Revue de presse
Aujourd’hui Pop N’Co retrace l’histoire de la bande son du 11 Septembre 2001 parce que depuis cette date, et depuis celle du 13 Novembre 2015, nos oreilles ont changé. Nous n’écoutons plus les chansons de la même façon. Elles se sont lestées d’un autre sens.
Comment la musique agit après la violence ? On va répondre à cette question avec un musicien. C’est Gaëtan Roussel. Et avec Jean-Marie Pottier, un journaliste indépendant qui a signé un essai paru en 2016 aux éditions Le Mot et Le Reste.
“Ground Zero, une histoire musicale du 11 septembre”, c’est le titre.
Et “Tassusmi”, c’est celui de la chanson dans laquelle je vous ferai entrer, un peu avant midi.
Celle qui en est l’interprète et l’autrice s’appelle Yelli Yelli.
“Tassusmi”, ça veut dire le silence en kayble. Et le morceau de Yelli Yelli contient ce proverbe : le silence embellit la bouche.
Alors que la remémoration du terrifiant 11 septembre est devenue un classique, pour ne pas dire un marronnier du journalisme ou du documentaire avec des milliers de sujets, reportages ou films qui lui sont très régulièrement consacrés, l’aspect musical au paysage de ces jours-là, hormis les vus et revus Springsteen et Ryan Adams, est notoirement négligé. *L’exhaustif _Ground Zero, Une
Histoire Musicale Du 11 Septembre* de JM Pottier répare abondamment cette insuffisance et le tableau qu’il dresse par le seul angle de la musique et des musiciens, devient sous sa plume érudite un fidèle et vivant état des lieux du 11 septembre, son avant et ses après.* Bien sûr, ici nous savons tous depuis longtemps que la musique est un parfait fil rouge pour explorer une époque et une société et cette grille de lecture s’applique d’autant plus à la tragédie du 11 septembre que l’attentat tout comme ceux du 13 novembre en France, s’attaquait à notre société tout autant qu’à notre culture et faisait de fait, des arts – au premier rang desquels la musique particulièrement haïe – et des artistes, les symboles et les premiers hérauts de nos valeurs et vertus. Du coup, hop, tous les musiciens, new-yorkais ou pas, américains ou pas, rock ou classiques, directement touchés ou pas mais tous accablés, devinrent avec plus ou moins de bonheur et de recul, les ambassadeurs de cette cause-là, faisant d’une certaine façon d’Oussama ben Laden “l’artiste rock le plus influent de 2002”. Certains y puisèrent une inspiration, comme Springsteen ou Neil Young et son “Let’s Roll” en écho à la formule fatidique prononcée par un otage dans un des avions, d’autres comme Jay-Z ou Biggie changèrent dlscretos des paroles embarrassantes (“Time to get paid, blow like the world trade”) tandis que, déjà, Kanye West étalait son goût tapageur et que le titre de Cohen repris par Buckley, “Hallelujah”, devenait un spiritual repris en boucle. Sans oublier bien sûr notre Nobel Dylan en indiscuté voyant prophétique qui réussit le prodige de sortir le 11 septembre même un album visionnaire – “incroyable il a publié un album à propos de ce qui se passe aujourd’hui et on ne sait comment, il l’a fait aujourd’hui !” – album que ses fans les plus hardcore, c’est à ça qu’on les reconnaît, se précipitèrent malgré tout acheter le jour même dans la ville paralysée. Si, comme nous le dit Pottier, chaque œuvre d’art et donc chaque titre et chaque chanson deviennent alors une “victoire, même minime, même dérisoire, remportée par l’art (et qui) équivaut arithmétiquement à une blessure pour le camp adverse”, la foisonnante moisson de quinze ans de musique qu’il relève et décrit dans ces pages n’a pourtant pas conjuré le sombre ”blood sutra” de ce sale rendez-vous d’automne. Le mot de la fin et le seul enseignement de l’histoire reviennent peut-être à Sonic Youth qui dut littéralement épousseter son studio au pied des tours pour finir d’y enregistrer le pourtant serein “Murray Street” dont seules quelques lignes de “Tin Man” trahissent quand même l’expérience traumatisante du groupe : “Gather friends, gather fear, gather again”.
La cicatrice est encore vive, et dire que les attentats du 11 Septembre ont bouleversé l’Occident, son identité comme ses relations avec le Moyen-Orient serait en dessous de la vérité. Les artistes, caisse de résonance des traumas et réflexions traversant la société, se sont naturellement fait l’écho de ce traumatisme. Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef de Slate.fr, s’est penché sur le cas des musiciens. Comment les attentats les ont-ils affectés ? Après le drame, la musique s’est d’abord tue. Puis elle est revenue, catharsis tant pour les artistes que pour le public. L’auteur évoque ainsi les morceaux écrits par Lou Reed ou Bruce Springsteen après les attaques. La musique comme rempart à la haine et la brutalité ? Oui. Toujours. Le livre débute par une citation du compositeur Leonard Bernstein : « Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’auparavant. » On ne pourrait mieux dire les choses.
Lire la chronique dans le numéro 79 de Longeur d’ondes
Dans son premier essai, Indie Pop – 1979–1997, publié aux éditions Le mot et le reste, Jean-Marie Pottier réalisait une sélection de 100 albums essentiels de la pop anglaise. Alors que ce genre d’exercice s’avère souvent difficile à mener à bien – il faut sans cesse jongler avec les idées pour ne pas tomber dans le catalogue répétitif de textes poussifs et didactiques –, Jean-Marie Pottier en faisait une véritable aventure historique parsemée d’histoires et d’anecdotes inattendues, toujours choisies avec soin, sans jamais se contenter des plus graveleuses d’entre elles. Ce souci de l’anecdote sensible, de l’exemple qui fait sens et du détail qui change tout semble au cœur du travail de Pottier, et se retrouve dans son nouveau livre, Ground Zero, Une histoire musicale du 11 Septembre, toujours chez Le mot et le reste.
D’un sujet potentiellement limité qui chez d’autres se serait matérialisé sous la forme d’une liste de chansons traitant de l’événement, Jean-Marie Pottier tire un texte très riche à la fois en termes de construction, dont les circonvolutions maintiennent toujours l’intérêt du lecteur, qu’au niveau de son contenu, Pottier multipliant les références inattendues et les interviews. Successivement, il aborde l’impact des tragédies sur la création, interroge la place que peut occuper la musique face à la douleur, évoque les albums sortis ce jour-là, mais aussi tous ceux qui, sortis avant ou après, résonnent avec l’événement. On plonge dans le lien entre un pays, ses traumatismes, sa musique, ses hymnes et ses figures.
Il en ressort un essai sur le symbolisme en musique et sur la nécessité d’analyser et d’expliquer celle-ci pour comprendre ce qu’elle renferme et l’apprécier à sa juste valeur. Les paragraphes du livre consacrés à la chanson « Jesse » de Scott Walker sont à ce titre éloquents. Pour parler du 11 septembre, le post-crooner américain évoque Jesse, le frère jumeau d’Elvis Presley et reproduit le magma sonore de l’effondrement des tours jumelles sur un riff du king. À lui seul, ce passage rappelle combien il est essentiel d’écrire sur la musique.
Il est difficile d’aborder un événement mondial comme le 11 Septembre sans ressentir le besoin de raconter ce que l’on faisait au moment de la tragédie. Pourtant, Jean- Marie Pottier ne dit jamais dans Ground Zero, Une histoire musicale du 11 Septembre, ce qu’il faisait ce jour-là. Il s’efface derrière son sujet, en soulignant que malgré l’aspect tentaculaire des thèmes abordés, tout n’y a pas sa place. L’impression qui ressort du livre est que le rapport entre le 11 Septembre et la musique ne diffère absolument pas de notre rapport à la musique en général. Le livre est juste une illustration de ce rapport si particulier où les chansons s’imbriquent sans cesse dans notre quotidien, interagissent avec lui, et donnent une coloration à tous nos souvenirs. Il y a toujours un sens dans les chansons, dans le pourquoi nous nous les rapproprions ou les écoutons en boucle. La musique est itérative. Les chansons se consomment encore et encore, et l’obsession que nous nourrissons à leur égard est bien différente de celles que nous entretenons avec des livres ou des films, lus et vus un nombre limité de fois, avec un niveau de concentration élevé qui ne permet pas au monde extérieur de se greffer dessus. Du coup, Ground Zero, Une histoire musicale du 11 Septembre, sonne comme une volonté d’écrire un livre sur l’expression éculée qui veut que les disques soient les bandes sons de nos vies, mais en conférant un vrai sens à celle-ci via le meilleur exemple possible, celui d’une des plus grandes tragédies modernes aux répercussions symboliques encore bien présentes.
Consulter la chronique sur The Playlist Society
Entre hip-hop, jazz, rock, et musique classique, Jean-Marie Pottier explore la façon dont un événement peut frapper la production musicale mondiale. Pendant, après… mais aussi avant. Qu’il s’agissent de lyrics prémonitoires (Rakim, Prince, Kurt Cobain…), ou d’incroyables coïncidences ayant valu aux groupes concernés de sérieuses enquêtes par le FBI. On pense à la pochette du duo rap The Coup montrant le World Trade Center en train d’exploser (Party Music, le 5 septembre 2001) ou à la formation metal Dream Theater arborant en couverture les deux tours jumelles enflammées (Live Scenes From New York, le… 11 septembre 2001.)
Jean-Marie Pottier déroule la bande-son du 11 Septembre sur deux décennies, jusqu’à son funeste prolongement parisien, le 13 novembre 2015. Quand la musique accompagne et panse les plaies.
Durant l’hiver qui suivit les attentats du 11 septembre 2001, le compositeur Ned Rorem déclara à propos de sa pièce Aftermath (répercussions): «Après un tel choc, je me suis demandé comme un millier d’autres compositeurs: à quoi bon la musique maintenant? Il m’est vite apparu que la musique était le seul but valable. Car le futur nous jugera, comme il juge toujours le passé, sur notre art plus que sur nos armées – sur la construction plus que sur la destruction.»
Cette profession de foi a inspiré à Jean-Marie Pottier un catalogue de «vestiges instantanés» publié sous le titre Ground Zero, une histoire musicale du 11 Septembre. Du rappeur Jay-Z, dont l’album The Blueprint est paru le jour des attentats, à Steve Reich, auteur en 2011 d’une évocation musicale des événements (WTC 9/11), en passant par Bob Dylan, Laurie Anderson, Sonic Youth, Scott Walker ou encore Radiohead, dont l’album Hail to the Thief (2003) se référait à l’élection volée par George W. Bush, alors que la «riposte» s’abattait sur le Proche Orient…
Pas d’hymne incontestable
Ground Zero paraît opportunément pour les 15 ans des attentats. A bonne distance pour l’analyse, juge l’auteur, rédacteur en chef de Slate.fr, version française d’un site d’info étasunien, à tendance atlantiste. On notera que les Etats-Unis, cœur d’une industrie culturelle dont l’hégémonie n’a pas d’équivalent, ont produit bien plus d’œuvres et de commentaires sur ce drame qui les a frappés que l’Afghanistan ne le fera jamais sur les «dégâts collatéraux» subis ou la Syrie sur les tueries de masse en cours.
Ceci posé, l’exercice n’en est pas moins passionnant. Car l’impact du 11 Septembre sur la culture populaire, la musique en l’occurrence, est immense et se mesure à plusieurs degrés. Et cela bien que – Jean-Marie Pottier insiste –, l’événement n’ait pas enfanté son hymne incontestable, du calibre d’«Imagine» ou de «Born in the USA». Il y a eu ce grand concert télévisé, A Tribute to Heroes, organisé au profit des familles des victimes et qui a mobilisé tout le gratin du showbiz, dix jours après les attentats. Mais c’est comme si les attaques elles-mêmes restaient du domaine de l’indicible. Quelques compositeurs comme Steve Reich avec WTC 9/11 ou William Basinski et ses Disintegration Loops sont parvenus à en reformuler le trouble de manière forcément abstraite, impressionniste.
Avertissements prophétiques de Dylan
Dans un autre registre, certains disques prescients ont semblé annoncer la catastrophe. A commencer par Kid A de Radiohead, sorti en octobre 2000, avec ses évocations abstraites allant de la quiétude du petit matin jusqu’au chaos («How To Disappear Completely»). Interprétation tirée par les cheveux, mais qui a fait dire au critique Chuck Klosterman que Kid A était «la bande son du 11 Septembre». Love and Theft de Bob Dylan est paru le jour des attentats, comme pléthore d’autres durant ce «Super Tuesday» discographique, formule employée par le Village Voice. Truffé d’avertissements prophétiques et d’imagerie apocalyptique, Love and Theft a plongé la critique dans des abîmes de perplexité (que savait-il? le hasard suffit-il à l’expliquer?).
Mais la palme du cocasse et de l’absurde, à ce niveau de coïncidence, revient à la pochette de Party Music du duo The Coup, rappeurs anti-establishment. Sortie prévue le 11 septembre 2001. Sur la pochette, les deux MC font les malins sur fond de Twin Towers en flammes (l’un d’eux a le doigt sur le détonateur). Allô Ben Laden? Le visuel refusé par la maison de disques, c’est une pochette différente qui verra le jour. Reste que le groupe ne s’en est jamais vraiment remis, alors que son idée fumeuse s’expliquait aisément par le caractère emblématique des deux gratte-ciel d’affaires et par le précédent de 1993 (une voiture piégée dans la tour Nord faisait six morts et un millier de blessés).
La musique nous guérit
Jean-Marie Pottier passe au crible de nombreux albums, tous domaines confondus, détaillant leur genèse et leur réception, rappelant certains faits méconnus ou oubliés. Par exemple la liste noire qui bannit un temps des ondes étasuniennes une série de titres aux paroles jugées inappropriées… dont «Aeroplane» des Red Hot Chili Peppers ou «Jump» de Van Halen! Ou le tollé suscité par la chanteuse des Dixie Chicks, stars de la country music, déclarant en 2003 qu’elle avait «honte de partager les mêmes origines que George W. Bush». Conséquence dans le climat de patriotisme hystérique, une exclusion médiatique et des autodafés publics.
La fin de Ground Zero s’attache à tirer un parallèle avec l’attaque du Bataclan, le «11 Septembre français.» Pour conclure que la musique «nous accompagne, nous guérit, nous sauve des périodes de terreur». Un peu court pour l’analyse politique, mais très vrai pour tous ceux qui ont trouvé dans «NYC» d’Interpol ou «Hallelujah» par Jeff Buckley des raisons d’espérer.
Retrouvez l’article sur le site du Courrier
Le 11 septembre 2001, Lee Ranaldo, le guitariste du groupe Sonic Youth, s’est réveillé avec l’idée d’aller se procurer le nouveau disque de son idole Bob Dylan, Love and Theft. En effet, le 31e disque de la légende américaine arrivait dans les bacs des disquaires ce jour-là. À 8 h 46, le vol 11 d’American Airlines frappe la tour nord du World Trade Center. À 9 h 03, le vol 175 de United Airlines frappe la tour sud. Puis, ce fut l’apocalypse à Manhattan.
Malgré l’horreur, malgré les morts-vivants qui déambulaient dans la ville couverts de poussière, Lee Ranaldo est entré chez un disquaire et a acheté le disque de Dylan. « Le monde s’écroule, le monde est en suspens et tu achètes le nouveau disque de Dylan », lui a dit un ami scandalisé. Lee Ranaldo est retourné chez lui vers 14 h. Il a mis le disque dans le lecteur et l’a écouté. Écouté. Écouté. Écouté.
Cette histoire et bien d’autres composent le livre Ground Zero, une histoire musicale du 11 Septembre de Jean-Marie Pottier. Le rédacteur en chef du magazine en ligne Slate.fr fait une brillante démonstration du rôle de la musique lorsque survient un tel drame. La musique qui sert de pansement, la musique qui inspire, la musique qui témoigne, la musique qui a des forces prémonitoires, tout est recensé et raconté avec un sens maniaque du détail. La lecture de cet ouvrage est aussi passionnante que bouleversante.
Il est en effet fascinant de voir comment les humains se tournent vers la musique quand ils traversent une épreuve. Chacun l’utilise comme il peut, comme il veut.
Pour la chorégraphe Twyla Tharp, c’est la musique de Bach qui est venue à sa rescousse. Elle était seule dans son studio de danse quand l’affreux concert de sirènes s’est fait entendre le matin du 11 septembre. Les gros titres des télés étaient « WTC I/II abattus ». Or, l’acronyme de World Trade Center est aussi en anglais celui qui désigne Le clavier bien tempéré de Bach (The Well-Tempered Clavier Volumes I/II). Elle avait le Prélude no 1 en do majeur dans son ordi. Elle l’a mis et s’est mise à danser. Danser. Danser. Danser.
Certaines circonstances ont fait d’œuvres musicales déjà existantes des symboles de cet événement. La chanson Enjoy the Silence de Depeche Mode est un bon exemple. Une vidéo du quatuor britannique donne des frissons quand on la regarde aujourd’hui. Elle a été enregistrée en mars 1990 sur le toit de l’une des tours jumelles pour les besoins de l’émission Champs-Élysées animée par Michel Drucker. Aujourd’hui, quand les fans du groupe entendent cette chanson, ils pensent au terrible silence qui a régné sur Manhattan après l’effondrement des deux tours.
Nombreux sont les compositeurs qui ont créé des œuvres inspirées de cet événement. Steve Reich est l’un de ceux-là. Le matin du 11 septembre, le compositeur, qui vit dans le Vermont, a reçu un appel de son fils qui habitait à deux pas des tours. C’est lui qui a annoncé à son père l’effroyable catastrophe. Steve Reich a gardé son fils au téléphone pendant six heures, le temps que le jeune homme puisse quitter la ville avec sa femme et son enfant. En 2011, Reich a voulu transposer ce qu’il avait vécu. L’œuvre WTC 9/11, composée pour le Kronos Quartet, fait entendre la note fa d’un violon. Celui-ci imite le signal d’un téléphone lorsqu’il est en dérangement. Ce son que Steve Reich a tellement souhaité ne pas entendre lorsqu’il parlait à son fils est aujourd’hui au cœur de son œuvre.
Mais le plus beau rôle de la musique est sans doute celui d’outil de défense ou de riposte qu’elle peut être lors d’un tel drame. Lors du massacre commis en 2011 à Oslo par un fanatique d’extrême droite, le premier ministre norvégien Jens Stoltenberg avait dit : « Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, d’ouverture et de tolérance. »
Au lendemain de l’assassinat de John F. Kennedy, le musicien Leonard Bernstein avait eu recours à la même stratégie. « Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’avant. »
Lire la chronique de Mario Girad sur le site de La Presse+
Le matin du 11 septembre 2001, à 9 h, deux avions percutaient le World Trade Center à New York, tandis que deux autres s’écrasaient au Pentagone et en Pennsylvanie. Quinze ans après, quelles sont les véritables conséquences de cet attentat sur nos vies et notre société? Nicolas Tittley présente trois livres qui proposent des pistes de réponses.
L’effet 11 septembre : 15 ans après, de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Septentrion, 2016
Ground Zero : une histoire musicale du 11 Septembre, de Jean-Marie Pottier, Le mot et le reste, 2016
Le 11 septembre et nous, d’André Duchesne, Boréal, 2006
Réécouter la chronique de Nicolas Tittley sur le site de Radio-Canada
Comment chanter l’horreur? Quelle réponse musicale apporter aux attentats? Autant de questions pertinentes posées par Jean-Marie Pottier dans son nouveau livre, Ground Zero. L’essai explore avec intelligence et sensibilité la manière dont les musiciens ont vécu la destruction des Twin Towers de New York le 11 septembre 2001. Cette date promettait cependant d’être un grand moment pour la musique américaine. Ce jour-là sortait l’excellent album de Bob Dylan, Love and Theft, ainsi que le désormais classique The Blueprint de Jay-Z. En France, Noir Désir révélait le même jour Des visages, des figures. L’album abritait une chanson étrangement prémonitoire, “Le Grand incendie”. Si les ventes de disques se sont effondrées dans les boutiques new-yorkaises la semaine suivant les attentats, le besoin de consolation du public a vite repris le dessus. Pourtant, nombre d’absurdités ont fleuri. Des morceaux furent interdits de diffusion sur les ondes radio et les chaînes de télé. Dix ans après la première guerre du Golfe, Imagine de John Lennon se retrouvait ainsi privé d’antenne sur une liste établie par le groupe de médias Clear Channel. Ce qui vaudra ce commentaire cinglant de sa veuve, Yoko Ono : “J’espère qu’il s’agit d’une faute de frappe.” Cette censure n’empêchera pas Neil Young de l’interpréter en direct lors de l’America Tribute to Heroes du 21 septembre 2001. “Nous avons essayé de la faire comme John Lennon”, affirmera-t-il. Le mois suivant, Paul McCartney organisera à son tour un événement baptisé “Concert for New York City” au Madison Square Garden.
Play-list impeccable
L’ouvrage recense par ailleurs les disques influencés par cette événement, de Songs for the Deaf (2002) de Queens of the Stone Age, à l’album signé Emmylou Harris et Mark Knopfler, All the Roadrunning, en 2006. Sans oublier Bruce Springsteen. Interpellé par un de ses fans, le héraut de l’Amérique composer The Rising en hommage aux victimes. Résidents new-yorkais, David Bowie et Sonic Youth seront inspirés à leur tour.
Assorti d’un play-list impeccable à écouter pour en accompagner la lecture, le livre se termine par la tragédie du Bataclan du 13 novembre dernier avec l’éviction du concert époustouflant donné en ses murs par Jeff Buckley, immortel interprète de “Hallelujah”, en février 1995.
Dans Ground Zero, le journaliste Jean-Marie Pottier retrace une histoire musicale du 11 Septembre. Ou comment la musique a témoigné, réconforté, voire même prédit les événements.
Où étiez-vous le 11 septembre ? Chacun se rappelle ce qu’il faisait ce jour-là, quand deux avions sont venus percuter les tours jumelles du World Trade Center. « Pour toute une génération, c’est l’équivalent du où étiez-vous quand Kennedy a été assassiné à Dallas ? », relève Jean-Marie Pottier. Le journaliste, rédacteur en chef de Slate.fr, s’est penché sur cet événement historique par un biais particulier : la musique.
La musique comme témoignage, la musique comme réconfort, la musique comme prophétie, la musique face à l’horreur. Son récit trouve un écho d’autant plus fort après les attentats en France, le 13 novembre, qui avaient notamment frappé directement le monde de la musique, au Bataclan.
En préambule de son livre, Jean-Marie Pottier a repris une citation de Leonard Bernstein après l’assassinat de Kennedy : « Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’auparavant. » Une profession de foi qui reste plus que jamais actuelle.
Pourquoi écrire cette histoire musicale du 11 Septembre ?
C’est une idée lointaine. J’avais écrit, il y a cinq ans, une chronologie de cette journée à travers des morceaux en lien avec cet événement. Plutôt orientée rock. Et puis j’ai découvert, entre-temps, un clip de Depeche Mode, tourné en 1990 pour l’émision Champs-Élysées. On voit le groupe anglais y interpréter Enjoy the Silence au sommet de la tour sud du World Trade Center. C’était fascinant de les voir jouer cette chanson dans ce lieu historique qui n’existe plus. La chanson change totalement de sens.
ACCUEIL / MONDE / ÉTATS-UNIS /
Recevez gratuitement notre newsletter
Chaque jour, l’essentiel de l’actualité est dans votre boite mail
Je m’inscris !
11-Septembre. Une histoire musicale d’après le chaos
États-Unis – Modifié le 09/09/2016 à 17:50 | Publié le 09/09/2016 à 16:31
écouter
Le 11-Septembre semble avoir été prédit par certains artistes, comme Bob Dylan et Notorious BIG. D’autres l’ont chanté pour panser les plaies, comme Bruce Springsteen. Le 11-Septembre semble avoir été prédit par certains artistes, comme Bob Dylan et Notorious BIG. D’autres l’ont chanté pour panser les plaies, comme Bruce Springsteen. | Reuters/Jérôme Fouquet
Facebook Twitter Google+
Lire le journal
numérique
Philippe MATHÉ.
Dans Ground Zero, le journaliste Jean-Marie Pottier retrace une histoire musicale du 11-Septembre. Ou comment la musique a témoigné, réconforté, voire même prédit les événements.
Où étiez-vous le 11 septembre ? Chacun se rappelle ce qu’il faisait ce jour-là, quand deux avions sont venus percuter les tours jumelles du World Trade Center. « Pour toute une génération, c’est l’équivalent du où étiez-vous quand Kennedy a été assassiné à Dallas ? », relève Jean-Marie Pottier. Le journaliste, rédacteur en chef de Slate.fr, s’est penché sur cet événement historique par un biais particulier : la musique.
La musique comme témoignage, la musique comme réconfort, la musique comme prophétie, la musique face à l’horreur. Son récit trouve un écho d’autant plus fort après les attentats en France, le 13 novembre, qui avaient notamment frappé directement le monde de la musique, au Bataclan.
En préambule de son livre, Jean-Marie Pottier a repris une citation de Leonard Bernstein après l’assassinat de Kennedy : « Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’auparavant. » Une profession de foi qui reste plus que jamais actuelle.
Pourquoi écrire cette histoire musicale du 11 septembre ?
C’est une idée lointaine. J’avais écrit, il y a cinq ans, une chronologie de cette journée à travers des morceaux en lien avec cet événement. Plutôt orientée rock. Et puis j’ai découvert, entre-temps, un clip de Depeche Mode, tourné en 1990 pour l’émision Champs-Élysées. On voit le groupe anglais y interpréter Enjoy the Silence au sommet de la tour sud du World Trade Center. C’était fascinant de les voir jouer cette chanson dans ce lieu historique qui n’existe plus. La chanson change totalement de sens.
C’est le cas de nombreuses chansons évoquées dans votre livre. Il y a celles inspirées par le 11 Septembre mais aussi celles qui semblent annoncer la catastrophe…
Le 11 Septembre a modifié totalement la façon dont l’auditeur écoute un disque. Par exemple, Love and Theft de Bob Dylan, sorti précisément le 11 Septembre. Le songwriting de Dylan a toujours été très mystérieux. Et là, certaines chansons entraient tellement en résonnance avec les événements que certains se sont demandés, par boutade, quand est-ce que Dylan avait su ce qui allait arriver… On peut se poser la même question avec Leonard Cohen qui avait écrit, dès 1988, First We Take Manhattan. Mais toute son œuvre est imprégnée d’images bibliques, de scènes de catastrophe. Quand il a appris l’attentat, il était en Inde. Ça l’a effrayé mais pas surpris tant on était dans le monde qu’il décrivait depuis longtemps.
Il y a des exemples troublants, comme cette pochette imaginée avant le 11 Septembre par le duo de rap The Coup où l’on voit un avion s’encastrer dans le World Trade Center !
Mais les gratte-ciel ont toujours été une source d’inspiration pour la pop culture ! Depuis King Kong en passant par La Tour infernale. Des théories totalement farfelues ont même circulé autour de la pochette de Breakfast in America de Supertramp : certains y ont décelé des indices annonçant le 11 Septembre. Il y a aussi ces paroles du rappeur Notorious B.I.G écrite en 1994 : « Time to get paid, blow up like the Word Trade » (c’est l’heure de la paye, de s’exploser comme le World Trade). Au jeu des références, on peut toujours trouvé quelque chose. Il y a quelques années, un épisode des Simpson imaginait bien un président Trump… Et puis, il ne faut pas oublier que le World Trade Center avait déjà été la cible d’un attentat à la voiture piégée dès 1993.
[…]
Lisez l’interview de Jean-Marie Pottier en intégralité sur le site de Ouest-France
Sécurité publique, politique, culture, religion… Dès les premières heures suivant les attentats du 11 Septembre, les observateurs savaient que ces aspects de la vie en société seraient bouleversés. L’histoire leur a donné raison. Les chercheurs Charles-Philippe David et Solange Lefebvre, le secrétaire général du Congrès maghrébin du Québec Lamine Foura, le journaliste Jean-Marie Pottier et le pompier Michel Amesse expliquent à Catherine Perrin comment le monde se ressent encore des effets de cette tragédie.
[…]
Une corde sensible pour les musiciens
Jean-Marie Pottier, qui décrit l’influence de la tragédie sur la musique dans le livre Ground Zero : une histoire musicale du 11 Septembre, raconte que le chanteur Bruce Springsteen a consacré un album entier aux événements. « On avait quasiment l’impression qu’il assurait un service public à l’époque. Des gens venaient le voir pour lui dire : “On a besoin de toi, il faut que tu composes quelque chose, il faut que tu parles pour nous!” Donc, il a sorti un album qui s’appelle The Rising. Il y a une chanson sur quelqu’un qui a perdu son époux dans le World Trade Center, il y a une chanson sur quelqu’un qui a survécu et qui se demande comment vivre, il y a une chanson sur quelqu’un qui connaissait les pompiers qui sont montés au feu… Toutes ces dimensions rassemblées en un seul disque. »
Écouter cette émission sur le site de Radio Canada
« Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’auparavant. » Cette phrase du compositeur américain Leonard Bernstein, prononcée juste après l’assassinat de J.F Kennedy en 1963, est posée en préambule de Ground Zero, une histoire musicale du 11 Septembre, le dernier livre de Jean-Marie Pottier aux éditions Le mot et le reste. Pour l’actuel rédacteur en chef de Slate.fr, l’idée est claire : il s’agit de comprendre comment le 11 septembre 2001 a pu influencer l’industrie musicale, de mesurer l’impact de la musique lorsque surgit un drame national, d’analyser en quoi ces attentats ont pu inspirer les musiciens et inciter les auditeurs à écouter différemment des morceaux parfois vieux de plusieurs décennies.
Presque un an après les fusillades de novembre 2015, et quelques semaines après les attentats de Nice, Jean-Marie Pottier en est d’ailleurs convaincu : suite à des évènements aussi dramatiques, que l’on soit mélomane ou non, fan de Radiohead ou de Steve Reich, on attends forcément des musiciens qu’ils « nous incitent au partage, à l’unité et à la fête ».
Noisey : L’idée du bouquin est née suite à un de tes articles publiés sur Slate en 2010. Pourquoi ? Parce que tu pensais qu’il y avait matière à creuser davantage ou parce que le 11 septembre 2001 est, selon toi, l’événement le plus marquant du 21ème siècle ?
Jean-Marie Pottier : Si tu veux, il y a trois explications. La première, c’est effectivement ce papier publié en 2010 qui était une façon pour moi de mêler la pop culture à l’histoire, mais aussi de rebondir sur le bouquin de Chuck Klosterman où il dit que Kid A de Radiohead est la bande-son du 11 septembre. La seconde, ce sont les recherches effectuées dans le cadre de mon précédent bouquin (Indie-Pop) autour de « Enjoy The Silence » de Depeche Mode. À force de fouiller sur le net, je suis tombé sur une vidéo de ce morceau tournée dans le cadre de l’émission Champs-Elysées de Michel Drucker au sommet du World Trade Center, et je me suis dis qu’il y avait indéniablement quelque chose à creuser, qu’il devait certainement avoir de nombreuses références à ce monument dans la musique, contemporaine ou autre. La troisième explication, enfin, c’est tout simplement le fait que l’on « fête » le quinzième anniversaire de cet attentat en 2016, et que je considère que c’est un nombre d’années assez conséquent pour prendre du recul et l’analyser en profondeur.
À propos des disques publiés le 11 septembre, tu dis qu’ils sont comme des « vestiges instantanés ». Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Cette expression, je l’ai utilisée parce que j’avais en tête ces animaux qui, après une éruption volcanique, se fondent dans la lave. Pour les albums publiés le 11 septembre, c’est pareil. Ils arrivent comme ça, l’air de rien, mais on ne peut plus les séparer de l’événement. Ils en font partie. Selon moi, c’est très compliqué de chroniquer l’album de Bob Dylan sorti ce jour-là (Love and Theft) sans prendre en compte l’impact des attentats. Il arrive dans un contexte très fort et Dylan y fait d’ailleurs référence quand sa tournée suivante passe par New York. Comme Jay-Z avec The Blueprint qui, lui, se sert de l’évènement pour s’affirmer plus fort que Ben Laden.
Tu parles de la pochette de Breakfast In America de Supertramp en disant que « le verre de jus d’orange que l’actrice Kate Murtagh brandit à la place de la torche de « Lady Liberty », pile dans l’axe des fausses Twin Towers, ressemble aux boules de feu qui ont traversé les tours ». Franchement, c’est de la surinterprétation là, non ?
Oui, bien sûr ! Lorsque j’évoque Supertramp, je dis d’ailleurs que ceux qui analysent ainsi la pochette sont un peu les numérologues du 11 septembre. Plusieurs théories prétendent également que, si on inverse la pochette, le U et le P de Supertramp semblent dessiner les chiffres « 9/11 »… Il faut bien comprendre que si on cherche, on arrivera toujours à trouver des signes prémonitoires ou autre. Ce qui est assez fou finalement dans cette histoire, c’est que Supertramp a une image auprès du grand public qui ne colle pas du tout avec ce qu’il s’est passé ce jour-là, contrairement à un mec comme Leonard Cohen dont le « First We Take Manhattan », qui a aussi été vu comme prophétique, résonne fortement avec l’événement.
[…]
Lire l’intégralité de l’interview sur le site de Noisey
À l’occasion de la parution du livre Ground Zero – Une histoire musicale du 11 Septembre et à l’approche du 15ème anniversaire des attentats, Pop & Co se pose une question. Comment les attentats perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001 ont-ils changé la musique ?
Pouvoir cathartique, censure, autocensure, concerts commémoratifs, participation à la construction du mythe du héros, refuge patriotique voire nationaliste ou, à l’inverse, émergence d’une voix dissonante et résurgence des combats pour les droits civiques… les attaques terroristes de 2001 ont eu des conséquences multiples sur le monde de la musique, la création et l’industrie musicales.
Le livre de Jean-Marie Pottier, Ground Zero – Une histoire musicale du 11 Septembre est publié aux éditions Le mot et le reste.
Réécouter l’émission de Rebecca Manzoni sur le site de France Inter
Xavier Lambrechts invite Jean-Marie Pottier à parler de son dernier ouvrage pour “Le Grand Angle” de son émission.
Une interview à revoir sur le site de TV5Monde
Comment la musique est-elle affectée par la violence ? A partir de l’exemple de 11 Septembre mais aussi de la tuerie du Bataclan, Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef de Slate.fr, analyse les réactions des musiciens face aux attentats et comment ils transforment leurs créations.
Avant même que le livre ne démarre, cette citation du compositeur américain Leonard Bernstein, après l’assassinat de J.F Kennedy en 1963, donne le la : “Telle sera notre réponse à la violence : jouer de la musique avec encore plus d’intensité, plus de beauté et plus de dévouement qu’auparavant.”
Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef à Slate.fr, a dessiné dans son ouvrage Ground Zero un historique des inspirations et hommages des artistes au moment d’attaques terroristes, ainsi que le rôle qu’ils ont joué auprès d’un public en souffrance. Le livre – sorte de version longue d’un article publié sur Slate en 2010 – s’ouvre sur l’histoire de Josh Homme. L’auteur rapporte que le chanteur du groupe Queens of the Stone Age, en Californie le 11 septembre 2001, avait conseillé à sa mère de visiter le World Trade Center : “En voyant les images à la télé, je me suis agenouillé et j’ai vomi, confie-t-il à Rock & Folk. Je pensais avoir envoyé ma mère à la mort. Heureusement, elle n’était pas là ce matin-là”.
Le 13 novembre, alors que son autre groupe Eagles of Death Metal se produit sur la scène du Bataclan sans lui, Josh Homme reçoit un SMS de Dan Auerbach, lui-même en concert à Paris, lui demandant s’il va bien. La tuerie qui a fait 97 morts vient d’avoir lieu, et le chanteur était encore une fois intimement lié à l’événement sans y être.
Des chansons prophétiques
Quelle influence ces événements dramatiques ont-ils pu avoir sur l’industrie du disque? De quelle manière ont-ils inspiré les artistes et comment les textes et mélodies ont-elles été reçues par le public ? Telles sont les questions auxquelles Jean-Marie Pottier tente de répondre. Les albums sortis juste après le 11 Septembre, comme Songs For The Deaf des Queens of the Stone Age, ont une résonance particulière:
“La plupart de ces chansons, douze sur quatorze, ont été écrites avant, même si elles prennent certainement une nouvelle signification”, explique Josh Homme.
De manière presque inconsciente alors, les mots ont une portée tout autre: “Vous voyez presque des choses dans les paroles que vous avez écrites que vous n’aviez pas vues auparavant, comme si, après qu’elles ont été écrites, vous découvriez ce dont elles parlent.”
Lors du 13 novembre et de l’attaque du Bataclan, c’est bien le Paris festif qui est pris d’assaut, la musique étant le symbole d’une liberté à anéantir. Finalement, cette même musique visée par les terroristes devient de manière irrépressible le salut des survivants, explique l’auteur. On attend des artistes qu’ils livrent leurs mélodies et leurs mots pour extérioriser la peine, et revendiquer encore plus fort la liberté. Mais Jean-Marie Pottier rappelle aussi l’importance du silence post-attentat. Après le 11 Septembre, la musique s’est d’abord tue avant de devenir un refuge: “Impossible d’en écouter, impossible aussi d’en produire”, écrit-il.
Un silence ayant pour conséquence une chute dans l’industrie du disque: “Dans l’ensemble du pays, les ventes de musique baissent de 5% la semaine du 11 septembre, et de plus de 16% dans la ville de New York même.” Pourtant, certains artistes ont vu leurs ventes s’envoler. Le 11 septembre 2001 est aussi le jour de la sortie du 31e album de Bob Dylan, Love and Theft. Les fans, pressés d’acquérir le nouvel opus de leur idole, ont alors assistés, médusés et assourdis, à la catastrophe.
Accueilli à chaudes larmes, l’album se hisse à la cinquième place des charts et confère à Bob Dylan une aura quasi-prophétique, rappelle Jean-Marie Pottier. Autre sortie ce jour-là: The Blueprint de Jay-Z, qui s’écoulera à 420 000 exemplaires en sept jours aux États-Unis. Bouleversés, d’autres musiciens trouvent dans leur art une catharsis indispensable.
“Thérapie musicale”
Ainsi, deux jours après les attentats de 2001, Lou Reed compose Fire Music qui figure sur l’album The Raven: “Tout ce que j’ai ressenti est dans ce morceau de musique. Ce que je veux vraiment et sincèrement dire, c’est que je ne peux le résumer en mots, c’est ce à quoi sert la musique.”
Un morceau organique écrit en réaction immédiate, comme une pulsion. Au sujet de Bruce Springsteen et de son Into The Fire composé aussi après les attentats, Jean-Marie Pottier parle de “thérapie musicale”:
“Le ciel était en train de s’écrouler et dégoulinait de sang /Je t’ai entendu m’appeler quand tu as disparu dans la poussière /Montant les escaliers dans le feu”.
En 240 pages, l’ouvrage de Jean-Marie Pottier est une véritable ode à la musique, quelle qu’elle soit, d’où qu’elle vienne. Il relie les époques et les attaques entre elles, tendant à prouver que de tout temps l’horreur a existé, mais que la musique a toujours tenu un rôle de revendication face à la violence. Et de rappeler – si c’était nécessaire – qu’à l’instar du titre Hallelujah de Jeff Buckley souvent diffusé et partagé post-attentats, elle a un “pouvoir de consolation universel.”
Consultez l’article directement sur le site des Inrocks