discuter avec les gens que de me présenter de quelque manière que ce soit.
Comment présenterais-tu ton dernier livre, Folk & renouveau, une balade anglo-saxonne ?
Tout d’abord, je n’ai pas écrit ce livre tout seul, mais avec Bruno Mellier, un ami de longue date, que j’avais interviewé pour Revue & Corrigée, car il est musicien. Il organise désormais, entre autres, le festival Les Musiques innovatrices à Saint-Etienne. Mon premier bouquin, Rock, Pop, un itinéraire bis en 140 albums essentiels, toujours chez Le Mot et le Reste, faisait déjà la part belle au folk. Puis j’ai sorti plusieurs livres, et Yves Jolivet, le fondateur de la maison d’édition, m’a proposé d’écrire un livre sur le folk. Et même si à l’époque j’aurais préféré écrire un livre sur le psychédélisme, l’idée a finalement germé. Ce qui était important pour Bruno et moi, c’est que ce ne soit pas un livre de plus sur le folk ; la notion de « renouveau » est d’autant plus importante que le folk, si on le regarde bien, tout au moins au XXe siècle — on commence le bouquin en 1927 —, n’est qu’une succession de renouveaux et d’allers-retours, notamment entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
A propos, malgré le fait que le folk soit traditionnellement anglo-saxon, penses-tu qu’il y avait, à l’époque, une culture folk française ?
Oui, bien sûr. Il y a des groupes de folk français historiques, issus des années 70. Il y a même un livre assez peu connu qui, il me semble, a été édité par la Librairie Parallèle à Paris, recensant tous les disques de folk sortis en France à cette époque-là. Et puis il ne faut pas oublier que nous avons un magazine nommé Rock & Folk, et s’il s’appelle comme ça, c’est, entre autres, grâce à Jacques Vassal, qui tenait sa rubrique « Fou du folk », faisant écho de ce qui se passait en France mais pas seulement. Ok, dans Rock & Folk, le gros de l’artillerie c’était des articles consacrés à Bob Dylan et Leonard Cohen, mais à côté de ça, Jacques Vassal pouvait parler de Malicorne, La Bamboche ou autres. En ce qui nous concerne, nous ne voulions pas trop élargir le sujet, qui nous paraît trop vaste, et puis nous ne sommes pas assez compétents en matière de folk français. Il y a très peu de spécialistes dans ce domaine. D’ailleurs, j’aimerais beaucoup livre un livre sur ce mouvement. En plus, si la majorité des vinyles de folk anglo-saxons ont été réédités, même les plus obscurs, ce n’est pas du tout le cas des français. Beaucoup coûtent désormais une fortune et sont réservés aux collectionneurs.
(...)
Comme à l’habitude, les éditeurs nous proposent en cette fin d’année de nombreux ouvrages de grande qualité concernant le monde musical, l’histoire de la musique et ses héros intemporels, afin que nous puissions faire des cadeaux marquants à nos proches. Les éditions Le mot et le Reste de Marseille frappent encore très fort avec quatre livres et en premier lieu, Folk et Renouveau de Philippe Robert et Bruno Meiller qui propose une analyse des différents styles de ce courant et un choix très pointu d’albums couvrant neuf décennies d’Harry Smith à Leonard Cohen et Bonnie Prince Billy en passant par Devandra Banhart. Ensuite, voici Hammer of the gods de Stephen Davis, la biographie de référence du mythique groupe Led Zeppelin enfin traduite en français, après avoir connu un succès retentissant à travers le Monde. À noter également Beat Hotel de Barry Miles qui retrace avec brio les années parisiennes des grandes figures du beat Ginsberg, Burroughs et Corso et Bill Graham présente, l’autobiographie du promoteur américain de génie qui marqua les années soixante et soixante-dix Les éditions Camion Blanc ne sont pas en reste avec Rock and Roll Rebel ?, une biographie passionnante de Jean Do Bernard qui nous conte le parcours de Neil Young , l’un des musiciens les plus brillants de sa génération, qui a marqué quatre décennies faites de rock, de blues de folk et de country. L’anthropologie du rock psychédélique anglais d’Alain Pire nous emporte dans la révolution culturelle qui secoua l’Angleterre entre fin 1965 et fin 1967. L’auteur se penche en détail sur la contre-culture, le lsd et la musique de l’époque qui ont modifié en profondeur la société occidentale. Les éditions du Castor Astral marquent, quant à elle, leur différence avec British blues de Gilles Blampain. L’Angleterre des années 60 succomba au blues et de nombreux groupes mythiques (Rolling Stones, Who, Yardbirds, Pretty things) et bien d’autres se firent les chantres de ce mouvement musical trépidant. Parrallèlement, apparut dans les mêmes années, une tribu d’un genre nouveau, les Mods, dandies élitiste des temps modernes dont l’influence fut considérable et François Thomazeau nous la rappelle dans Mods, la révolte par l’élégance. Les éditions Jbz ont décidé de fêter à leur manière le 50e anniversaire de la naissance des Beatles avec The beatles Discomania de François Plassat. L’auteur déroule pas à pas, disque après disque, le fil d’un demi-siècle de la création musicale des Fab Four à travers la discographie du groupe, mais également le parcours solo de chaque musicien et leurs innombrables participations à d’autres albums en tant qu’invités. Autre analyse discographique, celle de l’oeuvre de Renaud à travers le recueil d’Alain Wodraschka qui apporte un éclairage nouveau sur le répertoire du chanteur et révèle une existence semée de joies, de drames, de succès fulgurants et de passages à vide. Pour terminer ce tour d’horizon non exhaustif, les éditions Fetjaine nous proposent La discothèque parfaite de la chanson française de Stan Cuesta et Gilles Verlant, dans une exploration érudite de tous les genres et un choix de 200 albums indispensables d’Edith Piaf à Gainsbourg jusqu’à Jp Ntaf ou Renan Luce. Enfin, Dom Kiris a choisi dan Rock Collection de se pencher sur tout le look rock de 1950 à aujourd’hui à travers instruments, mode, attitude, voitures, danse etc… Cet ouvrage détaille toutes les composantes de chaque époque, de chaque look en s’attachant aux stars ou aux anonymes qui ont popularisé ces « mouvements de mode », allant des rocker, baba, grunge, new wave ou glam.
Le label “De Stilj Records” aime Folk & Renouveau et le promeut sur son site !
“Bien plus qu’un répertoire de vieilles chansons, ce que les Anglo-Saxons ont fini par nommer folk music est le fruit d’un processus entamé depuis des centaines d’années, et constamment remis sur l’ouvrage au fur et à mesure de l’évolution de l’environnement dans lequel les folksongs ont pris naissance. Profond, l’enracinement n’a pas empêché renouvellement et métamorphoses. Et cela du moment où les 78-tours commencèrent à s’écouler par milliers à destination du public rural, soit depuis 1927, année dont datent les enregistrements les plus anciens retenus dans la fameuse Anthologie de la musique folk américaine d’HARRY SMITH, jusqu’à l’émergence du mouvement free folk dans les années deux mille. Neuf décennies que raconte cet ouvrage, traversées et nourries d’échanges culturels au contact de l’électricité du rock, du psychédélisme ou de l’improvisation chère au jazz.”
Folk & Renouveau, livre de la semaine de l’excellente émission Easy Rider présentée par Olivier Valerio sur Radio PFM.
Bien plus qu’un répertoire de vieilles chansons, ce que les Anglo-Saxons ont fini par nommer folk music est le fruit d’un processus entamé depuis des centaines d’années, et constamment remis sur l’ouvrage au fur et à mesure de l’évolution de l’environnement dans lequel les folksongs ont pris naissance. Profond, l’enracinement n’a pas empêché renouvellement et métamorphoses. Et cela du moment où les 78-tours commencèrent à s’écouler par milliers à destination du public rural, soit depuis 1927, année dont datent les enregistrements les plus anciens retenus dans la fameuse Anthologie de la musique folk américaine d’Harry Smith, jusqu’à l’émergence du mouvement free folk dans les années 2000. Neuf décennies que raconte cet ouvrage, traversées et nourries d’échanges culturels au contact de l’électricité du rock, du psychédélisme ou de l’improvisation chère au jazz. Ou encore : de Roscoe Holcomb à Pete Seeger, de Woody Guthrie à Bob Dylan, des Byrds à Fairport Convention, de Tim Buckley à Dredd Foole, de John Fahey à James Blackshaw, de Tyrannosaurus Rex à Devendra Banhart, et de Karen Dalton à Joanna Newsom en à peine moins de 150 albums replacés dans leurs contextes.
“LE BRISE GLACE:http://www.le-brise-glace.com/fr/Espace_info/A_decouvrir/A-lire-FOLK-et-RENOUVEAU…_634.html
Hier soir (jeudi 17 novembre), l’émission Addictions présentée par Laurence Pierre du lundi au jeudi était largement consacrée au folk ainsi qu’à la sortie de l’ouvrage Folk & Renouveau (”…un événement, c’est la sortie de ce livre absolument énorme… Le livre est très très bien fait…”). A la clé aussi une playlist Folk en partie issue de l’ouvrage et une présentation d’un autre titre paru aux éditions le mot et le reste : Bill Graham présente, une vie rock’n’roll.
Lecture d’un extrait de Folk & Renouveau (chronique consacrée à l’album Pink Moon de Nick Drake) jeudi 17 novembre dans l’émission littéraire Nova Book Box de Richard Gaitet, sur Radio Nova.
“Natif du village de Tanworth-in-Arden où il passe également le terme d’une existence que submerge un mal-être prononcé, Nick Drake n’aurait-il eu d’autre alternative que de dissimuler son excès de vulnérabilité aux coups de boutoir du monde ? Plume poétique si fragile qu’elle ne saurait avoir été taillée pour forcer une malle, cet ex-étudiant en lettres anglaises n’en apprécie pas moins Rimbaud et Verlaine (attrait pour la France qu’il cultive depuis un séjour à Aix-en-Provence en 1967), tout en se délectant de Chopin, Delius, Dylan et du folk baroque anglais. Joe Boyd, devenu son producteur après qu’il eût été alerté par Ashley Hutchings (Fairport Convention, Steeleye Span) a confié à John Wood, preneur de son de ses autres disques, la délicate mission de recueillir cette voix en résonance toujours plus intime avec le beau
et le vrai. Si Five Leaves Left fut l’album de la floraison, Bryter Later celui de la fructification (John Cale ne tarit pas d’éloges sur son auteur depuis qu’il y a participé), Pink Moon, bien qu’enregistré en quelques heures, est l’opus du ponant et des ombres qui s’allongent à mesure que la lumière décroît. De peu de mots, de
peu de notes, ainsi désiré par un créateur de vingt-trois ans que préoccupe – rendez-vous compte – un resserrement de lui-même autour d’ultimes forces vives, cet au-delà du folk relève d’une sublimation si évidente qu’il serait réducteur (en tout cas pas moins que chez Robert Johnson ou Van Gogh à qui l’astreinte de l’effacement
s’apparente) d’aller suspendre cette « lune rose » au crochet d’un quelconque courant. S’il fait désormais loi que l’œuvre d’art, une fois tranché le cordon ombilical d’avec son créateur, poursuit une destinée qui lui est propre, on ignore encore à l’époque de sa parution que Pink Moon deviendra le disque le plus vendu de
Nick Drake. Hormis quelques touches de piano enfoncées sur le morceau-titre, la voix et la guitare se prêteront, sans autre accompagnement, au rite de la consolation ici célébré à onze reprises.
Participent à cet épanchement d’âme en âme : « Know », noyau d’étoile se gorgeant d’énergie en son tourbillon accéléré ; « Road » et sa guirlande de syncopes ; ou bien encore « Horn » dont trois notes de guitare affleurent à la surface du vide. Si la mécanique obsessionnelle de « Parasite » fait écho au « Dear Prudence » des
Beatles, « From The Morning » célèbre l’aube d’un jour nouveau, puis asperge d’une rosée diluant toutes les peurs de la nuit. Un matin du 25 novembre 1974, Nick Drake s’absentera de ce monde ignorant que son œuvre parlerait un jour au plus grand nombre.”
Dans ARTE JOURNAL (édition du soir) daté du 14 novembre, parmi la sélection Rock Pop de Bertrand Loutte, présentation de l’ouvrage Folk & Renouveau intitulée des “balises sur les chemins tortueux du folk”.
Vous pouvez visionner la vidéo pendant 7 jours encore sur www.arte.tv/plus7 (à partir de la minute 22), sinon, voici une transcription du sujet.
“C’est au tour du folk anglo-saxon, après le post-punk et les musiques expérimentales, d’être soumis au tamis de Philippe Robert, indispensable encyclopédiste. Secondé par Bruno Meillier, l’auteur arpente un genre aux ramifications plus nombreuses qu’on l’imagine. Près de 150 albums sur neuf décennies sont ici auscultés, de Woody Guthrie à Joanna Newsom, en passant par les Byrds ou The Incredible String Band, sans oublier Bert Jansch, guitariste essentiel disparu le mois dernier et à qui il convient de rendre hommage.”
L’excellent éditeur marseillais Le Mot et le Reste s’apprête à sortir Folk et Renouveau, une balade anglo-saxonne, un ouvrage réalisé par Bruno Meillier (ex-Etron Fou Leloublan, Les I, Bruniferd, Zero Pop…, organisateur du festival Musiques innovatrices et label manager d’Orkhêstra International) et Philippe Robert (ancien collaborateur aux Inrockuptibles, Vibrations, Jazz Magazine, Guitare et Claviers, et déjà auteur de plusieurs livres chez le même éditeur).
Cet ouvrage, à paraître le 17 novembre prochain, parcourt neuf décennies d’albums, de la célèbre anthologie de Harry Smith à Joanna Newsom en passant par Donovan, Trees, Dando Shaft, Heron, Ed Askew, Michael Hurley, Bonnie “Prince” Billy, Crosby, Stills, Nash and Young ou Leonard Cohen, sans oublier les virtuoses du finger-picking que sont John Fahey, Robbie Basho, Jack Rose ou James Blackshaw, parmi 130 autres non moins intéressants.
Philippe et moi avons tous deux sorti des livres chez le même éditeur (Le Mot Et Le Reste) et écrit pour le même journal. Nous ne nous sommes jamais rencontrés, en vrai, mais j’ai souvent eu l’impression de le croiser. J’avais même reçu une lettre, il y a 15 ans, d’une fille qui était sa copine et qui, à la lecture de mes papiers, m’écrivait en plaisantant, que, vu mes goûts, je devais être lui sous un pseudonyme. Ces jours-ci, Philippe travaille sur un livre autour du folk. Et il a eu la gentillesse de m’adresser cette liste commentée, reprenant quelques essentiels du genre, avec un texte d’introduction – à vous, maintenant, d’aller dénicher les morceaux, les albums, les vidéos… Philippe Robert : « Une liste plutôt centrée sur le folk-rock et l’acid folk anglo-saxons des années 1960 et 1970, débouchant toutefois sur le free folk des années 2000. C’est-à-dire très précisément ce dans quoi je baigne aujourd’hui, du fait de l’écriture à quatre mains de « Folk & Renouveau, une balade anglo-saxonne », composé avec mon ami Bruno Meillier, qu’on connaît surtout comme musicien, organisateur du festival Musiques Innovatrices à Saint Etienne et label manager d’Orkhêstra International. Ce livre couvrira la période 1927–2011, énormément de choses me touchant dans le folk, de John Jacob Niles à Martin Simpson, de Roscoe Holcomb à David Crosby, de Roy Harper à Steve Tilston (l’autre Nick Drake si c’est possible). Avec Bruno cela fait déjà quelques années que l’on s’est retrouvé autour de cette musique, le festival qu’il programme ayant même offert l’occasion d’écouter le génial Simon Finn. »
Sandy Bull « Fantasias For Guitar & Banjo », Vanguard, 1963.
L’un des chocs musicaux du guitariste Sandy Bull aura été la découverte du free jazz d’Ornette Coleman, via son ami le bassiste Buell Neidlinger, qui jouait alors avec Cecil Taylor. D’où l’idée d’enregistrer un LP instrumental, dont une des faces est un duo avec le batteur Billy Higgins, dans une veine évoquant le duo Mick Flower / Chris Corsano. « Carmina Burana » de Carl Orff est aussi repris, et l’on se demande à quel point Matthew Young a pu en avoir ou pas connaissance au moment d’en enregistrer sa version sur le très bon « Traveler’s Advisory » dans les années 1980.
Pat Kilroy « Light Of Day », Elektra, 1966.
Un des grands disques d’un label qui n’en manque pas. Assez proche de ce que fera Tim Buckley à l’époque de « Lorca » et « Starsailor ». Influencé par Gurdjieff, la musique d’Ali Akbar Khan et les percussions africaines – entre autres. Pat disait chercher de nouveaux horizons… Sous son nom, c’est malheureusement son seul disque. Le jour de Noël 1967, Pat disparaît des suites d’une grave maladie. On lui doit aussi un disque psyché en trio avec The New Age et son amie Susan Graubard.
Dino Valenti « Dino Valente », Epic, 1968.
Les soi-disant fans de Quicksilver Messenger Service ont toujours détesté ce chanteur au profit du guitariste John Cipollina, parce qu’ils préfèrent les longues improvisations planantes aux chansons. En ce qui me concerne ils ont tort. Ecouter ce disque devrait réconcilier les réfractaires, enfin j’espère : quelle voix, et quelles compos ! Et puis certains passages des Quicksilver postérieurs à « Happy Trails » valent largement le détour. C’est un peu la même chose qu’avec Fleetwood Mac après le départ de Peter Green, la fameuse période « Welch » vilipendé çà et là par les amateurs de blues-rock purs et durs.
Robbie Basho « Venus In Cancer », Blue Thumb, 1969.
A la différence de John Fahey, Robbie Basho reste à découvrir. Pour feu-Jack Rose l’histoire de la douze cordes commençait et finissait avec Robbie Basho. C’est excessif mais pas loin d’être vrai. « Cathedrals et Fleur de Lis » est un des chefs-d’œuvre du genre. Et quand Robbie chante c’est aussi beau que du Yma Sumac. Pete Townshend l’adorait. Jimmy Page connaît ce disque par cœur. James Blackshaw et Steffen Basho-Junghans s’en sont approchés dans les années 2000 : « River Of Heaven » du premier porte bien son nom, c’est une œuvre majeure.
Michael Chapman « Fully Qualified Survivor », Harvest, 1970.
L’un des trois albums préférés de John Peel en 1970. Grosse influence sur David Bowie qui en débauchera le second guitariste, à savoir Mick Ronson, pour ses Spiders From Mars. A l’époque Bowie écoutait Tyrannosaurus Rex, Comus, Biff Rose et ça s’entend jusque sur « Hunky Dory » : la classe ! Aujourd’hui Thurston Moore redécouvre Michael Chapman, lui offre d’improviser à la gratte, et ça se trouve sur Ecstatic Peace!.
Perry Leopold « Experiment In Metaphysics », WS, 1970.
Un disque autoproduit, distribué gratuitement aux passants et enregistré en une journée dans le sous-sol d’une boutique de Philadelphie. La pochette : juste une étiquette collée, portant mention de l’auteur et du titre de la chose. Un disque parait-il réalisé sous LSD (la légende ?), sous influence très certainement : et selon Perry il s’agit de prendre conscience qu’éveil et chaos sont des éléments inséparables d’une même réalité. Grosse influence dans les années 2000 sur Daniel Higgs.
Peter Walker « Long Lost Tapes 1970 », Tompkins Square, 1970.
En fait ce disque n’est sorti qu’en 2009, sauf qu’il a été enregistré en 1970 pour paraitre cette année-là sinon celle d’après, mais pas quarante ans plus tard ! Timothy Leary disait de ce guitariste qu’il mettait en vibration le code génétique de l’humanité, et c’est à ce titre qu’il lui a confié d’accompagner musicalement des initiations au LSD. La vie de Peter Walker est un roman. Aujourd’hui il joue du flamenco qui n’appartient qu’à lui, un peu comme Josephine Foster avec son mari Victor Herrero. Ben Chasny, de Six Organs Of Admittance, le préfère encore à Robbie Basho et John Fahey (ça exagère pas mal chez les virtuoses de la guitare sèche). Et ces bandes perdues oscillent entre raga psyché et free jazz tout cool. Avec Mark Whitecage, Perry Robinson, Badal Roy…
O.W.L. « Of Wonderous Legends », Locust, 1971.
En 2004, Dawson Prater, du label Locust, découvre dans un dépôt-vente de Chicago un test pressing de ce groupe relativement mystérieux que je conseille vivement aux fans de Pearls Before Swine de la période ESP. Pochette superbe, à la hauteur de l’inspiration revendiquée : William Blake, Ingmar Bergman, le romantisme victorien, et les visites au Louvre et à Cluny afin de se ressourcer aux mythes et symboles de la vieille Europe. Cet album a été pensé comme une « épopée naïve » débarrassée de toute niaiserie
Davy Graham « Broken Biscuits », Les Cousins, 2007.
On pourrait faire coïncider l’émergence du folk-rock britannique avec la sortie d’un influent EP réalisé par le guitariste Davy Graham en 1961. Dessus se trouve « Angi » sur lequel tous les guitaristes, y compris Bert Jansch, John Renbourn et Richard Thompson, se sont exercés les doigts. Dans son jeu de multiples empreints se mélangent, faits au british blues d’Alexis Korner, au folk celtique, à la Renaissance élisabéthaine. Sans oublier la musique marocaine et les gammes indiennes. Tout ceci est à l’honneur sur ce disque tardif d’un Davy techniquement diminué, mais extrêmement touchant, comme Billie Holiday sur la fin de sa vie.
Dredd Foole & Ed Yazijian « That Lonesome Road Between Hurt And Soul », Bo’ Weavil, 2009.
L’un des grands disques du free folk. L’inspiration principale en est le yodle halluciné de Tim Buckleyy sur « Lorca ». L’on songera aussi à certaines impros d’Erica Pomerance pour le label underground new-yorkais ESP, ou à MIJ, pourquoi pas ? A écouter en priorité les quinze minutes ici consacrées à Tim Buckley, époustouflantes. Et le démarquage d’avec « Someone Said » de Jay Mascis And The Frog. Parfois David Crosby à l’époque de « If I Could Only Remember My Name » n’est pas loin non plus.