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À paraître le 21/02/2025
Revue de presse
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« Elle a un niveau de popularité qu’elle n’a jamais eu avant »
Elle doit cet improbable retour au sommet à Stranger Things, la série de Netflix à gros succès, notamment auprès des ados du monde entier, dont l’histoire se déroule dans les années 80. Dans la quatrième saison sortie il y a quelques semaines et tant attendue par les fans, les auteurs (les frères Duffer) font du tube de Kate Bush de 1985, Running up that hill, la chanson préférée de Max, l’une des principales héroïnes, qu’elle écoute régulièrement dans son walk-man. Il n’en fallait pas davantage pour que le morceau et son autrice rencontrent un succès mondial fulgurant…
« C’est un truc de fou, ce qui est en train de se passer. Kate Bush a actuellement un niveau de popularité qu’elle n’a jamais eu à la grande époque », témoigne Frédéric Delâge. Le journaliste poitevin (à La Nouvelle République-Centre Presse) connaît son sujet : il est l’auteur de la seule biographie en français de la chanteuse anglaise, sortie début 2017. « C’est une artiste qui s’est faite extrêmement rare depuis les années 90. Malgré son succès, elle s’est méfiée de la popularité, a pris beaucoup de recul par rapport à toute intrusion dans sa vie privée. » […]
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On connaît bien Frédéric Delâge pour ses ouvrages sur le rock progressif. Journaliste (Nord-Eclair, l’Echo, Centre-Presse), il a collaboré à différents magazines de rock (Rockstyle de 1994 à 1998, Compact puis Crossroads depuis 2002). C’est dire s’il connait le sujet. Passionné depuis l’adolescence par la musique et l’histoire de Genesis, il écrira le passionnant ouvrage Genesis : La Boîte à musique, mis à jour quelques années après sa première parution. Il a également signé en 2002 une superbe anthologie de la musique progressive des années 70 (Chroniques du Rock Progressif : 1967–1979). Enfin, son bouquin Prog 100 est un incontournable des bibliothèques prog !
S’attaquer à Kate Bush icône mondiale du rock (et pas seulement progressif) et de la pop, c’était risqué. Mais c’était mal le connaître le bonhomme, également passionné depuis son plus jeune âge par la diva anglaise. Son ouvrage de plus de 200 pages est extrêmement bien écrit et suit la trace de la belle depuis ses débuts (1978 avec le 45 tours “Wuthering Heights”, inspiré du roman Les Hauts de Hurlevents d’Emily Bronte, single dont ne voulait pas la maison de disque – EMI – et que Kate imposa malgré tout, permettant à ce dernier de se classer numéro 1 dans les charts britanniques, lançant sa carrière de manière fulgurante !) jusqu’à son dernier fait d’armes connu (la sortie du triple CD – ou quadruple vinyle – Before the Dawn illustrant de manière étonnante – on attendait tous une version DVD… on attend toujours ! -, mais toujours classieuse les 22 concerts qu’elle donna entre fin août et début octobre 2014 à l’Hammersmith Appolo de Londres.
Après une brève introduction qui retrace la première vision que le public eut de l’artiste (la célèbre vidéo de “Wuthering Heights” en robe rouge en pleine nature, vision éternelle de la beauté d’une artiste de seulement.. 19 ans !), l’auteur déroule l’historique en commençant par l’enfance de Kate, grâce notamment au livre Cathy de son frère John Carder Bush, sorti en 1986 et réédité en 2014, qui présente des clichés étonnants de la petite fille en devenir… On apprendra évidemment beaucoup de choses en lisant cet ouvrage extrêmement documenté, car tout ce qui concerne Kate n’est pas toujours si bien connu que ça, quoi qu’on en pense. Seul tout petit bémol, mais c’est souvent le cas des bouquins de cet éditeur, une iconographie assez pauvre (pochettes de disques, 33T et 45T… et puis c’est tout !) et seulement en noir et blanc. Un livre absolument indispensable à toute personne qui aime Kate Bush. A signaler qu’il s’agit du premier ouvrage en français sur l’artiste : on croit rêver que personne n’ait eu l’idée (ou l’audace ?) plus tôt ! A moins que nous ne soyons de sacrés indécrottables, autres français, allez donc savoir !
Interview de Frédéric Delâge réalisée par Renaud Oualid.
Bonjour Fred, même si tu es assez connu pour tes nombreux écrits sur le rock progressif, peux-tu te présenter brièvement à nos lecteurs qui ne te connaitraient pas encore ?
Je suis journaliste en presse écrite régionale et je travaille aujourd’hui à la rédaction de Poitiers des quotidiens Centre Presse et La Nouvelle République du Centre Ouest. Pour ce qui est de mes écrits musicaux, j’ai collaboré de 1994 à 2001 aux magazines Rockstyle puis Compact et enfin Crossroads avant de créer mon blog de chroniques (voir le blog). Et j’ai signé quelques livres : une biographie de Genesis (La Boîte à musique publiée initialement en 1998 puis rééditée en version augmentée en 2007), deux livres sur le rock progressif ( d’abord Chroniques du Rock Progressif, 1967–1979, qui fut en 2002 le premier livre sur le prog paru en France, puis Prog 100 publié fin 2014, une autre sélection de 100 disques mais qui couvre cette fois 100 artistes différents sur la période 1968–2014); et enfin, en janvier 2017, Kate Bush le temps du rêve, mon deuxième livre paru chez Le Mot et le Reste après Prog 100.
Pourquoi et comment en es-tu venu à écrire sur la musique ?
Quand on est journaliste et mélomane, ne pas écrire sur la musique serait presque étonnant. Adolescent, je dévorais les vieux Best, avec une prédilection toute particulière pour la plume d’Hervé Picart. Et puis en 1994, j’ai rejoint la rédaction de Rockstyle, le magazine créé par Thierry Busson, qui était en cette époque pré-internet, la seule revue musicale généraliste à parler abondamment de rock progressif. J’ai eu l’opportunité d’interviewer des gens comme Tony Banks, Mike Rutherford, Peter Hammill, Ian Anderson, Jon Anderson, Bill Bruford, Roger Hodgson ou Mike Olfield, entre autres… A partir de là je n’ai cessé d’écrire sur la musique, même si ce n’est pas mon activité professionnelle principale.
Comment en es-tu venu à t’intéresser au rock progressif, et notamment à Kate Bush ?
Au milieu des années 80, vers l’âge de 15 ans, j’ai découvert en lisant les pages consacrées au rock dans le “Quid” que la majorité des trucs que j’écoutais était citée au paragraphe “musique progressive”. En fait, j’ai eu plusieurs révélations musicales successives : les Beatles et Simon & Garfunkel à l’âge de 12 ans, Mike Oldfield et Supertramp à 13–14 puis surtout Genesis et Peter Gabriel à 15ans, vite suivis par Yes, King Crimson, Van der Graaf Generator et consorts. Et j’écoutais déjà Kate Bush à l’époque, elle était déjà d’assez loin ma chanteuse favorite.
Question récurrente : qualifierais-tu Kate d’artiste “progressive” et pourquoi ?
Tout dépend évidemment de ce qu’on met derrière l’appellation, le rock progressif, ayant pratiquement autant de définitions différentes qu’il y a de gens qui en parlent… Mais si l’on choisit une acceptation relativement large des musiques progressives, il est impossible de ne pas y associer la musique de Kate Bush, qui s’est toujours inscrite hors des sentiers battus, très éclectique dans ses sources d’inspiration, sans oublier évidemment qu’elle a clairement été influencée par Pink Floyd ou Peter Gabriel.
Comment expliques-tu jusqu’à présent l’absence de livre en français sur Kate ?
Je ne l’explique pas. Un livre sur Kate Bush aurait été encore plus vendeur en France dans les années 80 mais étrangement il n’y en a pas eu à l’époque… Bref, j’ai juste constaté ce manque, ce qui a contribué à me donner envie d’écrire un livre sur elle. Exactement ce qui m’est arrivé avec le rock prog en 2000–2001.
Question difficile : quel est ton album préféré de Kate ?
La réponse est facile : The Dreaming, le plus audacieux, le plus dingue, celui qui s’est le moins vendu aussi, coincé entre les deux énormes succès qu’ont été Never For Ever en 1980 et surtout Hounds Of Love en 1985. A titre personnel, c’est non seulement mon disque favori de Kate Bush mais il figure aussi dans mon top 10 d’album, tout artistes confondus.
As-tu assisté à un des concerts du spectacle Before the Dawn en 2014 ?
Malheureusement, non. A l’époque, j’étais en train de terminer Prog 100 et de toute manière, toutes les places sont parties en un quart d’heure… En revanche, j’ai pu avoir accès à des vidéos non officielles mais pour certaines de qualité professionnelle, ce qui m’a permis d’avoir une vision très précise de la scénographie du concert, tout particulièrement de celle très spectaculaire, de la suite “The Ninth Wave”.
Tu es passionné de musiques progressives, on le sait, mais es-tu également éclectique dans tes écoutes musicales ? Quels autres “genres” de musique écoutes-tu ?
Être passionné de musiques progressives, c’est déjà être éclectique, non ? Disons qu’avec No-Man, North Atlantic Oscillation, Oceansive, Amplifier ou Lunatic Soul, pour parler de certains de mes groupes post seventies favoris, on s’éloigne déjà pas mal de Genesis ou de Camel. Après, parmi les grands noms “hors sphère progressive” que j’écoute toujours, on trouve aussi bien The Cure, XTC, The Waterboys, Abba, AC/DC, Otis Redding, Nick Drake, Neil Young, Tom Petty, les vieux Polnareff, Souchon, Thiéfaine, William Sheller, liste évidemment non exhaustive…
Quels sont tes projets ? Sur quel artiste aimerais-tu écrire un livre ? Peter Gabriel ? Peter Hammill ?
Je n’ai pas de projet dans l’immédiat mais effectivement, les deux Peter que tu cites sont au cœur de mes envies pour de potentiels futurs ouvrages…
Finalement, on connaît peu Kate Bush – en France, ajouterais-je. Oh, bien entendu, on a tous des chansons, des albums ou des clips en tête – au hasard, « Babooshka », The Dreaming, la vidéo de « Running Up That Hill », le duo avec Peter Gabriel pour « Don’t Give Up »… Bien sûr, on ne peut oublier la danseuse, ni l’artiste décalée proposant une musique tellement à part qu’il est toujours compliqué de la faire rentrer dans une case. Mais que sait-on de Catherine Bush, de cette femme qui est devenue une icône tout en demeurant le plus souvent cachée ?
C’est un peu le pari de Frédéric Delâge avec ce Kate Bush : Le Temps Du Rêve : nous faire découvrir et comprendre la singularité d’une artiste qui n’a sans doute pas fini de marquer la musique contemporaine. L’auteur est connu pour ses chroniques et ses ouvrages sur le rock progressif (Genesis : La Boîte À Musique, Camion Blanc, 1998 ; Chroniques Du Rock Progressif : 1967–1979, La Lauze, 2002 ; Prog 100 : Le Rock Progressif, Des Précurseurs Aux Héritiers, Le Mot et le Reste, 2014). Mais déjà, un petit indice pouvait nous indiquer que Kate Bush pouvait faire l’objet d’une étude, l’album The Dreaming étant classé par notre spécialiste parmi les cent références du rock progressif (Prog 100, p. 166–167).
Aujourd’hui, depuis la sortie du premier album de Kate Bush, The Kick Inside, on arrive à quarante ans de carrière, et pourtant, « seulement » dix albums studio, trois live, deux compilations et deux coffrets… Sur ce point, on donnera raison à Frédéric Delâge d’avoir sous-titré cette biographie « Le temps du rêve ». Kate prend son temps et elle le prend de plus en plus. Et elle rêve. Elle rêve à bien des choses, cette jeune Cathy qui ne sait pas trop ce qu’elle va faire de sa vie tout en égrenant les notes sur le piano familial (voir le chapitre « Cathy », p. 11–31). Comme souvent, il y a un titre et un mentor. Le titre, c’est « The Man With A Child In His Eyes ». Le mentor, c’est David Gilmour qui a repéré la très jeune Catherine et lui a donné les moyens de se faire découvrir, notamment en finançant des séances d’enregistrement aux célèbres AIR Studios de Londres en juin 1975.
Je pourrais reprendre de la sorte les nombreux éléments que Frédéric Delâge développe tout au long du livre. Mais là où l’ouvrage devient passionnant, c’est dans le détail des interstices de la volonté de Kate Bush d’être perpétuellement à contre-courant, de prendre le « show-biz » et le système « musico-médiatique » très souvent à contrepied. C’est dans cette faculté à suivre l’histoire linéaire dans la succession des albums – et l’impressionnante liste des musiciens qui les interprètent – autant que dans la justesse des assertions bushiennes qui les expliquent et les commentent – les explications relatives à la composition de « Wuthering Heights », mêlant littérature et télévision, en sont un parfait exemple (p. 39–41).
On commence à comprendre, au fil des pages, le va-et-vient permanent de la stratégie de Kate Bush, entre construction d’une œuvre différente – les explications sur le travail en studio sont à ce sujet éclairantes – et volonté de se situer par rapport au « marché » – là encore, « Wuthering Heights » est clarifiant. Kate Bush, notamment de The Kick Inside (1978) à Hounds Of Love (1985) et The Whole Story (1986), a suivi son instinct. Après la promotion de ces deux derniers, Kate est épuisée et confrontée à un paradoxe difficile à résoudre. Elle a à peine 30 ans et déjà, elle commence à ressentir la difficulté à composer. Le processus devient de plus en plus compliqué et les formidables avancées qu’elle avait connues grâce à la technologie (la découverte du Fairlight CMI, premier échantillonneur numérique dès 1980, voir p. 79) ne sont plus aussi stimulantes. Ainsi, la sortie de The Sensual World (1989) marquera un essoufflement dans l’inspiration et la réalisation…
Là où Frédéric Delâge retient encore notre attention, c’est dans l’explication de l’importance de l’entourage de Kate Bush. Que ce soit son père, ou ses compagnons (et musiciens), la femme Cathy n’est jamais complètement séparée de la star Kate. Et la perte de sa mère, Hannah, en 1992, emportera l’artiste dans un tourbillon de changements dans sa vie et son art. Kate se séparera de son compagnon – qui restera cependant son ingénieur du son – Del Palmer, et entamera une idylle avec le musicien Danny McIntosh, tout ceci jusqu’à la sortie de The Red Shoes (1993). L’autre événement important sera la naissance de son fils, Albert McIntosh, en 1998. Comme je l’ai déjà souligné, Kate Bush, au fur et à mesure, prend son temps, de plus en plus de temps… Cette vie de mère, à quarante ans, change la donne. Ce que Frédéric Delâge parvient à réaliser, c’est à nous faire comprendre pourquoi et comment l’artiste/femme fait ses choix, en dépit de la notoriété ou du qu’en-dira-t-on – on pourrait d’ailleurs faire un parallèle masculin avec le John Lennon des dernières années…
Pourtant, c’est peut-être lorsqu’elle tentera de se renouveler qu’elle sera le moins bien comprise par certains. L’hydre à deux têtes que représente Aerial (2005) – vingt ans après son prototype Hounds Of Love – recevra un accueil enthousiaste. Bush prendra encore son temps pour ses deux dernières productions studio à ce jour, toutes deux sorties en 2011 – Director’s Cut, réenregistrement de titres de The Sensual World et de The Red Shoes, et 50 Words For Snow_– et son retour sur scène (une série de vingt-deux concerts au Hammersmith Apollo de Londres qui se termine le 1er octobre 2014). _Before The Dawn – juste avant l’aube, comme une pirouette à la manière si caractéristique de Kate Bush – sortira en triple album live en 2016. Comme le souligne avec justesse Frédéric Delâge (p. 199–200) : « [A]près avoir effacé son image des pochettes, la voilà qui y supprime jusqu’à son propre nom, seul un autocollant indiquant tout de même qu’il s’agit bien d’un live de Kate Bush. »
Peut-être sommes-nous près de la fin de la carrière musicale de Kate Bush – ce qui pourrait ne pas nous surprendre. Néanmoins, elle fait bien partie de ces artistes – Frédéric Delâge y associe David Sylvian, Roy Harper, Robert Wyatt et Peter Hammill – pour lesquels liberté et prise de risque sont les deux moteurs du pouvoir laissé à l’imaginaire de l’artiste. Génie féminin, Kate Bush est une remarquable bizarrerie doublée d’une icône anglaise incompréhensible de ce côté de la Manche. Grâce à l’ouvrage de Frédéric Delâge, on arrive à mieux appréhender le personnage, à cerner les contours fuyants et sans cesse renouvelés de sa musique. La meilleure des preuves de la réussite de ce livre c’est que, à peine après avoir fini de le dévorer, on se jette sur les albums de Kate Bush, espérant y retrouver tout ce que l’on y a aimé mais souhaitant aussi y découvrir ce qui nous a échappé et dont Frédéric Delâge nous propose certaines clefs…
Originaire de Périgueux, Frédéric Delâge écrit en expert sur le rock progressif. Dans Kate Bush, le temps du rêve, il brosse un portrait touchant et documenté sur un des plus étranges phénomènes de la pop anglaise. Plus influencée par les mâles glam des années 1970 que par les rockeuses de sa génération, Kate Bush a inventé univers unique, ici décrypté avec un verbe fluide et une rigueur sans faille. Les citations d’interviews comme le récit de l’enfance de la miss *éclairent d’une lumière quasi psychanalytique la puissance de l’imaginaire de la mystérieuse Miss Bush.
4*/5
Je lui avais consacré un dossier de 8 pages (“Fine Bush”) in VINYL 55 il y a dix ans. Frédéric Delâge en fait évidemment davantage en plus de 200 pages, développant le sujet avec la passion et le talent qu’on lui connaît (on lui doit plusieurs ouvrages de haut niveau sur le rock progressif qui m’ont apporté beaucoup de (re)découvertes) ...
Tout est ici épluché avec une précision chirurgicale, analyse titre par titre, album après album, avec mention de tous les musiciens et autres détails passionnants sans tomber dans le machin “chiant” ! Ça se lit d’une traite !!
C’est l’histoire d’une nana totalement “hors bizness”, tombée en 1978 en pleine vague punk au milieu de consoeurs bien plus rock et aux personnalités bien affirmées (Patti Smith, Debbie Harry, Siouxsie, Chrissie Hynde, Pat Benatar, j’en passe et des meilleures… ) Avec sa totale “british class”, ses mélodies croustillantes pas très rock et deux premiers albums à la voix haut perchée, elle fait un peu figure d’Alice tombée de son armoire (ou de son “petit manoir dans la prairie”) dans la bouillonnante marmite punk de cette fin des 70’s ! Elle en sortira avec des sons bien plus exotiques dès son 3ème opus (incluant “Babooshka”, “Egypt”, “Army Dreamers” ou le décapant “Violin”), et se révèlera vraiment avec le quatrième, The Dreaming en 1982, qu’elle gère et produit totalement. Un album risqué, considéré comme son chef-d’oeuvre, bien accueilli par la critique mais un peu boudé par le public. Peu de singles vendeurs (“Sat ln Your Lap” publié l’an passé et “Suspended In Gaffa”, mais pas de “Babooshkabis”) et des expériences sonores alors inhabituelles (l’arrivée d’un didjeridoo sur la chanson titre, instrument totalement inconnu en nos contrées !) et une voix rauque frisant le feulement, bien loin des envolées aériennes de ses débuts… On attend trois ans pour la suite, Hounds Of Love, découpé en deux faces distinctes, Hounds Of Love pour les radios (“Running up That Hill”, “Big Sky”, “Cloudbusting”) et The Ninth Wave, plus onirique (et plus longue aussi, 26 minutes !). Viendront ensuite The Sensual World (1989), The Red Shoes (1993) et, après 12 ans de silence, l’étonnant Aerial en 2005, découpé lui aussi en deux CD distincts…
Neuf albums en près de quarante ans, sans fausse note. Brillante carrière relatée avec passion par un connaisseur. Et pour une somme ridicule compte tenu du boulot accompli. Merci Monsieur Frédéric Delâge !
Kate Bush sur le toit du monde
Il y a la Kate Bush de «Wuthering Heights», variation romantico-gothique sur Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë. Dans cette chanson qui la révèle au monde en 1978, son timbre haut perché atteint des sommets inouïs, accolé à un piano classique qui tranche avec le punk et la disco alors en vogue. Le visage de la pop en est changé, Kate Bush devenant la première auteure-compositrice à se hisser en tête des classements européens.
Il y a l’artiste libre et empathique de «Kashka from Baghdad» (1978), récit d’une romance homosexuelle interdite. Celle, intrépide et osée, de «Babooshka» (1980) ou de «Running Up That Hill» (1985), tumulte percussif qui scelle un «pacte avec Dieu» pour échanger les rôles entre un homme et une femme qui ne se comprennent pas. Il y a encore la Kate Bush bouleversante de «Don’t Give Up» (1986), duo avec Peter Gabriel. Elle y remonte le moral d’un chômeur brisé par l’économie thatchérienne: «Ne baisse pas les bras / Il n’y a pas de quoi avoir honte / Ne baisse pas les bras / Nous sommes avec toi.»
Wilhelm Reich et la Hammer
Comme Joni Mitchell, dont elle est une héritière bien que dans un registre musical radicalement différent, Kate Bush se voit consacrer sa première biographie en français. Le journaliste Frédéric Delâge procède chronologiquement, passant au crible la discographie de la native du Kent, ses options artistiques, ses influences (l’ésotérisme de Gurdjieff, la psychanalyse de Wilhelm Reich, la littérature de William Blake, Henry James, James Joyce, les films de Truffaut, Powell, Kubrick et des studios Hammer), sa lutte pour l’indépendance au sein de l’industrie discographique.
«C’est une chanteuse que j’admire depuis mon adolescence, confie Frédéric Delâge. Elle a toujours mené sa carrière comme elle l’entendait, dès ses débuts précoces à l’âge de 19 ans, et a su constamment se réinventer, en dehors des modes et des courants. Dès le départ, il lui a fallu batailler avec sa maison de disques pour imposer ‘Wuthering Heights’ comme premier single. Kate Bush est restée une artiste à part, sans compromissions.»
Inspirée par des hommes
Née dans un milieu plutôt aisé et de sensibilité artistique, elle compose très jeune au piano, enregistrant ses premières démos à l’âge de 14 ans avec David Gilmour de Pink Floyd comme mentor. Son éclosion à la fin des années 1970 la place à mi-chemin entre les pionnières du songwriting Joan Baez, Joni Mitchell, Joan Armatrading, Buffy Sainte-Marie, Laura Nyro, Carole King, et la génération des Tori Amos, Fiona Apple, Regina Spektor, Cat Power, pour lesquelles les premières ont ouvert la voie. L’intérêt de Kate Bush pour la danse, le mime et le cinéma l’amènent à chorégraphier avec soin et force trouvailles ses vidéoclips, et ce qui reste à ce jour l’unique tournée de sa carrière, le «Tour of Life», en 1979.
«Kate Bush a été davantage inspirée par des hommes, David Bowie, Elton John, Bryan Ferry, que par des artistes femmes, relève Frédéric Delâge. Elle a su mêler sa féminité à ces influences masculines pour créer un univers très singulier qui ne doit rien, ou du moins pas grand chose, au blues et au rock’n’roll.» De fait, les compositions à la fois sophistiquées et accessibles de Kate Bush doivent autant à la musique classique qu’à la pop, au rock progressif et à la musique celtique.
Penchant conceptuel
Douée pour les ballades aux harmonies riches mais conventionnelles («The Man With a Child in His Eyes», «And Dreams of Sheep»), elle prend des options quasi expérimentales sur l’album The Dreaming (1982), mue par l’utilisation du Fairlight, un synthétiseur échantillonneur révolutionnaire qu’elle est l’une des premières à posséder avec Peter Gabriel, Stevie Wonder et Jean-Michel Jarre. Les deux faces complémentaires de son disque emblématique de 1985, Hounds of Love, illustrent son penchant conceptuel.
Artiste à part, Kate Bush n’a jamais brillé par son engagement politique, exception faite de son duo avec Peter Gabriel. Son biographe nuance: «Elle a tout de même écrit quelques morceaux un peu plus liés à l’actualité du monde réel, comme ‘Army Dreamers’ (sur l’absurdité de la guerre qui fauche une jeunesse sans perspectives, chanson bannie des ondes de la BBC durant la guerre des Malouines, ndlr) ou ‘Breathing’ (sur les effets d’une guerre nucléaire, ndlr), mais Kate Bush n’est clairement pas un animal politique. Ses chansons évoquent les rêves, les plaisirs des sens, les passerelles entre le monde des morts et des vivants, la beauté de la nature, etc. Son regard sur le monde est bien plus d’ordre émotionnel que politique.» Comme beaucoup de self-made women, Kate Bush ne s’est pas non plus revendiquée ouvertement féministe. «C’est vrai, cependant la manière dont elle a su imposer sa vision dans un univers dominé par des hommes reste exemplaire.»
Contre toute attente, Kate Bush a mis fin à trente-cinq ans d’absence scénique, en 2014, le temps d’une série de quinze concerts au Hammersmith Apollo de Londres. A guichets fermés, bien entendu. Un triple CD paru fin 2016 rend compte de ce pari audacieux, un de plus, remporté avec panache. De Tori Amos à Björk en passant par PJ Harvey, Florence and the Machines, Bat for Lashes, Katie Melua, Antony and the Johnsons, Rufus Wainwright, Lorde ou même Lady Gaga, son héritage couvre tout le champ pop. RMR
«La culture a ouvert des brèches»
L’universitaire Elizabeth Wollman rappelle que le mouvement folk, égalitaire, a été le porte-voix d’évolutions sociétales majeures.
«Les années 1970 sont souvent considérées comme une décennie déprimante, où les individus se sont repliés sur eux-mêmes après l’échec des grands mouvements sociaux des sixties. C’est faire l’impasse sur le fait que beaucoup des combats engagés alors, notamment pour les droits des minorités ethniques et sexuelles, ont trouvé leur concrétisation dans la décennie suivante.»
Elizabeth Wollman est ethnomusicologue, enseignante à l’université de New York. Elle travaille à la croisée des études genre, de la culture populaire et des mass médias. «L’intime est politique: c’était le credo des songwriters des années 1970, qui partageaient leurs doutes et leurs contradictions. N’oublions pas que cette décennie a aussi vu naître le rock de stade, avec des groupes masculins obnubilés par le succès commercial (Aerosmith, Journey, Foreigner, ou même Queen malgré son registre plus complet, ndlr). Le mouvement folk, en comparaison, restait modeste et enraciné.»
Apparence sans importance
Pourquoi le folk a-t-il attiré tant de femmes? «Probablement parce qu’il était beaucoup plus égalitaire que le rock. Il suffisait d’enfiler une chemise, de prendre une guitare et de raconter des histoires. Le genre et l’apparence étaient sans importance.» A l’inverse, Elizabeth Wollman cite le cas des Runaways, groupe de hard rock féminin mené par la guitariste Joan Jett, fondé en 1975: «Ces adolescentes ont été exploitées, exhibées comme un freakshow. Elles voulaient un son rock dur, mais elles n’étaient pas les bienvenues. Alors que les femmes ont une longue tradition folk aux Etats-Unis.»
On notera le phénomène des girl groups des années 1960, les Shangri-Las, Shirelles, Ronettes et, du côté du label de musique noire Motown, les Marvelettes, Martha and the Vandellas, Diana Ross & The Supremes. «Ces groupes vocaux ont connu un grand succès, mais n’écrivaient pas leurs propres chansons. Ces filles étaient des machines à tubes sous la coupe de leur producteurs Berry Gordy, Phil Spector…»
Les effets du punk
En réaction au sexisme de l’industrie musicale, un collectif de lesbiennes fonde en 1973 Olivia Records, premier label discographique dirigé uniquement par des femmes. Il reste confidentiel et confiné à une sphère militante. Il faudra attendre les effets de la vague punk et d’artistes comme Patti Smith, Nina Hagen, Siouxie Sioux et The Slits, pour produire un changement profond. Avec l’aide de la culture gay, de la disco et de la pop des années 1980, vagues sur lesquelles surferont Madonna, Cindy Lauper, Annie Lennox, Sinéad O’Connor…
«Les mœurs ont progressé par étapes, grâce à l’impact subconscient du cinéma et de la musique pop. La culture a ouvert des brèches en abordant des sujets qui, auparavant, n’avaient pas droit de cité. Même le rap, traditionnellement masculin et sexiste, s’est démocratisé.» Dans le climat actuel de régression, les artistes porteront-ils à nouveau la contradiction?
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À l’occasion de la parution du livre ‘Kate Bush – Le Temps du Rêve’ de Frédéric Delâge, ‘Pop & Co’ se penche sur la carrière de cette audacieuse pionnière.
« Écoute-moi bien, tu ne comprends rien au marché. » C’est le discours que la maison de disques EMI tient à Mademoiselle Kate Bush quand il est question de choisir son tout premier 45 tours en 1979. Frédéric Delâge raconte la scène dans son livre, Kate Bush – Le Temps du Rêve. Kate Bush a alors 19 ans. Et elle impose son choix à ces messieurs d’EMI calmement. Sa première chanson, “Wuthering Heights”, sera excentrique et dure à fredonner.
KateBush, c’est l’histoire d’une jeune fille qui publie un premier disque devenu tube illico contre toute attente. Parce que son morceau est adapté d’un roman anglais du dix-neuvième siècle : Les Hauts de Hurlevent. Parce qu’elle y chante l’histoire d’un inceste entre une sœur et son frère adoptif. Lui c’est Heathcliff. Elle, c’est Cathy. Une fois morte, Cathy vient le hanter pour lui dire : « Je te détestais. Et je t’aimais aussi ».
Le livre Kate Bush – Le Temps du Rêve, est une biographie didactique, qui se lit comme un roman. Le parcours d’une grandes figures féminines de la pop à laquelle aucune monographie en français n’avait été consacrée jusqu’ici. Car, en France, Kate Bush, n’a connu essentiellement qu’un grand tube : “Babooshka”.
Vue de 2017, la vidéo qui accompagne cette chanson de 1980 est incroyable. Pour les couplets, Kate Bush y chante en justaucorps, le visage voilé. Et quand le refrain éclate, elle se métamorphose en créature léonine : en bikini, coutelas glissé dans une jarretelle et sabre à la ceinture. Kate Bush fait de la pop comme on fait du théâtre. Chaque chanson est l’occasion d’incarner un personnage. Dans “Babooshka”, c’est une vieille femme qui teste l’amour de son mari en lui envoyant des lettres signées d’une mystérieuse Babooshka.
Frédéric Delâge raconte une Kate Bush pionnière.
Le 20 janvier 1978 paraît le premier 45-tours de la chanteuse, parolière et compositrice Kate Bush. Sur sa face A, la chanson Wuthering Heights, évocation des personnages de Catherine et Heathcliff, du roman Les Hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë. En quelques semaines, c’est un immense succès en Grande-Bretagne et bientôt dans d’autres pays européens conquis par la voix aiguë, la grâce séduisante de son interprète. Et le début d’une longue carrière pour celle qui n’est alors âgée que de 19 ans.
Si la chanteuse a été le sujet de plusieurs livres en anglais, Kate Bush, le temps du rêve est le premier en français. Son auteur, le journaliste Frédéric Delâge, avait déjà rédigé plusieurs ouvrages sur le rock progressif. Il dessine ici le portrait d’une artiste au sens fort du terme, complète – elle écrit ses textes, compose ses musiques, est danseuse, productrice, réalisatrice… Une femme aussi soucieuse de garder pour elle et ses proches sa vie privée – ce qui lui vaut une réputation de recluse mystérieuse – que de conserver le contrôle sur ses actes créatifs.
Album par album – Kate Bush en a réalisé dix en studio de 1978 à 2011, deux en public –, Frédéric Delâge revient sur chaque étape, de la conception à la réalisation, des chansons. Sans recourir à des anecdotes, sauf si elles font sens. Si une chanson est expliquée, c’est par une déclaration occasionnelle de Kate Bush à la presse. Cela donne un ouvrage précis, qui éclaire sur les inspirations de la chanteuse, livres ou films. Et qui insiste sur sa curiosité de musicienne, qui la fera s’intéresser très vite, comme Peter Gabriel, à l’apport des musiques du monde et des technologies sonores à son univers pop.
Kate Bush est une artiste rare. Dans tous les sens du terme. Et s’intéresser à son œuvre consiste à accepter l’idée de quitter la réalité le temps d’un album, quel qu’il soit. Après avoir ratisser la scène prog pour en extraire cent disques de référence (Prog 100 en 2014, également aux éditions Le Mot et le Reste) , le journaliste Frédéric Delâge a consacré son dernier livre à cette autre princesse de Grande Bretagne – bien éloignée, cela dit, des rampes dorées de Buckingham.
Un travail d’archiviste, sinon de fourmi, et une constante chez lui : cette capacité à transformer le néophyte en aficionado en quelque dizaine de pages. Kate Bush, le temps du rêve ne déroge pas à la règle.
Après avoir consacré des livres au rock progressif et à Genesis, vous voilà l’auteur de la première biographie française consacrée à Kate Bush. Pourquoi elle ?
D’abord parce qu’il n’existait jusqu’ici aucun livre en français sur Kate Bush. C’est une artiste très influente et qui reste une star énorme en Angleterre. Mais la presse rock française n’a finalement qu’assez peu écrit à son propos. 90% des archives et interviews qui ont constitué ma base de travail proviennent d’ailleurs de la presse britannique.
A quand remonte le projet et au-delà de celui-ci, votre passion pour le travail de l’artiste ?
J’ai commencé à y songer peu après la publication de Prog 100, il y a donc un peu plus de deux ans. Mais j’écoute et j’admire Kate Bush depuis mon adolescence. J’avais même chroniqué l’album The Sensual World à sa sortie en 1989 dans le petit journal que nous réalisions à l’école de journalisme…
Bush est une institution en Grande-Bretagne. En France, le grand public ne connaît guère que Wuthering Heights, Babooshka et Running Up That Hill. Pourquoi ce décalage, selon vous ?
Elle a quand même pas mal de fans aussi en France, heureusement ! Mais effectivement chez nous, le grand public ne connaît que les titres que vous citez ou bien le duo Don’t Give Up avec Peter Gabriel. Peut-être parce que son univers onirique parle plus à la sensibilité anglaise qu’au côté plus terre à terre des Français. Cela dit, elle n’est pas la seule artiste britannique moins connue en France qu’ailleurs, loin s’en faut. La France est tellement marquée par sa culture « chanson française » qu’en matière de rock anglo-saxon, elle passe souvent à côté d’artistes majeurs, archi connus sauf chez nous !
C’est une artiste rare, y compris sur scène. Pourquoi ?
Oui, elle n’a sorti que dix albums studio entre 1978 et 2011. Elle est très exigeante envers elle-même, veut absolument éviter de se répéter, et sa lenteur est sans doute le prix de cette réinvention permanente. Il y a eu aussi des périodes où sa vie privée l’a poussée à mettre sa carrière entre parenthèses. Pour ce qui est la scène, c’est encore autre chose. A l’âge de 20 ans, elle avait mis la barre très haut pour sa première et unique tournée en 1979, avec un spectacle incluant danse, mime, des costumes et des scénographies différentes pour chaque chanson. La tournée l’avait complètement épuisée et elle a mis trente-cinq ans pour se décider à revenir enfin sur scène ! Mais ce n’est pas quelqu’un qui est porté naturellement vers la scène.
Son anxiété et son besoin de contrôle font que l’enregistrement d’un disque ou la réalisation de vidéos correspondent davantage à son tempérament.
Instinctive et visionnaire
La danse est un domaine essentiel dans son univers. Mais la littérature également. Est-ce que la richesse de ses textes a forgé votre intérêt pour son travail ?
Oui et non. Je pense que le génie de Kate Bush tient d’abord dans sa musique, et qu’il n’est pas indispensable de comprendre toutes ses paroles pour être touché par son art. Après, sans tout dévoiler ou tout décortiquer, j’explique dans mon livre le sens général et l’inspiration de la plupart des textes. La littérature a effectivement constitué pour elle une source d’inspiration (Les hauts de Hurlevent d’Emily Brontë pour Wuthering Heights ou Ulysse de James Joyce pour The Sensual World, par exemple) mais elle a aussi été influencée, peut-être même plus fréquemment, par le cinéma, par des films de Truffaut, de Jacques Tourneur, de Michael Powell…
D’ailleurs, c’est une version filmée des Hauts de Hurlevent, pas le livre, qui lui a donné envie d’écrire sur le thème d’une femme qui revient du royaume des morts pour implorer son amant. Les chansons complètement autobiographiques de Kate Bush sont très rares. Souvent, elle s’appuie sur des sources extérieures pour les confronter à son expérience, à sa vision, et créer un univers étrange et excentrique. Mais le résultat n’est jamais artificiel ou déconnecté de l’émotion, bien au contraire.
Peut-on dire de Kate Bush qu’elle est le chaînon manquant entre deux de ses influences, David Bowie et Peter Gabriel ?
C’est vrai que Bowie et Gabriel ont compté pour elle, et que sa musique a pu à certaines périodes évoquer des cousinages avec celle de l’un ou de l’autre. D’un autre côté, ce serait très réducteur de la résumer à ça : Kate Bush est vraiment unique. Comme l’a dit le chanteur trip-hop Tricky, on ne peut vraiment déceler ni d’où elle vient, ni qui l’a influencée, elle est la créatrice !
Vous dîtes de The Dreaming qu’il s’agit de son premier chef-d’œuvre. C’est pourtant un disque très difficile d’accès. Audacieux mais difficile. La technique n’y supplante-t-elle pas trop le côté éthéré des efforts précédents ?
Il est plus difficile d’accès que les autres mais il est loin d’être inaccessible : disons qu’il demande juste un peu plus du temps pour être apprécié. L’album correspond à une période, 1981–1982, où Kate Bush a pris pour la première fois le contrôle total de la production d’un de ses disques. Pour elle, c’était un saut dans l’inconnu. L’album s’est moins bien vendu que les autres et il a été diversement apprécié à sa sortie. Mais aujourd’hui, il est considéré comme un des disques les plus importants et les plus audacieux de la pop anglaise du début des eighties. C’est une œuvre à la fois sauvage et cérébrale, exaltée et sophistiquée, un vrai disque culte (et accessoirement, c’est un de mes 4 ou 5 albums favoris, tous artistes confondus).
Malgré tout, à l’image de Pink Floyd, une autre de ses influences, Bush donne l’impression d’avoir toujours su maîtriser la technologie et non l’inverse. La meilleure preuve reste Hounds of Love, l’un de ses plus gros succès. Tout le monde n’y est pas parvenu dans les années 80.Ceci nous amène plusieurs aspects de sa personnalité : clairvoyante, pour ne pas dire avant-gardiste, indépendante. Un cas rare dans l’industrie du disque, non ?
Absolument, Kate Bush est à la fois instinctive et visionnaire. Elle n’avait que 19 ans à ses débuts en 1978 mais elle n’a pas cédé pour imposer Wuthering Heights comme son premier 45-tours, alors que sa maison de disques avait choisi au départ une autre chanson (ndlr : James & the Cold Gun). Et le morceau a lancé sa carrière en occupant presque immédiatement les premières places des hit-parades européens. En plein milieu des années 80, elle a réussi à concilier plusieurs tubes énormes et une longue suite de 20 minutes sur un même album, Hounds Of Love. Elle a toujours suivi son propre chemin sans se soucier des modes. Et elle ne s’est quasiment jamais trompée.
« Bien malin qui peut prédire ce qu’elle va faire »
Kate Bush a fini par enregistrer avec Peter Gabriel (ndlr : le duo Don’t Give Up, en 1986). Dans le documentaire consacré à l’album So, le producteur Daniel Lanois dit d’elle qu’elle incarne la chanson comme une actrice le ferait. Incarner, n’est-ce pas ce qu’elle a toujours fait ? On pense à un morceau comme Houdini, pour ne citer qu’un seul exemple…
Oui, elle se met souvent dans la peau d’autres personnages même si ces derniers représentent aussi bien souvent un aspect de sa personnalité.
Pour le cas d’Houdini, où elle incarne la femme du fameux magicien, elle avait carrément ingurgité un verre de lait et des barres chocolatées pour pouvoir chanter certains passages du morceau avec toute l’aspérité vocale qu’elle recherchait. Plus récemment, elle s’est immergée pendant des heures dans une citerne d’eau pour enregistrer la vidéo, projetée pendant ses concerts de 2014, d’un morceau And Dream Of Sheep qui évoque une naufragée perdue dans l’océan. A sa place, la plupart des artistes se seraient contentés de faire confiance aux effets spéciaux : pas Kate Bush, il fallait qu’elle chante vraiment dans l’eau !
Il y a beaucoup d’introspection dans son œuvre. Elton John dit qu’aucune de ses chansons n’est « normale » et la définit comme un « beau mystère ». Vous le rejoignez dans ses propos ?
Oui, que ce soit pour sa musique ou pour ses textes, elle n’emprunte pas les sentiers battus. Et il y a aussi beaucoup de non-dits, de mystères dans ses chansons, qui laissent souvent la porte ouverte à plusieurs interprétations.
Quel est l’héritage de Kate Bush ? On imagine que des artistes comme Björk, Tori Amos ou St Vincent lui doivent beaucoup mais encore ?
Les trois chanteuses que vous citez ont effectivement revendiqué son influence mais on pourrait en ajouter beaucoup d’autres, P.J Harvey, Emilie Simon, Florence and The Machine, Bat For Lashes, Alison Goldfrapp etc. Elle est aussi admirée par de très nombreux artistes masculins, John Lydon (Johnny Rotten), le rappeur Big Boi ou Robert Smith des Cure par exemple. Kate Bush a été une pionnière, à plusieurs niveaux. Lorsqu’elle est apparue à la fin des années 70, Patti Smith a dit qu’elle se sentait moins seule ! Mais Kate Bush était déjà différente : une femme auteur-compositeur qui obtient un succès massif avec une pop étrange qui ne doit pas grand-chose au rock’n’roll, ça ne s’était jamais vu. Aujourd’hui, elle reste une référence très fréquemment citée, que ce soit par la presse musicale ou par les artistes eux-mêmes, non seulement pour son inventivité musicale hors-normes mais aussi pour l’indépendance avec laquelle elle a su mener sa carrière de bout en bout.
Quels disques conseillerez-vous aux néophytes ?
Mis à part les deux premiers, publiés à six mois d’intervalle, aucun disque de Kate Bush ne ressemble à un autre. The Red Shoes est le seul qui soit un peu conventionnel, et il souffre aussi d’une production trop américanisée. Mais tous les autres sont des points d’entrée possible, même si des albums comme The Dreaming ou 50 Words For Snow sont peut-être moins accessibles de prime abord. Pour un néophyte, Never For Ever et Hounds Of Love me semblent de bons départs, mais on peut aussi démarrer avec The Kick Inside et Aerial !
En 2017, quelle est l’actualité de Kate Bush ?
Elle vient de sortir un triple album live (Before The Dawn) de ses concerts de 2014, mais bien malin qui peut prédire ce qu’elle va maintenant faire. Elle a déjà prouvé qu’elle était capable de rester silencieuse pendant plus de dix ans comme de sortir deux disques dans la même année. Je pense qu’on peut espérer un nouvel album d’ici deux ou trois ans, mais c’est loin d’être une certitude ! Le prog, Genesis, Kate Bush…
Quel sera le prochain terrain de jeu de Frédéric Delâge ?
Je n’ai pas de nouveau projet dans l’immédiat, mais c’est sans doute provisoire… Dernière question : Babooshka (« Ba-Bush-K »), c’était elle ? Il faut rappeler que cette chanson met en scène une femme qui essaie de reconquérir son mari en lui envoyant des lettres anonymes qu’elle signe du pseudonyme de Babooshka. Or, en russe, « Babooshka » signifie « grand-mère » mais peut aussi désigner les poupées russes, ce qui fait sens dans une histoire où un personnage en cache un autre. En fait, derrière tous les personnages énigmatiques de ses chansons, il y a toujours la véritable Kate Bush !
Frédéric Delâge n’attendait sans doute qu’un bon prétexte pour écrire la première et unique biographie en français consacrée à cette extra-terrestre de la musique pop anglaise, bien que que le terme « pop » sied très mal à quelqu’un qui n’a jamais respecté aucun des codes musicaux en vigueur et a souvent suivi son seul instinct. Toujours est-il que l’auteur de Prog 100 a vraisemblablement saisi le retour sur scène aussi inattendu que réussi de Kate Bush pour signer cet ouvrage où se devine une passion immodérée – mais compréhensible – envers celle dont l’influence est aujourd’hui encore largement revendiquée par de nombreux artistes.
Extrêmement bien documenté, comme tous les ouvrages de l’auteur, Le temps du rêve se veut factuel, pédagogique, évitant les appréciations trop personnelles sauf peut-être lorsqu’il s’agit de l’analyse de l’œuvre discographique. Pour l’essentiel, on suit la trajectoire artistique de Kate Bush comme on lirait un roman, les passages plus techniques pouvant être, selon les cas, dévorés par les fans avides de détails ou laissés temporairement de côté par ceux qui sont moins familiers avec ses disques. L’écriture de Delâge est fluide dans les parties narratives, un peu plus touffue – et subjective, forcément – dans le déchiffrage des albums, mais on décroche difficilement de la lecture de ce parcours atypique que résument bien imparfaitement les seuls tubes « Babooshka », « Running Up That Hill » ou « Don’t Give Up ».
On découvre d’abord une très jeune fille au caractère trempé, composant précocement des dizaines de chansons, entourée d’une famille aimante au sein de laquelle la musique et l’art en général occupent une place importante. On vit le début d’une carrière appuyée par David Gilmour et le succès de l’improbable « Wuthering Heights ». On apprend à connaître celle qui, après une ascension fulgurante, va refuser la plupart du temps toute surexposition médiatique, ne fera que peu de compromis avec sa maison de disques et saura se préserver des dangers de la gloire trop vite acquise. On vit aussi ses doutes d’artistes, son refus de la répétition, ses périodes difficiles, ses disparitions plus ou moins longues, ses retours souvent imprévisibles mais qui soulèvent à chaque fois l’enthousiasme. On se réjouit de l’incroyable succès de sa série de concerts au Hammersmith Apollo en 2014 (les quatre-vingt mille places se sont vendues en un quart d’heure), trente-cinq ans après sa dernière tournée en date (The Tour of Life , 1979), promesse de belles choses à venir.
On ne peut que saluer la parution de cette bio qui repeuple un peu l’inexplicable désert livresque qui entoure en France la carrière d’une artiste d’exception. Peut-être personne n’a-t-il jamais osé s’attaquer sérieusement au parcours intimidant de Kate Bush ? Frédéric Delâge l’a fait, brillamment, et on a simplement envie de lui dire : merci.
Le Mot et le Reste vient de publier Kate Bush, le temps du rêve de Frédéric Delâge et Joni Mitchell, Songs Are Like Tattoos d’Édouard Graham, deux livres essentiels consacrés à des artistes qui ne le sont pas moins.
On ne dit pas une mais un génie. Dommage. Car Kate Bush et Joni Mitchell sont incontestablement géniales. En France, la première bénéficie d’une certaine popularité grâce à ses tubes en or massif, Wuthering Heights (1978), Babooshka (1980) et Running Up That Hill (A Deal With God) (1985). La seconde, en revanche, est nettement moins connue du grand public – amusez-vous à faire un micro-trottoir, et vous risquerez d’obtenir des réponses dignes de celle d’un vendeur d’une célèbre officine champs-élyséenne*… Mais quel que soit leur degré de (re)connaissance ici-bas, elles ont les admirateurs qu’elles méritent, et si elles pouvaient les croiser – rêvons un peu –, nul doute qu’elles se reconnaîtraient en eux. Car est-il possible d’aimer autrement que passionnément Kate Bush et Joni Mitchell ? Non bien sûr, et Kate Bush, le temps du rêve et Joni Mitchell, Songs Are Like Tattoos en apportent la preuve noir sur blanc.
Ces deux biographies sont remarquablement bien écrites, sans effets de manche pseudo-littéraires, sans jugements à l’emporte-pièces (positifs ou négatifs), extrêmement documentées, méticuleuses et accessibles. Que l’on soit novice ou connaisseur, le résultat sera le même : plongée immédiate dans les disques pour (ré)écouter ce que l’on vient de (re)découvrir au gré des 218 pages de la première et des 386 pages de la seconde !
Mais au delà du plaisir intense que l’on prend en lisant ces deux livres qui resteront toujours à portée de main et que l’on peut d’emblée qualifier d’ouvrages de références (même les livres in english in the text ne nous avaient pas autant retenu), il faut souligner une chose : la passion, voire l’amour (c’est beau l’amour) des deux auteurs pour leur sujet ne les fait pas basculer dans la contemplation stérile. Frédéric Delâge et Édouard Graham s’effacent derrière la musique tout en la prenant constamment au sérieux. On en apprend de belles sur les vies de nos deux super-héroïnes, femmes libres et créatrices d’univers hors-normes, mais leur œuvre est passée avec encore plus de délectation au tamis du savoir et de la musicographie (à ne pas confondre avec la musicologie à la petite semaine).
La manière dont Graham analyse les textes, pardon, les poésies de Joni Mitchell apporte des lumières vitales pour l’auditeur qui ne comprend pas toujours les subtilités de la langue de Shakespeare. Quant au nombre impressionnant d’anecdotes et de détails que rapporte Delage, il ne donne jamais le tournis. Au contraire : il nous replonge comme si on y était au cœur de la quête artistique de Kate.
En écrivant à hauteur d’homme, Frédéric Delage et Édouard Graham ont su retranscrire toute la grandeur d’âme – grandeur dame ? – de ces deux fascinantes artistes. Respect.
* Pour situer le dégré de méconnaissance de la chanteuse canadienne, on rapellera cette anecdote, véridique : un jour, donc, au Virgin Megastore des Champs-Élysées, un client demande à un vendeur (stagiaire, dit-on…) s’il a des disques de Joni Mitchell. Réponse un rien narquoise du jeune homme : « Joni Mitchell ?! Vous êtes sûr ?! Des disques de Johnny Hallyday et d’Eddy Mitchell, ça on en a, mais Joni Mitchell, désolé, ça n’existe pas… » (NDR : Faut-il le rappeler, il y avait aussi d’excellents vendeurs au Virgin Megastore.)
Dans Kate Bush – Le temps du rêve, le journaliste Frédéric Delâge propose une très intéressante analyse du parcours musical de la plus singulière et talentueuse des chanteuses-compositrices anglaises.
Dans son propre pays, elle est considérée comme une icône nationale au même titre qu’Edith Piaf en France. Par un style musical aventureux, une voix perchée haut – immédiatement reconnaissable – et des textes étranges et poétiques Kate Bush se profile depuis près de quatre décennies comme une artiste internationale majeure et novatrice. Ce premier livre en français sur Bush retient d’autant plus l’attention qu’il est parsemé de très nombreux extraits – traduits – de ses chansons. Spécialiste des musiques progressives [Prog 100 (Le mot et le reste), Chroniques du rock progressif 1967–1979 (La Lauze)] Delâge commente les textes de la chanteuse, les mettant en parallèle avec de nombreux repères biographiques.
Il pose un regard critique sur l’ensemble de sa discographie – riche par la qualité mais finalement peu abondante [10 albums studio et 2 live sur près de 40 ans], tentant de cerner la personnalité atypique d’une auteure-chanteuse qui a toujours (trop ?) cultivé le secret et suscité l’insatiable curiosité du public. Il nous convie à mieux cerner un voyage musical et littéraire allant de la genèse romantique de The Kick Inside (1978) au tout récent triple CD live Before The Dawn (2016), signant le grand retour sur scène de la vieillissante Babooshka de 59 ans. Passionnément, Delâge décortique cette carrière fulgurante, rappelant souvent le perfectionnisme têtu de la dame, sa méfiance vis-à-vis des médias [pour son étiquette de femme-enfant sensuelle qui lui collera longtemps à la peau] et surtout son légendaire refus de toute compromission musicale [néanmoins, le cas du CD The Red Shoes (1993) peut faire débat, comme le rappelle l’auteur].
Beaucoup des sources d’inspiration de l’univers de Bush proviennent outre ses goûts esthétiques de rencontres amicales ou de son univers familial (« A Coral room »). Et l’auteur rappelle justement l’importance du clan Bush – une famille provinciale aisée privilégiant les arts et la musique dans leur vie quotidienne – dans la maturation intellectuelle de l’artiste. (Ses deux frères : Paddy Bush, luthier et musicien professionnel ; Jay Bush, un écrivain réputé). Kate Bush cite souvent comme influences les personnalités suivantes : le mime Lindsay Kemp, Gurdjieff, Michael Powell, Bowie, Joyce, Bryan Ferry, Elton John, Steely Dan et Roxy Music (groupes) ainsi que de nombreux peintres préraphaélites ou des cinéastes des années 30/50.
Inclassable, imprégnée par une curiosité insatiable et une boulimie artistique cosmopolite, Bush aura arpenté sur près de quatre décennies les plus séduisants rivages musicaux entre pop, rock, world, jazz, électro et celtic. Quant à ses textes, ils puisent largement – pour l’inspiration – dans le cinéma, l’érotisme, la littérature, l’ésotérisme, la philosophie, le théâtre et la poésie, voire la danse et le mime. En cela, à la fois imprévisible et méticuleuse, Bush rejoint le cercle très confidentiel d’artistes « généralistes » du style David Bowie ou Peter Hammill, davantage préoccupés par la modernité du message que par son purisme. En tout cas, l’excellent ouvrage de Delâge a le grand mérite de rendre plus familier cet univers poétique et cette personnalité attachante et complexe qui s’est souvent positionnée comme une écrivaine.
KATE BUSH
Le Temps Du Reve
Kate Bush est une chanteuse anglaise. Elle s’illustre à la fin des années 70 avec une chanson néo-romantique, “Wuthering Heights”. Elle y déclare sa flamme à Heathcliff, un héros de roman du 19e siècle, Les Hauts de Hurlevent. Kate Bush a fait une très belle carrière dans les années 80. Frédéric Delage détaille minutieusement ce parcours, avec beaucoup de talent dans un style agréable et fluide que l’on a déjà remarqué dans ses précédents ouvrages sur Genesis et sur le rock progressif. En lisant ses commentaires subtils, on a l’impression de réécouter les titres phares de la diva, “Wow”, “Army Dreamers”, sorte de berceuse antimilitariste, “Suspended In Gaffa”, une valse 80, “Running Up That Hill”, une course effrénée dans les collines, “Hounds Of Love”, une chasse à courre amoureuse. Comme l’écrit l’auteur : Kate Bush ne va cesser de bousculer les conformismes pour imposer la singularité de sa vision, exploratrice et déterminée, à l’écart des courant et des modes, transgressant de manière unique les codes de la pop, de l’art rock, des musiques du monde, du folk celtique ou de l’intimisme piano-voix.
Frédéric Goaty chronique la “remarquable biographie” de Frédéric Delâge dans sa chronique.
Réécoutez l’émission sur le site d’Europe 1 et la chronique de F.G. à 1h33
Aucun livre en français n’avait jusqu’ici été consacré à la chanteuse anglaise Kate Bush. Le journaliste poitevin Frédéric Delâge a réparé cet oubli.
En France, Kate Bush est surtout connue des quadras pour deux ou trois tubes comme « Running Up That Hill » ou « Babooshka »… Mais, en Angleterre, elle est adulée autant que peuvent l’être, chez nous, Piaf ou Barbara ! Quand il évoque la chanteuse britannique à laquelle il vient de consacrer la toute première biographie en français, le journaliste poitevin Frédéric Delâge se montre particulièrement loquace.
Deux tournées en 35 ans
« Il n’y a quasiment rien à jeter dans sa discographie : depuis son premier 45-tours en 1978 (ndlr : ” Wuthering Heights ”) jusqu’aujourd’hui, il n’y a que l’album ” The Red Shoes ”, en 1993, qui soit un peu plus faible, estime ce spécialiste du rock progressif (2). C’est aussi une artiste qui reste rare : en près de quarante ans de carrière, elle n’a sorti que dix albums dont un de reprises. Et son attitude vis-à-vis du succès est intéressante : mis à part à ses débuts, à 19 ans, elle a toujours su se protéger et privilégier sa vie privée. »
Ainsi, malgré le succès de l’album « Hounds Of Love », en 1985, et les six millions d’exemplaires vendus de la compilation « The Whole Story », l’année suivante, l’artiste choisit de ne pas enchaîner et de rester silencieuse durant plusieurs années. Ses apparitions scéniques sont encore plus rares puisqu’après la première tournée marathon de 1979, il faudra que les fans patientent 35 ans avant de l’entendre à nouveau en « live ». « Et encore, souligne Frédéric Delâge, son retour sur scène ne s’est fait que dans un lieu unique : le Hammersmith Apollo de Londres, là même où elle avait achevé la tournée de 1979. »
Quoi qu’il en soit, ce retour fut triomphal puisque les 80.000 billets mis en vente, le 28 mars 2014, pour ces 22 concerts londoniens de l’automne suivant se sont arrachés en un quart d’heure. « Le même jour, les Rolling Stones ont mis 51 minutes pour écouler les 75.000 billets de leur concert au Stade de France prévu le 13 juin 2014 », précise l’auteur.
Ce qui a séduit Frédéric Delâge, c’est aussi l’inventivité de l’univers créatif de cette artiste précoce – à 14 ans, elle avait déjà composé plusieurs dizaines de chansons – qui a su « faire éclater les codes de la pop ». Et l’auteur de conclure : « J’aimerais bien que ce livre donne envie aux plus jeunes de découvrir sa musique. »
L’équipe de Easy Rider vous parle du livre de Frédéric Delâge dans cette émission #1326 !
À réécouter ICI en plus des autres conseils.
L’émission musicale de France 2 annonce la sortie du livre de Frédéric Delâge.
À regarder en replay sur le site d’Alcaline