Le Rouge et le Bleu ou comment les chansons des Beatles infusent dans l’existence

Jérôme Attal est chanteur et écrivain. C’est un jeune homme délicat et élégant qui transforme les menus détails en instants poétiques. Après L’amoureux en lambeaux, un premier roman à l’écriture sensible et ciselée, parait Le Rouge et le Bleu un récit sur les Beatles.

Dans quelles circonstances écris-tu tes chansons ?
Je pars d’une émotion, quelque chose qui me tracasse et que j’en-voie dans la chanson. À l’écoute de la chanson, quand c’est réussi, il faudrait que l’émotion puisse revenir quasi intacte, comme si j’avais lancé un boomerang. Intacte mais dégoupillée de sa vio-lence, de la violence du geste, moins âpre que si la solution d’écrire des chansons n’existait pas.

Quels sont les liens entre ton travail musical et romanesque ?
Je compare cela à un peintre qui a le choix entre plusieurs sup-ports. L’impulsion est la même sauf que je peux fixer pour toujours une émotion, ou retenir un moment, explorer toutes les faces d’un sourire de fille comme un rubick’s cube, soit dans des chansons, dans une nouvelle, soit dans des romans ou des récits comme avec Le Rouge et le Bleu. Je pense aussi que j’ai des problèmes de peintre dans mon travail, dans la mesure où les allers-retours entre le refuge de l’écriture et les tourments de la vie sont délicats.

Comment est né ce projet de livre sur les Beatles ?
Pour Le Rouge et le Bleu, Yves Jolivet des éditions Le mot et le reste, lisait le Journal intime que j’écris et publie sur internet depuis dix ans et m’a demandé si je voulais ouvrir la collection Solo qui propose à des auteurs d’écrire un texte sur leur lien affectif avec la musique-album ou artiste. J’ai choisi les Beatles car la puissance suggestive, immédiate et mélancolique à la fois, de leurs chansons, m’a accompagnée depuis que je suis enfant. Après j’ai détourné l’exercice d’écrire sur les Beatles. J’ai amené vers mon univers, accross my universe, cette idée de parler de leurs disques. Je pense que les gens qui sont vraiment fans des Beatles et qui vont acheter Le Rouge et le Bleu en pensant trouver une biographie ou un recueil d’anecdotes sur leur groupe préféré vont juste me poursuivre dans la rue, ce qui en même temps est un hommage aux Beatles d’être poursuivi dans la rue.

Parle-nous un peu de ton rapport à la littérature.
J’ai un rapport assez obsessionnel à la littérature, J’adore Marguerite Duras parce qu’il y a une puissance immédiate dans les sentiments un idéal d’absolu qui correspond à ce que j’ai dans le coeur. Et puis André Marcowicz qui a passé dix années de sa vie à retraduire tout Dostoïevski, là encore c’est un travail de peintre. En fait je crois que j’aime le gens qui font tout le temps la même chose Dostoïevski et Duras qui écrivent chaque fois le même livre. Comme Balthus et Francis Bacon qui font tout le temps la même toile, qui recommencent toujours. Je crois que je ferai toujours la même chanson et toujours le même livre, et que j’aimerai souvent le même genre de filles. C’est en ça que je dis que j’ai des problèmes de peintre.” Bon, évidemment, ce n’est pas en ayant des problèmes de peintre qu’on vous récompense forcément tout de suite aux Victoires de la musique.