Pamela Des Barres ne s’est pas seulement offert des parties de jambes en l’air avec des rockstars, elle est devenue elle-même une icône. Trente ans après leur première publication, ses confessions n’ont pas pris une ride. Rock’n’roll forever.
Anaïs Orieul – Terra Femina
Revue de presse
Adolescente mièvre dans la Californie des années soixante, Pamela Des Barres met le pied dans la porte des backstages, et passera la décennie suivante à se faire bringuebaler, et souvent balader, par les icônes rocks de l’époque (Jim Morrison, Jagger, McCartney, Keith Moon). Son récit trouve l’équilibre entre la candeur renversante des extraits de ses journaux intimes, et une narration au présent jamais avare en anecdotes, posée et pleine d’autodérision. Au-delà de la plongée dans l’intimité de ces rockeurs souvent pathétiques auxquels elle pardonne beaucoup, Des Barres retrace également son aventure musicale au sein des GTO‘s de Frank Zappa. C’est son émancipation et la construction de son identité de jeune femme que Des Barres raconte
en creux, tout en témoignant d’un monde qui n’existe plus vraiment, une Amérique entre deux eaux (l’explosion hédoniste du microcosme du rock dans une société toujours très conservatrice). Fraichement trentenaire, ce récit autobiographique mérite définitivement mieux que son malheureux sous-titre.
Groupie dimension
Préfacé par Dave Navarro, ce récit mythique narre les émois des rockstars via les groupies californiennes à l’époque où sexe et drogue n’étaient pas mortels. Il s’agit donc du “premier livre de son genre où le sexe est évoqué avec autant de joie, si peu de peur et si ouvertement par une femme” dixit le guitariste des Jane’s Addiction et des Red Hot. Décadent? Mieux que ça. Indispensable.
Aussi vieilles sans doute que la musique même, le grand Liszt déjà en subissait les assauts énamourés, les groupies enchantent les musiciens et leurs silhouettes légères illuminent les backstage rock depuis la naissance du genre (et font beaucoup pour son attractivité parmi les jeunes musiciens). Certaines ont déjà marqué l’histoire du rock, comme Sable Starr, Cynthia Plaster Caster la mouleuse d’engin à chaud ou la grande Pamela Des Barres dont l’énorme tableau de chasse est célébré dans ses fameux mémoires “I’m With The Band” justement réédité
ces jours-ci. Pour celles-ci, le marché était clair, elles étalent jolies, parfois nunuches, hippies à une époque où ça rimait avec libération sexuelle, adoraient la musique, en idolâtraient les stars et trouvaient absolument normal de passer, voire d’être passées, de l’un à l’autre en récompense des bons moments de musiques et de rock’n’roll way of Iife. Le livre de Des Barres est un festival de name dropping rock inégalé, entre ses nombreux amants prestigieux, Jlmmy Page, Mick Jagger, Keith Moon, ses potes tout aussi célèbres, Jim Morrison, Frank Zappa ou Robert Plant sans qu’il n’y ait jamais aucun doute sur le fait qu’elle s’amuse autant qu’eux et qu’ils partagent réellement ses histoires ou ses amitiés.
Fans, je vous aime
Groupie ultime, Pamela Des Barres a aimé sans partage la musique et les hommes. Son autobiographie, I’m With the Band, a inspiré à la dessinatrice Nine Antico sa BD Autel California. Elles se sont rencontrées à Paris, pour Grazia.
Nous sommes le 10 novembre 2016, au surlendemain de l’élection présidentielle américaine. Dans un hôtel parisien, l’Américaine Pamela Des Barres frissonne en apercevant le mot “Trumpocalypse” en une de Libération. “Cette élection, c’est effrayant”, murmure la Californienne de 68 ans, groupie culte, pur produit des radieuses sixties. Un destin retracé dans I’m With the Band, autobiographie publiée en 1987 et rééditée ce mois-ci : elle y raconte ses amours avec Mick Jagger, Jimmy Page ou Keith Moon, revendiqués davantage comme le prolongement d’une passion viscérale pour le rock et le plaisir qu’une fascination pour la célébrité.
C’est cette liberté qui a séduit la dessinatrice française Nine Antico. Celle-ci vient de publier Autel California, Face B : Blue Moon, la suite des aventures de Bouclette, alter ego fantasmé de Pamela, dans des seventies qui s’engluent dans la drogue et la violence. Les deux femmes s’étaient rencontrées il y a cinq ans, à Los Angeles. Elles se retrouvent aujourd’hui pour parler sexe, féminisme et rock’n’roll, à une époque où l’on en a plus que jamais besoin.
Grazia – Dans Autel California, Face B, Nine fait de l’affaire Charles Manson (les membres de sa communauté, La Famille, ont commis plusieurs assassinats, dont celui de Sharon Tate, en 1969, ndlr) un épisode central de sa BD. Pamela, compreniez-vous les femmes adeptes de cette secte? Elles aussi, d’une certaine façon, étaient des fans.
Pamela Des Barres: C’était différent ! Moi, j’adorais des gens comme Frank Zappa, une belle âme, pas un monstre ! Et j’ai reçu une bonne éducation. Or dans les années 60 et 70, de nombreux parents ont laissé leurs enfants à la dérive. Je suis sûre que ces filles ont grandi à la dure, sans amour. Elles auraient fait n’importe quoi pour avoir du respect et une famille.
Nine Antico: Vous vous êtes aussi posé des limites, en matière de drogue ou de sexualité.
P.D.B.: J’ai toujours tout fait par amour. J’ai attendu d’avoir 19ans½ pour perdre ma virginité ! Dans la seconde moitié des années 60, les hommes ne s’attendaient pas automatiquement à avoir des relations sexuelles. Par exemple, j’ai passé beaucoup de temps avec Jim Morrisson ou Noel Redding, le bassiste de Jimi Hendrix, avant de sauter le pas. Ça a changé dans les années 70, moins romantiques.
Nine, dans votre BD, vous soulignez les tensions entre féministes et groupies…
N.A.: Oui, j’imagine un combat de catch entre Bouclette et une féministe. Toutes deux deviennent des objets sexuels. Au fond, elles sont d’accord ; elles ont juste une manière différente d’être féministes. Mais pour faire avancer la condition féminine, ces perspectives étaient nécessaires avant de se rejoindre pour rendre les femmes plus libres.
P.D.B.: Plus libres ! C’était ce que nous voulions. Le livre m’a donné l’impression d’avoir fait mon boulot : j’ai sorti les groupies de leur image de filles obsédées sexuelles. Même si, quand je l’ai écrit, j’ai été attaquée pour avoir parlé aussi ouvertement de ma sexualité.
Pourquoi cette dimension féministe était-elle aussi importante pour vous, Nine ?
N.A.: Ce qui m’a plu dans I’m With the Band, c’est que Pamela écrivait qu’on pouvait être vulnérable aux hommes et à la musique, et rester une femme indépendante. Adolescente, je croyais que je passais trop de temps à penser aux garçons. Mais tout allait bien, j’avais de bonnes notes ! Aujourd’hui, j’écris et je dessine. J’ai su faire la part des choses.
P.D.B.: Tant de filles m’ont remerciée parce que je mettais des mots sur ce qu’elles ressentaient depuis toujours. Elles se sentaient mal, confuses. Or les grands artistes vous ouvrent l’esprit. Ils m’ont fait me sentir vivante ! Passer outre ce sentiment de vulnérabilité pour les rencontrer, cela valait le coup.
Pamela, que vous inspire la BD de Nine ?
P.D.B.: Je n’en reviens toujours pas que mon histoire soit arrivée jusqu’en France. J’en suis honorée et ravie.
N.A.: L’histoire de Pamela est universelle. C’est un voyage à travers l’amour et la musique : on commence avec de la pop innocente, puis on passe à Led Zeppelin, du rock plus fou… C’est pareil avec les garçons : d’abord les gentils, puis on repousse les limites.
P.D.B.: Ça m’est arrivé. J’ai d’abord imaginé ce qu’il y avait entre les jambes de Paul McCartney avant de savoir ce qu’il y avait entre celles de Mick Jagger. (Rires.)
N.A.: J’ai une dernière question, pensez-vous qu’Hillary Clinton n’a pas été élue parce que c’est une femme ?
P.D.B.: Oui. Et aussi parce que notre pays est divisé, en totale confusion. J’ai peur que nous fassions de grands pas en arrière. Mais j’essaie de rester optimiste.
I’m With the Band de Pamela Des Barres (Le Mot et le Reste).
Autel California, Face B: Blue Moon de Nine Antico (L’Association).
Retrouver la discussion entre Pamela et Nine sur le site de Grazia
Surnommée “la reine des groupies”, Pamela Des Barres a vécu des aventures plus ou moins brèves avec, en vrac, Mick Jagger, Jim Morrison, Jimmy Page, Keith Moon (The Who), Gram Parsons… On en passe. Pas grave : ces moments de plaisir ne constituent pas le cœur des mémoires, remarquablement traduites, de Miss Pamela.
Le cœur battant de l’ouvrage, c’est l’Amérique des sixties et des seventies. Ou comment une fille du baby-boom s’ouvre au monde grâce au rock – Pamela décrit avec une passion contagieuse ses groupes favoris et l’effet physique que lui procure une mélodie. Groupie ? Certes. Mélomane ? Évidemment ! C’est d’ailleurs via ses amitiés (chastes) avec deux figures majeures du rock des marges, Don Van Vliet (Captain Beefheart) et Frank Zappa, que la petite californienne fait son entrée dans ce chaud business. Mieux : sous la houlette du précité Zappa, elle formera The GTO‘s, premier groupe entièrement féminin aux textes faussement absurdes. Féministe? Ce livre témoigne également de prises de conscience : les droits civiques, le Vietnam, mais aussi une certaine idée du féminisme que Pam expérimente sans véritablement le théoriser. Bref, elle plonge à corps perdu dans cette gigantesque fête que furent, nous dit-on, les sixties. Avec, bien sûr, des gueules de bois : le flower power a accouché de quelques tordus, dont Charles Manson, qui traîne déjà dans les parages. Enfin, on sourit parfois face à cette approche très américaine et paradoxale de la vie : puritaine malgré elle, l’insatiable séductrice tient plus que tout à sa virginité. Finalement, ces frasques en disent moins sur l’auteure que sur les soubresauts qui secouèrent le monde. Pamela Des Barres, une allégorie ? Il y a de ça.
Cette légendaire groupie américaine revendique joyeusement ses années de libération sexuelle musicale.
Nous sommes le 10 novembre, quarante-huit heures après l’élection de Donald Trump. Ce matin, Libération a publié son premier grand numéro consacré au président élu. Pamela Des Barres a juste eu le temps de placer son bulletin dans l’urne dans sa Californie natale avant de prendre l’avion pour l’Europe, où elle est venue animer des ateliers d’écriture à Londres et rencontrer quelques journalistes à Paris à l’occasion de la réédition de I’m With the Band, le premier volume de ses mémoires. Quand elle découvre la une du journal, qui présente un Trump à moitié occulté par la pénombre derrière la formule «American Psycho», elle nous adresse un sourire triste. L’ex-«Reine des groupies» (titre non officiel mais non disputé), pionnière malgré elle de la révolution sexuelle depuis l’âge de 16 ans et son intronisation dans le milieu du rock grâce à Captain Beefheart, n’a pas voté pour lui. «Tu as regardé la télévision ? Ce trou du cul a terminé son discours sur un morceau des Rolling Stones. Tu sais combien de fois les gars lui ont demandé d’arrêter ?»
Rencontrer Pamela Des Barres deux jours après l’élection du premier président prédateur sexuel et l’échec de la première femme présidentiable de l’histoire des Etats-Unis nous encourage à considérer avec elle sa «carrière» sous un angle politique. Grâce à ses livres, aux centaines d’interviews qu’elle a données, aux versions romancées de sa vie qu’on a vues dans des films (Presque célèbre de Cameron Crowe) ou lues dans des bandes dessinées (Autel California de Nine Antico), on sait que «Miss Pamela», née Pamela Ann Miller en 1948, a connu bibliquement une tripotée de personnalités légendaires de l’âge d’or du rock, de Jimmy Page à Keith Moon, de Mick Jagger à Jim Morrison.
A la lecture de I’m With the Band en 2016, on est pourtant moins frappé par les révélations sur les préférences sexuelles de Chris Hillman des Byrds que par la description de la géhenne patriarcale qu’elle associe à l’Amérique du Nord des années 60, et l’héroïsme libertaire avec lequel elle y a vécu sa passion pour la musique et le sexe en toute liberté. «Que je fasse du stop ou que je me prélasse dans mon salon, il y avait des types qui se touchaient derrière un muret. J’ai mis très longtemps à réaliser que ce n’était pas normal. D’une certaine manière, c’est encore pire aujourd’hui. Et ça sera sans doute pire encore demain à cause de Trump. On continue à déshonorer à tout prix la femme, quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse. Nous sommes dans un monde d’hommes depuis deux mille ans, depuis que la gent masculine s’est approprié Dieu, et Jésus.»
Pour autant, Pamela Des Barres est-elle un personnage politique ? Elle fait la moue quand on lui propose le gros mot. «Tout dépend si on considère la sexualité comme un objet politique.» On lui rétorque que la question l’est, éminemment. «A sa sortie, il y a trente ans, I’m With the Band a été reçu comme un livre extrême et a déplu à beaucoup de gens, ce qui m’a beaucoup surprise, parce que je me suis contentée d’y ouvrir mon cœur. L’année dernière, je faisais une lecture, au Texas. Et après avoir lu le passage où j’imagine à quoi ressemblent les testicules de Mick Jagger, un homme s’est levé et m’a traitée de pute. Parce que j’ai écrit que j’ai eu des relations sexuelles avec des gens, d’un point de vue féminin, on me traite encore de traînée. Pourtant, c’est avant tout un livre sur l’éducation d’une jeune fille californienne dans les années 60. On dit de moi, “cette jeune fille a eu des relations sexuelles avec des rockeurs”. Mais tout le monde a des relations sexuelles, tout le temps !»
Il y a une vingtaine d’années, Pamela Des Barres s’est fait tatouer dans le dos Jésus, Elvis Presley, James Dean et la Bible. En nous montrant ce qu’il convient d’appeler une fresque, elle nous explique qu’elle est une personne «spirituelle», qu’elle aime Jésus par-dessus tout, et qu’elle considère qu’il n’a rien à voir avec la religion. «On l’a perverti pour en faire un outil de répression. Il est le prince de la paix. Quant à Elvis, il m’a ouvert les portes de la liberté. Je l’aime depuis que j’ai 8 ans. Il était si sexy à une époque tellement coincée, ça a tout changé.»
D’aucuns ont argumenté, à travers les années, que Des Barres n’œuvrait pas pour son genre en satisfaisant l’appétit sexuel insatiable des stars du rock, qu’elle et les autres groupies de sa génération n’ont fait que perpétuer les intérêts d’un patriarcat toujours plus omnipotent et tentaculaire. Elle concède que la libération de la femme n’était pas son premier projet. «J’ai été élevée dans les années 50 ! A l’époque, les jeunes filles comme moi étaient éduquées pour faire plaisir à leur homme. Quand on se retrouvait face à un musicien un peu vieux jeu, on faisait tout pour lui faire plaisir. Du coup, les féministes nous détestaient. Pourtant, je prenais la pilule, j’étais maître de mon destin. C’est pour ça que j’essaye de réhabiliter le mot “groupie”. Nous étions des femmes libérées. Les rockeurs ne claquaient pas dans leurs doigts pour qu’on nous apporte offertes sur un plateau d’argent. Nous faisions tout pour les séduire ou les rencontrer. Comment pourrais-je leur en vouloir d’avoir cédé à nos charmes ?»
Après des tentatives ratées dans la musique (avec les GTO’s, groupe 100 % groupies ourdi par Frank Zappa et responsable d’un album merveilleux, Permanent Damage, en 1969) et le cinéma, la jeune femme s’est mariée avec Michael Des Barres, acteur et chanteur du groupe britannique Detective, puis s’est résolue à faire de sa notoriété un métier. Auteure de cinq livres (bientôt six) sur sa vie et ses à-côtés, elle anime des ateliers d’écriture de «mémoires rock». Son écrivain préféré est Stephen King, et elle ne se lasse pas de se délecter de faire le même métier que lui. Elle organise aussi des tours autour du Sunset Strip, «plus chers» parce qu’elle est devenue une «figure historique», l’une des rares qui peut évoquer de première main ce qu’elle considère comme une renaissance culturelle comme l’Occident n’en connaîtra aucune autre «avant des siècles». Toujours fan de musique, elle n’hésite pas à faire l’aller-retour à Las Vegas quand Dion (DiMucci), sa deuxième idole de jeunesse, passe y donner un tour de chant. Evidemment, en octobre, elle était dans le public de Desert Trip, premier festival de «grandpa rockers», qui réunissait les Rolling Stones, The Who, Paul McCartney, Neil Young et Bob Dylan, et que des méchantes plumes ont rebaptisé «Oldchella». «C’était sublime. J’emmerde ceux qui pensent que c’était une réunion de vieux croulants. Sérieusement. Fuck them ! Ces vieux ont produit la meilleure musique jamais enregistrée ! Parle un peu aux jeunes filles, tu verras. Elles veulent toujours baiser Jimmy Page.»
Retrouvez le portrait consacrée à Pamela Des Barres sur le site de Libération
Si vous vous demandez ce que vous faites de votre jeunesse, plongez plutôt dans celle de Pamela Des Barres. Dans ses mémoires rééditées, la reine des groupies raconte la libération sexuelle des sixties avec le gratin de la scène rock. Chaud !
- Page punchline : « Je voulais décrocher une très bonne note au cours d’économie ménagère pour faire la fierté de mes parents, mais les garçons et le rock’n’roll chamboulèrent mes priorités. » p.18
- Page turner : à la page 24, elle vit son premier french kiss et l’ado fantasque de L.A qui rêve d’épouser Paul Mc Cartney va vite se muer en stalkeuse de rock stars, qu’elle harponne à la sortie des concerts ou des clubs.
- Être à la page : mettre dans son lit Jim Morrison (manquant de se faire étrangler par la régulière de ce dernier), Frank Zappa, Jimmy Page (dont elle fut très amoureuse), Keith Moon et même Mick Jagger, ça c’est du tableau de chasse.
- Tourner la page : comment se reconvertir une fois qu’on s’est tapé tous les groupes de rock ? L’auteure a bien exploité le filon : depuis la sortie originelle du livre en 1987, elle en a écrit trois autres dans le même esprit. Elle publie aussi des articles et anime des ateliers d’écriture. Moins rock’n’roll.
Un vent de rock’n’roll souffle sur cet automne et on le doit à la réédition d’un livre culte : I’m With The Band – Confessions d’une groupie, de Pamela De Barres. Entre témoignage et archive, cette autobiographie raconte la montée en puissance du rock à la fin des sixties, et surtout, place au centre de ce tourbillon une jeune femme qui allait devenir l’amante et la muse des plus célèbres rockstars. Un livre qui sent bon les paillettes, le sexe et la sueur.
Peu connue sur notre territoire, la première autobiographie de Pamela De Barres est pourtant entourée d’une aura de culte outre-Atlantique. Sorti en 1987 et finalement traduit chez nous en 2006 (ed. Le serpent à plumes), le livre est réédité cet automne chez Le mot et le reste. Près de 30 ans après sa première parution, I’m With The Band pourrait être considéré comme poussiéreux, le témoignage d’une époque révolue qui n’intéressera plus qu’une poignée de passionnés. Mais on aurait tort de passer à côté de ces Confessions d’une groupie. D’abord parce qu’elles documentent avec beaucoup de légèreté la création des plus grands groupes de rock de tous les temps, ensuite parce qu’elles manifestent de la construction d’une jeune femme qui allait devenir une pionnière de la libération sexuelle. Après la publication début septembre de deux romans s’intéressant chacun à leur façon aux “girls” de Charles Manson, la réédition de I’m With The Band arrive comme un écho fun et désinvolte à ces œuvres littéraires très sombres.
Drogues, rock’n’roll et beaucoup de sexe
“A chaque fois que je vois ces vieilles images en noir et blanc où Elvis est tondu pour les beaux yeux de l’Oncle Sam, j’ai des frissons”. Ainsi commence le récit de Pamela De Barres, née à Resada en Californie. Pamela, une jeune fille bien de son époque qui fantasmait sur les Beatles tout en portant sa virginité en étendard. Comme beaucoup de ses amies, elle aurait pu grandir, décoller les posters de Paul de sa chambre d’ado, rencontrer un bon garçon et se marier. Mais les artistes avaient la main mise sur son petit coeur. Un petit cœur qui finit par exploser à la découverte des Rolling Stones, “des garçons sales et débraillés ” dont la musique lui firent escalader ” de nouveaux sommets d’abandon adolescent”. On vous laisse imaginer.
Pamela De Barres a fait les bonnes rencontres. Ses parents étaient plutôt laxistes pour l’époque, et elle a donc pu se bâtir sa propre identité, loin des carcans imposés par la société aux jeunes filles des sixties. Une fois le lycée terminé (en 1966), elle a quitté Resada pour Sunset Strip. Là-bas, elle s’est fait des amies aussi délurées qu’elle, passait ses soirées au Whisky a Go Go, et se faisait remarquer par de jeunes rockstars en herbe. Prise sous l’aile de Frank Zappa, la blondinette a même intégré le premier groupe de groupies, les GTO (pour Girls Together Outrageously). Composé de sept filles ultra cool, le groupe a donné naissance à un seul et unique album en 1969, Permanent Damage.
Mais grâce aux GTO et parce que dans les années 60, rencontrer des rockstars était facile, Pamela De Barres née Miller, est devenue l’amante et la muse des plus grands. Rouler des pelles à Jim Morrison avant que les Doors ne sortent leur premier album ? Check. Partager la couche de Noel Redding, le bassiste de The Jimi Hendrix Experience ? Check. Devenir la petite-amie de Jimmy Page ? Triple check. Avec délice et beaucoup d’autodérision, l’ancienne groupie se souvient de cette époque où elle a vendu son âme au rock’n’roll et à ceux qui construisaient sa légende. I’m With The Band est bourré d’anecdotes mais Pamela De Barres le fait toujours avec beaucoup de bienveillance. Elle en a vu des rockstars se droguer, bouffer la vie comme s’il n’existait aucune limite. Et elle n’a pas seulement assisté à tout ça, elle y a pris part. Ses soirées de folie avec Keith Moon, le batteur le plus barré mais aussi le plus triste de sa génération, ses multiples orgasmes offerts par la bouche et le corps de Mick Jagger… les mémoires de celle que les pop stars surnommaient Miss Pamela ont de quoi faire frissonner d’envie les fans de Justin Bieber.
Plus qu’une groupie, une icône
Réduire I’m With The Band a ses détails croustillants serait une erreur. L’autobiographie de Pamela De Barres porte aussi un regard tendre et intime sur la fin des sixties et le début des seventies. Surtout, le livre est le témoignage du passage de l’adolescence à l’âge adulte d’une jeune fille éprise de liberté. A coup d’extraits de son journal intime ou de courriers, on voit Miss Pamela mûrir, passer de l’amoureuse qui se languit à une femme beaucoup plus sûre d’elle. Sans s’en rendre vraiment compte à l’époque, la Californienne a participé à la révolution sexuelle. Elle faisait l’amour, elle adorait ça, et elle ne s’est jamais souciée du jugement des autres. Digne représentante d’un féminisme totalement décomplexé, elle poussa même sa passion du sexe et du rock’n’roll encore plus loin en publiant en 2007 un livre bourré de témoignages autour des groupies et des histoires qu’elles ont vécu avec leurs idoles : Let’s Spend The Night Together. Un titre évocateur et clin d’œil non dissimulé à ses nuits brûlantes dans les draps de Mick Jagger.
Un peu chanteuse, un peu actrice, auteure de cinq ouvrages sur le rock, inspiration de Kate Hudson pour son personnage de groupie dans le cultissime Presque célèbre, Pamela De Barres ne s’est pas seulement offert des parties de jambes en l’air avec des rockstars, elle est devenue elle-même une icône. Trente ans après leur première publication, ses confessions n’ont pas pris une ride. Rock’n’roll forever.
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