Revue de presse
En cette période de vacances, le Vannetais Arnaud Choutet vient de sortir un ouvrage qui s’accorde à l’air du temps : Malicorne conjugue musique et littérature pour retracer l’histoire de
ce groupe folk essentiel. « Par ses arrangements, ses polyphonies, les chansons de poésie populaire qu’il a fait renaître, le groupe Malicorne a laissé une œuvre exemplaire ”· estime Arnaud Choutet.
En quoi ce groupe est-il important?
Il est la bande-son de la génération de l’après 1968, des mouvements de retour à la nature, de l’écologie naissante. Dans la décennie 1970, Malicorne a vendu des millions de disques. Gabriel Yacoub, après avoir été musicien d’Alan Stivell, cherche des textes dans la musique traditionnelle de toutes les régions françaises pour chanter un folk français. Côté musical, le groupe passe jusqu’à trois mois en studio, expérimente pour des arrangements très travaillés qui existaient peu dans le folk. Malicorne aura d’ailleurs aussi un très grand .succès au Québec. Mais dans les années 1980, Gabriel et Marie, figure féminine et élément important de l’identité du groupe, se séparent. Leur folk contestataire a aussi moins de raisons d’être après les changements politiques. Puis le disco et le punk les ringardisent.
Malicorne reste intéressant malgré ce côté « feu de paille»?
Oui, car l’histoire se poursuit par trois carrières intéressantes qui ont duré. Gabriel Yacoub s’est mis à écrire et a une carrière de chanteur raffiné. Hughes de Courson, également producteur, a lui continué dans la voie du métissage musical avec d’énormes succès comme Lambarena : Bach to Africa H, Mozart l’Égyptien ou O’Stravaganza, Vivaldi l’Irlandais. Laurent Vercambre a, lui, choisi la voix du burlesque pour populariser la musique savante avec le Quatuor, qui a fait sa tournée d’adieux en 2015.
Comment avez-vous choisi de raconter cette aventure Malicorne?
D’abord, j’ai profité du fait que tous les acteurs soient toujours vivants pour les rencontrer ! Eux-mêmes en sont à dresser un bilan de leurs carrières, ils se sont donc volontiers prêtés à l’exercice. Mais ce n’est pas un livre d’entretiens. Plutôt une analyse chronologique et illustrée de leur parcours, en me concentrant sur la musique et sur son contexte. Une magie a opéré pendant une décennie, et pourtant, qui est aujourd’hui capable de fredonner « Marions les roses », « Le prince d’Orange » ou « Noël est arrivé » ? De ce côté-là, chapeau à Tri Yann qui a mieux réussi à transmettre des textes de là tradition populaire. Enfin, je me suis volontairement limité en terme de pages pour que le livre ne coûte pas plus cher qu’un, album… car l’idée est ensuite d’écouter.
L’auteur vannetais revient sur l’histoire du groupe mythique de la musique folk française des années 1970. Son livre vient de paraître à la maison d’édition Le Mot et le Reste.
Si une image résume les origines musicales de Gabriel Yacoub, futur créateur du groupe Malicorne, c’est celle, en 1965, d’un ado guitare à la main, harmonica aux lèvres, assis sur une voie ferrée contre un wagon de marchandise à l’arrêt. Jeune Parisien, Gabriel Yacoub a 15 ans.
Cette photo parle de folk, de Jack Kerouac, des beatniks, ce mouvement de jeunes Américains en rupture avec la société conservatrice du temps. Et de sa transcription française dans la contestation des années 1960–1970.
« Dylan jouait avec une guitare, chacun pouvait imaginer faire de même », glisse Arnaud Choutet. Le Vannetais vient de publier Malicorne à la maison d’édition Le Mot et le Reste ; il est déjà auteur, chez le même éditeur, de Country rock et Bretagne, folk, néo-trad et métissages.
Gabriel Yacoub persévère. Le jeune homme devient musicien. En 1972, le guitariste joue sur la scène de l’Olympia, avec Alan Stivell. Un concert mémorable qui lance la musique bretonne contemporaine.
Pas de territoires à défendre
Gabriel Yacoub et ses proches ne sont pas bretons et éloignés de l’engagement de Stivell. Mais dans le sillage de l’artiste breton, ils vont explorer la musique d’autres provinces. Leur ambition est de lancer un folk made in France issu, comme l’original américain, de musiques populaires.
« Ils vont puiser dans le répertoire traditionnel, des airs vampirisés par l’école qui en a fait des comptines, explique Arnaud Choutet. Ils voulaient lier cette tradition à la danse, à la fête populaire, l’extraire d’interprétations figées comme celles d’Yves Montand, de Guy Béart. »
Malicorne est créé en 1973 avec Hughes de Courson, Gabriel Yacoub, Marie Yacoub, Laurent Vercambre.
Le groupe réalise des arrangements de bourrées d’Auvergne, mazurkas et autres branles du Poitou. « Parisiens, ils n’avaient pas de terroirs à défendre comme les Bretons, les Occitans, les Corses. Les musiciens s’inspirent d’influences bulgares, sardes… Leur répertoire est souvent revendicatif : chansons de conscrits partis à la guerre, de misère… »
À partir de la fin des années 1970, « le folk va s’éteindre avec l’arrivée du punk, du disco ». Le groupe se disperse. Chacun s’engage sur un parcours singulier.
En 2010, ils acceptent de se retrouver sur scène et passent au festival des Francofolies de La Rochelle. Le groupe se ressoude. Il a repris la route en 2013, avec un nouveau disque au compteur, Les cendres de Jeanne.
Autre œuvre commune, Arnaud Choutet a réuni dans son livre les témoignages de tous les acteurs de l’aventure Malicorne.
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