Revue de presse
Au sommaire de cette émission :
Les examens à domicile
Comment sauver les oiseaux ?
La chasse aux reptiliens
Retrouvez l’équipe de “Par Jupiter” avec :
La chronique musicale de Djubaka sur Leon Bridges
Le reportage de Guillaume Meurice : Mamoudou Gassama
Juliette Arnaud pour sa chronique littéraire : “L’Haçienda – La meilleure façon de couler un club” Peter Hook
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L’Haçienda – La meilleure façon de couler un club.
Le titre s’étale sur une couverture aux hachures d’un jaune industriel. Le ton est donné d’entrée dans cet ouvrage paru aux éditions Le mot et le reste.
Pas question de verser dans les faux semblants. Pas question de ripoliner la façade pour sauver (un peu la face). Peter Hook, bassiste de Joy Division puis de New Order, a pris la plume pour détricoter la faillite d’un lieu hors du commun.
A cheval sur deux décennies (les 80’s et les 90’s), l’Haçienda aura été le cœur battant de Manchester, la piste d’atterrissage pour la house venue de l’autre côté de l’Atlantique, l’épicentre de la déferlante acid house et le berceau du mouvement Madchester.
Club, salle de concerts, restaurant, salon de coiffure…
L’espace, ouvert en 1982, avait été imaginé comme une utopie à construire. Un contre-pied aux autres boîtes de la ville, où il fallait montrer patte blanche et chaussures cirées pour avoir le droit de danser sur des standards fanés.
Porté par le label Factory, « sponsorisé » par les importantes rentrées d’argent générées par les hits et les tournées de New Order, l’Haçienda voulait jouer sur tous les tableaux, tous les jours et soirs de la semaines. Club, bien sûr, mais aussi salle de concerts, bar à cocktails, restaurant, salon de coiffure.
Pillages récurrents, mauvais calculs et incompétence notoire
Pour gérer cet immense paquebot parcouru par les courants d’air ? Une bande de fêtards débraillés dont la principale qualification est d’être amis avec un des patrons.
L’ambition artistique est à la hauteur de l’incompétence des « gérants ». Qui paient la bière tellement cher que chaque pinte servie leur coûte de l’argent. Qui laissent un personnel choyé se servir abondamment dans les réserves et taxer le matériel. Qui organisent des concerts tellement « secrets » que personne n’a l’idée de se pointer.
Comme le résume Peter Hook, personne ne savait vraiment ce qu’il avait à faire. Et cela semblait convenir à tout le monde.
« De toute manière, on était trop défoncés », résumera le bassiste, tout de même heureux d’être à la tête de cet empire bancal, sorte de parc d’attractions pour adultes adeptes de sensations fortes.
Les Smiths, Happy Mondays, Stone Roses…
Tony Wilson, le flamboyant patron du label Factory, ainsi que Rob Gretton, le manager de New Order, ont tout de même du flair. Ils savent repérer les nouvelles têtes et mettre sur les rails les groupes prometteurs.
Les Smiths, les Stone Roses, Happy Mondays, 808 State et bien d’autres se produisent sur la scène de l’Haçienda. Certains concerts sont des succès (comme ceux donnés par New Order pour renflouer les caisses), d’autres se déroulent devant cinq ou six personnes.
A cause de décisions catastrophiques, le club a toujours été dans le rouge. Plus le temps passe, plus le trou se creuse. Sans que la panique, ou un élan de lucidité, vienne stopper l’hémorragie.
Au contraire, nombreux sont ceux qui font tout leur possible pour que la chute soit la plus spectaculaire possible.
… Puis une grosse montée avec l’acid house
En 1987, des grappes de jeunes issus des rues brumeuses et plombantes de Manchester vont se faire rôtir la couenne à Ibiza. C’est le Second summer of love.
Des Baléares, ils vont ramener des tonnes de pilules « magiques » et un nouveau son, l’acid house. La tendance va complètement exploser du côté de l’Hacienda.
Pendant deux ans, les fêtes y deviennent irréelles, la montée est totale. Autrefois raillée pour son acoustique déplorable, l’Haçienda se transforme en caisse de résonance idéale pour ces nappes sauvages et synthétiques.
Sur la piste enfumée, les kids augmentent les doses. Pour retrouver les sensations de la première prise d’ecsta, pour fuir un quotidien pas vraiment très rose, pour jouir pleinement de ce qu’on appellera plus tard la culture rave.
Le phénomène fascine, les caméras débarquent du monde entier. Le club de Factory (et surtout des zikos de New Order, qui allongent les billets sans vraiment savoir compter) est en train d’écrire sa légende. Tout en continuant d’être un puits sans fond.
Gangréné par la drogue et les gangs
La suite sera moins rose. L’incroyable énergie apportée par l’acid house va s’étioler peu à peu. La magie n’opère plus, tout simplement.
Pourtant, la drogue continue de circuler à grande échelle dans le club. Les pouvoirs publics mettent la pression à « Hooky » et sa bande.
Déjà obligés de composer avec des finances désastreuses, ces derniers doivent investir dans des caméras et renforcer le personnel de sécurité.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule raison qui les pousse à faire appel à plus de gros bras. Au fil du temps, les petites frappes locales, venues de Salford, Moss Side ou Cheetham Hill, ont pris leurs aises à l’Haçienda.
En guise de ticket d’entrée, les flingues sont de sortie. Chaque faction occupe une arche de la boîte, y fait sa loi, distribue les beignes et fait les poches aux dealers.
Pour pacifier la zone, les gérants recrutent Damian Noonan, un gros voyou mancunien. Lui et ses acolytes ne feront pas dans la dentelle. L’atmosphère est lourde, l’hédonisme n’est plus de mise.
1997 : la fête est vraiment finie
En 1997, la fête est vraiment finie. Une jeune femme fait une overdose sur la piste. Le club, criblé de dettes, ferme ses portes sans même pouvoir faire ses adieux.
Pour les membres de New Order, l’addition sera particulièrement salée. Malgré les inimitiés et le manque de flamme, il leur faudra retourner quelque temps au charbon pour ne pas finir les poches vides.
Malgré tous les tracas causé par l’Haçienda, Peter Hook ne semble pas vraiment regretter ce spectaculaire crash.
Il avoue avoir savouré le prestige que lui procurait le fait d’avoir « son » club, quel qu’en soit le prix. Il aura savouré cette époque invraisemblable où tout pouvait arriver.
Comme le jour où un membre du groupe bruitiste Einstürzende Neubauten avait entrepris de s’attaquer à un pilier porteur de l’Hacienda avec un marteau-piqueur en plein live. Le tout devant les mines rigolardes des proprios. Dingues de bout en bout.
“A lire”:http://wearefromriviera.com/livres-lhacienda-epicentre-de-madchester-et-puits-sans-fond/
L’Haçienda, la meilleure façon de couler un club donne le ton dès le titre. Cet ouvrage publié en 2009 et signé Peter Hook, ancien bassiste de Joy Division et de New Order, livre souvenirs et confessions brutes sur une époque révolue, un club mythique de Manchester et la manière magistrale dont il a été coulé après 20 ans de grandiose incandescent et d’amateurisme flagrant.
L’Haçienda, c’est le nom de cette boite de nuit de Manchester inaugurée en 1982 dans un entrepôt désaffecté, par le label Factory, celui de Joy Division et New Order. Club légendaire par le rôle primordial qu’il a joué dans la montée de l’Acid House et de la Techno en Angleterre, c’est également l’emblème d’un extraordinaire ratage financier.
Ce livre reprend les souvenirs dilués aux drogues et à l’alcool de Peter Hook, alors actionnaire de l’établissement. Entre sincérité et bijoux anecdotiques, cet ouvrage n’est certainement pas intéressant pour la qualité de son écriture mais plutôt pour l’intérêt de l’histoire qu’il raconte.
Voilà un guide pratique pour quiconque souhaite réussir son entrepreneuriat, qui prend également la couleur d’un documentaire retraçant la naissance du mouvement Acid House, du Madchester, des rave parties, l’avènement de la culture gay nocturne et les dérives des gangs qui ont finalement eu raison du lieu dans les années 90.
Enfin, L’Haçienda, la meilleure façon de couler un club reste tout simplement l’un des récits les plus vivants et les plus drôles concernant la culture club. On y lit, par exemple, à propos du passage de Madonna : « C’était la première étape de son ascension vers la domination mondiale. Dieu nous pardonne » ou encore, à propos d’un show de Jesus & Mary Chain : « Le concert a duré exactement 17 minutes, et chacune d’entre elles a été une torture ».
Vous souhaitant bonne lecture,
A très vite dans le club de lecture de Kim K.
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GQ révise son histoire de la musique en compagnie du dandy punk Alain Pacadis, du rock-critic Simon Reynolds et de quelques ouvrages pop bien sentis.
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Début des 80’ s, l’Haçienda ouvre à Manchester. Dans ce lieu novateur naissent les DJ, la house et l’ecstasy. Bassiste de Joy Division et New Order, Peter Hook y était. Avec, L’Haçienda, la meilleure façon de couler un club, traduit par Jean-François Caro (Ed. Le mot et le reste), le musicien évoque avec justesse et drôlerie l’épopée chaotique d’un club qui a marqué l’histoire de la musique. C’est aussi et surtout un condensé de toute une époque, bourré d’anecdotes désopilantes sur fond de musiques, de drogues et d’alcool. Hook nous donne sa vision, forcément subjective, de la vérité.
Le club est fondé par Factory Records, label qui publie, entre autres, les albums de New Order. « The Haçienda must be built » deviendra le mantra de Factory : une utopie, un laboratoire, à la fois lieu de rencontres, de concerts, de croisements entre les âges…
Cette épopée unique débutant en pleine période post-punk jusqu’à la naissance du mouvement acid house, du Madchester, des rave parties, l’avènement de la culture gay nocturne s’achèvera, en 1997. Jamais un club n’aura, en Europe, inventé, façonné puis diffusé une culture aussi vaste et populaire.
Peu avant la sortie en français dans le texte de Unknown Pleasures – Joy Division vu de l’intérieur, du même auteur et via la même maison d’édition (que nous ne vous ferons plus l’affront de présenter), revenons sur cet ouvrage (paru au mois d’août dernier) relatant « toute la vérité, rien que la vérité » au sujet de ce club historique qu’est devenu L’Haçienda. Peter Hook, donc, ci-devant bassiste de Joy Division et New Order, fâché depuis un bon bout de temps avec ses anciens camarades, décide il y a quelques années de se faire le témoin, légitime, d’une aventure qui synthétise à elle seule tout ce que les années 80 ont engendré musicalement de meilleur. A savoir le passage de témoin décisif entre le post-punk et la techno, dernières révolutions majeures dans le champ de la pop music envisagée comme contre-culturelle, en passant par quelques « babioles » comme la cold-wave, l’électro hip-hop et l’indie-pop, autant de courants a priori antagonistes qui se croisèrent pourtant, le temps d’une parenthèse (dés)enchantée, entre quatre murs de béton armé. Sise à Manchester, dont elle a en grande partie fait la réputation d’un point de vue musical, L’Haçienda fût un rêve auquel les membres de New Order et le label Factory (qui hébergea toute cette vague) donnèrent corps, entre aspirations situationnistes et hédonisme à tout crin. Au final, c’est surtout le grand n’importe quoi qui l’a emporté, la gestion calamiteuse du lieu (que les gangs mancuniens finirent bientôt par infiltrer) précipitant lentement mais sûrement sa chute. Tout cela, Peter Hook nous le raconte avec ses mots, tâchant de ne rien oublier de ces années plongées dans un nuage de défonce. C’est le seul point faible de cet ouvrage : « Hooky » est un musicien, un « party animal », un révolutionnaire à la limite — pas un écrivain. Mais bien sûr, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est cette histoire, celle d’une utopie qui s’est avérée bien concrète, d’une idée qui s’est révélée visionnaire : toute la pop « hybride » contemporaine part de là. Ce témoignage essentiel méritait une deuxième vie, un autre public, une nouvelle chambre de résonance. Mission accomplie, et avec les formes, à bien des égards.
Sa basse a sculpté le son de Joy Division, groupe mythique des années 1970 auquel il a appartenu. Quarante ans plus tard, l’Anglais reprend avec succès ce répertoire rock.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rejouer l’intégrale des albums de Joy Division ?
Après la mort du chanteur Ian Curtis, en 1980, nous avons choisi de ne plus jouer les morceaux de Joy Division, et de former un nouveau groupe, New Order. Au moment de célébrer le 30e anniversaire de la mort de Ian, j’ai décidé de lui rendre hommage en interprétant l’intégrale de Unknown Pleasures, notre premier album. Ce devait être un concert unique, mais je tourne depuis deux ans avec ce concept, élargi à tout le répertoire de Joy Division.
Pourquoi son influence reste-t-elle si forte aujourd’hui ?
Grâce à la puissance de l’univers poétique de Ian Curtis, à la production de Martin Hannett qui a donné aux disques une dimension intemporelle. Grâce aussi au mythe qui s’est développé, à l’aura que possédaient notre label, Factory, et notre club, l’Haçienda. Et tout simplement parce que ces chansons sont fantastiques.
Vous êtes-vous fâché avec vos anciens complices de New Order ?
Après mon départ du groupe, en 2006, ils ont continué sans moi et m’ont critiqué violemment pour avoir entrepris ce projet. Depuis, nous sommes en guerre, mais cela ne m’empêchera pas de reprendre bientôt, un à un, les albums de New Order.
JUDICIEUX
Comment gagner des fortunes avec son single Blue Monday et tout investir, à perte, dans un club aussi ingérable que légendaire ? C’est l’histoire enfin traduite de l’Haçienda, club fondamental de la nuit européenne que New Order ouvrit en 1982 à Manchester, racontée avec drôlerie et colère par son bassiste, Peter Hook. Un manuel détaillé de tout ce qu’il faut éviter pour gagner de l’argent, de tout ce qu’il faut faire pour devenir mythique.
C’est l’un des clubs les plus mythiques, géré par l’un des labels les plus mythiques, et ce à une époque charnière de l’histoire de la pop. Mancunienne jusqu’au bout de la nuit, l’Haçienda se rappelle à notre bon souvenir par le biais d’une double actualité : le bouquin que lui consacre Peter Hook – bassiste de Joy Division et New Order – et la sortie d’une deuxième compilation dédiée à la dimension “club” de Factory. Trente ans pile-poil après ses débuts (et quinze après sa fin), retour sur une formidable aventure collective qui laissa quelques traces, dans tous les sens du terme.
LIRE L’INTÉGRALITÉ DE CETTE CHRONIQUE FLEUVE
Un gouffre appelé l’Haçienda…
Sûrement le livre le plus passionnant de cette d’année, celui qui vous redonne une nouvelle fois envie de tout défricher l’univers de la Factory avec fouge [...] C’est sans langue de bois qu’il (Peter Hook) relate les 15 ans de vie du club le plus avant-gardiste du monde, [...] dégobillant les anecdotes les plus folles, les plus drôles et certainement les plus tristes aussi…
[...]
Vous l’aurez compris, ce livre se lit comme on mangerait une pièce montée, se léchant le bout des doigts, s’essuyant doucement les bords des lèvres après chaque page, tant l’écriture et l’histoire fascinent…
Membre fondateur de Joy Division et de New Order, dont il est le bassiste, Peter Hook était aussi un des propriétaires du club l’Haçienda dont il retrace ici l’histoire édifiante. C’est en 1982 à Manchester que le club FAC 51, plus connu sous le nom de l’Haçienda, voit le jour. Financé par Factory, le label de Joy Division, il devient vite un club de légende. Espace novateur dans sa programmation, lieu de naissance de l’acid house, l’Haçienda attire les artistes, les foules… et les ennuis! [...]
En 2009, Peter Hook décide de raconter cette histoire telle qu’il la vécue, avec sa verve et son franc-parler à la mesure de cette histoire déjantée.
Peter Hook, bassiste de Joy Division et New Order, revient sur les folles années du club de Manchester, des années post-punk à l’invasion de la house music en Europe.
Les clubs qui ont joué un rôle dans l’Histoire de la musique électronique et de la nuit se comptent sur les doigts de deux mains. Bien sûr, les grandes discothèques new-yorkaises comme Paradise Garage, The Loft ou Sound Factory ont ouvert des brèches. Tout comme par la suite The End à Londres, le Tresor à Berlin, le Yellow à Tokyo, le Rex Club à Paris. Mais si ces lieux, points de ralliement du noctambulisme house et techno, ont éclos dans les capitales du monde, peu d’entre eux étaient perdus en… province. L’Haçienda, le mythique club qui infiltra la house en Europe, était bien bâti à Manchester, au nord de l’Angleterre. Fondée par deux fêlés, Tony Wilson, le fantasque patron de Factory Records, et Rob Gretton, le manager magouilleur de New Order, la discothèque marqua son époque (1982 / 1997), son pays et bien au-delà.
Dans son livre « L’Haçienda : La meilleure façon de couler un club », le jovial Peter Hook, génial bassiste de Joy Division et New Order, raconte tout de cette histoire. Les anecdotes savoureuses et les délires collectifs. Les petites combines et les grosses embrouilles. Les nuits alcoolisées et les concerts historiques. La drogue, les bastons et les gangs. Les soirées sous ecstasy, démentes et inédites, et les lendemains qui chantent. Aussi volubile dans son livre que sec en interview, Hooky nous livre les clés de cet antre en quelques mots (non traduits) : « Ecstatic, expensive, unique, exciting, world changing, for the people, everywhere. »
« L’ecstasy a changé ma vie »
En reprenant les quinze folles années de l’Haçienda dans l’ordre chronologique, Peter Hook raconte avec son franc-parler unique l’histoire qu’il a vécue. En tant que
spectateur, fêtard, musicien et surtout co-propriétaire de ce vaste gouffre financier qui fut surtout un lieu d’extase sonore et sensorielle. Il évoque aussi en creux les histoires parallèles de Factory Records et New Order. Les premières années de la discothèque sont portées par les concerts, des groupes de Factory (A Certain Ratio, Happy Mondays) ou pas (The Pale Fountains, The Smiths, Prefab Sprout). Ces temps initiaux sont progressivement balayés par l’arrivée des soirées avec des DJ résidents (Mike Pickering, Dave Haslam, Graeme Park). On y apprend d’ailleurs que Laurent Garnier a travaillé à la cuisine de la discothèque, a ramassé les verres du club, avant d’en prendre occasionnellement les platines sous le pseudo DJ Pedro. « Je me souviens très bien de Laurent Garnier. Il avait l’habitude de s’occuper de moi », se
remémore Peter Hook.
À cette époque bénie, Manchester devient « Madchester ». L’acid house est le son du moment. Une nouvelle drogue débarque et remplace la bière. « L’ecstasy a changé
ma vie », clame le vieux bassiste, qui, entre deux chapitres sur le club, raconte une cocasse virée à Ibiza durant l’été 1988. Mais Hook, comme le titre de son livre l’indique, narre aussi, et en détails chiffrés, la gestion catastrophique de l’établissement.
Le revers de la médaille. Ce qui ne l’empêche pas de garder le sourire : « L’Haçienda est dans mon cœur et dans mon âme ! »
Le bassiste de Joy Division et de New Order, répudié par ses trois anciens camarades, reste un clown, capable à ses heures plus (Revenge) ou moins (Monaco) perdues de nous réjouir. Mais ce musicien quinquagénaire au physique de viking est-il bien le même que l’esthète qui s’extasie à l’écoute de Chelsea Girl (1967) de Nico et de16 Lovers Lane(1988) de The Go-Betweens ? Ou le DJ boucher adepte d’une house de troisième zone ? Le style répétitif, sinon limité, de ces 368 pages, en accord avec un son de basse devenu sa marque de fabrique au point de l’inscrire au Panthéon de la quatre-cordes, tend à confirmer qu’il a lui-même écrit cette tentative de retracer par le menu les quinze ans (1982–1997) d’existence mancunienne de l’Haçienda. N’en déplaise aux vétérans des Studio 54, Palace, Pacha, Fabric et autres Baron (cherchez l’erreur), feue l’Haçienda possède sur toutes les autres boîtes de nuit l’avantage rétrospectif d’avoir été (très mal) gérée telle une œuvre d’art, à fonds perdus. L’ami Hooky, plus impliqué dans son (dys)fonctionnement quotidien que ses anciens comparses, confirme avec force détails que les quatre membres de New Order y ont laissé leur chemise.
Aucune arnaque, les meilleures étant celles où l’escroqué est persuadé de sa bonne fortune. Rob Gretton, manager de Joy Division puis de New Order,
décédé en 1999 et tout sauf malhonnête, avait simplement souhaité partager avec ses contemporains sa vision d’un club au nom inspiré par la rhétorique situationniste. Pour PETER HOOK, ce ne sont pas non plus les revenus générés par ce livre publié dans son pays en 2009 qui assureront sa sub(si)stance. Reste un Regret, celui du titre français de l’ouvrage, qui néglige la dimension négative de l’original The Haçienda: How Not To Run AClub (“Comment ne pas diriger un club”), trahissant au passage l’un des génies, fût-il involontaire, de notre temps.
On connaît le franc-parler de Peter Hook, qui a toujours été le personnage le plus rock n’roll de la bande Joy Division-New Order. Avec ce livre de souvenirs, il nous prouve non seulement son talent pour nous faire rire, grâce à une plume sans langue de bois ; mais il se révèle aussi très touchant car très lucide quant à ses propres faiblesses, ses erreurs, ses maladresses, ses addictions à la drogue et à l’alcool. L’Haçienda, la meilleure Façon de couler un Club est un précis sur tout ce qu’il ne faut pas faire si on veut se lancer dans les affaires ; c’est aussi et surtout un condensé de toute une époque, bourré d’anecdotes désopilantes, débutant avec la création du club en 1982 en pleine période post-punk, alors que New Order était en passe de devenir énorme et que Joy Division était déjà culte, jusqu’à la naissance du mouvement acid house, du Madchester, des rave parties, l’avènement de la culture gay nocturne puis les dérives violentes des gangs qui signeront l’arrêt de mort du lieu dans les années quatre-vingt dix. De la rivalité entre New Order et The Smiths jusqu’aux concerts désastreux de Jesus & Mary Chain ou géniaux de Birthday Party, des playbacks foireux de Madonna jusqu’aux zinzins d’Einstürzende Neubauten qui décidèrent de s’attaquer à la salle avec leurs marteaux-piqueurs, Hook nous donne sa vision, forcément subjective, de la vérité. On y retrouve aussi les groupes de la Factory, bien qu’ils aient rarement eu accès à la scène de l’Haçienda, et l’auteur ne nous cache pas ses sympathies ou ses animosités pour certaines personnalités. Le passage où il s’occupe de la sécurité et où il vire Peter Murphy de la salle est tout simplement jubilatoire. C’est surtout un état d’esprit qui ressort de l’ouvrage, une période d’ambitions idéalistes et de franches rigolades, de délires éthyliques et de grand n’importe quoi. Mais tout n’a été guidé que par un amour immodéré pour la musique et la ville de Manchester. Passionnant, drôle et profond.
+ Une interview de Peter Hook à retrouver dans le numéro d’Obsküre en kiosque ce mois-ci.