La Voix d’Antony suit l’itinéraire du chanteur du groupe Antony and the Johnsons. L’auteur se met à l’écoute d’une voix trans qui dévoile une identité in progress. Il donne des noms, des dates, des détails, interroge la naissance d’une légende et le mystère d’un art extatique.
Rappel des faits : le jeune Antony arrive à New York, la ville qui rend possible l’aventure. Là, il fréquente la scène underground et, la nuit, se métamorphose. Il prend peu à peu son envol pour chanter, de là-haut, la joie intense qu’il éprouve à se transformer, et la disgrâce qui nous menace sur la Terre.
Le texte est suivi par une discographie détaillée, commentée et illustrée.
Revue de presse
Un peu comme Yves Bonnefoy a su magnifier, en un poème, la voix “mêlée de couleur grise” de Kathleen Ferrier, Jérôme Solal consacre un livre inclassable, qui tient autant de l’évocation poétique que de l’enquête méticuleuse, à la voix singulière d’Antony Hegarty, leader des Johnsons. Déjà auteur de quelques articles sur le chanteur, et par ailleurs essayiste féru de littérature (il a consacré deux essais à Huysmans), il prend le risque de ne pas dissiper le mystère du personnage (parangon d’une scène arty, transgenre, écologiquement concernée, etc.), de ne pas reconstituer, pas à pas, le fil d’une biographie, pour enfouir son propos dans les thèmes, les tonalités, les récurrences de ce qui s’apparente –déjà- à une œuvre cohérente. Sa langue bâtit ainsi un parcours qui balaie la vie et la discographie du chanteur en faisant miroiter les échos, les prégnances qui permettent, d’un disque à l’autre, de donner sens à une trajectoire. Le chant pensé comme envol, frôlement de la mort, le brouillage des genres, l’identification à la nature, autant de voies que la plume, parfois un peu trop suggestive ou métaphorique, épuise pour approcher le mystère de la voix. Il y a une certaine beauté à épouser ainsi l’inspiration de la musique, à verser la vie dans l’œuvre pour ne plus la lire qu’en elle, mais l’amateur de faits pourrait être frustré. Heureusement, lieux, influences, collaborateurs trouvent leur place et la discographie très détaillée qui est donnée en seconde partie de l’ouvrage a franchement de quoi renseigner le fan.
L’émission queer BANG BANG du 19 juin est en partie consacrée au chanteur hors genre et hors norme Antony Hedgarty, et à l’essai que Jérôme Solal lui a consacré.
Pour réécouter l’émission et lire la chronique :
Jérôme Solal enseigne le français à Toulouse. Plutôt versé dans la littérature du XIXe siècle, il s’est enthousiasmé pour Antony Hegarty, dont la voix d’ange a bouleversé nombre d’auditeurs. Une biographie, remarquablement écrite, est née de cette rencontre improbable.
Un jour de 2004, Jérôme Solal entend Antony and the Johnsons. Ce professeur de français toulousain, auteur de quelques ouvrages sur Huysmans (écrivain et critique d’art, 1848–1907), est immédiatement bouleversé par la voix lumineuse d’Antony Hegarty. Six ans plus tard, il publie un livre passionnant et remarquablement écrit : « La voix d’Antony ». Rencontre.
YG : Pourquoi un livre sur « la voix d’Antony » ?
JS : Sur un DVD, j’ai vu Antony chanter, presque a cappella, dans une boîte pour travestis. J’ai cherché toutes sortes d’infos sur ce type à la voix si particulière et lu sur le site du groupe qu’il passait à Bordeaux. J’y suis allé. Après le concert, Antony était là, dans la foule, à vendre ses cassettes… Je lui ai dit : « Je vais écrire un livre sur vous »…
YG : Comment a-t-il réagi ?
JS : Il m’a demandé si j’étais journaliste, où j’habitais etc. Il était très cool… J’ai écrit un long article pour la « blogothèque », qui a rencontré un certain écho. J’ai d’abord envisagé de demander à des écrivains, des musiciens, d’écrire sur lui. Quand le deuxième album est sorti et que j’ai constaté qu’il demeurait encore presque inconnu, j’y ai vu une injustice totale et je me suis lancé…
YG : C’est une biographie aussi rigoureuse que personnelle : l’émotion que sa voix suscite chez vous transpire à chaque phrase…
JS : Antony est un extraterrestre. Sa pratique artistique relève d’une expérience personnelle, délocalisée géographiquement entre Amérique et Angleterre, sexuellement, et qui se découvre au fur et à mesure. Beaucoup de chanteurs lyriques chantent bien sûr mieux que lui, mais sa voix est exceptionnelle car elle dépasse le savoir-faire, la virtuosité. C’est indéniable : lorsqu’Antony chante, il se passe quelque chose.
« La voix d’Antony », par Jérôme Solal, éditions Le mot et le reste. 158 pages, 16€.
Il y a six ans, Jérôme Solal avait déjà les mots justes et l’expression poétique pour exprimer son admiration (sa passion presque) pour Antony Hegarty. Il avait proposé ses textes à la Blogothèque et nous l’avions accueilli à deux occasions. De cette obsession artistique (et plus encore), il a fait un livre, entre l’hommage panégyrique et la biographie romancée.
C’était La Voix du Nouveau Siècle, et Jérôme Solal l’avait décliné en deux temps : une explication du phénomène naissant puis, quelques semaines plus tard, un complément sur l’album de l’envol, I am a bird now. DJ Barney rencontrait Antony Hegarty quelques années plus tard à l’occasion de la sortie de The Crying Light, et sous-titrait son article La Voix du Nouveau Siècle 3, en souvenir respectueux de celui qui avait su, parmi les premiers, trouver le ton, les mots et le style qui seyaient à l’élégance et à la délicatesse de la musique d’Antony et de ses Johnsons.
“ Le nouveau siècle vient trop tard, et le chant d’Antony répond au jour qui vient, d’avance obscurci. ”
Depuis 2005, Antony Hegarty a sorti deux albums et Jérôme Solal a continué d’écrire. Il a accumulé les notes et impressions, multiplié les louanges et le dévouement à la cause… et en a finalement fait un livre, La Voix d’Antony. C’est un ouvrage singulier, à l’image du sujet, une sorte de démesure discrète. Jérôme Solal se lance d’abord dans quelques chapitres emplis de considérations imagées, presque philosophiques et vaguement suspectes, avant de devenir (un peu) plus factuel et (un peu) plus biographique. Le propos est dithyrambique et évidemment très exagéré pour celui qui n’estime pas Antony à la valeur proposée par l’auteur. Il faudrait voir en lui un génie incontesté, une fulgurance rare, une icône indépassable, une majesté… quand on peut voir également, et au mieux, un artiste talentueux et hors norme.
“ Eprise d’adoption, toujours jaillissante, la voix inspirée d’Antony ne connaît pas son maître. Elle caresse toute oreille consentante et n’obéit à personne. C’est une sainte qui vagabonde, une fière prostituée qui confie ses charmes à quiconque veut bien l’accueillir, c’est-à-dire accepte de perdre ses repères pour se mettre en route avec elle, la suivant sur le trottoir ou filant au ciel. A tous ceux qui l’écoutent comme à ceux qui chantent et à qui il rend visite en témoignage de sa sympathie, Antony insuffle une dose d’harmonieuse intranquillité. ”
Mais Jérôme Solal a un ton professoral particulièrement convaincant. La biographie érudite qu’il présente est certes chronologique et thématique dans sa structure, mais elle ondule sans cesse, rappelle les faits marquants et les jalons, remet en perspective, ouvre vers d’autres horizons (sociaux, intimes, philosophiques) et séduit même si les a priori étaient circonspects. Les images sont poétiques, son vocabulaire riche et l’histoire devient passionnante. Antony en héros de roman, en figure de fiction, sa voix comme centre de l’intrigue…
“ Le miracle de sa voix tient dans ce don constamment renouvelé : à chaque écoute, ou presque, on entre dans le cloaque et l’on en sort tout à fait émacié, à l’envers, plus vivant. ”
La Voix d’Antony est un livre écrit par un fan ultime et pointilleux (la discographie commentée en annexe est impressionnante de précision et d’ampleur). Les fans moins ultimes et pointilleux seront comblés, les moins fans seront respectueux et admiratifs de l’engagement. Et les amateurs de littérature, séduits…
La Voix d’Antony est sorti aux éditions Le Mot et le Reste.
Il y a une semaine paraissait La voix d’Antony, chez les très recommandables éditions Le Mot et Le Reste, déjà à l’origine d’une foule d’excellents bouquins traitants d’un large spectre de domaines musicaux du rock au jazz en passant par la soul ou le krautrock. Signé Jérôme Solal, essayiste et spécialiste de Huysmans, La voix d’Antony est un singulier petit livre disséquant avec la passion et l’enthousiaste de l’apprenti médecin légiste, l’organe si particulier d’Antony Hegarty, chanteur et leader d’Antony And The Johnsons.
Celui que l’on résume souvent à son prénom, “Antony”, est également connu depuis 2003 pour ses multiples collaborations, songwriting ou backing vocal, avec plus d’une trentaine d’artistes sur de nombreux projets différents, (Lou Reed, Björk, Laurie Anderson, Rufus Wainwright, Cocorosie, Devendra Banhart, Diamanda Galas, David Tibet ou Marc Almond, pour n’en citer que quelques uns). Il est aussi remarqué pour ses apparitions au cinéma (dans Animal Factory de Steve Buscemi, Wild Side ou encore Lou Reed’s Berlin de Julian Schnabel) ou encore pour ses activité au sein de la troupe de théâtre expérimentale des Blacklips. Lui-même artiste visuel et compositeur/réalisateur singulier, terriblement indépendant, hors de toutes modes et hors du temps, Antony a su tout au long de sa vie mettre à profit ses diverses rencontres pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : un artiste autre, transgenre (ni féminin, ni masculin), d’ailleurs.
Car la voix d’Antony vient d’ailleurs, c’est certain. Mais d’où ? C’est ce que dévoile avec sensibilité le livre de Jérôme Solal. De sa naissance en 1971 et sa jeunesse dans une modeste petite ville anglaise (Chichester dans le Sussex), en passant par son périple à Amsterdam et Santa Cruz (!), jusqu’à ses débuts à New York – en attendant la révélation et la reconnaissance mondiale d’I Am A Bird Now – Jérôme Solal suit la vie d’Antony, menant son étude à la manière d’une enquête intime, traquant l’origine de cette voix unique, mélange parfaitement réussi de douceur et de douleur.
Il faut dire que Jérôme Solal lui aussi a une voix. Et ce n’est pas le moindre attrait de ce livre magnifiquement écrit, précieux, lettré et hautement recommandé, qui réconciliera même les plus réfractaires à l’art d’Antony Hegarty.