Lorsque le nom de Jean-Claude Vannier surgit, c’est l’album culte composé avec Serge Gainsbourg Histoire de Melody Nelson qui s’impose naturellement. Cette œuvre ne représente pourtant qu’une infime partie des projets sur lesquels le plus grand arrangeur français a travaillé. Barbara, Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Françoise Hardy, Claude Nougaro, Michel Polnareff, Gilbert Bécaud, Alain Bashung etc, la liste est longue de ceux qui virent la touche Vannier sublimer leurs textes. Cet autodidacte qui a appris les bases de son métier dans un Que sais-je ? a permis l’existence de tubes comme « Que je t’aime », « Tous les bateaux, tous les oiseaux », « Super nana », « Laisse-moi t’aimer », mais a également beaucoup composé pour le cinéma. Peu disert sur son parcours, Jean-Claude Vannier a néanmoins décidé de se livrer, pour une biographie ponctuée de ses commentaires et de ceux de nombreuses personnalités ayant travaillé à ses côtés.
Les auteurs ont mis en ligne un blog qui apporte du contenu inédit. Un supplément d’âme au livre à retrouver ICI
Revue de presse
Olivier Monssens consacre sa chronique au talentueux Jean-Claude Vannier et cite “l’excellente biographie” parue chez nous.
Réécoutez cette belle chronique sur le site de la RTBF
Ce matin on part à la dérive avec le compositeur, orchestrateur, arrangeur Jean-Claude Vannier.
Entre ses toys-piano, ses guitares, les partitions en pagaille, le grand piano qui trône au milieu du salon, on se faufile chez lui, de la rue des Minimes à la rue Payenne, du bistrot des copains au Temple de l’Humanité.
À la dérive avec Jean-Claude Vannier c’est une histoire d’ombre et de lumière. Sur l’épaule de Gainsbourg, dans le dos de Polnareff, dans la poche de Barbara, dans les chaussettes de Brigitte Fontaine, dans le blouson de Johnny, Vannier souffle les plus belles harmonies, enlumine les mélodies, tire les fils des partitions.
Il nous raconte un demi-siècle de liaisons et de mariages musicaux arrangés à la sauce Vannier. Au « Baron rouge » près du marché d’Aligre, on a posé un petit tourne disque Fischer Price qui jouait ses arrangements jazzy sur un tonneau. En taxi on a filé direction le Temple de l’Humanité, une chapelle secrète nichée rue Payenne à Paris, rêvée par le philosophe Auguste Comte.
On a parlé poésie et positivisme avec Shakespear, Aristote, Houellebecq…
À la dérive avec Vannier, on vadrouille au Panthéon de la chanson, dans l’ombre et l’humour noir.
L’arrangeur des arrangeurs c’est la biographie de Jean-Claude Vannier écrite par Rémi Foutel et Julien Vuillet (Ed. Le Mot et le reste).
Mille mercis à David de nous avoir ouvert le Temple de l’Humanité.
Mille mercis aussi à Gwen pour nous avoir fait DJ Vannier sur un pick-up Fisher Price.
Écouter l’excellente émission d’Aurélie Sfez sur le site de Nova
C’est un homme surnommé « l’arrangeur des arrangeurs ». Jean-Claude Vannier a travaillé pour Barbara, Polnareff, Gilbert Bécaud, Gainsbourg ou encore Alain Bashung, composant et faisant exécuter des mélodies qui sont entrées dans nos têtes et dans l’histoire de la musique. À 75 ans, on vient de lui consacrer sa première biographie.
Pour écouter l’émission, cliquez ici
Quand deux journalistes issus de la scène DJ s’entretiennent pendant trois années avec l’un des plus grands arrangeurs de chanson française des années 60 et 70, le résultat donne une « biographie critique » de Jean-Claude Vannier, « l’arrangeur des arrangeurs ». Entretien avec Julien Vuillet, un des auteurs du livre.
Julien Vuillet a été rédacteur en chef de Starwax de 2006 à 2015. Il a également signé durant cette période des chroniques de disques pour divers blogs et webzines spécialisés.
Vous dites que au-delà de l’Histoire de Melody Nelson composé avec Gainsbourg, le travail de Jean-Claude Vannier reste peu connu. Pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes ?
ean-Claude Vannier est un musicien reconnu essentiellement pour ses arrangements. Il a commencé en 1963 avec Alice Dona, et sa période professionnelle la plus faste va de la fin des années 60 à 75. À cette époque, il a connu de nombreux succès en travaillant comme arrangeur pour Mike Brant, Johnny Halliday, Sylvie Vartan, Michel Polnareff et d’autres encore, mais c’est vrai qu’il a surtout été découvert grâce à sa collaboration avec Gainsbourg sur l’Histoire de Melody Nelson. Il a également sorti un album solo, L’Enfant assassin des mouches, qui a été important au moment de sa publication en 1972 et a refait parler de lui lors de sa réédition au début des années 2000.
Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de cette biographie ?
Avec Rémi Foutel, coauteur du livre, nous travaillions il y a quelques années pour le magazine Starwax qui est plutôt un magazine de DJ. Or Jean-Claude Vannier fait partie de ces arrangeurs qui ont été repris par beaucoup de producteurs de hip hop et dont les disques sont très recherchés par les collectionneurs de vinyles. Nous connaissions son travail avec Gainsbourg, Melody Nelson, Cannabis, Les Chemins de Katmandou, La Horse, et son album solo qui est unique et culte pour les collectionneurs, un mélange de rock psychédélique, de jazz rock et de musiques un peu bruitistes. Bref, à chaque fois qu’on s’intéressait un peu à la chanson française, on voyait le nom de Vannier apparaître. Que ce soit sur le premier album de Brigitte Fontaine, chez Polnareff ou d’autres, son nom revenait systématiquement.
Est-ce le fait de venir de la culture des DJ qui vous a également donné envie de retracer le parcours d’un arrangeur ?
Oui, car les producteurs de hip hop et de musiques électro s’intéressent plus aux arrangeurs qu’aux chanteurs. Par exemple, le producteur et rappeur américain Dc. Dre a samplé un morceau de Mike Brant arrangé par Jean-Claude Vannier, et ensuite c’est tous les disques de l’arrangeur qu’il est allé écouter, pas les disques de Mike Brant ! Ce qui intéresse les DJ, c’est la rythmique, les cuivres, les cordes, les trouvailles mélodiques, et Jean-Claude Vannier – qui vient d’une culture jazz – est un arrangeur qui travaille beaucoup la rythmique.
Notre volonté a été de montrer à quel point sa carrière a été riche et variée, importante en termes de production et de qualité artistique, et plus généralement de rendre hommage aux hommes de l’ombre de la musique. Dans la chanson, on connaît surtout les interprètes, certains compositeurs, mais plus rarement les arrangeurs et les musiciens de studio. Ils sont souvent oubliés alors qu’ils sont très importants dans le rendu du son des enregistrements.
Ce livre peut-il être lu comme le portrait du métier d’arrangeur ?
Le métier d’arrangeur peut s’avérer très varié selon les compositeurs avec lesquels un arrangeur travaille. Jean-Claude Vannier nous a expliqué que certains compositeurs arrivent en sifflotant une mélodie et dans ce cas l’arrangeur compose car il y a tout à faire. D’autres, souvent musiciens, arrivent déjà avec les partitions écrites, avec une idée sur la répartition des instruments, et alors il ne reste plus que l’orchestration à faire. Il est difficile de se faire une idée précise du métier d’arrangeur car tous les arrangeurs, musiciens et interprètes que l’on a interrogés pour ce livre avaient une vision différente de l’arrangement qui peut aller de la composition à de la simple orchestration.
Sur les disques de Gainsbourg, le travail de Jean-Claude Vannier touche à la composition, pourtant il n’a jamais été crédité comme tel, et il faut savoir que, jusqu’au début des années 70, les arrangeurs ne touchaient aucun droit. Ils étaient payés à la cession et ça s’arrêtait là. Ce sont un peu les grands oubliés parce que ce sont parfois eux qui ont fait le succès d’un morceau.
Pourquoi « l’arrangeur des arrangeurs » ?
Son régisseur nous a appris que c’était ainsi que les musiciens de l’Opéra l’appelaient. Les musiciens de studio qu’on a interrogés nous ont également rapportés qu’ils se débrouillaient tous pour être présents lorsqu’il s’agissait de sessions avec Jean-Claude Vannier car ils savaient que musicalement ça allait être un niveau au dessus. Et puis il expérimente beaucoup ce qui laisse la possibilité que ce soit « déconnant » comme il dit.
L’ouvrage est construit à partir d’entretiens réalisés avec Jean-Claude Vannier et d’autres. Comment se sont déroulés ces entretiens ?
Au départ, nous avions réalisé une interview de Jean-Claude Vannier pour Starwax et, à la suite de cela, Yves Jolivet des éditions Le mot et le reste nous a demandé si cela nous intéressait de poursuivre le travail sous forme de livre. Cela ne nous semblait possible qu’avec la participation de Jean-Claude Vannier qui a gentiment accepté de faire des entretiens quasi hebdomadaires avec nous pendant trois ans pour retracer l’intégralité de sa carrière.
Ensuite, nous avons également interviewé des arrangeurs, des musiciens de studio, des interprètes, des compositeurs, etc. On a essayé de couvrir le spectre le plus large possible de personnes qui avaient pu le côtoyer et voir la façon dont il travaillait. Alors il y a des personnalités comme Jane Birkin, Brigitte Fontaine, Michel Jonasz, Maurane… Mais, pour moi, le plus intéressant est d’avoir questionné d’autres arrangeurs, ce qui permet d’avoir un autre son de cloche et un avis critique, même s’il se connaissent bien et sont souvent amis avec lui.
Comment le premier intéressé a-t-il reçu cette biographie critique ?
Il ne voulait pas que ce soit une hagiographie donc, malgré les aspects critiques, il est plutôt content. Je pense aussi qu’il apprécie que des témoignages autres que le sien soient présentés.
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Jullien Vuillet et Rémi Foutel sont deux passionnés de musiques et fétichistes de l’objet « vinyle ». Jullien Vuillet a été rédacteur en chef de la revue gratuite Star Wax, distribuée chez les disquaires indépendants et dans les salles de concerts. Rémi Foutel est enseignant et il écrit dans Star Wax et Trax. Petite précision, Star Wax est une revue orientée culture DJ, (musiques, instruments, platines, mode et vinyles) et amateurs de galettes rares pour trouver le sample qui tue. Le mot anglais qui désigne ces chercheurs d’or couleur sonore est digger. Ce détail est important pour comprendre la rédaction du livre consacré au compositeur, chanteur, arrangeur et orchestrateur Jean-Claude Vannier. Car si Jean-Claude Vannier est connu du grand public pour avoir composé avec Serge Gainsbourg le classique Histoire de Melody Nelson, le digger sait que ce 33t est l’arbre qui cache la forêt, à commencer par le premier album solo L’Enfant assassin des mouches, qui est la face cachée de Melody Nelson. C’est Andy Votel, un fan anglais, qui va créer en 2003 le label Finders Keepers pour rééditer ce disque qui n’était sorti en 1972 qu’à 1000 exemplaires, mais aussi éditer en 2017 la magnifique BO perdue du film Les chemins de Katmandou.
Suite à une interview parue sur le 3 juillet 2013 sur le site internet de Star Wax et à la demande de l’éditeur Le mot et le reste d’approfondir l’entretien, Julien Vuillet en compagnie de Rémi Foutel, vont pendant 4 ans interviewer Jean-Claude Vannier, pourtant pas habitué à répondre aux questions. Les journalistes ont également interviewé des musiciens pour y rapporter leurs souvenirs de travail, collaboration. Le résultat donne un livre de 400 pages avec pour fil conducteur la longue et hétéroclite discographie du « maestro », qui a commencé en 1964 avec Alice Dona. Parmi la liste d’artistes avec lequel il a travaillé, notons Michel Magne, Brigitte Fontaine, Claude Nougaro, Jane Birkin, Barbara, Michel Polnareff, Les Fleurs de Pavots, Annie Philippe, Le Système Crapoutchik, Françoise Hardy, sans oublier La Drague, le tube de l’année 1973 de Guy Bedos et Sophie Daumier, et bien sûr Serge Gainsbourg pour notamment les nombreuses BO de films, (Paris n’existe pas, Cannabis, Slogan, Les Chemins de Katmandou, La Horse, Sex Shop). Des tubes, des bides, des stars, des inconnus, de la pop, de l’expérimental, du jazz, de la variété et de la chanson française, qu’importe, il y a toujours une touche de Jean-Claude Vannier qui fait plaisir à entendre. Trait qui est mis en avant dans le livre.
Avec toutes les références évoquées, la lecture de L’arrangeur des arrangeurs est plutôt destinée aux (et futurs) collectionneurs de vinyles qui vont trouver ici une mine d’infos et de références. Pour les jeunes compositeurs, ce livre peut aussi donner des ailes, vu que J*ean-Claude Vannier* est un pur autodidacte qui s’est fait par la force de son travail. Attention, pas d’inquiétude, il y a aussi beaucoup de souvenirs liés aux rencontres à l’époque folle des années 60’s-70’s qui surgissent de la mémoire de Jean-Claude Vannier et qui vont intéresser le plus grand nombre. Tous ses moments de lectures sont des petites notes de musiques qui nous font saliver d’une époque “du possible et de liberté”.
On finit la chronique avec cette phrase de Jean-Claude Vannier, qui résume bien la personne : « [Un monde] sans musique, je m’en fiche puisque j’ai de la musique dans ma tête en permanence. Un monde sans bruit, ça veut dire qu’on est sourd… J’en souffrirais. » (Page 323).
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Pour la parution de la biographie_Jean-Claude Vannier – L’Arrangeur des arrangeurs_, signée de Rémi Foutel et Julien Vuillet, ‘Pop & Co’ s’arrête sur la carrière de celui qui est, à n’en pas douter, l’un des plus grands musiciens français du XXème siècle, avec une discographie qui relie Mike Brant à Gainsbourg.
Serge Gainsbourg, Johnny Hallyday, Brigitte Fontaine et même Mike Brant ont un point commun : tous ont travaillé avec l’un des plus grands musiciens français. Il s’appelle Jean-Claude Vannier. Jean-Claude Vannier – L’Arrangeur des arrangeurs est une biographie qui lui est dédiée, signée Rémi Foutel et Julien Vuillet et parue récemment aux éditions Le Mot et Le Reste. Au début de celle-ci, Jean-Claude Vannier raconte une conversation au téléphone, avec sa mère. C’est très bref. Elle lui demande :
- Alors tu es musicien ?
– Oui
– Mais je ne t’entends pas à la radio !
Et elle raccroche. Or, dès la fin des années 1960, il est était véritablement très aisé d’entendre le talent de Jean-Claude Vannier en allumant, la radio : Sylvie Vartan, Michel Polnareff, Jacques Higelin et Brigitte Fontaine ou encore Johnny Hallyday. Les arrangements de “Que je t’aime” sont en effet signés Vannier.
Lire la biographie de cet homme, c’est mettre la tête dans le moteur de tubes que l’on connaît tous. Vannier raconte qu’orchestrer un morceau pour Johnny était comme créer un personnage tel un héros de western. Pour le côté passionnel du refrain, c’est lui qui a l’idée des cuivres. Il y a des trompettes, des trombones et des cors dans ce morceau. Or, les cors, c’est incongru dans la variété de l’époque.
Jean-Claude Vannier – L’Arrangeur des arrangeurs, détaille à quel point cet homme nous a façonné l’oreille en faisant entrer des sons inhabituels dans la pop française. Il s’avère par surcroît que son talent continue d’inspirer. Les rappeurs piochent en effet dans les disques qu’il a orchestrés.
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Écoutez la chronique de Manzoni sur le site de France Inter
L’ARRANGEUR DES ARRANGEURS… C’EST LE SURNOM DONNÉ, AU DÉBUT DES ANNÉES 70 , À JEAN CLAUDE VANNIER. FIGURE INCONTOURNABLE D’UN ÂGE D’OR DE LA CHANSON FRANÇAISE, LE MUSICIEN FAIT DÉSORMAIS L’OBJET D’UN VÉRITABLE CULTE CHEZ LES DIGGERS. C’EST ÉGALEMENT LE SOUS-TITRE DE SA BIOGRAPHIE, FRUIT DE CINQ ANNÉES D’ENTRETIENS ACCORDÉS PAR L’INTÉRESSÉ À RÉMI FOUTEL ET JULIEN VUILLET, EX-RÉDACTEUR EN CHEF DE STAR WAX. LE LIVRE PARAÎT AU MOIS DE MARS, AUX ÉDITIONS LE MOT ET LE RESTE.
En mai 2013. vous réalisiez une interview de Jean-Claude Vannier pour Star Wax Magazine. Cinq ans plus tard, vous achevez enfin sa biographie. Vous n’êtes pas trop stressés?
C’est sûr que, présenté sous cet angle, ça a l’air long (rires). Mais rien n’avait été écrit jusqu’à présent sur Vannier. Il a donné quelques interviews, mais qui tournent souvent autour des mêmes sujets, essentiellement “Histoire de Melody Nelson”. Une grande partie de sa carrière est peu documentée et méconnue. Tout l’aspect biographique également. Il y a eu un gros travail de recherche, de recueil de témoignages.
Quand vous dites qu’une partie de la carrière de Jean-Claude Vannier est méconnue. Quelle période ?
Pas à une période en particulier, mais plusieurs aspects de sa carrière. En dehors de “L’Enfant Assassin Des Mouches”, personne ne connaît les disques qu’il a sorti sous son nom, ses albums de chansons par exemple ; paradoxalement, ses arrangements pour les stars également, des figures comme Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Michel Polnareff et Mike Brant. Au début des années 70, il était pourtant quasiment impossible d’écouter la radio sans entendre du Vannier.
On parle souvent d’arrangements et d’arrangeurs, mais sans savoir ce que cela désigne précisément. Qu’est-ce qu’un compositeur attendait de Vannier quand il l’engageait ?
C’est un sujet inépuisable. Mais pour faire court, le rôle d’un arrangeur c’est d’adapter la mélodie que lui présente un compositeur pour qu’elle puisse être jouée par un orchestre, de répartir les instruments et de diriger ensuite les musiciens. Après, dans la pratique, c’est très variable. Quand il s’agit d’un compositeur doué, l’arrangeur est un simple orchestrateur. Mais dans certains cas, il peut être co-compositeur voir compositeur. Vannier nous a dit que parfois l’artiste débarquait et sifflotait une mélodie. Et qu’il devait se débrouiller avec ça…
Quelle était la spécificité de Vannier par rapport aux autres arrangeurs ? Pourquoi on l’appelait lui plutôt qu’un autre ?
Il avait une patte, un style bien à lui. Ce n’est pas pour rien que les musiciens l’appelaient “l’arrangeur des arrangeurs”. En même temps, au fil des entretiens avec Vannier et d’autres, on s’est rendu compte que le nombre d’arrangeurs et de musiciens à Paris était très limité à cette époque : cinq ou six arrangeurs et deux équipes de musiciens, des “requins” soit, en tout et pour tout, une cinquantaine de personnes. C’était un petit milieu. Ils travaillaient à un rythme dingue, parfois deux ou trois sessions dans la même journée. Au-delà du seul cas de Vannier, ce livre est aussi un hommage à tous ces hommes de l’ombre qui ont œuvré à créer des chansons que tout le monde connaît et dont les interprètes et les compositeurs déclarés sont souvent les seuls à tirer les dividendes.
À l’heure de la M.A.O, où la plupart des producteurs font leur propre mix, voire mastering, le travail d’arrangeur a-t-il encore un sens ?
C’est une activité en perte de vitesse depuis la généralisation de l’usage des synthétiseurs dans les années 80. Et d’un point de vue économique, il risque d’être de plus en plus difficile de se payer un orchestre pour la journée. Mais il y aura toujours des compositeurs qui auront envie de faire appel à des vrais musiciens et il faudra bien que quelqu’un leur fournisse des partitions ( ... ) Le fait qu’il n’y ait plus d’arrangeur et d’ingénieur du son qui interviennent pour finaliser le tout en studio explique peut être le fait que, quand tu écoutes les radios commerciales actuellement, tu as l’impression que tous les titres sont interchangeables…
Difficile d’évoquer les hommes de l’ombre sans penser à “Histoire de Melody Nelson” de Serge…
Dans la chanson française, ce 33 tours est un cas d’école. Sans Vannier, “Histoire de Melody Nelson” n’aurait pas été le même disque. Mais Gainsbourg n’a pas eu besoin de lui pour composer d’autres albums aussi inspirés. Nous avons abordé le sujet doucement, par petites touches, et il a fini par en parler comme il ne l’avait jamais fait avant. Nous avons croisé ses propos avec ceux de l’ingénieur du son, Jean-Claude Charvier, des fous furieux du sillon comme Andy Votel et Jane Birkin. Pour les bandes originales qu’ils ont enregistrées ensemble et où l’on peut s’interroger sur le partage des rôles, nous avons questionné les arrangeurs français de Gainsbourg : Alain Goraguer, Jean-Pierre Sabar et Slim Pezin.
Vannier a-t-il dévoilé quelques scoops à propos de l’“Histoire de Melody Nelson ?”
Oui, il a notamment expliqué sa façon d’écrire la musique. Pour cela, nous lui avons fait écouter l’album. C’était un moment magique. Mais l’un des scoops du livre, à nos yeux, ce sont toutes les collaborations qu’il a menées avec d’autres artistes et qui végètent aujourd’hui dans un certain anonymat. Il a dirigé Léonie, Michel Corringe, Barbara ou Christophe, er surtout Claude Nougaro, avec qui il a enregistré un album concept génial : “Plume d’Ange”· C’est un autre chapitre. Dans une moindre mesure, certains de ses disques avec Brigitte Fontaine sont également peu connus.
J’imagine que Vannier vous a raconté des anecdotes…
Il en a évoqué beaucoup, il est assez doué pour ça. La plus étonnante est sans doute celle où il explique comment il a joué avec Jimi Hendrix. Mais notre préférée reste celle où Françoise Hardy découvre en studio qu’il a convoqué, au bas mot, une dizaine de flûtistes, oubliant au passage qu’elle détestait la flûte, et qu’il lui dit pour éviter la crise : “Ne vous inquiétez pas, Françoise, on ne les entendra pas…”
Ce livre est-il biographique ?
Ce livre est en partie biographique, spécialement le premier chapitre, qui traite de son enfance jusqu’à ses débuts dans le métier. Sa vie personnelle est indissociable de sa vie professionnelle, comme tour le monde. Mais on s’est quand même concentré sur la musique, sur la vie en studio, le fonctionnement de l’industrie musicale de l’époque, plus que sur sa vie personnelle et familiale…
Concernant l’organisation, à deux c’est mieux ?
On a beaucoup réfléchi à la façon dont on voulait aborder le sujet en amont, comment élaborer le plan ensemble. Ensuite on a écrit certains chapitres à deux. Et on s’est réparti les autres, en fonction de nos connaissances, de nos goûts, de nos envies… Que ce soit pour le travail de recherche ou d’écriture, on a travaillé ensemble ou chacun de notre côté, en se tenant tous les jours informés, l’un l’autre, de ce que l’on faisait pour éviter d’être redondants. Ça demande une certaine organisation mais c’est bien de pouvoir confronter son point de vue avec celui de quelqu’un d’autre.
Quand vous écrivez, vous êtes moins drôles que dans la vraie vie. Comment comptez-vous tenir en haleine le lecteur sur 400 pages ?
On s’est fait à l’idée qu’on ne serait jamais aussi drôle que toi, mais la carrière de Vannier est tellement vaste qu’il y aurait largement de quoi faire un deuxième tome, sans s’ennuyer et sans jamais se répéter. Par contre, à ce rythme-là, il ne sera prêt qu’en 2023 (rires)... Plus sérieusement, il y a une partie critique et analyse bien sûr, mais le fait d’avoir recours à de nombreux témoignages permet de rendre le texte plus vivant. Il y a plein d’anecdotes, comme on le disait à l’instant. Et ne t’inquiète pas, il y a quelques images aussi.
Et sinon vous avez bu beaucoup de bière pour l’inspiration ?
Après chaque interview de Vannier, on prenait un pot pour débriefer. On a fini par prendre nos habitudes dans un petit rade, près de chez lui. De temps en temps, on se voyait aussi autour d’un verre pour faire le point, histoire de savoir dans quelle direction on allait. Manque de chance, on est tombé un soir sur un pickpocket ultra-doué : il a réussi à nous voler un sac qui se trouvait à nos pieds ! Il ne devait sûrement pas aimer la musique de Vannier (rires).
Ce livre vous a-t-il fait dépenser pas mal d’euros ?
Certains disques rares de Vannier ne sont pas donnés en effet. On n’a pas pu tous se les procurer, ça aurait bouffé tous nos à-valoir (rires). Mais on a pu tout écouter, c’est le principal. Grâce à internet, une mémoire collective en ligne est en train de se constituer. En termes de recherche, c’est un outil formidable, même s’il faut constamment croiser les sources. Après, même si le digging est de plus en plus à la mode, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. On a trouvé l’album “Madame” qu’il a fait avec Barbara, ou le 45 tours “En Alabama” qu’il a enregistré avec Léonie, des petits bijoux soit dit au passage, à des prix dérisoires. On a connu aussi quelques déboires avec des disquaires. Il est vrai que passer deux heures dans un magasin et ressortir avec un seul 45 tours dans une simple pochette générique attire les soupçons (rires). Et quand le vendeur constate que c’est écrit “arrangements : Jean-Claude Vannier” là il multiplie le prix par cinq ! Le principal intéressé trouve cet engouement complètement exagéré.
Pourquoi un livre sur Jean-Claude Vannier ? Tout le monde s’en moque des musiciens retraités… (rires)
Dans notre interview de 2013, on avait indiqué dans l’introduction qu’il avait arrêté d’arranger il y a quarante ans. Ce qui a probablement induit en erreur certains lecteurs dont tu sembles faire partie (rires). En fait, Vannier a arrêté d’être un arrangeur pour la chanson commerciale il y a quarante ans, alors qu’il aurait pu continuer à profiter de la poule aux oeufs d’or. Mais il n’a jamais cessé de faire de la musique. ll continue de composer pour le cinéma. Il a notamment écrit la bande originale de “Microbe et Gasoil” de Michel Gondry, il y a trois ans. Son dernier album solo remonte à 2014, mais a priori il devrait ressortir quelque chose sous peu. Comme beaucoup de gens pensent qu’il ne fait plus rien et préfèrent alimenter la spéculation sur Discogs plutôt que de s’intéresser à ce qu’il fait, on n’entend pas beaucoup parler de ses disques. Mais il est loin d’être à la retraite.
Et Jean-Claude, achète-t-il des vinyles?
Il écoute assez peu de musique actuelle, il préfère en faire. Il possède une platine vinyle, des albums, mais ce n’est pas un collectionneur, loin s’en faut. Concernant le fétichisme actuel autour de ses disques, ces vieux vinyles que les gens achètent une fortune, il oscille entre l’amusement et la consternation. Nous lui avons fait écouter énormément de titres qu’il a arrangés et, pour une bonne partie d’entre eux, il les découvrait sur disque. Il a beaucoup écrit. Pour l’essentiel, il ne possède aucun 45 ou 33 tours qu’il a arrangés, même ceux qui lui tiennent à coeur. Nous lui en avons offert quelques-uns, enregistrés avec Nougaro, Jonasz ou Corringe.
Quid de la maison d’édition Le mot et le reste ?
Ils ont laissé le temps que nous estimions nécessaire pour faire nos recherches. C’est une faveur en soi. Nous ne saurons jamais trop les remercier de leur patience, mais également du dialogue que nous avons eu lors de la finalisation du livre. Et puis ce sont tout de même eux qui ont suggéré l’idée de ce projet, après avoir lu l’interview de Jean-Claude Vannier parue dans Star Wax numéro 27.
Vous avez du contenu non publié ?
Nous avons réalisé de nombreux entretiens avec des interprètes comme Alice Dona, Michel Jonasz, Brigitte Fontaine ; des collègues arrangeurs comme Jean-Claude Petit, Christian Gaubert et Gabriel Yared ; des musiciens tels Bernard Lubat, Jacques Di Donato et Jean Schultheis ; mais aussi Sébastien Poitrenaud, le parolier des Fleurs de Pavot et Jean Gaunet, son régisseur… La liste est longue, et nous n’avons utilisé que quelques extraits de chaque entretien pour le livre. On publiera progressivement certains d’entre eux, ainsi que des photos inédites sur notre blog : larrangeurdesarrangeurs.wordpress.com
Nouveaux albums, surprises, lives, interviews, rencontres et musique dans la Foule sentimentale.
Jean-Claude Vannier a travaillé avec tout le monde, de Françoise Hardy à Serge Gainsbourg, en passant par Alain Souchon, Michel Polnareff ou France Gall. Arrangeur, auteur…un personnage incontournable dont la vie est mise en avant dans le livre “Jean-Claude vannier, l’arrangeur des arrangeurs” écrit par Rémi Foutel et julien Vuillet aux éditions Le mot et le reste.
”Emission à réécouter”: https://www.franceinter.fr/emissions/foule-sentimentale/foule-sentimentale-16-mars-2018