Revue de presse
Si La Danse des Infidèles est un livre extraordinaire, cela tient d’abord à son auteur, Francis Paudras, un homme de passions exigeantes et aux multiples talents.
Dans les années 50, un adolescent a la révélation du jazz et peu après découvre Bud Powell à qui, avouera-t-il, il devra » le meilleur de sa vie, le meilleur de lui-même. » C’est peu dire que la fascination de Paudras pour le musicien américain et son œuvre sera absolue. Lui-même pianiste, il ne cessera de rechercher la moindre information concernant Powell dans les publications spécialisées et les enregistrements. Une passion vient de naître et ce ne sont encore que les prémisses d’un amour et d’une admiration sans bornes.
Cet ouvrage est une espèce de journal fourmillant d’informations chronologiques et vérifiables sur l’histoire du jazz du mitan du XXè siècle à l’année 1966, sur ses héros et les clubs qui les accueillaient, sur les scènes et les disques, sur les concerts et ceux qui les produisaient, sur le microcosme des aficionados et les critiques professionnels. Nous suivons les pérégrinations du jeune Paudras, du Blue Note au Chat qui pêche, en passant par La Cigale, tous lieux mythiques où des musiciens viennent dans l’effervescence interpréter des morceaux qui renouvellent le genre. « Paris était alors la plaque tournante du jazz en Europe. »
Ce témoignage, déjà remarquable par son exhaustivité, devient exceptionnel lorsque Francis Paudras devient l’ange gardien, l’ami inconditionnel de Bud Powell en proie à ses démons, à la maladie qui isole et vulnérabilise. Powell était un génie, capable d’improvisations prodigieuses mais complètement hors-sol. L’amitié qui liera les deux hommes échappe à la commune mesure, et nul besoin de connaître le milieu du jazz pour être subjugué par cette aventure humaine. Elle a l’envergure d’un mythe où le tragique côtoie le divin.
Une chronique à retrouver dans l’épisode 8 Du coté d’chez Swaz sur À vos marque… Tapage !
Francis Paudras (1935–1997) était un grand seigneur du jazz. Sorte de pendant masculin et européen de Pannonica de Koenigswarter, il n’a cependant été le protecteur que d’un seul créateur : Bud Powell.
Cela n’en rendait pas pour autant sa tâche plus aisée, tant le génial pianiste qui transcenda le bebop était un être en quête d’une résilience infinie. Atteint de troubles psychiques qui le faisaient extrêmement souffrir, il semblait ne pouvoir enfanter son art qu’à condition d’être au bord du gouffre de la folie. Cette sensibilité poétique à fleur de peau, Francis Paudras, soutenu par sa compagne d’alors, va trouver des moyens de la canaliser. En lui permettant d’échapper aux griffes de la terrifiante « Buttercup », manageuse autoproclamée d’un Noir américain exilé en France dont les troubles avaient été amplifiés par un coup de matraque sur la tête asséné par un flic raciste à New-York (pour une banale histoire de cannabis, à laquelle son copain Monk était mêlé). En lui offrant un foyer parisien : Bud se remet à composer intensément dans l’appartement de sa nouvelle famille parisienne.
Ce qui permet à l’auteur d’éviter tout pathos dans cette sorte de journal d’une amitié, c’est justement cette extrême sensibilité portée à l’entretien de la flamme créatrice de celui qui était alors considéré comme une légende du jazz et qui, sous la plume de Paudras, atteint une dimension mythologique. De fait, l’emploi récurrent du passé simple confère une dimension quasiment épique au récit, cependant que l’usage de titres de compositions de Bud pour les chapitres de l’ouvrage rend l’ouvrage particulièrement swinguant.
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La description quasiment clinique du travail musical, mais aussi des galères de logement et de santé, des mouvements d’humeur, est si forte visuellement qu’on comprend qu’elle ait inspiré Bertrand Tavernier pour son film « Autour de Minuit », dans lequel Dexter Gordon incarne le personnage de Dale Turner, inspiré des séjours parisiens de Powell et de Lester Young, et où François Cluzet interprète un certain Francis Borler, décalque de Paudras. Seul bémol à cette réédition : l’absence de photographies, présentes sur l’édition originelle de 1986. Mais loué soit l’éditeur phocéen Le Mot et le Reste d’avoir ressorti ce texte fondamental de l’Histoire du Jazz. Bud Powell, quant à lui, décède à New-York en 1966. Il avait 42 ans.
La chronique intégrale à retrouver en ligne
Le livre La Danse des infidèles raconte l’amitié qui lia le grand pianiste de jazz américain à son plus grand fan français, Francis Paudras, des la fin des années 1950. Un témoignage exceptionnel.
Vers le milieu des années 1940, aux Etats-Unis, le jazz connut une révolution sans précédent : un saxophoniste (Charlie Parker). un trompettiste (Dizzy Gillespie) et deux pianistes (Thelonious Monk et Bud Powell) commencèrent à improviser sur les accords et non plus sur les mélodies. Quittant les grands orchestres dans lesquels ils avaient fait leur premiers pas. Ils se mirent à jouer en petites formations afin, que chaque instrumentiste puisse se lancer dans de savantes improvisations pour leurs solos respectifs, la batterie prenant une dimension nouvelle avec l’arrivée de musiciens comme Kenny Clarke ou Max Roach. Le bebop était né. Les deux pianistes qui contribuèrent à ce renouvellement étaient amis et complémentaires : adepte de délicates dissonances brouillant subtilement le message, le taiseux et économe Monk aimait le silence et jouait comme un équilibriste. Powell, grand admirateur d’Art Tatum, était véloce et brillait pas ses solos rapides et éblouissants : il était le seul à pouvoir faire au piano ce que Parker exécutait au sax.
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Cette amitiés exceptionnelle dans le Paris des années 1950 est racontée dans un livre initialement sorti en 1986, qui inspira le film de Bertrand Tavernier Autour de Minuit, dans lequel François Cluzet interprétait Paudras, Powell étant remplacé par le grand saxophoniste Dexter Gordon. L’attention du Français pour le musicien américain “aussi fragile qu’un enfant de 5 ans”, leur amitié profonde, la manière dont Paudras parvint, à force de patience et d’obstination, à refaire parler et à “réparer” cet homme mutique et abîmé, font de ce récit non seulement l’un des plus grands livres sur le jazz, mais aussi le témoignage unique d’une complicité inédite entre un mélomane et son héros, ce musicien génial qui devait finalement disparaître en 1966.
Autour de minuit, le remarquable film de Bertrand Tavernier était un portrait croisé de Bud Powell et de Lester Young en partie inspiré d’un récit de Francis Paudras publié en 1986 aux éditions de l’Instant. Enfin réédité, La Danse des infidèles, retrace le parcours de Bud Powell dès son arrivée à Paris en 1956, à l’occasion d’une tournée Birdland qui allait le mener à la Salle Pleyel.
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L’ouvrage est la chronique de ses jours parisiens et l’opportunité de suivre le pianiste dans la proximité d’illustres musiciens au Chat qui Pêche, au Blue Note de la rue d’Artois et dans tous ces coins et recoins où Bud se perd, pourchassé par ses cauchemars, et où Francis parvient à le retrouver, armé d’un amour inconditionnel. L’émotion qui nous étreint à la lecture de ce livre ne peut que tirer de vraies larmes.
Francis Paudras tire le titre de Dance of the Infidels, la composition du pianiste Bud Powell, géant du bebop, géant du jazz, géant de la musique du XXe siècle. En 1956, le jeune illustrateur, tombe à la renverse devant le virtuose à la salle Pleyel, lors d’une tournée parisienne. Il se démènera des années durant pour maintenir à flots le personnage, malmené par son épouse (qui ne songe qu’à l’exploiter); brutalisé par la police américaine, alors qu’il défendait son ami Thelonious Monk dans un club; enfermé dans un asile psychiatrique; en proie à l’alcool; rongé par la tuberculose. Paudras se saigne pour acheter un studio, puis un appartement rue de Clichy, afin de loger son protégé. Le fan providentiel égrène – au jour le jour – le «sauvetage» du jazzman. Avec lui, impossible de perdre la moindre minute de Bud, le moindre détail, le propos le plus banal, tant la ferveur, l’attention permanente, la dévotion, la générosité, portent haut la plume.
Du Chat Qui Pêche au Blue Note se saluent, dans un Paris bouillonnant de jazz, les grandes figures de la musique. On tutoie Chet, Thelonious, Ornette, Dexter, etc. Accordez crédit aux pianistes légendaires, Bud est leur dieu à eux aussi. Bill Evans – cité en exergue : «Si je devais choisir un seul musicien pour son intégrité artistique, pour l’originalité incomparable de sa création, mais aussi pour la grandeur de son oeuvre, ce serait Bud Powell. Personne ne lui arrive à la cheville». Ou Paul Bley, se confiant à Paudras : «Tout le monde le sait, Francis, le maître, c’était Bud. C’est évident». Ecoutez les enregistrements des labels Blue Note, Verve, RCA. Quand Bud Powell se met à jouer s’ouvrent béants tous les orifices du crâne. Le livre, trempé dans un serrement de coeur, restaure l’esprit du génie, mort à New York, en 1966. Bud avait 41 ans.
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Avec l’énorme récit détaillé de la vie de Bud Powell, Francis Paudras, son protecteur, nous raconte trois histoires à la fois.
Celle de ce New-Yorkais, virtuose, incroyablement doué, ultra rapide et inventif, jamais en paix, mais victime de troubles psychiques graves.
Earl Rudolph Powell (1924–1966) eut 42 ans pour affirmer son génie très particulier, fait de virtuosité et d’improvisations risquées.
Francis Paudras, l’auteur, musicien et graphiste parisien, va vivre avec son héros des histoires cocasses et tragiques, le protégeant des ses démons en permanence, et décrivant ainsi la faune Jazz, regroupée à Paris dans les années 50 : les attitudes de fans de Jazz, aussi bien que les rapports entre les musiciens exilés noirs américains.
Enfin, il nous éclaire sur cette passion folle et soudaine des français (et des européens en général) pour cette expression Jazz devenue moderne, du Be-Bop au Free.
Les grands noms défilent : Thelonious Monk, Art Tatum, Dizzie Gillespie, Miles Davis, Ornette Coleman, Charlie Parker, Billie Holiday…
La bande des dieux jazzistiques en pleine ébullition. Quelques anecdotes et réactions vécues nous en disent long sur les amitiés réelles et les concurrences, non moins chargées d’affect.
Tout y passe : les histoires d’amour, d’argent, de survie, les coups bas et les coups de génie, pour le meilleur et le pire d’un mouvement artistique important, qui sortait la communauté afro-américaine de ses ghettos et de la chape de plomb qui pesait sur elle en Amérique, jusqu’au mouvement des droits civils dans les années 60.
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Scène Jazz, un univers impitoyable
Presque toutes les stars Jazz de cette époque connaissaient le même parcours du combattant ; mal payés, maltraités, harcelés par la police new-yorkaise, emprisonnés pour un joint, battus pour une bouteille…
Environnés d’escrocs, de dealers, de producteurs véreux, de tôliers de bar intraitables, d’indicateurs, de mafieux et de policiers racistes au dernier degré, surveillés et copiés, pillés par des syndicats en leur défaveur, insultés quotidiennement, la plupart de ces virtuoses trouvait une compensation dans leur Art… et dans des drogues diverses.
À Paris, un mini-paradis s’ouvre à eux : on les applaudit, on les aime, on les soutient, on les paie encore mal, mais on les paie ! Malgré leurs disques des années 40–50 devenus des classiques, il faudra encore des années pour que les plus démunis arrivent à vivre décemment.
L’auteur, Francis Paudras, véritable samaritain, admirateur indéfectible de Powell, sera obligé de l’installer chez lui, fasciné par les capacités hors-normes et les intuitions du médium qu’est Bud Powell, qu’une incorrigible inconscience et une irresponsabilité chronique entraîne dans des catastrophes permanentes, parfois cocasses, mais toujours tragiques.
Je ne suis pas fan de Jazz et même contre l’adoration des blancs devant ces saints apôtres de la musique syncopée ou minimale, qui nous racontent leurs peines et leur fantaisie avec un génie et une classe qui déclenchent l’admiration (et une certaine culpabilité trop tardive).
Leur passion de la musique et leur acharnement à jouer sont à la mesure de leur souffrance, de leur destin d’éternels migrants, d’anciens esclaves que l’on retrouve chez nos tziganes, gitans, romanos… pour une autre musique romantique, agglomérat d’influences, glanées au cours de siècles de voyages forcés de ces déshérités et qui les aide à retrouver leur humanité et leur fierté bafouée…
Lisez toute la chronique sur le site de Nova
Retour sur l’amitié déchirée entre Bud Powell et son fan éperdu Francis Paudras.
Ce furent les images en clair-obscur d’Autour De Minuit, film de Bertrand Tavernier (deux César et un Oscar, en 1987). Mais c’est bien le livre inspirateur, La Danse Des Infidèles (d’après une composition de Bud Powell) qui évoque pour la première fois l’année précédente le tumulte relationnel entre le jazzman et Francis Paudras, dessinateur et designer parisien à son compte, vivant chichement de son métier, mais ressuscitant chaque soir grâce aux concerts de jazz, et en particulier au génie du New-Yorkais. Lorsque Bud Powell s’installe en France en 1958, il n’est pas le premier musicien afro-américain à porter son dévolu sur un pays où son art semble mieux considéré, et le racisme moins prégnant qu’aux États-Unis. Dès 1962, Paudras se lie d’amitié avec lui, puis, aidé par le saxophoniste Johnny Griffin, prend en charge un traitement curatif de la tuberculose, l’héberge, ainsi que sa famille, et lui tient la main lors de son retour vers la mère patrie. Entre roman et monographie (incluant témoignages et articles de presse), la nouvelle édition de ce livre, chronique d’un désastre et d’une navrance annoncés, rend compte d’une épopée se transformant en errance, de par la volonté destructrice de son principal acteur.
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Retrouvez la chronique intégrale sur Son du Monde
Alex Dutilh vous parle de la réédition du livre de Francis Paudras : ”Un témoignage incroyablement documenté, précis, de ces années passées à côté de Bud Powell.”
Écoutez toute l’émission sur le site de France Musique
La personnalité de Francis Paudras s’est dévoilée au grand public sous les traits de François Cluzet dans l’un des films les plus authentiques dédié à l’univers du jazz : ‘Autour de Minuit’ de Bertrand Tavernier. Fan inconditionnel de Bud Powell (rôle tenu à l’écran par Dexter Gordon) le jeune illustrateur racontait cette même année 1986 dans « La Danse des Infidèles » (titre d’une composition de son idole) son amitié pour Earl « Bud » Powell et son engagement de tous les instants entre 1959 et 1966 auprès d’un des maîtres du be-bop totalement perdu dans la vie quotidienne.
Réédité aujourd’hui, cet ouvrage n’a rien perdu de sa force émotionnelle et de sa puissance évocatrice du milieu du jazz à Paris où Bud résida de 1959 à 1965 et à New-York, où il décéda à 42 ans le 31 juillet 1966.
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Riche en informations, témoignages, anecdotes, La ‘Danse des Infidèles’ nous apporte aussi un éclairage pertinent sur les tribulations de Bud Powell, ses « exploiteurs » (patrons de clubs, sa compagne Buttercup), ses amis musiciens (Ornette Coleman, Art Taylor, Johnny Griffin…) et ses fidèles de la première heure, Elmo Hope et surtout Thelonious Monk (« Jamais je n’avais vu deux êtres aussi proches, aussi complices, aussi frères »).
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