Revue de presse
Devenu un collector recherché dans sa première édition, le livre sur les Sex Pistols de Fred et Judy Vermorel, était devenu tout simplement introuvable. Ou trop cher. Alimentant de nombreux fantasmes : pensez donc, un livre sur les Sex Pistols quasi-contemporain (janvier 1978).
« Le seul à parler de Sid Vicious au présent » comme il est justement dit sur le 4e de couverture… Tout y est, comme dans la version originale, traduite par Francis Dordor (qui revoit, aussi, cette réédition). Et plus : de nouvelles photos inédites et des annexes ont été rajoutées. L’aventure d’un des groupes les plus marquants du Rock’n’Roll vécue de l’intérieur Les Sex Pistols n’étaient pas Punk, ils étaient « le » punk. Subtile nuance que ce livre met en évidence… Judicieuse réédition.
L’article ICI
LIVRE. La sécrétaire des Sex Pistols tenait un journal de bord, où elle consigna au quotidien toute l’épopée destroy des années 70.
La saga intérieure des Pistols a une teneur nouvelle, rééditée 33 ans après la collection de Philippe Manoeuvre. A l’heure des émeutes d’été outre-Manche, le Times citait l’une de leurs chansons définitives; considérant le klaxon punk, “No Future”, comme une juste prophétie : “Pas d’avenir pour les rêves anglais”. Le titre aurait dû figurer à la prime place des classements… La BBC reconnut il y a peu avoir truqué le résultat au profit du mieux peigné Rod Stewart. Johnnny Rotten chantait ça depuis quelques mois, le publia en 1977, année destroy dont on n’a jamais oublié l’”été de la haine.” Le venin craché en ricanant par la bande sur un seul album, “Never Mind The Bollocks”, se retrouve désormais partout. Avec, non une épingle de coutume alors (même sur des volumes sans rapport), mais le paradoxal logo “Classic Album”. Sauf que le journal intime de la secrétaire de Malcolm McLaren, rassembleur du groupe et boutiquier du magasin Sex, ce “repaire de glandeurs!”, relève de l’impro débridée, juvénile et tendre; pas d’un parcours tout tracé. Ici, antéchrist rime furieusement avec anarchiste, et les ouvrières de la maison de disques refusent d’empaqueter les 45 tours… La pub du 33-tours est interdite. Le groupe ne peut plus jouer, tant il effraye.
Crucial
Les notes non expurgées rendent les tâtonnements, les rapports tour à tour complices des musiciens, ou en conflit avec le manager, manipulateur. Et la vie quotidienne, où les factures tombent, même les lendemains de coups d’éclats… tandis qu’un directeur artistique d’EMI ôte ses épinglettes pour garder sa place !
Le punk restitue au rock’n’roll son pouvoir générationnel, dans la gamme et la sape, tel un manteau de chaos, transgressif et ultime. Ce complot culturel mûrit lentement, via situationnisme, New York Dolls, ennui post-industriel, chômage. Toute une génération l’improvise en 1976, “du jour au lendemain, 50 groupes jouent à Londres”. Titillée par des piercings à nourrice, l’excitation prend, façon traînée de poudre colorée. “Ils provoquent une décharge de violence, offrant plus que quiconque depuis des années. On s’habille de circonstance , chacun se met à danser le pogo.”
Pour le jubilé de la reine, Vicious, Rotten, Cook et Jones entonnent l’hymne subversif “God Save the Queen”, avant d’être cueillis par les bobbies. Mais ils rechignaient à incarner ce plan pub…car les Sex kids avaient leur pureté : “Mettre le feu aux concerts et foutre en l’air les compagnies de disques est plus créatif que réussir.”
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SUD OUEST
Livre culte outre manche, cette traduction de la vie des Pistols “de l’intérieur” est la bienvenue. L’ouvrage sert encore aujourd’hui de base à l’ensemble des publications sur le sujet. Fred Vermorel a conduit et accompagné les jeunes britanniques délurés qui, en l’espace de quelques semaines, réussissent l’exploit de chasser du cœur des amateurs de rock les Beatles et autre Rolling Stones.
Pour résumer simplement l’histoire du groupe, il s’agit de quelques garçons et filles pas dans le vent qui ont voulu renverser la marmite de la musique londonienne. Succès sur toute la ligne dès le premier coup : “Anarchy in the UK”. Les concerts tournent souvent à l’insurrection. L’objectif premier : la provocation. L’inspirateur indirect : Mustapha Khayati, auteur d’un pamphlet à succès en 1966 à l’Université de Strasbourg De la misère en milieu étudiant. Son texte traverse la Manche et tombe entre les mains des musiciens, qui l’adaptent à la scène londonienne. On dit même que le coup aurait marché.
A travers ses fragments de vie et de musique des années 1975–1978, Fred & Judy Vermorel donnent un coup de projecteur sur ce que fut la naissance du mouvement punk. “God save the queen”.
A l’inverse de ces Beatles, Rolling Stones, Led Zep et autres sur lesquels ils crachaient, et qu’ils ont pourtant fini par rejoindre au grand panthéon du rock’n’roll, la carrière des Sex Pistols a été météorique. Fondé en 75, sensation underground en 76, phénomène médiatique en 77, quasiment dissous en 78, et morts (au sens propre du terme pour l’un d’eux) en 79, le groupe n’a eu le temps de livrer qu’un seul album digne de ce nom. Il semble qu’avec eux, le temps s’est accéléré, qu’ils ont traversé en deux années ce que d’autres groupes vivaient sur une décennie. Preuve de cette frénésie, un an après avoir été révélés au grand public, un livre faisait déjà une rétrospective de leur histoire, qui fut traduit en français par Francis Dordor, et que Le Mot et le Reste réédite aujourd’hui.
On pouvait craindre que ce livre sombre sur deux écueils : rédigé en pleine furie punk, il aurait pu manquer de distance et sembler dépassé en 2011 ; assemblé par deux proches de Malcolm McLaren, il aurait pu être un ouvrage à sa gloire, et cultiver le mythe du Pygmalion que le manager des Pistols s’est lui-même plu à entretenir. Mais que nenni. The Sex Pistols: Inside Story, selon son titre original, franchit allégrement ces deux obstacles.
Fred était un vieil ami de McLaren, en effet. Mais si ce livre, co-rédigé avec son épouse, s’ouvre en taxant ce dernier de génie, s’il se termine par une biographie montrant à quel point le fantasque Ecossais était un être original et plein de ressources, il laisse aussi la paroles à d’autres, journalistes, professionnels de la musique, pas toujours aussi enthousiastes à propos du célèbre rouquin. Sans oublier les Sex Pistols eux-mêmes, soucieux de nier toute manipulation, désignant leur manager, parfois avec un grand mépris, comme une sorte de mal nécessaire, comme le seul fou qui eut le courage de tenter de les prendre en main. Et comme, finalement, McLaren lui-même a refusé de contribuer au livre de son ami, de l’aveu de Johnny Rotten, son rôle n’en est que relativisé.
Aussi, le livre n’entretien aucun mythe Sex Pistols, et ce, précisément parce qu’il a été écrit avant même qu’il n’existe. Il est né dans l’instant, en prise direct avec les membres du groupe, de jeunes gens qui se montrent tels quels, déconneurs, iconoclastes et parfois acariâtres (sans surprise, la prime va à John Lydon), tantôt très perspicaces, d’autres fois profondément immatures (avantage à Sid Vicious cette fois), mais finalement très humains. L’immense postérité du punk n’est pas encore connue, le genre est même plutôt en berne, en1978. Et l’épopée des Pistols ne s’est pas encore conclue par le meurtre de Nancy Spungen et l’overdose de Sid Vicious. Quelques articles ont été ajoutés par la suite pour relater cette fin glauque et pathétique, mais la greffe fonctionne mal, le ton tragique jure et tranche avec le contenu plutôt léger du reste de l’ouvrage.
Ecrire un livre sur le groupe le plus scandaleux de l’époque était casse-gueule : le faire avec sérieux ne convenait pas à l’esprit Sex Pistols, le rédiger à la manière d’une blague faisait injure à leur portée et à leur importance. Les Vermorel ont donc préféré laisser les autres s’exprimer. Ils n’ont écrit presque aucun mot, préférant procéder par collage, compilant interviews des Pistols, de leurs proches ou de leurs contempteurs, coupures de presse, extraits de chansons, de films ou d’émissions télé, journal intime de la secrétaire de Malcolm McLaren, et même poésies de John Keats. Et ils ont agencé tout cela de manière à retracer l’histoire du groupe, à en présenter chaque membre, à traiter de quelques thèmes, comme le traitement médiatique qui leur a été accordé.
Ainsi, le couple Vermorel a laissé s’exprimer des opinions contradictoires, celles du groupe lui-même, d’une industrie du disque embarrassée, de politiques à côté de la plaque, nous replongeant directement dans l’époque, plutôt que de la mettre en perspective. Il a trouvé aussi un équilibre idéal entre la légèreté, l’humour et les considérations culturelles, sociales et politiques. On rit quand Maman Cook confie n’avoir retenu de l’émission de Grundy que les habits repassés la semaine d’avant pour son cher petit Paul. On s’instruit avec ce long article conclusif qui démontre l’influence des Situationnistes sur le punk.
La biographie définitive des Sex Pistols n’est pas ce livre. Elle est le pavé très fouillé de John Savage, England’s Dreaming, rédigé en 1991 et réédité plusieurs fois depuis. Mais en nous replongeant dans l’atmosphère de l’époque, sans déformation, avec transparence et honnêteté, l’ouvrage des Vermorel est bien davantage qu’un simple complément.
Entre plusieurs morceaux de rock et une actu BD, Sex Pistols, l’aventure intérieure et Presse parallèle étaient les 2 livres de la semaine de l’émission Easy Rider.
extrait : ”(...) sortis chez notre ami marseillais le Mot et le Reste qui fait un super boulot concernant le domaine musical. Vient de ressortir les Sex Pistols, l’histoire intérieure de Fred et Judy Vermorel, paru à l’origine en 1978. Fred Vermorel a été copain avec Malcolm Mc Laren qui était le manager des Sex Pistols, ils s’étaient rencontrés au collège en 1965. Ce bouquin témoigne du temps, en 1978, où Sid Vicious n’était pas encore mort, et en fait c’est l’histoire des Sex Pistols un petit peu au jour le jour, bourrée d’interviews de personnages. On rappelle comment c’est la maman de Sid Vicious qui lui a injecté sa dose mortelle d’héroïne, on rappelle plein de choses sur la vie des Sex Pistols qui n’ont fait qu’un seul album, je le répète au passage. C’est vraiment très très bien foutu (...).”
Pour réécouter l’intégralité de l’émission :