Revue de presse
Le public hard/metal est, vu des profondeurs, composé de je-sais-tout insupportables qui ne jurent que par les évidences, quelques on-dit et pour faire bien quelques références obscures mais toujours au bon moment de leur redécouverte médiatique, bien entendu. Les passionnés collectionneurs accumulent informations, raretés sentimentales et s’ils sont sociables apprécient de passer des nuits entières à se passer de vieux vinyles entre initiés, s’échanger des galettes chopées dans les bacs à soldes et autres puces, et discuter des pressages allemands, brésiliens ou français de tel ou tel combo.
Les deux auteurs de ce bouquin, qu’ils soient bénis (maudits seraient plus metal ceci dit), rassemblent en une centaine d’articles/disques la crème de la crème du style (les fabuleux BLUE OYSTER CULT, BLACK SABBATH, GRAND FUNK RAILROAD, ALICE COOPER et des tonnes d’autres) mais aussi, le plus intéressant pour les acharnés, des hordes chevelues méconnues dont les disques sont autant de trésors à dénicher pour parfaire une collection de toute façon sans fin. Ô joie de voir évoqués ici BLOODROCK, CHICKEN SHACK, JOSEFUS, STRAY, SIR LORD BALTIMORE…! Indispensable ouvrage pour les archéologues du décib’hell, écrit avec passion, érudition malgré de nombreuses allusions à SUNN O))) et Julian Cope qui promettent un deuxième volume doomdronisant en diable. Une mode de plus avant la prochaine même si comprenant de formidables musiciens, aventureux et innovateurs.
“Si c’est trop fort, c’est que t’es trop vieux” !!!
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Lundi. J’ai beau essayer de me convaincre de lire Hard’n’Heavy, de Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert, paru chez Le mot et le reste, maison d’édition marseillaise qui sort des bouquins avec le même souci esthético-éthique qu’Allia, ma main préfère empoigner Artères souterraines de Warren Ellis. Putain de petit chef-d’œuvre drôle et rythmé, visite en accéléré d’une Amérique où le chef de cabinet de la Maison Blanche se fixe à l’héroïne, où les serials killers voyagent en classe affaire et où les pontes de L.A. baisent des enfants vierges pour ne pas choper le sida. Rajoutez une seconde constitution américaine soi-disant magique, un privé « aimant à merde » chargé de la retrouver et un rat qui pisse dans le mug de ce dernier : impossible de foutre un œil dans Hard’n’Heavy. Je ferai ça mardi.
Mardi. En avant la zizique bruyante et Hard’n’Heavy, sous-titré « Sonic Attack » : 230 pages courant sur la période 1966–1978. Après une quinzaine de pages retraçant l’histoire entremêlée des deux genres, les auteurs s’attellent à présenter une grosse centaine d’albums : à gauche le texte, à droite la cover. En bas à droite, des pistes d’écoute en fonction du groupe, façon Radio Pandora. Je dois avouer que je m’attendais à une plongée dans les obscurs recoins d’un genre à cornes du diable et pochettes à têtes de morts. Au lieu de ça, z’attaquent avec The Yarbirds, Jimi Hendrix et Cream (logique, puisqu’ils racontent l’histoire d’un genre). Il faudra tout de même attendre la page 220 pour entendre causer de Judas Priest. Et apprendre, nom d’un sataniste dilettante bourré à la Corona deux jours sur trois ! qu’ils tiennent leur blaze d’une chanson de Bob Dylan. Mais bon, s’ils me renversent à coups de métaphores bruitistes, me donnent envie de (re)plonger dans l’univers des faiseurs d’aller-retour sur la corde de mi, je veux bien patienter.
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Je me permets, avec une certaine malice, de réunir ces deux ouvrages (Rock progressif et Hard’n’Heavy 1966–1978) dont les auteurs se sont donné beaucoup de peine pour définir précisément les champs sonores concernés par l’un et par l’autre : il est ainsi désormais impossible de confondre hard et heavy ! Cette association se justifie simplement parce que les périodes concernées sont presque les mêmes (bascule des sixties aux seventies) et que surtout, à cette époque là, les classifications importaient peu, pour les amateurs de « pop musique » (on utilisait ce terme). J’écoutais aussi bien Alice Cooper que King Crimson en 1972, et je ne me fournissais pas dans deux magasins différents ; la question des genres ne se posait pas (c’est ainsi que les « majors » produisirent jusq’au milieu des années 70 des musiques considérées comme expérimentales (comme CBS avec « Soft Machine » ou la grande époque de Miles Davis). Autres temps, autres moeurs… (d’ailleurs, il n’y a plus de magasins…), et puisqu’il faut aujourd’hui classer, classons… Premier intérêt (et amusement) pour moi, celui de constater que finalement je suis plus hard que prog. La guitare, sans doute, si bien que Robert Fripp (chef de file prog, donc) fut vraiment celui qui bouscula mes certitudes lors d’un concert de 1973. Ensuite, ces micro-encyclopédies, non exhaustives (je me permettrais ainsi, par pur souci de rattraper un oubli permanent, de signaler le pataphysicien groupe de hard-rock jurassien « Guidon, Edmond et Clafoutis » qui éclaira quelques nuits psylocibiennes dont j’ai malheureusement égaré le seul et unique enregistrement disponible en son temps, de même que l’activité incessante depuis près de trente ans de Daniel Koskowitz avec le très progressif « Jagger Naut »), mais finement documentées, nous évitent de vaines recherches sur le net, et permettent d’aller droit au but (qui a fait quoi, avec qui et quand). Le système de fiche (déjà rencontré dans des ouvrages précédents de PHILIPPE ROBERT) est efficace, mais la prose d’AYMERIC LEROY nous plonge plus avant dans l’aventure.
Entre « Born to be wild » et « 21st Century Schizoïd Man », mon coeur balance, pour toujours…l’équilibre étant obtenu par la sensation et l’expérience…l’expérience de la sensation.
On l’a compris, j’ai beaucoup de tendresse pour la plupart des musiques évoquées dans ces deux ouvrages, même si je crains que le contenu de beaucoup de galettes faiblisse avec le temps…de quoi et ce n’est pas négligeable, relativiser l’importance de quelques phénomènes surclassés (« Emerson, Lake and Palmer », pour n’en citer qu’un). Beaucoup de respect pour le travail de recherche et d’analyse que représente ce type de compilation, et beaucoup d’intérêt pour les glissements permanents du main-stream vers la marge. Que la marge continue à tenir la page…
Hard ou Heavy rock ? Vous donnez votre langue au chat? Il n’y a pas que AC/DC, Metallica, Iron Maiden, Mega Death, Deep Purple, Led Zep, Scorpions…
Vous saurez tout justement sur ce sujet en lisant le livre de deux passionnés, éminents spécialistes qui rendent intelligible cette musique pleine « de bruit et de fureur » dans le contexte
d’une époque fantastiquement énergique qui avait une « soif (inextinguible) de décibels ». (1)
La «décade prodigieuse» (1966 à 1978) est l’objet d’étude de ce premier tome, intitulé Sonic attack. Pendant ces années culte qui précédèrent l’arrivée du Punk, fleurirent d’innombrables groupes de rock qu’on eut vite fait de diviser en des « ramifications tribalo-claniques », une jungle de genres et de sous-genres où l’amateur, même un peu «éclairé», perd son latin. D’autant que les fans et journalistes de la presse spécialisée n’ont pas toujours contribué à défricher ces sentiers touffus et très fréquentés. Les éclaircissements de la préface (parfaite), comme souvent les introductions des bouquins des éditions LE MOT ET LE RESTE, remettent les idées en place : on découvre avec stupeur que certains de nos groupes chéris font partie du « heavy metal ». A moins que ce ne soit du « hard rock » ? Comment s’y retrouver ? (1) Car les fondateurs du hard rock ne se résument pas aux seuls Led Zep et Deep Purple que tout un chacun connaît à présent, avec les (souvent) dérisoires tentatives de reformation récentes –avec ce qu’il reste des musiciens « originaux ». Aujourd’hui les jeunes générations adoptent un grand ancien en général, pas plus, loin de la relation fusionnelle de l’époque, où chaque groupe restait proche de son public.
Avec une présentation toujours aussi claire, simple et néanmoins précise, les auteurs ont constitué une anthologie en 101 albums de Hard‘N’Heavy music, justifiant leurs choix par leurs commentaires affûtés. En feuilletant cette bible, on retrouve des noms familiers (tant mieux), des univers inoubliables avec des albums emblématiques comme le « métallique » Jeff Beck Ola-Beck avec la pochette inspirée de Magritte, l’intense live The Who at Leeds, le grand-guignolesque Killer d’Alice Cooper, l’éruptif Disraeli Gears des Cream. Quel régal,on plonge dans un bain nostalgique en lisant la chronique de chaque album. Mais même si vous avez quelques bases, car vous avez aimé The Who, Cream, Aerosmith, Jeff Beck, Alice Cooper, Lynyrd Skynyrd, Iron Butterfly (le In-a-gadda-da-vida de toute une génération ), Iggy Pop and the Stooges, Johnny Winter, Ten years after, Hot Tuna, Robin Trower (parti du suave Procol Harum), vous n’avez pas toujours idée de la production pharaonique et de l’inventivité débridée de cette décennie.
Si Led Zeppelin est un monument ayant rapidement conquis ses lettres de noblesse, dès le volume II du « brown bomber », en 1969, existaient d’autres formations plus éphémères mais tout aussi excitantes : plus pop, psychédéliques, brassant les influences les plus diverses et des univers allant des « marvels » à la S.F comme Hawkwind, Pink fairies, Budgies, Thin Lizzy ou Captain Beyond.
Le rock a sa place à présent dans le panthéon des musiques reconnues « sérieuses », il s’est institutionnalisé, a gagné en respectabilité sauf pour les extrêmes, considérés avec dédain par les «ayatollahs» encore trop nombreux dans cette musique. Certes, les avant-gardes actuelles aident à ouvrir des voies, à se frayer un passage sur un chemin pourtant balisé d’ornières : un Mike Patton avec son Mr Bungle, le très recherché John Zorn, il se produit à Marciac, c’estdire, Sonic Youth se revendiquent de cette mouvance ou du moins y vont puiser des sources d’inspiration..
Voilà le livre qui aidera à se constituer une discothèque idéale quand on est un brin collectionneur et que l’on ne se veut pas sectaire. C’est toujours une mission impossible que de sélectionner des albums: il faut en enlever de sa liste, pécher par omission, ce que l’on finira par vous reprocher forcément. Cet ouvrage est plus que nécessaire pour comprendre autrement ces mouvements musicaux souvent dédaignés, reconstituer certains liens, faire que les marges rejoignent aussi leur centre.
Ajoutons que la bibliographie est soignée, et que la liste d’addenda à écouter, en plus des albums retenus, mérite d’être examinée. Le MOT ET LE RESTE constitue aujourd’hui une référence des plus sérieuses avec un catalogue passionnant pour amateurs de musiques libres et décomplexées.
(1 ) Certains font démarrer le hard rock avec Led Zep et le heavy metal avec Black Sabbath , deux courants prallèles nés du blues rock
(2 ) Les Who se voulaient le groupe le plus assourdissant de l‘époque, rivalisèrent avec Jimi Hendrix et ses murs d’ampli Marshall à Monterey
Les Dernières Nouvelles du Jazz
Ce genre de bouquin procure un immense plaisir.
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Hard’n’Heavy, 1966–1978 se veut donc un panorama très complet, non exhaustif pour autant d’une bonne centaine de longues chroniques d’albums indispensables et référentiels et surtout de pépites oubliées, mésestimées ou rarissimes très souvent aussi monumentales que les quelques chef-d’œuvres passés à la postérité.
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Par ailleurs, la longue introduction, permet de mieux comprendre encore l’essor et la genèse du hard rock, auquel ils confrontent la notion de heavy rock, tout comme celle de heavy metal: voilà une fois pour toute un résumé parfaitement clair qui permet rapidement de savoir de quoi on parle, fort utile pour les quelques deux cents pages captivantes à venir.
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En attendant le prochain tome à paraître consacré aux années 1978–2009, on ne peut que féliciter le travail de ces deux journalistes, qui ont au moins comblé pas mal de nos attentes. Vous vous y retrouverez et vous en apprendrez encore plus!
Après avoir prospecté le passé proche ou récent des musiques rock, puis black et expérimentales, Philippe Robert, accompagné cette fois de Jean-Sylvain Cabot, s’est penché récemment sur le cas du hard rock et du heavy metal, un genre à peine sorti de longues années de mépris, mais si vaste et si riche que les auteurs ont choisi de présenter leur sélection de disques sur deux volumes, et qu’il fallait bien une interview fleuve avec eux pour débroussailler encore un peu plus ce difficile mais passionant sujet.
Sur Fake For Real, nous commençons à bien connaître Philippe Robert. Mais vous, Jean-Sylvain Cabot, un peu moins. Pouvez-vous nous rappeler qui vous êtes, nous expliquer votre parcours de critique ?
Jean-Sylvain Cabot : j’ai travaillé à Rock & Folk, un peu par accident, de 1980 à 1985. J’étais un grand lecteur depuis les années 70. Et puis un jour, je me suis dit : “tiens, ils n’ont pas parlé du nouveau disque de Robin Trower, le guitariste de Procol Harum”, qui venait de sortir. J’ai fait la chronique, et elle est passée le mois suivant ou deux mois après. Je leur ai téléphoné, ils m’ont dit “passez nous voir”, puis “on recherche quelqu’un pour faire le hard rock, est-ce que ça vous intéresse ?”. J’ai pris, même si je n’écoutais pas que ça.
Je suis tombé dans les années 80, avec le démarrage de la New Wave of the British Heavy Metal, avec Iron Maiden, Judas Priest, Saxon, Motörhead et compagnie. Je connais donc bien cette période jusqu’à 85. J’ai vécu ça, je suis allé aux concerts, j’ai interviewé les artistes et chroniqué les disques. Il y avait aussi Thierry Chatain qui faisait ça avec moi à l’époque.
Le hard, c’est des souvenirs d’adolescence, les premiers 45 tours achetés : “Paranoid”, “Black Night” et “Whole Lotta Love”, mes années d’internat… Mais je ne suis pas un hardos, quelqu’un qui n’écoute que du métal. J’ai une culture assez éclectique. A la base, c’était surtout les Stones, les Who, les Beatles, Hendrix, les guitaristes, Eric Clapton, John Mayall et le british blues. Les groupes qui m’ont formé, c’est les Yardbirds, Cream, Hendrix, Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath, The Stooges, mais vous seriez surpris d’apprendre que parmi mes groupes préférés il y a les Zombies, les Pretty Things, Love, Spirit, Steely Dan ou encore Little Feat. Je m’intéresse aussi au rock garage et au rock psychédélique.
Après 85, j’ai quitté Rock & Folk. J’ai dû quitter la région parisienne pour des raisons de santé, et j’ai cessé d’être rock critic. Une page s’est tournée. A l’époque, il n’y avait pas Internet et la possibilité d’écrire de n’importe où. Donc j’ai fait autre chose. Je me suis consacré à des préoccupations professionnelles et familiales. J’écoutais toujours de la musique, mais plus comme avant. Je ne me suis à nouveau intéressé à la musique que dans les années 90 en flashant sur Nirvana, les Screaming Trees. Je découvre aussi des groupes comme The Dream Syndicate de Steve Wynn, Green On Red .
N’est-ce pas lié non plus à un déclin, ou à un passage au second plan de ce type de musique ?
JSC : j’ai mal vécu le punk, curieusement, sauf les Sex Pistols que j’aime beaucoup. Je me suis aussi réfugié dans les musiques plus anciennes, dans le blues par exemple, et j’écoutais beaucoup de blues moderne : Stevie Ray Vaughan, les Fabulous Thunderbirds, Omar & The Howlers. Donc, dans les faits, il y avait peut-être ce déclin, comme vous dites, mais la musique apparue après 85 ne m’intéressait pas tellement. Et puis il y a eu toute une période où je me suis surtout intéressé au cinéma : activité bénévole, associative, conférencier, etc…
Il y a donc eu cette longue parenthèse, mais maintenant, vous revenez très fort avec ce livre avec Philippe Robert? Comment s’est opérée la connexion, qui a pris l’initiative de ce livre sur le metal écrit à quatre mains ?
JSC : j’avais beaucoup aimé le livre de Philippe Robert Rock, Pop, un itinéraire bis en 140 albums essentiels. Je me suis dit : “il a tout compris, voilà ce qu’il faut faire” ! J’en avais marre de lire toujours les mêmes articles, les mêmes louanges sur Led Zeppelin et compagnie. On parle toujours des mêmes (Led Zep, Deep Purple, Black Sabbath etc..), alors que moi, ce que j’aime, ce qui caractérise ma démarche, dans la musique mais aussi dans le cinéma ou la littérature, c’est de sortir des sentiers battus. C’est de fouiner, de fureter, de quitter l’autoroute. J’avais envie de parler des disques de Groundhogs, Chicken Shack, Free ou Humble Pie. Je comprenais la réaction de ras-le-bol de Philippe, à propos d’un ouvrage comme la Discothèque Idéale de Philippe Manœuvre.
Je me suis dit que la même chose sur le hard rock manquait, même si l’ouvrage indispensable de Denis Protat, L’Encyclopédie du Hard Rock des 70’s, comblait une grande lacune. Et avant lui, un livre de Denis Meyer, Hard Rock Anthology, avait fait ce travail de défricheur. Le livre de Protat est une Bible, c’est un travail remarquable. Mais en même temps, il a des imperfections et les défauts de ses qualités : couvrir le plus grand nombre de groupes possible, c’est bien, mais c’est frustrant aussi, car certaines notes sont trop brèves et pas assez fournies. Beaucoup d’informations, mais peu de textes, d’analyses.
J’ai eu un peu la même réaction envers le Dictionnaire du Rock de Michka Assayas, un ouvrage capital et très bien fait, mais avec des oublis importants (Chicken Shack, The Groundhogs, Pink Fairies). Ne pas parler des Pink Fairies, c’est priver les lecteurs de tout un pan de cette musique, alors que ces gens sont importants, ils donnaient des concerts gratuits, c’est l’underground anglais et ils préfiguraient le stoner avec leurs longs jams un peu space.
Ce qui me désolait, ce n’est pas qu’ils n’y figurent pas, mais qu’il y avait à la place des groupes que je considère très dispensables et très superficiels, Matt Bianco, Martha & the Muffins, Comateens…
la suite, sur le site:
Fake fo real
(...) Ce premier volume rend donc justice aux treize premières années de ces subdivisions bruyantes du rock (psyché, proto-métal, glam, pre-punk…) en décrivant une centaine d’albums essentiels. (...)
C’est plutôt du côté des sous-estimés et des oubliés que réside l’intérêt. Tous ces sans-grades en avance sur leur temps et connus des seuls collectionneurs acharnés.
Philippe Robert, quatrième. Le critique rock revient chez Le Mot et le Reste pour une nouvelle sélection d’albums. Mais cette fois, il n’est pas seul. Il s’est acoquiné avec Jean-Sylvain Cabot, ancien spécialiste du hard rock chez Rock’n’Folk, puisqu’on parle cette fois de guitares qui tapent et qui crient fort.
Le moment est opportun. Le temps où le hard rock et le heavy metal (en introduction, les auteurs détaillent les nuances qui séparent, ou pas, ces deux termes) était le genre musical honteux par excellence commence à être un vieux souvenir. Animés par la curiosité universelle que permettent désormais Internet et la musique gratuite, peu concernés par les guerres de chapelles des années 70 et 80, les jeunes auditeurs d’aujourd’hui n’abordent plus ce genre avec les préjugés d’autrefois.
Et puis les frontières ont bougé. Dès les années 80, les groupes hardcore américains nés à la suite du mouvement punk, l’ennemi héréditaire du hard, redécouvraient le metal de Black Sabbath. Aboutissement de cette démarche, le grunge des années 90 mariait les deux traditions autrefois antagonistes. Et aujourd’hui, avec Sunn 0))) et les aventures de Julian Cope au sein de Brain Donor, le genre acquiert des lettres de noblesse et l’assentiment d’une élite musicale qui l’a autrefois constamment dénigré.
Le retournement de situation est tel que le critique anglais Simon Reynolds, en conclusion de son récent Totally Wired, en venait à se demander si l’esprit aventureux du punk et du post-punk ne se retrouvait pas davantage dans le metal des années 2000, lointain descendant d’un genre autrefois honni, que dans la scène indie rock, pourtant héritière de la lignée punk et new-wave, mais minée par le conservatisme et le passéisme.
La réhabilitation, cependant, ne va pas encore de soi. Pour preuve, les efforts incessants que Cabot et Robert déploient tout au long de leur ouvrage pour vendre et pour légitimer le genre. Dès qu’ils le peuvent, les deux auteurs s’acharnent sur les vieux murs qui séparent encore une musique rock légitime d’une autre qui ne le serait pas. Ainsi, ils appellent en renfort des personnages respectés et associés à la tradition punk, pour mieux souligner l’intérêt des disques présentés : le John Peel hippy du début des années 70 est souvent cité, Lester Bangs vient aussi à la rescousse, et le nom de Julian Cope apparaît dans un nombre conséquent d’articles. Les auteurs ne manquent pas non plus de rappeler la passion de Daniel Johnston pour les Runaways, l’intérêt de Thurston Moore et de Mike Watt des Minutemen pour Kiss, la collaboration entre Patti Smith et le Blue Öyster Cult.
Leur sélection de disques résulte aussi de cette approche transversale, en ajoutant aux pères fondateurs du genre, en gros Led Zep, Deep Purple et Black Sabbath, les précurseurs comme Cream, Hendrix et les Who, et les groupes proto-punk violents et radicaux qu’étaient les Stooges et le MC5.
C’est qu’avant 1977, les frontières n’existaient pas encore, et que la volonté de hausser le son et de pousser sur la guitare était largement partagée par des gens d’origines et d’aspirations diverses, voire contraires, qu’elle touchait tout autant des groupes psyché, progressifs et expérimentaux, que ceux attachés aux traditions folk et blues, qu’elle débordait jusque sur les musiques noires avec Death, Demon Fuzz ou Black Merda.
C’est le grand intérêt de cette sélection que de présenter un panel large d’une centaine d’albums qui, aux locomotives du genre à la Van Halen, Aerosmith et AC/DC, mêle des références plus confidentielles, et qui démontre aussi avec des disques japonais, allemands, danois, suisses, irlandais, australiens, canadiens, israéliens, voire franco-marocains (Variations), que le phénomène hard ou heavy était universel.
Comme toujours, c’est une approche très pédagogique qu’adopte Philippe Robert, seul ou accompagné, une démarche de passeur avec ces chroniques ni trop courtes ni trop longues, et qui s’efforcent de contextualiser les disques, de guider le lecteur, de prodiguer ces conseils d’écoute.
Seuls les plus exigeants, ceux qui voudraient un Itinéraire Bis du hard plutôt qu’un ouvrage de vulgarisation, pourraient se plaindre d’un livre qui n’est pas toujours pointu. Bien que venant de cette tradition qui abhorre le metal, je connaissais moi-même une bonne moitié des références, et en possède une dizaine en dur. Cependant, même dans ce cas, et surtout si l’on ajoute les dizaines d’albums et d’artistes complémentaires listés pour ceux qui désireraient aller plus loin, Hard ‘n’ Heavy laisse le champ libre à une palanquée de découvertes, il devrait permettre à quiconque, même aux plus réticents, de trouver quelque chose qui lui parle dans le monde finalement complexe et diversifié du hard et du metal.
Et si d’aventure il vous en faudrait encore plus, sachez qu’un second volume est prévu, s’étalant lui de 1978 à nos jours.
(...) Quand j’ouvre Hard’n’heavy 1966–1978, sonic attack, l’excellente anthologie signée par Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert (éditions Le Mot et le Reste), je vois qu’ils ont retenu Deep Purple in rock. Mieux, ils se fendent spécialement de quelques lignes sur Child in time. Or le souvenir lancinant dont je parlais, c’est celui-là. (...)
A l’initiative de Jean-Sylvain Cabot et de Philippe Robert, Hard’n’Heavy 1966 – 1978 Sonic Attack est un ouvrage qui nous éclaire sur l’une des périodes les plus actives du rock’n’roll en nous présentant plus d’une centaine d’albums qui ont révolutionné le Rock. Parfois raillés, souvent dénigrés, Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert nous invitent à redécouvrir ces albums à l’énergie primaire et aux déluges de décibels. Des Yardbirds à Van Halen en passant par Alice Cooper et UFO, les auteurs de Hard’n’Heavy 1966 – 1978 Sonic Attack s’attachent à nous présenter les sources d’inspiration des groupes les plus actuels.
Jean-Sylvain Cabot est connu comme étant le spécialiste du Hard Rock, et fut journaliste permanent pour Rock & Folk, en plein vivier musical entre 1980 et 1985. Philippe Robert, quant à lui, fut l’un des collaborateurs les plus actifs des Inrockuptibles et a publié trois autres ouvrages, dont Rock, Pop, un itinéraire bis en 140 albums essentiels. Tous deux fins connaisseurs de la scène musicale internationale et en contact direct avec le foisonnement musical des années 1966 à 1978, période qui succède au radeau hippie et qui appréhende l’arrivée des jeunes pousses punk à crête sans gel. La centaine d’albums sélectionnée par les deux auteurs donneront naissance à la plupart des styles musicaux actuels, que ce soit le doom, le speed, le glam, le death, le black, le thrash, le nu, l’indus metal et j’en passe…
Les frontières entre styles musicaux ne sont pas tranchées et Hard’n’heavy 1966 – 1978 Sonic Attack nous propose de comprendre un peu mieux les ramifications qui existent entre chaque groupe, du passé jusqu’à aujourd’hui. C’est ainsi que l’ouvrage commence par une présentation de deux nuances musicales pas toujours évidentes à comprendre dans leur ensemble, le hard rock et le heavy metal. Les auteurs s’attachent ensuite à nous présenter une centaine d’albums révolutionnaires, en se basant sur de nombreuses sources bibliographiques, et à nous conseiller quelques autres albums écouter dans la même lignée musicale. Voici une partie des artistes les plus réputés cités dans ce livre : Jimi Hendrix, The Yardbirds, Steppenwolf, MC5, Led Zeppelin, Black Sabbath, Johnny Winter, Alice Cooper, Dust, UFO, Iggy and the Stooges, Aerosmith, Lynyrd Skynyrd, Status Quo, Blue Oyster Cult, Death, Kiss, AC DC, Thin Lizzy, Motorhead, Van Halen, …
Edité par les éditions Le Mot Et Le Reste, Hard’n’heavy 1966 – 1978 Sonic Attack est un ouvrage à se procurer si vous souhaitez redécouvrir les plus grands classiques du rock et comprendre les fondements des mouvances musicales les plus actuelles. Les néophytes comme les plus experts trouveront leur bonheur au travers des analyses de ce livre grâce à l’immense recherche bibliographique effectuée par ses auteurs.
Comme toujours, Philippe Robert est impeccable. En témoignent Rock, Pop, Un itinéraire bis en 140 albums essentiels, Great Black Music, Un parcours en 110 albums essentiels, Musiques Expérimentales, Une anthologie transversale d’enregistrements emblématiques, trois ouvrages totalement indispensables, parus aux éditions Le Mot et le Reste.
Avec Jean-Sylvain Cabot, spécialiste du hard rock et ancien collaborateur de Rock & Folk, il décrit en une centaine de tableaux l’aventure du hard rock et du heavy metal à partir de 1966. Ce premier tome – un second devrait bientôt paraître – est placé sous le signe de Sonic Attack, nom d’un titre d’Hawkwind sur lequel chante l’écrivain de sci-fi Michael Moorcock.
Sélection d’albums significatifs d’une trajectoire coupée d’autres trajectoires (speed metal, glam metal, thrash metal, doom metal, grindcore…), ce premier tome, qui nous emmène jusqu’en 1978, met en vedette les évidents (Led Zeppelin, Black Sabbath, Iron Butterfly, Mountain, Ten Years After, AC/DC, Judas Priest, Motörhead…) mais jette sa lumière documentée sur des groupes que l’on veut aussitôt découvrir ou redécouvrir. Ainsi de Gun, de Blue Cheer, de T2, de Josefus, y compris des Variations de Marc Tobaly naguère salués par Lester Bangs.
Le volume bien nourri aiguise l’appétit d’écoute. L’ouvrage se lit de manière haletante. On ne peut passer outre.
Cosigné par Philippe Robert (un ancien des Inrocks) et par Jean-sylvain Cabot (un ancien de Rock & Folk), édité par l’impec éditeur marseillais Le mot et le reste, le but de ce livre est de focusser sur une ribambelle d’albums durs qui ont marqué douze années des plus powerfull de l’histoire du rock’n’roll…On pourrait prendre aussi le truc comme un retour aux racines du heavy metal, du hard rock, mais sans prétentions d’exhaustivité ou je sais pas quoi d’érudition parfois casse-couilles…
Là ça va on va dire : les mecs savent de quoi ils parlent, on sent qu’ils sont pas tout jeunes, qu’ils ont vaguement vécu le truc…Bien sur le style est un tantinet scolaire (bien que fort utile pour le kid qui au hasard vient de découvrir les Stooges), mi historien, mi bibliothécaire, mais les gars tentent pas plus d’explication que revenir en détails sur une bonne centaine d’albums ultra essentiels pour qui aime les riffs, la rage et l’ultra haute énergie…Bien sur, on y retrouve le canal historique du truc (Jimmy Hendrix, Cream, Jeff Beck, Black Sabbath, Led Zep, Thin Lizzy, Deep Purple, Kiss, Ac/dc, Aerosmith, Judas Priest, Motorhead, Van Halen, Ufo, Scorpions, etc) mais j’allais dire ça on s’en tape…
Ce qu’on veut, c’est apprendre des trucs, découvrir des filiations cheloues, des groupes oubliés, des albums cultes, etc…Et là pour le coup, super, trois quarts des disques disséqués sont de ce ressort, de la filiation ‘’naturelle’’ (des Yardbirds à Grand Funk Railroad) aux babloches psychés (Iron Butterfly), les déviants (Blue Cheer), le post blues blanc, etc…Et pis plein de trucs que je ne connaissais pas (November, Taste, High Tide, Writing On The Wall, My Solid Ground, Master Apprentice, Granicus…).
Autrement dit, on a rapidement l’impression d’avoir un livre quasi idéal pour celui qui aime découvrir, comprendre et franchir les passerelles des genres pour s’immerger dans le bouillonnement et le danger d’une certaine forme de rock puissant, à l’origine de bien des trucs les plus extrêmes d’aujourd’hui…
Histoire d’en rajouter une couche, le livre est très bien édité, la couverture (qui reprend les codes graphiques de l’éditeur) très jolie, le grain du papier parfait, épais certes, mais léger et sensuel. Bien joué les gars !!!
Les Nuits Sonores- le blog«-hard’n’heavy-1966–1978-sonic-attack-»-jean-sylvain-cabot-philippe-robert-le-mot-et-le-reste/
Non l’ami, tu n’as pas écouté Vincent Delerm toute ta vie et ce nouveau volume de l’excellente collection “Formes” tombe à pic pour te rappeler qu’à ton époque, hardeux tu fus, et que tu n’as pas attendu l’invention des concours de Air Guitar pour te la donner avec les copains devant la glace de l’armoire de Mamie. Dans ce très chouette bouquin, retrouve les Grands Anciens (Black Sabbath, Aerosmith…) , les Légendes (Hendrix, Les Yarbirds, Lynyrd Skynyrd…) les seconds couteaux (Judas Priest, Thin Lizzy) et même ceux dont tu avais oublié jusqu’à l’existence (Uriah Heep, j’avais un super disque jusqu’à ce que mon frère le fauche.) Interroge-toi aussi les oublis ou omissions (quid de Cheap Trick, exemple).
Le bouquin fonctionne sur un principe simple, direct et efficace, ce qui est bien la moindre des choses quand on entend traiter de hard rock. Une double page par groupe/artiste, centrée autour d’un album, avec également une mise en avant d’autres titres et artistes dont l’écoute est conseillée. Comme toujours dans la collection musicale du Mot et le reste (avec celle d’Allia, c’est devenu la référence), le livre est extrêmement précis et documenté et susceptible de répondre aux questions des fans les plus obsessionnels.
Il laisse toutefois en suspens, et c’est regrettable, LA question essentielle qui agite le cercle des (vieux) fans de hard rock : qui d’Eddie Van Halen ou d’Angus Young mérite le titre de meilleur guitariste solo du monde ? Réponse peut-être dans le volume 2 de Hard’n’Heavy qui couvrira la période allant de 1978 à nos jours, et dont le titre est déjà tout un programme : Zero tolerance for silence.
Le Hard ou le Heavy Rock est un genre musical regardé avec condescendance par beaucoup de musiciens et de mélomanes. Pourtant, si l’on veut bien se souvenir et prêter une oreille attentive aux albums qui en ont fait l’âge d’or, ont y retrouve de formidables formations qui, non seulement, ont bouleversé le paysage pop des années 60 mais qui ont réorienté les aspirations d’une jeunesse en marge des rêves de paix et d’amour des sixties.
Ce livre nous rappelle, dans une brève introduction d’une quinzaine de pages, que l’histoire du hard rock (comme toute les histoires musicales) ne commence pas avec l’arrivée soudaine d’un groupe ou d’un album mais prend ses sources dans le blues, le rock psychédélique, le rock garage des années 60 et ne peut véritablement exister qu’avec la fabrication et la commercialisation du matériel ad oc. Côté matériel pour le Hard and heavy ce sera bien sûr des amplificateurs de grandes puissances capables de délivrer un son différent et utilisant des techniques de distorsions sonores. C’est ainsi que la distorsion, les effets de feedback et la puissance feront désormais partie intégrante du processus de création et deviendront les éléments de base du hard avant d’envahir le rock dans sa globalité. Cette intro, précise et concise, est suivie d’une sélection d’une bonne centaine d’albums parus entre 1966 et 1978, entre les Yardbirds et Van Halen pour faire simple. Chaque pochette est présentée et chaque disque est très clairement décrit et remis dans le contexte de son époque. Évidement les plus médiatisés y sont : Led Zepplin, Jimmy Hendrix, Steppenwolf, MC5, Deep Purple, Alive Cooper, Aerosmith, Blue Oyster Cult, Cactus, Johnny Winter, Metallica, ACDC…
A la lecture, je peux vous assurer que l’envie de redécouvrir ces classiques se fait forte et immédiate. Non pas essentiellement par nostalgie mais tout simplement parce que ces albums provoquent, aujourd’hui encore, des moments d’émotions intenses et restent, pour la plupart, des œuvres d’une grande qualité musicale. Pour finir, et c’est très important, Jean-Sylvain Cabot et Philippe Robert ont surtout réservé une bonne partie de leur sélection à des artistes oubliés ou méconnus qui pourtant ont été des acteurs majeurs et ont donné naissance à des œuvres phares de l’âge d’or du hard et du heavy rock. Qui se souvient de Hard Stuff, de Leaf Hound, de Three Man Army, de Jeronimo, de Dust, de Sir lord Baltimore ou d’Epitaph ?
Si le hard s’est souvent empêtré dans des styles primaires, violents, puérils, excessifs ou grand guignolesques cet ouvrage intitulé Hard’n’Heavy, édité chez le Mot et le Reste, fait de façon exemplaire, le tri entre le bon grain et l’ivraie.
Un must-have comme on lit dans “Elle”.