On savoure une plume érudite et inspirée qui ne cite pas forcément les LP les plus célébrés, évite la pâle biographie et le bête recensement.
Thibaut Allemand – Magic
De la sortie de Unknown Pleasures de Joy Divison en 1979 à celle de OK Computer de Radiohead en 1997, le Royaume- Uni a assisté à l’âge d’or de ses labels indépendants (Factory, Rough Trade, 4AD, Creation etc), à l’accession au pouvoir de Margaret Thatcher puis à celle de Tony Blair et à la parution d’un nombre impressionnant d’albums qui marqueront à jamais l’image du rock anglais. Cet ouvrage dresse le portrait de cette période musicale mouvementée, de sa naissance avec la création des premiers charts indépendants à son déclin avec l’absorption des structures indépendantes par les majors. Des Smiths à Blur en passant par les Stone Roses, Oasis ou Pulp, cette anthologie analyse cent disques qui ont construit l’image contestataire et indépendante du rock britannique associant dans un même élan des bastions comme Londres, Manchester, Glasgow, Cardiff ou Belfast.
L’auteur a créé, en parallèle de son ouvrage, un blog qui servira à mettre en avant tout ce que le livre papier ne lui a pas permis d’intégrer, que ce soit pour des raisons de place ou de format (photos, vidéos…) : http://gimmeindiepop.tumblr.com
Revue de presse
Jean-Marie Pottier retrace toute une période musicale en ne mettant pas nécessairement en avant que des albums connus, je pense notamment au sublime Understand du groupe Brian paru sur le label Setanta ! L’auteur revient sur cent disques qui ont construit l’imagerie du rock britannique de Londres à Manchester en passant par Glasgow, Cardiff ou Belfast. Un ouvrage inspirant et inspiré d’un érudit de l’Histoire des musiques actuelles et pas que ! Encore un must-have !
”*Retrouvez la chronique sur Fanfare-pop”¨:https://fanfare-pop.com/vacances-dete-2018-notre-selection-de-livres-a-glisser-dans-sa-valise/
C’est à l’occasion d’un de ces diners, où on se retrouve à parler à des inconnus. La discussion se met alors à dériver vers le terrain glissant de la musique. A chacun ou presque, donc, de faire prévaloir ses goûts, de partager ses coups de cœur du moment, et de citer tel ou tel artiste qui l’a récemment émoustillé. Et forcément, comme on a affaire à de gens équilibrés, pas à ces grands malades obsessionnels que sont les passionnés de musique, on en vient à parler de groupes à succès, Coldplay, par exemple. On parle de gens très grand public. Cependant, malgré la notoriété absolue de ces artistes, il y en a toujours un, un ermite imperméable à la chose musicale, pour demander : “c’est quel genre de musique, en fait ?”. Puis un autre, le fan, pour répondre : “indie, je crois. Oui, c’est ça. C’est du rock indie”. Cette anecdote, je la tire de mon dernier réveillon du nouvel an. Et elle en dit long sur ce que l’indie rock (ou pop) est devenu : un genre en soi et, parfois, l’apanage d’artistes très visibles et très populaires. Après l’explosion commerciale des labels indépendants dans les années 90 (ou plus précisément, celle d’artistes plus ou moins fidèles à l’esthétique développée par ces labels), tout s’est appelé “indie”. C’est maintenant l’idiome commun de ce qui, autrefois, on nommait le rock. Et ce, d’autant plus commodément que les nouvelles générations n’ont plus rien à faire de l’opposition entre le punk et le rock-à-papa (ou plutôt rock-à-papy), qui était à la base de l’identité de leurs prédécesseurs. À force, le terme “indie” (ou “indé”, si on est fidèle à sa version française) est devenu une notion floue, flexible et polysémique. Il est donc salutaire que Jean-Marie Pottier, rédacteur en chef du site Slate.fr, ait cherché à poser des bornes claires, dans son livre consacré au sujet.
L’une de ces bornes est temporelle, son récit prenant place entre deux dates précises, dont le première est 1979. Si elle n’est pas tout à fait l’an 0 de l’ère indie (le Spiral Scratch des Buzzcocks, EP fondateur de la démarche indé, datant de 1977), c’est bel et bien en cette année que trouvent leur origine ou que prennent leur envol des labels aussi cruciaux que Rough Trade, Beggars Banquet, 4AD, Cherry Red et Mute. L’année qui clôt le récit de Pottier est, quant à elle, 1997. Elle est celle d’après le triomphe de l’esthétique indé, de sa transformation en un nouveau rock grand public, de sa dilution dans l’industrie du disque. Elle est aussi celle d’un album, le OK Computer de Radiohead, qui renverse les vieux schémas, puisqu’on y voit un groupe établi, sur une major du disque, revenir vers les origines post-punk de l’indé. Un peu forcée (OK Computer est aussi l’album de la réhabilitation du rock progressif, qu’on exécrait dans l’après-punk), cette datation permet de raconter une belle histoire, sous la forme d’un long parcours cyclique.
L’auteur souligne ce qu’ont été, à travers ses évolutions, les constantes du rock indé : une posture intellectuelle, qui se manifeste par un engagement politique ou par un certain esthétisme empreint de références artistiques ; la préférence pour une musique à échelle humaine, a l’opposé du rock de stade. Comme Pottier le souligne à propos des Housemartins, cette musique était la continuation du punk par d’autres moyens. Et ces moyens, justement, on été divers, ils ont changé parfois radicalement au fil des années. Jean-Marie Pottier nous présente toutes ces variantes de l’esthétique indé. Il le fait en introduction, mais plus encore dans ses présentations de disques (suivant le format habituel chez Le Mot et le Reste). D’abord, il est question des sons bruts et braques du post-punk ; puis de l’ère des Smiths, avec leur réappropriation de la pop des années 60 ; d’un certain retour au psychédélisme, qu’on parle des shoegazers ou des rockeurs baggy inspirés par la très électronique acid house ; de l’amateurisme et de la naïveté exacerbés de la twee pop ; et de cette vague revivaliste et quasi nationaliste qu’a été la brit pop.
Oui, la brit pop, et non pas les nombreuses tendances autres qui, à la même époque, le milieu des années 90, se manifestaient Outre-Atlantique. Car Jean-Marie Pottier a voulu doubler sa délimitation chronologique d’une autre, géographique celle-là. Même si, dans les chroniques d’albums, on voit les signes d’un échange fructueux entre les deux rives de l’océan, c’est bien d’indie pop britannique qu’il est question ici, de celle qui est née du post-punk, alors que son homologue américaine s’est plutôt développée avec son négatif, le punk hardcore. Cette focalisation sur les Iles Britanniques permet à l’auteur de façonner encore mieux son histoire, en plaçant cette épopée indé en regard d’une autre ère, politique celle-ci : la domination des Tories, sous le règne des premiers ministres Margaret Thatcher et John Major ; surtout de Margaret Thatcher, en fait.
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Retrouvez toute la chronique sur Fake For Real
Après le folk, le post-punk, le rap français, le reggae ou l’electro, le dernier “guide” édité par Le Mot Et Le Reste se consacre à l’INDIE POP, période 1979–1997. Un sujet aux contours flous puisque, si on peut restreindre cette école aux moyens de production ou de diffusion, certaines figures de ce qui est devenu un genre étaient hébergées par des majors (XTC, The Cure… ). Jean-Marie Pottier résout ce dilemme en évacuant d’office ces albums parus sur des grosses compagnies.
Autre vaste question : qu’est-ce que la pop ? L’auteur ne répond pas franchement à cette interrogation mais présente son sujet dans une introduction passionnante, instructive et étayée, où sont évoqués les labels phares (Factory, Rough Trade, Sarah, 4AD, Postcard), les évolutions musicales (le post-punk, Manchester, la britpop) et la toile de fond politique, du thatchérisme triomphant dès 1979 à la Cool Britannia incarnée (et récupérée) par le travailliste Tony Blair, élu en 1997. Deux dates en forme de balises musicales, depuis Unknown Pleasures(1979) de Joy Division jusqu’à OK Computer(1997) de Radiohead. Durant cette grosse quinzaine d’années, la pop indépendante aura connu plusieurs mutations, entre groupes de niches et succès populaires.
À travers la centaine d’albums recensés, on retrouve quelques suspects habituels (The Smiths, New Order, Echo & The Bunnymen, The Pale Fountains, The La’s) et l’on croise des formations sous-estimées (Stockholm Monsters, Paul Quinn & The Independent Group) ou injustement oubliées (Brian) ainsi que des curiosités (The King Of Luxembourg).
Comme d’habitude avec ce genre de bouquin, on râle pour la forme en guettant les absents. Bien que cités, Moose ou Stereolab méritaient une entrée. Et où est passé Dolly Mixture? Prenant le parti de traiter avant tout la pop à guitares, le rédacteur en chef de Slate.fr laisse volontairement de côté le trip hop (Massive Attack, Portishead) qui ”dépasse le cadre de ce livre” mais dont l’influence déborde justement les chapelles en les abattant. Enfin, puisqu’il se penche uniquement sur l’aspect britannique (et irlandais) de l’affaire, l’auteur n’aborde pas le collège rock (l’équivalent américain) ni les aventures françaises (Lithium, Cornflakes Zoo, Rosebud) ou espagnoles (Elevant, Acuarela).
Passés ces menus bémols, on savoure une plume érudite et inspirée qui ne cite pas forcément les LP les plus célébrés, évite la pâle biographie et le bête recensement. Au contraire, les oeuvres sont abordées de biais, à travers un détail parfois. Les liens tissés entre les disques rappellent l’approche de François Gorin dans Sur Le Rock(1990) – pas un petit compliment. On salue donc un ouvrage qui nous fera poser une oreille nouvelle sur des chansons qu’on chérit depuis des lustres, et commander certains albums qu’on ne connaissait pas bien.
Né dans la marge, ce mouvement so british a marqué la musique des années 1980 et au-delà. Un livre le décortique.
Productions boursouflées, toute-puissance du clip… Les esthètes musicaux vouent souvent aux gémonies les années 1980. Un brin rapide, selon Jean-Marie Pottier. Rédacteur en chef du magazine en ligne Slate, ce journaliste, originaire de Rennes, remet en lumière un courant marquant de cette décennie: l’indie pop. Un croisement entre la mentalité Do it Yourself (fais-le toi-même) des punks et une musique marquée par les années 1960, entre gravité et légèreté.
Dans un livre érudit et accessible, il raconte ce mouvement britannique. Avec ses classiques, comme Joy Division, The Smiths, The Stone Roses, Pulp, ses perdants magnifiques et ses trésors cachés. Surtout, il replace cette musique dans son époque. L’ouvrage démarre en 1979 avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, involontaire source d’inspiration pour l’Inde pop. Il s’achève en 1997 avec l’élection de Tony Blair, qui s’est appuyé sur le mouvement indie, à travers Blur et Oasis. Entre les deux, une mine d’artistes à (re) découvrir.
Des pochettes de disques, des guitares, des groupes cultes, des mouvements explorés en détail et une pincée de sable du désert.
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La fille dans le groupe
L’histoire du groupe culte américain Sonic Youth vu par la bassiste Kim Gordon. Même si ce livre respire l’amertume de sa séparation d’avec le chanteur-guitariste Thurston Moore et la colère d’une femme trompée, c’est un excellent témoignage de première main sur l’underground new-yorkais des années 1980 et 1990.
Le Velvet jour après jour
Le Velvet Underground est l’un des groupes les plus influents de l’histoire du rock, même s’il ne connut qu’un succès modeste lors de ses années d’activité. L’éditeur marseillais Le mot et le reste réédite l’ouvrage de Ritchie Unterberger qui documente, jour après jour, l’histoire de cette formation légendaire. À signaler que le Velvet Underground sera au cœur de l’actualité en 2016, avec l’ouverture d’une grande exposition à la Philharmonie de Paris, en mars.
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Indie ou psyché ?
C’est l’une des spécialités de l’éditeur Le mot et le reste : faire découvrir un style musical à travers une large sélection de disques commentés, certains fameux, d’autres obscurs. On conseille le très bon Indie pop de Jean-Marie Pottier, explorant la musique british, et le plus pointu Rock psychédélique de David Rassent, qui explore ce genre protéiforme, depuis ses débuts en 1966, jusqu’à ses formes les plus récentes.
Retrouver la sélection sur le site de Ouest-France
EN IMAGES – L’année 2015 a été riche en ouvrages historiques, autobiographies et bandes dessinées consacrées au monde du rock. Sélection non-exhaustive pour faire plaisir aux amateurs.
À Noël 2015, il devrait être assez facile de satisfaire les amateurs de musique, et notamment, de musique pop-rock. Cette année, de nombreux ouvrages, écrits, photographiques ou graphiques consacrés à cette culture ont été publiés.
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Indie pop 1979–1997 de Jean-Marie Pottier, aux éditions Le mot et le reste, décortique un autre courant du rock : l’indie pop. La sortie d’Unknown Pleasures, premier album de Joy Division, en 1979, en a été le point de départ. Plus qu’un style musical, l’indice pop symbolise aussi un rapport “intègre” à l’industrie musicale, rejetant le côté marchand et marketing. Jean-Marie Pottier (rédacteur en chef de Slate.fr) en retrace les plus belles années, de 1979 à 1997.
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Le journaliste Arnaud Devillard a quant à lui préféré se concentrer sur le groupe Dire Straits, dans l’ouvrage Dire Straits, l’Amérique fantasmée, publié aux éditions Le mot et le reste. Il revient sur le parcours de l’un des groupes les plus cultes des années 80, qui a signé les tubes “Money For Nothing” ou “Walk Of Life”.
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2015 a également été riche en autobiographies rock. Celle dont on a le plus parlé est Kim Gordon, Girl In A Band, de l’ancienne membre de Sonic Youth. Dans ce livre parfois amère et sans concession, Kim Gordon raconte son parcours en tant que musicienne, chanteuse et artiste, sa place en tant que femme dans l’industrie du rock, et l’évolution du New York “underground” des années 80 et 90. Elle relate également son divorce houleux avec Thurston Moore, chanteur de Sonic Youth et son compagnon pendant 27 ans. La version française de Kim Gordon, Girl In A Band, est publiée aux éditions Le mot et le reste.
Retrouver la sélection sur le site de RTL2
Les livres musicaux se déclinent souvent sous forme de listes forcément plus subjectives qu’objectives. Sélection parmi les dernières parutions.
L’amateur de rock, en particulier, est friand de listes : playlists thématiques, anthologies exhaustives de l’œuvre pléthorique de certains artistes, classements conventionnels ou subjectifs en tous genres (les 100 meilleurs ci ou meilleurs ça), recueils commémoratifs institutionnels ou individualistes… Dans la marée d’ouvrages consacrés à la musique populaire (un vertigineux phénomène d’édition qui conduit la majorité des publications vers les solderies ou le pilon), en voici cinq, parus récemment, qui pourraient combler l’inévitable listomaniaque qui sommeille en vous ou sévit dans votre entourage.
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Le plus indé-crottable
Avec Jean-Marie Pottier, pas question de détourner les conventions ni de glisser dans la dérision. L’indie pop, pour lui, c’est du sérieux, du béton. La frontière est claire entre l’affreux mainstream diffusé par les majors et le vertueux son déversé par les illustres (parfois inconnus) tenants de la scène indépendante britannique entre 1979 et 1997. Des artistes qui se définissent autant par leur son et style instinctifs, différents, que par leur appartenance à des labels à la patte et à l’esthétique affirmées, érigés en gages d’audace et de qualité (Rough Trade, Factory, Creation, 4AD…). Au total, cent albums, de Unknown Pleasures, de Joy Division (1979), à OK Computer, de Radiohead (1997), en passant par Swell Maps, The Scars (ah, les Scars !), The Woodentops ou Pulp (et pas toujours l’album le plus évident), qui ont façonné le son d’une autre Angleterre pendant vingt ans. Une discothèque, sinon idéale, plus que représentative pour mélomanes essentiellement branchés sur courant alternatif.
Retrouvez l’intégralité de la sélection sur le site de Télérama
Dans son livre Indie Pop – 1979–1997 (éditions Le Mot et le Reste), le journaliste Jean-Marie Pottier revient sur la naissance des labels indépendants au Royaume-Uni et l’évolution d’un genre qui a marqué quelques générations de fans.
Voilà un livre passionnant qui revient sur une grosse quinzaine d’années où la pop anglaise a été particulièrement vivante et généreuse en bons groupes et grands disques. Jean-Marie Pottier s’est intéressé à la notion de pop indépendante, notion un peu floue parce qu’elle recoupe deux réalités : économique et musicale.
Fais le toi-même
Tout commence en 1979 dans le sillage du mouvement punk et de sa doctrine do it yourself (« fais le toi-même »). Quand on est un jeune groupe, à quoi bon attendre qu’une grosse maison de disques daigne se pencher sur son cas, quand il est si facile, rapide et pas cher d’enregistrer et de sortir soi-même un 45 tours ? À la suite des Buzzcocks, nombre de groupes suivent cette voie et quantité de petits labels se montent. Certains sont promis à un avenir glorieux : Factory, Rough Trade, 4AD, Creation ou Mute. On leur doit – dans le désordre – des groupes aussi fameux que New Order, Depeche Mode, Oasis ou les Smiths.
Quand la musique rencontre l’histoire
Au fil d’un texte d’introduction remarquable, Jean-Marie Pottier décrit les évolutions économiques et esthétiques qui marquent les années 1980 et 90, avec les grands mouvements que sont le post punk, Madchester ou la britpop. Il les relie notamment à la situation politique du Royaume Uni, marquée dans les années 1980 par la figure conservatrice de Margaret Thatcher, contre qui beaucoup d’artistes s’élèvent violemment. Le mouvement britpop, Noël Gallagher en tête, sera un fervent supporter de Tony Blair dans les années 1990 et apportera sa pierre à la reconquête du pouvoir par les travaillistes.
La pop indé, musique d’une époque
Mais le cœur de l’ouvrage, c’est une sélection de cent disques marquants de la période, auxquels l’auteur consacre à chacun une double page. On y retrouve les incontournables (Joy Division, Blur, PJ Harvey, Belle and Sebastian…), mais aussi les inclassables (Denim, Momus, Talk Talk) ou ceux qui n’ont pas eu le succès mérité (The Trash Can Sinatras, The Stockholm Monsters). Une belle porte d’entrée pour découvrir toutes les facettes de la pop indé britannique.
Lire l’article sur le site Riffx.fr
Dans son livre Indie pop 1979–1997, le journaliste Jean-Marie Pottier dresse le portrait d’un courant musical marginal dans les années 1980, passé depuis à la postérité.
Synthés tocs, productions boursouflées, toute puissance du clip… Les esthétes musicaux vouent souvent aux gémonies les années 1980. Un brin rapide, selon Jean-Marie Pottier. Rédacteur en chef du magazine en ligne Slate, ce journaliste, originaire de Rennes, partage la même passion pour la musique que pour le Stade Rennais. Pas incompatible…
Dans Indie pop 1979–1997, il dresse le portrait de ce mouvement musical britannique. S’il ne dominait pas commercialement les années 1980, il a vu éclore quelques groupes essentiels, comme Joy Division ou les Smiths, qui influencent encore aujourd’hui des musiciens, mais aussi des cinéastes et des écrivains.
Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ce livre sur l’indie pop ?
Je trouve que c’est un genre qui a été peu exploré en France. Ici, la musique des années 1980 a très mauvaise presse. On situe l’âge d’or du rock et de la pop dans les années 1960–1970 et ça se serait dégradé ensuite, ce serait devenu plus commercial. Évidemment, les années 1980 ont été marquées par l’émergence des clips avec MTV qui nécessitaient de gros moyens. Le support CD a incité les groupes à remplir à ras bord leurs albums avec une certaine complaisance. Mais les années 1980, ce n’est pas que Kajagoogo, Duran Duran, Wham ou Phil Collins. En Angleterre, les livres de Simon Reynolds (Rip It Up and Start Again) sur le post-punk, et de John Robb sur la scène musicale de Manchester (Manchester Music City) ont aidé à réévaluer cette période.
Peut-être parce que l’indie pop était un courant confidentiel ?
En France, peut-être. Même si l’indie pop a fait naître ici des vocations, avec notamment le lancement des Inrockuptibles. Mais, au Royaume-Uni, cette musique parlait à beaucoup. Les albums des Smiths ont été n°1 dans les charts. L’indie pop parlait à la jeunesse anglaise, évoquait son mal-être, les rivalités entre le Nord et le Sud. Pourtant, je ne pense pas qu’être anglophile soit un préalable nécessaire pour l’apprécier. À la base, il y a de superbes mélodies, un son qui n’est pas surproduit, en rupture avec ce qui se faisait à l’époque.
La chronologie du livre débute en 1979 pour s’achever en 1997. Pourquoi avoir choisi ces deux années ?
La première marque l’arrivée au pouvoir, en Grande-Bretagne, de Margaret Thatcher. L’émergence de l’indie pop s’est faite, entre autres, en réaction à la politique qu’elle menait. C’est aussi l’année de sortie de Unknown Pleasures de Joy Division sur Factory, l’un des premiers labels indépendants. La seconde, l’élection de Tony Blair. L’indie pop était jusqu’alors contre le pouvoir, il y avait eu des alliances de musiciens avec les Travaillistes mais, à chaque fois, ceux-ci avaient été battus aux élections. Là, Blair s’est appuyé sur le mouvement indie, notamment à travers Blur et Oasis. 1997, c’est aussi la sortie de OK Computer de Radiohead, un groupe signé sur une major qui fait le chemin inverse vers l’indépendance et finit par vendre lui-même ses albums via Internet. C’est le début d’une nouvelle époque.
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Lire l’interview dans son intégralité sur le site de Ouest-France
Le livre sur le rock indé, avec analyse et discographie détaillée, qu’on attendait depuis longtemps !
On a envie, pour présenter Indie Pop, de pasticher Margaret Thatcher (elle est, après tout, l’un des personnages principaux du livre), et sa fameuse citation sur la société. On dirait alors que l’indie pop n’existe pas, qu’il n’y a que des groupes de rock, de post-punk, de shoegaze et autres, qui préfèrent s’occuper de leur musique plutôt que de songer à faire partie d’un mouvement commun. C’est l’un des attraits de l’ouvrage de Jean-Marie Pottier : donner, en racontant l’histoire à travers une discographie foisonnante, des dénominateurs communs à une scène trop éclectique pour être réduite à un vocable.
Cent disques emblématiques, il n’en fallait pas moins. C’est que le terme « indie » (pour « indépendants ») déroute jusqu’à ses promoteurs. Comme on l’apprend ici, il évoque à ses débuts, à un patron de salle de concerts (*) , des liens avec « Les indiens », tout comme il inspire à Robert Wyatt « les films de Bombay ».
L’histoire de l’indie pop commence à la fin des années 1970, dans l’effervescence créative de l’après-punk. A travers le Royaume-Uni, des jeunes musicos s’approprient le slogan « do it yourself » pour s’affranchir des compagnies de disques majors, inventer leurs propres modes de production et de diffusion, et créer leurs propres sons. Si l’on en croit Richard Cook du NME(**) , le fer de lance de ce mouvement serait le groupe mancunien les Buzzcocks, qui, le premier, sur son maxi Spiral Scratch, combine création indépendante et dépassement du son traditionnel punk. C’était en 1976.
Jean-Marie Pottier, lui, dans une figure de style loin d’être anodine, décide de démarrer l’histoire en 1979, pour la clore dix-huit ans plus tard. 1979, 1997 : deux dates qui s’observent, deux chiffres en miroir, et surtout deux moments forts dans l’histoire des labels indépendants. La sortie en 1979 de l’album Unknown Pleasures de Joy Division, ses sonorités post-punk déroutantes et sa pochette intrigante, comme une quintessence annoncée. 1997 et OK Computer de Radiohead, tel une remise en question des codes, la fin d’un cycle. Entre ces deux dates, Jean-Marie Pottier revient sur une histoire rythmée par les évolutions du courant indie pop, bientôt scindé en plusieurs branches et autant de styles sonores et parti-pris esthétiques. Des influences du Velvet Underground du début à la dance music de Madchester, des pochettes préraphaélites du label 4AD à celles, cinématographiques, des Smiths chez Rough Trade. On navigue entre les informations de l’introduction, qui, ici, fonctionne comme une première partie tant elle fournit de détails essentiels sur l’histoire, et celles de la discographie, focalisées sur l’art work et les anecdotes.
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Retrouvez l’intégralité de la chronique sur Silence Is Sexy
Jean-Marie Pottier est l’invité de Vincent Théval pour parler de son anthologie dédiée au rock indépendant britannique. Une heure pour revenir sur vingt années de labels indépendants, de politique et de musique bien entendu.
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