Revue de presse
C’est un fait : tous les musiciens dont il est question dans ce livre ne se sont pas rassemblés, avec, en tête, l’idée d’un projet esthétique précis, mais plutôt animés par l’envie de jouer ensemble. Pour autant, si l’on en croit Kevin Ayers, l’idée d’une grande famille était bien là, dès les débuts de Soft Machine. Ce qui n’empêche d’ailleurs pas certains amateurs d’objecter que l’École de Canterbury n’est qu’une invention journalistique, en prenant pour preuve un article du New Musical Express de 1973, ou l’interview de Kevin Ayers parue dans ZigZag la même année, premiers à utiliser une appellation que les concernés eux-mêmes ont pu réfuter, Robert Wyatt en tête.
Quoiqu’il en soit, c’est de l’histoire de cette école-famille devenue culte dont il s’agit ici, au long de sept cents et quelques pages vivantes et richement documentées, débutant en gros avec l’arrivée de Daevid Allen à Canterbury en 1960 et s’achevant avec Soft Machine Legacy en 2016. Entre ce qu’on sait du Daevid Allen Trio en 1963 et des Wilde Flowers entre 1965 et 1966 jusqu’à l’héritage actuel (l’essentiel de la chronologie courant toutefois entre 1966 et 1981), Caravan, Gong, Egg, Hatfield & The North, Gilgamesh et National Health (entre autres) sont passés en revue, ainsi qu’une myriade de projets plus ou moins individuels centrés sur des préoccupations plus ou moins communes.
Parmi les plus belles pages de cet ouvrage, figurent des analyses remarquables des albums Rock Bottom et Hopper Tunity Box de Robert Wyatt et Hugh Hopper, l’auteur réussissant même à passionner quand il s’agit de parler de Shamal et Gazeuse de Gong, deux disques que l’on peut pourtant ne pas trouver à son goût. La lecture se termine par des arbres généalogiques ayant le mérite de clarifier ce qui pourrait paraître embrouillé pour le néophyte, au vu des incessants changements de personnel au sein des groupes de cette école. Saluons le travail d’historien, considérable, pour cette somme sans équivalent. D’autant que l’auteur a rencontré et interviewé la plupart des protagonistes afin de croiser les informations.
Vous pouvez également consulter cet article sur le blog de l’auteurécole-de
Une heure d’émission avec Aymeric Leroy pour une belle discussion autour de L’École de Canterbury.
Réécouter l’interview d’Aymeric Leroy sur le site de Rockoscopie
Les éditions Le mot et le reste viennent de publier le nouveau livre d’Aymeric Leroy, consacré cette fois à L’école de Canterbury, genre musical so british qui concentra naguère fantaisie et poésie pop, gourmandise rock virtuose et progressiste et, last but not least, rêves et fantasmes jazz.
Il est des livres consacrés à la musique dont on sait, passées les premières pages, qu’ils resteront toujours dans un coin de votre tête et à portée de main. L’École de Canterbury fait partie de cette catégorie, dans laquelle vient aussi d’entrer Les fous du son de Laurent de Wilde, et où repose tranquillement, prêts à être dévorés encore et encore, The rest is noise d’Alex Ross, Sweet Soul Music de Peter Guralnick ou encore Ocean Of Sound de David Toop (votre bon vieux Doc met les biographies et plus encore les autobiographies à part).
Ainsi, dès que les noms de musiciens comme Robert Wyatt, Dave Stewart, Richard Sinclair ou Kevin Ayers, ou ceux de groupes comme Soft Machine, Hatfield And The North, National Health ou Gong traverseront notre esprit, nous consulterons l’ouvrage d’Aymeric Leroy. Pourquoi ? Parce que tout y est ! Tout, de la douce et décapante saga de cette étrange famille décomposée/recomposée associée à la capitale du Kent est raconté, analysé, décortiqué, mesuré, vanté, tempéré avec une hauteur de vue, un savoir – une science même – si rares de ce côté-ci de La Manche.
Aymeric Leroy a le sens du storytelling, comme on dit de l’autre côté du Channel Il le distille au gré des 736 pages (!) avec ce qu’il faut d’analyse musicograhique (tellement plus digeste que les divagations pseudo-musicologiques qui plombent tant d’autres livres…).
Car c’est bien dans l’histoire de cette école aux portes toujours grandes ouvertes et traversée par de salutaires courants d’ère (l’arc sonore qui englobe la décennie 1965–1975 est un âge d’or transgenre) que l’on replonge avec délices, croisant ses bardes et ses troubadours électriques hors-normes qui nous ont offert tant de disques cultes, gorgées de spleen et d’humour mêlés, de tendresse et de piquant, de sagesse et de folie.
En retournant à L’école de Canterbury, on (re)vit avec ces merveilleux héros discrets d’une musique qui, globalement, affiche et assume aujourd’hui de bien belles rides (tandis que tant d’autres, pourtant si excessivement glorifiées en leur temps, ont disparu sans bruit des radars de la mémoire). On les voit, on les entend vieillir, se chercher, se perdre, se retrouver. Faire de la musique quoi.
Attention : livre essentiel.
Tiens, je vais réécouter le premier Harfield And The North moi…
Lisez la chronique de Doc Sillon sur le site de Muziq
Aymeric Leroy était l’invité de l’émission “Les Oreilles Libres” de Radio Libertaire le 20 mai dernier. L’occasion de discuter de son ouvrage L’Ecole de Canterbury et d’écouter quelques classiques, pour certains méconnus, de cette scène musicale.
Pour réécouter l’émission c’est ici
Le genre Canterbury, enfant plus ou moins légitime du rock progressif et du jazz, n’a jamais eu autant le vent en poupe que depuis sa brève splendeur passée, au début des années soixante dix. En 2015, la série documentaire Romantic Warriors lui consacrait son troisième épisode. Aymeric Leroy nous y éclairait déjà sur cette subdivision confidentielle de l’avant-garde musicale de l’époque. Son spécialiste incontesté publie aujourd’hui un ouvrage qu’il avait dans ses cartons depuis belle lurette, pavé de plus de sept cents pages nommé L’École de Canterbury.
L’auteur le reconnaît lui-même : l’appellation de ce genre musical n’est pas forcément judicieuse et ses créateurs se comptent presque sur les doigts de deux mains. Que peut-on donc en lire tout au long de ces nombreuses pages ? Le récit des origines, pour commencer, avec les tâtonnements de la première moitié des années soixante, fortement influencés par le free-jazz, puis la naissance des Wilde Flowers et de Soft Machine, Caravane, Gong, Egg, The Keith Tippett Group et quelques autres, jusqu’au déclin du début des années quatre-vingt… Le gros de l’ouvrage couvre une période de quinze ans, de 1966 à 1981, que Leroy ponctue de dates-clés qui correspondent notamment à des concerts ou des passages en studio, comme autant de bornes plantées dans une chronologie extrêmement détaillée. Il brosse ainsi le portrait des grandes figures du genre (parfois à leur corps défendant tel Robert Wyatt), décrit les interactions importantes entre la douzaine de groupes qui en fit le socle, et en analyse les albums fondateurs. Au fil des pages, des photos illustrent régulièrement les péripéties qui ont animé ce bouillonnement artistique méconnu et mésestimé. Avec la minutie et la passion qu’on lui connaît (on peut par exemple citer ses livres sur Pink Floyd et King Crimson), l’auteur fait le tour de son sujet sans toutefois vraiment évoquer, contrairement au documentaire cité plus haut, les groupes actuels qui se réclament plus ou moins ouvertement de la mouvance, comme si le coup d’arrêt des « terribles » qighties en avait sonné le glas.
Unique en son genre, L’École de Canterbury devient donc de facto la référence absolue sur la question. Précis et très bien source, agrémenté de plusieurs index – groupes, albums, musiciens – et d’un arbre généalogique, il se lit pour ainsi dire comme un essai historique à la thématique pointue, à l’image de ces thèses aux sujets a priori rebutants, adressées à une poignée de lecteurs, mais passionnantes pour un peu qu’on se donne la peine de s’y plonger. Un ouvrage indispensable à tout amateur qui se respecte de la musique d’avant-garde des années soixante-dix.
Retrouvez l’article sur le site Chromatique.netécole-de-canterbury
Dans un ouvrage fleuve, Aymeric Leroy ressuscite l’histoire méconnue de L’École de Canterbury (née à la fin des années 60) incarnée à l’origine par Caravane et Soft Machine puis par des formations comme Hatfield and the North ou National Health.
Auteur d’ouvrages sur le rock progressif et spécialiste de la scène de Canterbury, à laquelle il consacre depuis 1996 un site de référence [Calyx], Aymeric Leroy comble assurément un grand vide éditorial proposant un tonique coup de projecteur sur une des aventures musicales les plus originales de l’avant-garde du XXe siècle. La somme d’infos rassemblée (près de 700 pages) est d’autant plus agréable à parcourir qu’elle se profile sous la forme d’illustrations et de collage de textes courts. Nourrie par des entretiens, des repères biographiques et des infos pointues sur les disques emblématiques du mouvement, L’École de Canterbury nous apprend tout sur sur ce courant musical anglais si discret, à la fois post-psychédélique et néo-jazzy.
Évoluant un peu en marge du rock progressif dont il est d’ailleurs souvent assimilé par commodité, la musique canterburienne se distingue par son aisance mélodique, un certain humour typiquement anglais, une mise en avant des claviers (par rapport aux guitares) et le goût de mêler plages longues atmosphériques et titres courts d’inspiration pop folk. (In The Land Of Grey And Pink (1971) de Caravan se révèle l’illustration archétype des débuts du Canterbury.) Mais la scène canterburienne se distingue aussi par la variété de ses styles avec des groupes aussi différents que Gong, Camel ou Matching Mole. Dans son livre, qui comprend outre une généalogie du mouvement et un index des 10 figures centrales de cette scène, Leroy nous suggère la grande proximité humaine et musicale entre tous les membres de ce mouvement, qui a toujours fonctionné un peu comme une grande famille. Ouvrage exhaustif et très agréable à parcourir, L’École de Canterbury offre le plaisir de connaître ou de redécouvrir un mouvement d’avant-garde aussi créatif que snobé par les médias.