Superbe chanteur, carrière exemplaire et excellent écrivain font de Miossec, une bonne carcasse l’un des livres essentiels de la rentrée.
Louis – Soul Kitchen
Revue de presse
Ça commence par une photo. Le visage de Miossec très proche, sans fard, humble, comme ses chansons. Jérôme Servette en est l’auteur.
Thierry Jourdain construit son livre simplement. Un album par chapitre, complété par une vingtaine de pages en guise d’introduction. Le livre est nourri d’extraits plus ou moins long d’entretiens avec Miossec, parfois avec des gens qui l’ont cotoyés, musiciens, producteurs, etc
Avant ces pages, l’auteur a choisi de mettre en exergue un bout de phrase d’Henri Calet. Pour qui connait un peu les livres, Monsieur Paul, Le Bouquet, ces recueils de reportages, de cet écrivain du milieu du XXème siècle, le lien avec Miossec coule de source. Ils sont de la même pâte sensible. Ancrés dans une réalité sociale, populaire, à hauteur d’hommes. Je les ai découverts en même temps, l’un avec Boire, l’autre avec Contre l’oubli, en 1995. Si j’ai mis un peu de côté Calet après l’avoir lu assidument, les chansons de Miossec m’accompagnent toujours.
La très utile introduction nous présente Christophe Miossec, le gars avant Boire. La famille, les voyages avec, puis les voyages sans. Printemps Noir, le premier groupe, à 15 ans, couronné par un passage aux Enfants Du Rock en 1983, après avoir tourner avec Orchestre Rouge, Kas Product. Les études, les piges pour Ouest-France à Pontivy d’abord, à Brest plus tard. La musique est toujours là, mais différemment, Miossec est roadie sur des festivals. Puis les passages chez Gallimard, TF1, le départ à La Réunion comme journaliste et les premières compositions.
Dès son retour à Brest, il compose, durement, laborieusement dans sa chambre d’enfant, comme Dominique A et Philippe Katerine avant lui, rencontre Guillaume Jouan, puis Bruno Leroux. Une cassette de démos arrive dans les mains de Jean-Daniel Beauvallet des Inrockuptibles. Grâce à lui les premiers concerts, la signature chez PIAS, on arrive au premier chapitre du livre : Boire.
Les chapitres ont tous une trame plus ou moins commune. Le sujet principal en est l’album, avec un peu d’analyse musicale, les conditions d’enregistrements, les tournées. Puis les à-côtés, la vie privée seulement si nécessaire et évasivement, les collaborations et les commandes (jamais de propositions) de textes par d’autres artistes.
Cela dit les chapitres sont différents car Miossec évolue. Boire est le premier, l’album ressemble à la maquette, la tournée est enjouée et catastrophique, trop peu de matières pour jouer sur scène plus de trente minutes. Le concert à la Cigale en 1995 était terrible, trop saouls, ils ont finis par reprendre plusieurs fois les mêmes titres, mais quel souvenir !
Le succès est au rendez-vous, l’album avec la photo prise par Richard Dumas, qui deviendra un fidèle, se vend à plus de cent mille exemplaires, la reconnaissance est d’abord critique et très vite publique.
Pour l’album Baiser, le deuxième, les compositions et l’enregistrement se sont faits rapidement, toujours avec une grande économie de moyens, une sobriété musicale, finissant la tournée Boire, avec le départ de Bruno Leroux, pour en entamer une autre avec l’arrivée du multi-instrumentiste Oliver Mellano. A nouveau un succès.
La déception arrive en 1998 avec A prendre, renié à peine né. La musique est plus riche, mais bourrée de clichés des deux premiers albums. Le départ de Guillaume Jouan, prévu depuis Boire, est anticipé. Le salut pointe son nez de l’extérieur, deux artistes de renom lui commandent des textes : Jane Birkin, et Johnny Halliday, début d’une longue collaboration qui lui fournira des droits suffisants pour faire ce qu’il veut. A cette période il multiplie également les participations, avec Yann Tiersen entre autres, et les hommages partagés, Gainsbourg et Brassens par exemple.
A partir de Brûle, Miossec change régulièrement de musiciens, de producteurs, au gré des rencontres, des présentations, des recommandations.
Ce que montre très bien Thierry Jourdain, c’est le Miossec travailleur, très professionnel, surtout après le médiocre A prendre.
Les méthodes de travail évoluent, changent mais la musique reste simple et efficace, à l’exception de 1964. En effet, plusieurs titres découlent indirectement d’une commande de l’Orchestre Des Pays De La Loire, c’est pourquoi il paraît grandiloquent.
L’auteur analyse brièvement l’écriture des textes, Miossec est prolixe en commentaires sur les provenances de ses textes, ses emprunts parfois étonnants : «Tout brille, tout brûle mais rien ne brûle» est extrait de «La fille aux yeux d’or » de Balzac, cité dans Libération par Philippe Lançon.
“Ainsi soit-elle” est l’adaptation musicale d’un poème du trop méconnu Georges Perros, dont l’univers, comme Henri Calet, est proche de celui de Miossec.
Ses textes sont l’occasion de citer, de s’inspirer d’écrivains qu’il apprécie comme Raymond Carver, pas étonnant non plus de le retrouver dans son panthéon littéraire.
Après L’étreinte, dont la pochette est signée de l’artiste brestois Paul Bloas, sort le Brest of, accompagné d’un dvd live.
Finistériens est un aboutissement, Miossec se dépasse musicalement, pousser par Yann Tiersen, il ne se contentera plus seulement de faire des démos. Contrairement à Thierry Jourdain qui trouve que l’album est proche de l’univers de Yann Tiersen, je trouve au contraire que c’est un très bon album de Miossec.
Chansons ordinaires sonne résolument plus rude que tous les autres albums. Il choisit de travailler avec l’équipe de Dominique A pour l’enregistrement, producteur et musiciens. Là encore la littérature est très présente dans les textes, Georges Perros encore, Robert McLiam Wilson, André Gide, etc. L’enregistrement se fait presque live, les musiciens improvisent sur les ébauches de Miossec, qui écrit les textes en même temps. La tournée se fera avec Cocoon comme backing-band, Dominique A enregistre un nouvel opus.
Les comandes de textes sont toujours nombreuses, avec des artistes aussi divers que Mass Hysteria et M Pokora. Johnny Halliday toujours. Et en point d’orgue, Juliette Gréco, collaboration dont Miossec est le plus fier.
Il joue son propre rôle dans L’air de rien, agréable film mettant en scène Michel Delpech, dans son propre rôle également. Il a un rôle dans Les salauds de Claire Denis à la même période. Curieusement le sujet du cinéma, même mineur, n’est pas du tout abordé dans le livre.
Le disque suivant Ici-bas, Ici-même, se fera les mêmes conditions que le précédent. Pour l’enregistrement Miossec fait appel à une équipe réduite, dont Albin De La Simone ; et tournera avec un groupe de cinq autres musiciens. C’est sur cette tournée que va naître Mammifères, fruit de la rencontre avec Mirabelle Gilis.
Si l’album sort en 2016, il se construit sur les routes lors d’une tournée de petites salles à partir de l’été 2015. La tournée continue jusqu’en 2017 avec l’enregistrement du premier véritable album live : Mammifères Aux Bouffes du Nord. L’auteur élude le sujet, mais un incident marque la rupture avec l’accordéoniste du groupe qui part à quelques dates de la fin. Il n’est pas sur le live.
Enfin, dernier en date, Les rescapés, toujours avec Mirabelle Gilis et d’autres musiciens, ne fait que confirmer l’importance de Miossec dans le paysage musical actuel.
L’auteur brosse un portrait très complet, humain, de Miossec, à partir des heures d’entretiens qu’il a accumulées. Sa méthode chronologique permet de bien mettre en valeur la progression musicale. Surtout il s’attache à son sujet : la musique. Au sujet des textes, il est étonnant de voir que les thèmes ont peu changé, le couple, la médiocrité et le fragilité masculines, la souffrance populaire, et que la source n’est pas tarie pour autant, la qualité ne fait que très rarement défaut.
Sur le chanteur breton, il y avait un bouquin de référence, mais il date de 2007: «En quarantaine», de Vincent Brunner. Il était temps d’en remettre une couche. Surtout quand on a tant fait tourner «Boire», «Baiser», «Brûle», «Finistériens» et «Ici-bas, ici même», ses plus puissants opus.
Avec «Miossec, une bonne carcasse», Thierry Jourdain signe non pas une biographie, mais une étude de l’oeuvre: les onze albums de l’artiste sont analysés, remis en contexte. De courts éléments biographiques sont évoqués, mais uniquement pour comprendre le parcours artistique. On fait appel à des témoignages d’artistes, de collaborateurs, de journalistes… On évoque des chanteurs, des auteurs. Une absence étrange: le groupe De Calm qui avait écrit en guise d’hommage la chanson L’envie d’écouter Miossec.
Mais le livre s’appuie surtout sur des entretiens de Jourdain avec Miossec. C’est la vision du Breton qu’on nous offre ici. Rares sont les passages où Jourdain se permet d’émettre des réserves artistiques. Et pourtant, des disques ratés ou ennuyeux, Miossec en a commis quelques-uns. À lire cet ouvrage, on saisit pourquoi. C’est un bon portrait d’un rescapé de la chanson française. On a toujours vanté le côté incisif et ramassé de la plume de Miossec: Jourdain s’en inspire et va droit au but. En pleine lucarne.
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Toute la chronique est disponibe sur le blog de Francis Hébert
Thierry Jourdain, a qui l’on doit la revue Equilibre Fragile (dont le n° 1 a été consacré à Dominique A), vient de signer une biographie sur Miossec. Le parcours du breton est passé au peigne fin, mais vous pourrez également y lire des contributions de Dominique A, Yann Tiersen, Thomas Poli, Olivier Mellano… L’excellent ouvrage est disponible aux éditions Le Mot et le Reste.
Note : 4/5
«Je ne suis pas breton, je suis brestois »… Admettons. Mais à la lecture de cette excellente bio, le constat est flagrant : Christophe Miossec travaille naturellement avec beaucoup de bretons. Ses potes de Brest tout d’abord pour ses 3 premiers albums (Guillaume Jouan, Bruno Leroux), puis dans le désordre Yan Tiersen, Ollivier Mellano, les rennais de Santa Cruz ou le nantais d’adoption Dominique A. Qu’importe, ça doit être le fruit du hasard. Une chose est sûre, Miossec (l’artiste a perdu son prénom) est devenu celui dont on recherche (s’arrache ?) les mots. Johnny Hallyday sur 3 albums a profité de son talent. Et une dizaine d’autres. La liberté financière n’a pas de prix.
Le livre de Thierry Jourdain prend le temps de donner la parole aux autres (c’est si rare en 2019), ceux qui ont croisé la route du chanteur. Ses musiciens essentiellement. On y découvre l’instant de la rencontre, les plaisirs partagés des tournées, le travail en studio, les choix, les affres, les doutes. Et cette « bonne carcasse » qu’est Miossec. Un homme qu’on aimerait rencontrer. Pour discuter, échanger… Apprendre un peu. Car derrière l’artiste se dessine un homme qui a longtemps travaillé à droite et à gauche. A l’arsenal de Brest, à Ouest France, à TF1… En fait, Miossec ne commence sa vie de saltimbanque qu’à 30 ans. De quoi se forger certaines idées sur le monde du salariat, jusqu’à se présenter aux élections municipales dans un petit village du côté de Brest. « Mais pas éligible, hein ! » Oui, la Bretagne on y revient.
Vingt-cinq ans plus tard, Miossec est aussi un passeur. Il aide la jeune génération avec notamment Baptiste W. Hamon qu’il épaule. Car, « Ce n’est pas fini, on vient juste de commencer » conclu le livre de Thierry Journdain. Bonne chute.
La chronique en ligne sur Bretagne actuelle
Une excellente biographie de Christophe Miossec, signée Thierry Jourdain et intitulée Miossec – Une bonne carcasse, vient de paraître aux éditions Le mot et le reste. Pour l’occasion, Pop N’ Co revient ce lundi sur la carrière et la trajectoire de cet auteur-compositeur-interprète singulier… et brestois.
Écoutez la chronique sur le site de France Inter
Dans la vie, il est important d’avoir de bonnes idées. Thierry Jourdain a eu l’excellente idée de faire un livre qui narre la carrière de Christophe Miossec. Superbe chanteur, carrière exemplaire et excellent écrivain font de Miossec, une bonne carcasse l’un des livres essentiels de la rentrée.
Miossec, une bonne carcasse est un page-turner. Ouvrir ce livre, c’est en devenir prisonnier tant qu’on ne l’a pas terminé. Richement documenté* (l’auteur a multiplié les entretiens), cette biographie de Miossec nous replonge dans les heures bénies de Boire et de Baiser, dans les doutes du troisième album, dans la renaissance de Brûle et de 1964, dans l’océan pop de L’Étreinte.
On se trouve à Brest, sur les routes des différentes tournées, à Bruxelles et au siège de PIAS. Miossec, une bonne carcasse nous prend par la main et nous fait voyager sur une étagère où seraient rangés tous les disques de Miossec, dans le temps et dans l’espace.
Il s’agit de ton premier livre sur un artiste français. Est-ce quelque chose qui a compté pour toi ?
Thierry Jourdain : Inconsciemment oui, j’imagine qu’il y a quelque chose de différent pour moi dans le fait d’écrire sur un artiste français. Ce n’est pas à proprement parlé un facteur qui compte au moment de l’écriture mais en tout cas c’est indubitablement une pression supplémentaire. Déjà parce que le principal intéressé va comprendre tout ce que je peux bien raconter, je n’ai donc pas intérêt à me tromper ou à dire n’importe quoi… encore que normalement, l’ayant écrit avec son aide et sa participation, Christophe (Miossec) ne devrait ni être surpris, ni déçu quand il aura le livre entre les mains, en tout cas je l’espère. Un musicien français, hormis les Gainsbourg, Phoenix, Daft Punk et quelques autres exceptions, a souvent le cœur de son public en France, il va donc y avoir une attente plus particulière j’imagine, c’est donc une excitation supplémentaire pour moi.
Tu as été à la rencontre de Miossec. Mais aussi de beaucoup de ses pairs comme Dominique A ou Albin de la Simone. Pourquoi as-tu pris la décision d’aller les rencontrer ?
Tout d’abord, j’aime les rencontres et pas que celles avec les artiste dont je souhaite écrire un livre. Aller à la rencontre d’autres personnes qui ont pu collaborer avec l’artiste principal des mes livres est avant tout un plaisir mais aussi une matière précieuse pour étayer mon propos. C’est ce qui a, entre autre, plu à Yves Jolivet des éditions Le Mot et le Reste quand on s’est rencontré : que j’aille à la rencontre de nombreux artistes pour les interviewer dans ma revue Équilibre Fragile. Et puis à un moment donné, surement quand il a vu que je commençais à compiler par mal de témoignages, Christophe lui-même a manifesté le désir que j’aille plus loin en me donnant les contacts d’autres personnes qu’il souhaitait également voir présentes dans le livre. Il n’y a malheureusement pas tous les personnes que lui et moi aurions voulu, par manque de temps et parfois d’opportunités, mais je suis très fier du rendu final. Je suis très reconnaissant de tous les artistes qui ont accepté de répondre à mes questions, ceux plus ou moins de sa génération comme Dominique A, Yann Tiersen ou Olivier Mellano, comme ceux de ce que l’on appelle la « jeune génération » comme Baptiste W Hamon, Thomas Poli ou bien encore Jeanne Added.
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