Revue de presse
À l’heure où on observe un frémissement hipster autour de la K7, objet mi-culte, mi-vintage par excellence, cet ouvrage consacré à la Mixtape dans les musiques Rap & Hip Hop est passionnant. Ancêtre logique des mix au format digital qui pullulent aujourd’hui sur le net, la cassette (et donc la mixtape) dans les années 70 et 80 a été un vecteur incomparable pour la diffusion du Rap et des artistes liés à ce mouvement musical. La petite histoire qui explique la grande… destiné à ceux qui ont connu les ghetto-blaster et autres walkman, et à leurs enfants.
Retrouver la sélection de Julien sur le site de la Fnac
Trop peu de gens comprennent combien Fake For Real, le site de Sylvain Bertot, est une oasis dans le milieu de la critique musicale. En ces temps consommés par la dictature des réseaux sociaux et sa course au contenu, FFR est peut-être la seule structure rap à s’imposer un délai aussi long (quelques mois à quelques années) pour digérer les œuvres qu’elle chronique. Et faut-il le rappeler, on parle d’un genre qui peut compter jusqu’à trois projets par an pour un même artiste. En 2017 pourtant, on ne voit guère que FFR pour arriver à estimer la capacité à bien vieillir d’un disque, même si cela doit se faire sûrement au détriment de son audience, très réduite. Cette éthique de travail, Sylvain Bertot l’applique également aux mixtapes, un format pourtant notoirement connu pour son côté débridé et anarchique, et indiscutablement moins évident à disséquer sur le long terme. C’est pourtant le défi qu’il a relevé sur Mixtapes, un format musical au cœur du rap, livre qui se réclame comme une ambitieuse timeline des diverses mutations connues par le format. De la house tape aux blend tapes (l’ancêtre du mash up que l’on connait aujourd’hui), du bootleg à l’œuvre originale, le livre propose un historique concis mais passionnant de la mixtape, avant de dresser un inventaire de cent disques triés sur le volet pour leurs apports à cette dernière. Soit autant d’invitations à découvrir (ou redécouvrir sous un autre angle) quelques monuments, dont une grande partie se trouve encore en téléchargement gratuit aujourd’hui. Accessible et plaisant, Mixtapes est un livre parfait pour mieux comprendre comment on est passés d’une compilation de freestyles sur face B, à un format qui propose des créations totalement originales, au travers des plus éminents acteurs lui étant associés, de Kid Capri à DJ Drama, sans oublier de détailler les apports d’écuries incontournables comme Roc-A-Fella, Cash Money, ou du 1017 Brick Squad. Une lecture incontournable, même si on regrette que cet historique ne soit pas plus bavard sur l’économie développée autour de ce format, et plus particulièrement outre-Atlantique.
La chronique sur le site de GMD
Dans un livre, encore une fois sorti chez l’excellent éditeur « Le Mot et le reste », Sylvain Bertot parcourt l’histoire de la mixtape de rap.
Dans un livre, encore une fois sorti chez l’excellent éditeur « Le Mot et le reste », Sylvain Bertot parcourt l’histoire de la mixtape de rap.
Depuis ses débuts, autour de l’année 2000 en tant que rédacteur en chef des sites New Skool, puis Hip Hop Section, jusqu’à aujourd’hui avec son site Fake For Real (mais aussi ses deux précédents livres, Rap, Hip-Hop et Rap Indépendant), Sylvain Bertot a écrit des chroniques d’albums de rap par milliers. Toutes allient le recul du chercheur avec l’énergie du passionné de longue date. On avait déjà discuté avec lui de son ouvrage sur la scène dite du rap indépendant qui tentait de révolutionner le hip-hop autour de l’année 2000. Avec son dernier livre chez Le Mot et le reste, Mixtapes : Un format musical au coeur du rap, il revient sur l’histoire de la mixtape.
Mixtapes, un format musical au coeur du rap
Sylvain Bertot ouvre son livre sur une anecdote. Il relate un malentendu avec un annonceur publicitaire qui souhaitait mettre fin à leur partenariat après avoir relevé la présence de liens illégaux dans les forums de son site, Fake For Real. Après vérification il s’avérait que la quasi totalité des liens en question étaient tout à fait légaux et pointaient en réalité vers des mixtapes gratuites hébergées sur Datpiff ou LiveMixtapes. Même après rétablissement de la vérité, l’annonceur ne modifia pas sa position, il était en effet impensable, pour lui, que des rappeurs distribuent ainsi gratuitement leur musique.
Et pourtant, l’économie du rap, depuis bientôt une dizaine d’années, est bel et bien basée sur la distribution gratuite d’albums dématérialisés. Des street albums, réalisés rapidement et sans concession, dans le but de satisfaire son insatiable fan base, et que l’on appelle désormais « mixtapes ». Mais comme dit l’adage « if it don’t make money, it don’t make sense ». On fera donc confiance aux rappeurs pour trouver de l’argent autrement, vente de produits dérivés, concerts et showcases, sponsors. Certains vont même jusqu’à créer leur propre marque de vêtements, voir leur chaine de restaurant ou leur boisson énergisante. Soit les bénéfices indirects de leur notoriété liée à la diffusion de mixtapes.
Mais si la mixtape a une longue histoire en commun avec le rap, elle ne l’a pas toujours été sous cette forme et elle est passée par de nombreuses étapes, depuis les premières « party tapes » des années 1970 aux « street albums » de ces dernières années. C’est cette histoire que Sylvain Bertot a entrepris de nous raconter en détail, du moins dans la première partie de son livre.
La mixtape à travers les âges
Le livre se divise en deux parties. Dans un style sobre et dense, l’auteur commence par une présentation précise d’une cinquantaine de pages et qui passe en revue, avec moult détails et de nombreuses anecdotes, les différentes étapes de la vie compliquée de la mixtape. Mais la plus grande partie de l’ouvrage est constituée par une série de cent chroniques, faisant la part belle à la période qui va des années 2000 à nos jours.
Sylvain Bertot démarre donc au coeur des années 1970, la période glorieuse des block parties. À l’époque où les DJ étaient encore les véritables stars et où le rap ne s’imaginait pas encore pouvoir avoir une existence sur disque, des enregistrements officiels ou non de ces lives, les “party tapes”, permettaient de diffuser l’expérience de ces fêtes et d’en faire circuler la légende. Viennent ensuite les « battle tapes », des enregistrements des affrontements entre diverses équipes de rappeurs.
Plus tard, dans les années 1980 puis 1990, lorsque les rappeurs supplantent les DJ sur le devant de la scène et rencontrent l’industrie du disque, la mixtape advient alors sous sa forme classique, soit une compilation de morceaux mixés avec plus ou moins de dextérité par un DJ. Pour sortir du lot, certains misent sur la quête des inédits, quitte à les voler, comme DJ Kid Capri ou DJ Clue. D’autres choisissent la créativité et la technique pure pour se distinguer, comme DJ Q-Bert et les X-Ecutioners.
Début 2000, les rappeurs se lancent à leur tour dans la confection de mixtapes et celles-ci migrent au passage majoritairement de la cassette au support CD. Certaines scènes isolées, comme celle de Memphis, utilisaient déjà dans la décennie précédente le support cassette pour sortir de véritables albums underground. Mais le tournant se fait surtout au début des années 2000 avec les mixtapes de 50 Cent et des Diplomats. C’est véritablement à ce moment que les rappeurs récupèrent le format à leur compte pour diffuser leur musique à une fanbase toujours plus gourmande, sans avoir à passer par l’industrie du disque. Au départ il s’agit surtout de poser des freestyles sur des instrumentaux, plus ou moins empruntés à d’autres, pour faire patienter les fans jusqu’au prochain album.
Mais le Sud avait, encore une fois, quelque chose à dire, et avec sa série des Gangsta Grillz, DJ Drama (et d’autres), impose Atlanta sur le marché de la mixtape, et rapproche le format encore un peu plus du concept contemporain de « street album ». Le business de la mixtape, alors encore principalement gravée sur CD et à la frontière de la légalité, est alors un marché très rentable.
Un événement malheureux joue un rôle décisif pour l’avenir du format. En 2007, DJ Drama se fait arrêter par le FBI et saisir tout son matériel et ses collections de disques. Cette mésaventure produit l’effet d’une bombe dans le milieu. Désormais il sera de moins en moins question de mixer les morceaux des autres pour en faire du profit. Les DJ seront alors plus que jamais focalisés sur les inédits, rappés sur des instrumentaux originaux. Et pour être vraiment certains de ne pas avoir de problème avec la loi, on distribue même tout ça gratuitement, en dématerialisé, sur internet.
Aujourd’hui, nombre des mixtapes qui sortent quotidiennement sur les plateformes de téléchargement comme Datpiff ou Livemixtapes se passent de DJ et plus grand chose ne les distingue de véritables albums. Ces « street albums » ont le mérite d’être plus authentiques que ces derniers et délivrés des compromis artistiques liés aux impératifs commerciaux désormais courants dans l’industrie du rap (édulcoration de la musique et des thèmes, featurings imposés, diversification des ambiances et des cibles …). Ils sont désormais le véritable lien entre un artiste et sa fan base, alors que l’album commercial tente, de son côté, de toucher un public plus large.
Un florilège de 100 mixtapes à écouter
Si l’introduction du livre présente un historique de la mixtape très complet allant des années 1970 à nos jours, la sélection qui suit, elle, est beaucoup plus partiale et se concentre très nettement sur l’ère post 2000, soit « l’âge d’or » de la mixtape. Ainsi, sur les cent chroniques que totalise le livre, on n’en dénombre en effet que dix pour la période située avant 2000.
Délaissant complètement les années 1980 dont il ne reste pas grand chose aujourd’hui, on commence donc avec une cassette de DJ Ron G datant de 1991 (Mixes #1). Puis l’auteur balaie rapidement la décennie avec, entre autres, les mixtapes de Kid Capri (52 Beats), DJ Clue (Holiday Hold Up 96), DJ Q-Bert (Demolition Pumpkin Squeeze Muzik), Funkmaster Flex (60 Minutes of Funk Vol.1), sans oublier DJ Screw (June 27th). On notera également, au milieu de ces mixtapes classiques de DJ, la présence avant-gardiste, du street album Smoked Out, Loced Out de la Triple 6 Mafia.
Puis, après 2000, on s’attaque au coeur du sujet. Si l’on admet que les meilleurs albums de rap de ces quinze dernières années sont, pour la plupart, des mixtapes, Sylvain Bertot en fait donc, ici, un florilège. En essayant de balayer le genre dans toute sa largeur, il nous offre, entre incontournables et coups de coeur plus personnels, un panel hétéroclite de ce qu’à été le rap depuis une quinzaine d’années, de Bones (DeadBoy) à Gucci Mane (Chicken Talk), en passant par Sage Francis (Sick Of Waiting Tables…) et The Weeknd (House of Balloons).
On y croise aussi les chroniques de la sombre et déglinguée Nasa : The Mixtape de SpaceGhostPurrp, de l’extravagante 6 Kiss de Lil B, ou de l’extrême violence de Exmilitary de Death Grips. On se régalera encore de la chronique de la très nihiliste Back From The Dead de Chief Keef et de l’indétrônable 1017 Thug de Young Thug. Outre ces classiques, le lecteur rencontrera certainement nombre de projets dont il n’avait peut-être jamais entendu parlé auparavant. Alors, bien-sûr, on pourra toujours être en désaccord avec certains choix de l’auteur, et chacun pourra regretter l’absence de tel artiste ou au contraire la présence de tel autre, cela fait bien partie du jeu.
Courtes et toujours très claires, n’oubliant jamais de remettre, et l’artiste, et l’album, dans leur contexte, les chroniques de Sylvain Bertot sont d’une redoutable efficacité. Le choix de vouloir couvrir un champ large, et de ne se permettre qu’un projet par artiste, est à la fois la force et la faiblesse de l’exercice. Il permet en effet de survoler un grand nombre de styles et d’écoles différentes et de faire ainsi découvrir des scènes au lecteur curieux, mais il frustrera aussi ceux qui voudront aller plus loin dans un genre.
Après des années de disette éditoriale dans le domaine du rap, les initiatives de l’éditeur « Le Mot et le reste » viennent donc combler une lacune et rencontrent à ce titre un succès mérité. Espérons donc qu’il continuera sur sa lancée, si bien entamée avec les ouvrages de Sylvain Bertot (mais également ceux de Mehdi Maizi et Vincent Piolet pour le rap francophone), en proposant des livres de sélections d’albums centrés sur des scènes plus précises, comme la trap d’Atlanta, le Devil Shyt de Memphis ou la scène dite « underground » des années 2010.
Tous les espoirs sont permis puisque l’éditeur a déjà commencé en sortant en ce début d’année 2017, New York State of Mind, une anthologie du rap new-yorkais par Pierre-Jean Cléraux.
Retrouvez cette chronique sur le site de Swamp Diggers
Le critique musical Sylvain Bertot décortique dans un livre l’univers débridé des cassettes mixées
Pour bien connaître l’histoire du rap ainsi que celle des musiques underground, il faut se pencher sur un autre format musical que le disque: la mixtape. Ce qui n’était à l’origine qu’une compilation de morceaux enregistrés sur cassette est devenu au fil du temps un véritable album, distribué sur internet et parfois bien supérieur aux disques commerciaux de ses auteurs. Le critique musical Sylvain Bertot propose dans son dernier livre une histoire de ce format étonnant ainsi qu’une sélection de 100 oeuvres choisies sur des critères historiques ou esthétiques. Interview.
Première question toute simple: une mixtape, c’est quoi exactement?
Sylvain Bertot: C’est une question difficile car selon l’époque dont on parle ce n’est pas forcément la même chose. Si on revient à l’étymologie: «mix» c’est mélanger, compiler et «tape» c’est une cassette. Donc à l’origine c’est une compilation sur cassette. Des DJ enregistrent des morceaux en les enchaînant et en les manipulant. Ces mixtapes sont ensuite vendues ou distribuées.
«La mixtape est un lieu de créativité sans limites»
Depuis la fin des années 1990 les mixtapes ont-elles beaucoup évolué?
Aujourd’hui une mixtape ce n’est plus un «mix», ni une «tape» (rires). Le mot existe toujours mais le contenu a changé. Une mixtape c’est juste un projet alternatif d’un rappeur, distribué différemment d’un album officiel, généralement sur internet et très souvent gratuitement. C’est devenu une sorte d’album parallèle.
Les rappeurs sont les champions de la mixtape, mais retrouve-t-on ce format dans d’autres genres musicaux?
Oui, complètement. Même s’il y a peu de genres où les mixtapes ont autant d’importance que dans le rap, elles existent ailleurs. Notamment dans des genres cousins du rap comme le reggae dancehall et le R’n’B ou alors dans les musiques électroniques. On en trouve également dans le rock et dans le metal. Les mixtapes sont les héritières de ces cassettes enregistrées par des particuliers puis passées de main en main.
Peut-on parler d’une culture de la cassette?
Oui, il y a une culture de la cassette qui a existé dès la démocratisation de ce format à la fin des années 1970. La cassette est rapidement devenue très importante pour les fans. Elle est aussi devenue le premier moyen d’avoir de la musique nomade, via les baladeurs. Tous les genres musicaux un peu underground des années 1970 à 1990, qui n’avaient pas accès à des maisons de disques, ont utilisé ce support. On peut citer le circuit punk hardcore au début des années 1980 ou quelques années plus tard certaines formes peu fréquentables de metal.
Ce circuit alternatif est-il parallèle ou complémentaire à l’industrie du disque traditionnelle?
Au fil de temps, les majors du disque se sont inspirées des mixtapes et en ont fait un moyen de promouvoir leurs artistes et de garder le contact avec les fans entre deux grosses sorties. Les mixtapes ont été plutôt complémentaires. Elles ont toujours été utilisées comme moyen promotionnel. Aujourd’hui elles font partie des stratégies des petites et des grosses maisons de disques.
Dans les années 1990, les mixtapes étaient une façon de sortir discrètement des morceaux utilisant des samples dont les droits auraient été trop chers pour figurer sur un album. Cet esprit de liberté, un peu pirate, est-il toujours présent aujourd’hui?
Cela permettait une liberté et cela explique aussi pourquoi les mixtapes ont été importantes pour le rap, notamment en échappant au payement des droits d’auteur mais aussi en permettant d’aborder des thèmes peu présentables au grand public. La mixtape a été le lieu où il n’y avait plus de limites à la créativité. Aujourd’hui, les samples, même s’ils existent toujours, occupent une place moins centrale dans le rap et d’autre part les moeurs ont évolué: ce qui était transgressif il y a 20 ans ne l’est plus tout à fait autant. La posture du gangster infréquentable est largement mieux acceptée dans la culture mainstream.
*Les rappeurs ont, d’une certaine manière, su anticiper la façon dont le public consomme la musique
aujourd’hui avec la dématérialisation, le streaming?*
Le rap reste un genre musical jeune. Ce n’est pas étonnant si les acteurs de cette musique ont été les premiers à réussir à tirer profit de l’évolution des supports. Aujourd’hui, l’argent de la musique se fait moins sur la musique elle-même. L’époque du CD est révolue. La musique est un moyen de se faire connaître et les revenus proviennent plutôt des concerts, des produits dérivés, etc. Les rappeurs l’ont compris bien avant les autres en distribuant leur musique gratuitement sur internet dès les années 2000. Ils ont parfaitement anticipé les changements de l’industrie du disque.
*Durant les années 2000, les mixtapes ont vraiment pris leur envol, notamment via des sites de téléchargement
dédiés à ce format. Qu’est-ce que cela a apporté en termes de créativité?*
Le contenu est devenu de plus en plus débridé, les paroles de plus en plus outrancières. Le rythme des sorties est devenu infernal à la fin des années 2000, notamment sous l’impulsion de rappeurs comme Gucci Mane qui sortaient plusieurs mixtapes par mois. Les pochettes de mixtapes sont elles aussi devenues très particulières et identifiables. A l’instar des paroles débridées et fantaisistes on s’est retrouvé avec des pochettes très colorées, kitsch, explicites et assez farfelues.
En 2017, les mixtapes sont encore devenues autre chose…
Aujourd’hui la frontière entre un album officiel et une mixtape est complètement floue. On peut retrouver des projets sur des plateformes gratuites et d’autres payantes en même temps. La distinction est de plus en plus difficile à faire. La musique est devenue un paysage compliqué: gratuit ou pas gratuit? mixtape ou album? légal ou illégal? On ne sait plus trop où on en est. Ce ne sont plus que des étiquettes dont on pourrait très bien se passer.
Retrouvez cette interview sur le site de La Liberté
Sylvain Bertot écrit sur le rap depuis vingt ans. En 2005, il lance son propre blog, Fake For Real, puis publie en parallèle trois livres entre 2014 et 2017, chez Le Mot et le Reste. Son dernier ouvrage en date, « Mixtapes, un format musical au cœur du rap » est paru le mois dernier, l’occasion pour nous de revenir avec lui sur l’histoire du genre, ses différentes évolutions, et sur l’avenir du long format dans la musique en général. Rencontre.
D’où t’es venue l’idée d’écrire ce livre ?
C’est venu en deux temps. J’avais écrit un livre, il y a quelques années, sur l’histoire du rap en général (RAP, HIP-HOP – 30 années en 150 albums, ndlr), et après quelques mois je m’étais dit qu’il manquait quelque chose. J’étais assez content de la partie qui traitait des années 80–90, mais j’étais moins satisfait de ce que j’avais mis sur l’époque récente, ça me paraissait un peu moins représentatif. J’avais donc eu l’idée de faire un autre livre qui s’orienterait un peu plus sur les années 2000 et 2010, en parlant énormément des mixtapes, ou plus particulièrement de ce qu’elles sont devenues. La mixtape existe depuis longtemps, mais aujourd’hui ce n’est plus la même chose que ce que c’était dans les années 90, et je voulais parler abondamment de cette transformation. Et puis un jour, sur le forum de mon propre blog (Fake For Real, ndlr), j’ai parlé de ce nouveau projet, et un des contributeurs m’a dit qu’il n’existait pas de livres consacrés aux mixtapes. Du coup j’ai réorienté mon projet qui était plus ou moins entamé, et plutôt que de traiter des années 2000 – 2010, j’ai décidé de parler de l’histoire des mixtapes, en commençant dès les années 70, aux débuts du hip-hop, mais en orientant pas mal la sélection sur la production récente. Ça s’est donc fait en deux temps.
C’est un ouvrage assez pointu sur le rap américain, avec pas mal de disques qu’il est rare de croiser dans ce type d’exploration. Ce livre n’était pas un prétexte pour parler de tous ces disques méconnus ?
Le sujet traité, les mixtapes, est par définition plus visible des fans de rap comme toi et moi, que du grand public. Le sujet en lui-même sort donc des sentiers battus. Et puis une nouvelle fois, même si je parle aussi de choses très anciennes, des années 90 ou même d’avant, c’était aussi pour moi l’occasion de parler de sorties récentes, qui s’appellent encore « mixtapes », mais qui n’en sont plus réellement. Beaucoup sont les œuvres d’artistes très connus, comme Kendrick Lamar ou Drake, mais d’autres n’ont pas encore acquis leur place dans l’histoire du rap. Faire connaître des œuvres méconnues, ça a toujours été mon dada à vrai dire. J’ai fait trois livres. Le premier portait sur l’histoire du rap, avec beaucoup de classiques, une sélection de disques un peu attendue. Mais ce qui m’intéresse aussi, c’est d’aller chercher les choses un peu moins connues qui mériteraient de l’être plus – si c’est pour tout le temps faire le même livre avec la même sélection, il n’y a pas grand intérêt. C’est donc pour ça que j’ai écrit un deuxième livre sur le rap indépendant des années 90–2000, moins connu que les grands classiques du rap, ainsi que ce troisième livre sur les mixtapes, des œuvres parfois supérieures aux albums commerciaux, mais qui sont moins exposées.
« Ce qui est bankable chez un artiste, ce sont ses concerts, son image de marque, sa capacité à récupérer du sponsoring… Aujourd’hui, l’album n’est plus une fin, mais un moyen. »
Comme tu viens de l’expliquer, on trouve proportionnellement peu de mixtapes des années 90 dans le livre. As-tu eu des réactions de gens qui t’ont fait le reproche de ne pas en avoir assez mis, que les vraies mixtapes dataient de cette époque, etc. ?
Le livre est en deux parties : il y a une introduction et une sélection. Dans l’introduction on parle des deux temps, des deux époques. On parle autant des cassettes des années 1980–1990, que des albums MP3 gratuits des années 2000–2010. Mais la sélection privilégie beaucoup plus ce qui est récent. Donc oui, je m’attendais complètement à ce que certains regrettent la sous-représentation des années 90. En France, on a un côté un peu plus puriste, traditionnel, que ce qu’on peut voir aux États-Unis. Si on parle aujourd’hui de mixtapes aux États-Unis, les gens auront complètement oublié que c’étaient des cassettes autrefois. Ils ne tiltent même pas sur le fait qu’il y a « tape » dans le mot, qui veut dire cassette. Une mixtape aujourd’hui c’est un truc gratuit qu’on trouve sur internet et qui peut prendre des formes très différentes. En France c’est un petit peu moins le cas, ce qui fait que dans l’esprit de beaucoup de gens, la mixtape reste la cassette des années 90, et on va souvent voir utilisés les termes de « street album » ou autres pour qualifier la mixtape dans le nouveau sens du terme. Donc il y a ce biais, et je m’y attendais.
Est-ce que j’ai déjà eu le type de retours dont tu parles dans ta question ? Oui déjà, dès ma première interview, ça a été la première question ! (rires) Je m’y attendais, car pour beaucoup de fans de rap en France, la mixtape se rapporte à la définition étymologique du mot : une compilation sur cassette.
Est-ce que tu penses que, dans le hip-hop, il y a un rapport au support plus fort que dans d’autres styles musicaux ?
Oui et non en fait. Non parce que chaque genre musical a son format de prédilection. Le vinyle, c’est important dans le rock ou dans les musiques électroniques. La cassette a aussi été importante dans le rock, il y a d’ailleurs toute une époque dans les années 80 durant laquelle plein de trucs biens sortaient sur ce format, j’en parle dans le livre. Mais le rap est très intimement lié à l’histoire de la cassette, avec ce moment très important, dans les années 90, où le format mixtape s’est imposé. Donc oui, il y a un attachement particulier au format cassette, lié à l’histoire du rap, au fait qu’une production monstrueuse s’est faite sur ce support dans les années 90, et que beaucoup de fans s’en souviennent et en sont nostalgiques.
Dans l’introduction, tu parles des mixtapes qui ont d’abord été des cassettes, puis des CD, pour arriver ensuite à l’ère du numérique, sans contrainte de durée (tu évoques même une mixtape de six heures), avec ou sans DJ. Les possibilités sont tellement variées aujourd’hui qu’on a envie de te demander : qu’est-ce qui n’est pas une mixtape ?
(rires) Ça c’est la question difficile parce que c’est complètement arbitraire aujourd’hui. Si on veut être puriste, une mixtape c’est ce que ça veut dire, une compilation : un DJ, des effets, une sélection, des exclus… Si on est attaché au sens du mot stricto sensu, le reste ce ne sont pas des mixtapes : ce sont des street CD, des albums digitaux… Voilà pour la définition du puriste.
Moi j’ai une autre définition : la mixtape, c’est ce qui est fait avec moins de freins et sans cahier des charges. Aujourd’hui, les gens sortent ce qu’ils appellent des « projets », on ne sait même plus si c’est des mixtapes ou des albums. La différence, très souvent, c’est que la mixtape c’est fait pour se faire connaître, il y a un aspect promotionnel, pour flatter les fans les plus durs, la rue. L’album est plus souvent un projet commercial, on va souvent avoir des obligations. Des albums qui sortent en CD aujourd’hui, il n’y en a plus beaucoup. Donc généralement, quand ils en enregistrent, les artistes vont mettre le paquet, s’assurer qu’il y a un morceau un peu dur, un autre un peu club ou un peu R&B pour plaire à tout le monde. On sent qu’il y a des règles, des limites, un cahier des charges. Dans une mixtape à proprement dit, la personne est plus libre. C’est comme ça que je mettrais le curseur, que je ferais la distinction. Mais je crois que chacun a sa propre définition des mixtapes, en fait.
A la lecture de ton livre, j’ai l’impression que l’autre constante serait de dire que la mixtape sort en dehors des circuits de distribution des grandes maisons de disques.
C’est une distinction qu’on peut faire, mais encore une fois tout est brouillé aujourd’hui, c’est un peu compliqué de catégoriser. Aujourd’hui, les majors savent tellement bien que la mixtape peut aider à promouvoir les artistes, qu’elles sont souvent sorties avec leur accord. Dans le plan de carrière d’un artiste, c’est bien de sortir une mixtape six mois avant un album. Donc le côté spontané qui était là à l’origine a un peu disparu. Un exemple : dans les années 2000, 50 Cent, qui s’était fait lourder des maisons de disques, s’était refait une popularité via les mixtapes. Mais certains disent qu’il y avait un plan de carrière derrière tout ça, avec des majors à la manœuvre. Il y a toujours cette suspicion, cette possibilité qu’une major soit derrière. A l’inverse, il y a des gens qui vont sortir des choses bien produites, bien enregistrées, qui ressemblent vraiment à des albums, présentés comme tels, mais disponibles uniquement en digital, que ce soit en indépendant ou en autoproduction. Donc on peut faire la distinction en fonction des réseaux de distribution, mais elle n’est pas toujours vraie. Il y a des mixtapes qui font partie d’une démarche commerciale avec l’industrie du disque et les majors derrière, il y a des vrais albums qui sont purement autonomes et indépendants. Il y a toujours des exceptions à tout, ce qui rend les choses très compliquées aujourd’hui. (rires)
Si on revient en France aujourd’hui, et qu’on prend l’exemple de la mixtape de Fianso, #JeSuisPasséChezSo, au vu des ventes, n’aurait-il pas été avantageux pour la major de la sortir chez eux plutôt qu’en indé ?
C’est un pari à chaque fois. On a parfois des mixtapes qui marchent et se vendent tellement bien qu’on pourrait les considérer comme des albums. Il arrive même que l’artiste dise après coup que sa mixtape était en fait un album, et qu’elle fasse l’objet d’une sortie commerciale. L’exemple que j’ai en tête c’est Barter 6 de Young Thug, sorti sur les plateformes de mixtapes, même si l’artiste a déclaré que c’était un album. Je ne suis pas sûr qu’on puisse le trouver en CD aujourd’hui, mais en vinyle oui.
Donc quel est l’intérêt pour les majors ? Il est parfois difficile de savoir à l’avance comment ça va marcher, ils peuvent lancer des albums à grands renforts de moyens et faire des flops. De la même façon, on laisse des fois les artistes sortir des mixtapes, qui vont avoir finalement le destin critique et commercial d’un album. On n’est donc jamais sûrs de ce qui va fonctionner, c’est ça qui est beau avec la musique.
Un autre point, c’est que l’industrie du disque a très bien compris qu’on ne faisait plus beaucoup d’argent sur les CD. Ça arrive des fois, avec un CD « blockbuster » comme un album de Kanye West : on sait qu’il y aura un destin commercial, qu’il dégagera une certaine marge, pour employer un terme économique. Mais avec internet et la crise du disque, les CD et les vinyles sont devenus beaucoup moins rentables qu’auparavant. Ce qui est bankable chez un artiste, ce sont ses concerts, son image de marque, sa capacité à récupérer du sponsoring… Aujourd’hui, l’album n’est plus une fin, mais un moyen. L’essentiel pour une major, c’est de développer un artiste, une image, pour gagner de l’argent autrement que par la vente de disques. Et donc, pourquoi ne pas construire cette image de marque par le biais de sorties gratuites ou de mixtapes ?
Quels ont été les critères de sélection de ces 100 mixtapes ? J’imagine que ça a dû être un casse-tête de n’en choisir que 100.
Oui, ça l’a été… C’est toujours un peu pareil : on fait un arbitrage entre des incontournables, des choses qu’on est obligé de citer, et puis des goûts plus personnels. Parce qu’au bout du compte, ce qu’on veut, c’est sortir son livre, pas celui qu’aurait sorti le voisin. C’est un peu pour cette raison que je me suis concentré sur les mixtapes récentes, plutôt que sur celles des années 90. J’aime les mixtapes des années 90, ce n’est pas le problème, mais les mixtapes de maintenant ont une autre dimension. Dans le panthéon du rap, si on doit citer les 100 meilleurs projets des vingt dernières années, il y aura des mixtapes. Dans les années 90, les mixtapes, ça reste des compilations. Elles sont très bonnes, et encore chouettes à réécouter, mais ça n’a pas la même portée. Il y a donc une part d’incontournables dans la sélection, de choses dont il faut parler parce qu’elles ont une place importante dans l’histoire des mixtapes, et de choses qui sont un peu plus personnelles, peut-être un peu moins connues, que je voulais mettre en avant. C’est vraiment un compromis entre les deux.
« Ce qui est remarquable, c’est que malgré ces prophéties récurrentes sur la fin de l’album, il existe toujours. Grâce aux mixtapes digitales gratuites, il n’y a en fait jamais eu autant de sorties long format dans le rap. »
La deuxième question qui doit revenir souvent, j’imagine, doit être « Pourquoi une si faible proportion de mixtapes françaises dans la sélection ? »
Ce n’est pas une question que posent les gens qui me connaissent bien, parce qu’ils savent que je suis beaucoup plus orienté rap américain que rap français. Mes livres précédents parlaient d’ailleurs très majoritairement de rap américain. D’ailleurs, quand mon éditeur m’a dit que ce serait bien d’explorer le rap français, je l’ai renvoyé vers quelqu’un d’autre. Ce qui est important en France, c’est le rap français, c’est logique. Mais à l’échelle du rap international… Soyons clair, l’impulsion vient des Etats Unis. Les mixtapes et street CD qui sont sortis en France l’ont été sur le modèle américain, avec un côté miroir déformant. Objectivement parlant, c’est un peu délicat de placer au même niveau le père et le fils.
Ou il faudrait consacrer un livre aux mixtapes françaises.
Oui, d’ailleurs, j’ai vu qu’un livre comme ça, dédié aux mixtapes françaises des années 90, était en préparation (L’Odyssée de la Mixtape, sorti le 6 juin, ndlr). Il y a donc des gens qui font ça, et c’est très bien. Mon point de vue est plus international. Il n’y a pas que du rap américain d’ailleurs dans mon livre, il y a un peu de canadien et quelques trucs britanniques aussi. A l’échelle internationale, le poids du rap américain est monstrueux par rapport à tout le reste, naturellement. C’est la raison pour laquelle mon premier livre sur l’histoire du rap citait seulement cinq albums de rap français sur cent cinquante disques sélectionnés. Le rap français mérite d’être creusé, mais c’est Mehdi Maizi qui l’a fait (avec Rap français, une exploration en 100 albums, ndlr), et c’est très bien. Si quelqu’un veut prendre la suite, et faire les 100 mixtapes françaises, en parlant énormément de Cut Killer par exemple, je trouverai ça très bien, je serai le premier à le lire.
Pour finir, quelle sera d’après toi la prochaine mutation de la mixtape ? Penses-tu qu’il peut encore exister de nouveaux formats après tout ce qui a été observé récemment ?
C’est toujours difficile de prévoir. Mais j’en parle à la fin de l’introduction de mon livre : aujourd’hui parler de mixtape n’a plus grand sens, au même titre que de parler d’albums. Les gens utilisent le mot « projet » qui couvre les deux, parce que le numérique a offert tellement de possibilités, que catégoriser ou mettre des frontières est devenu presque impossible. Depuis des années, on prédit la fin de l’album à cause de l’avènement du numérique. L’album était lié au vinyle, puis au CD, et on a tendance à penser qu’avec le numérique il n’y a plus que les morceaux et les singles qui intéressent les gens. Mais la vérité, c’est que l’auditeur moyen de musique a toujours été plus intéressé par des tubes que par des albums, le numérique n’a rien changé. Et ce qui est remarquable, c’est que malgré ces prophéties récurrentes sur la fin de l’album, il existe toujours. Grâce aux mixtapes digitales gratuites, il n’y a en fait jamais eu autant de sorties long format dans le rap. C’est ce qui est étonnant. On pensait que les vidéos, les tubes et les singles allaient tuer l’envie d’avoir des longs formats, d’écouter le même artiste pendant une heure – ou six heures pour parler de l’exemple de tout à l’heure -, mais ce n’est pas vrai. Ça prouve que l’album n’était pas seulement un accident de l’histoire de la musique : ça correspond à un vrai besoin de l’auditeur de musique. Et personnellement, ça me va très bien, car je préfère les albums aux singles : j’aime me plonger pendant une heure dans l’univers d’un artiste.
Retrouvez cette interview sur le site lebonson.org
S’il y a un débat que nous chérissons particulièrement au sein de la rédaction c’est bien celui de la place de la mixtape et son évolution au sein du rap. C’est donc avec un certain engouement que nous avons accueilli le dernier livre de notre confrère Sylvain Bertot intitulé “Mixtape : un format musical au coeur du rap” sorti il y a quelques jours aux incontournables éditions Le Mot et le Reste. Plus qu’une simple interview, l’article qui suit a pour but de donner un aperçu de l’analyse menée par le fondateur du site Fakeforreal sur ce format qui fait la particularité de la musique hip-hop depuis ses premiers pas dans le Bronx des années 70 et jusqu’à nos jours.
TBPZ : Hello Sylvain, tout d’abord qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire ce nouveau bouquin ?
Sylvain Bertot : Deux choses en particulier. La première est que j’avais déjà écrit un bouquin sur le rap en général (Rap, Hip-Hop : 30 années en 150 albums de Kurtis Blow à Odd Future, NDLR) qui m’avait donné l’impression de ne pas traiter toute une partie pourtant essentielle du rap des années 2000, celle sortie sur mixtape. Car lorsqu’on regarde le phénomène de près, on se rend compte qu’à partir des années 2000 notamment, la mixtape joue un rôle de premier plan pour pas mal d’artistes dont les meilleurs projets sont parfois des mixtapes. Le second point est que j’aime bien “chercher dans les marges”, parler des albums et artistes qui sortent des évidences. C’est pour moi un des intérêts d’écrire des bouquins : on réalise un véritable travail de recherche, de fouille pour aller chercher les vrais bijoux cachés, pas ceux qui apparaissent déjà dans tous les classements établis. C’est aussi clairement ce que j’avais cherché à faire avec mon second bouquin Rap indépendant : la vague Hip-Hop indé des années 1990/2000 en 30 scènes et 100 albums qui avait pour but de raconter en quelque sorte une histoire alternative du rap US des années 90 et 2000.
Quelle a été ton approche, ta méthode pour écrire ce livre ?
Enormément de recherche évidemment. J’ai cherché toutes les publications qui étaient parues sur le format mixtape. La littérature n’est pas très fournie au delà de quelques articles et livres anglophones et de certains sites consacrés aux mixtapes rap. Curieusement, c’est l’aspect graphique qui est presque plus couvert que l’aspect musical avec notamment le rôle prépondérant du graphiste Kid Eight sur les covers des mixtapes des années 2000 (il existe même un livre entièrement dédié au sujet). Ensuite, j’ai surtout passé beaucoup de temps à écouter des mixtapes avec une méthodologie d’écoute bien précise pour être capable d’effectuer une sélection en fin de compte pour le livre.
Ce qui m’a frappé d’entrée lorsque j’ai commencé à consulter les publications, c’est que chaque auteur se référait à une période particulière de la mixtape et que personne ne semblait en fait vraiment d’accord sur une définition du format. C’est donc sur cette analyse d’évolution du terme “mixtape” que j’ai voulu partir en priorité pour mon livre.
Sur combien de temps s’est déroulé ce projet ?
Sur environ deux ans. Après, j’ai un travail à côté, je ne consacrais pas 100% de mon temps à l’écriture mais je pense qu’il fallait bien ce temps pour trouver, écouter et digérer les centaines de mixtapes que j’ai passé au crible pour établir cette sélection de 100 mixtapes “essentielles” qui sont compilées et commentées dans le livre.
Ce qui était particulièrement compliqué pour les mixtapes, c’est qu’il n’existe pas de registre officiel des sorties comme c’est le cas pour les albums avec le Billboard ou le ISRC. Heureusement, il existe quelques sites qui se sont imposés comme de véritables “annuaires” de la mixtape (au sens “mixtape digitale” à partir des années 2000) tels que Datpiff, ou Hotnewhiphop. Mais pour ce qui est des mixtapes sorties sur cassette avant l’ère internet, il m’a fallu réaliser un véritable travail de détective pour partir à dénicher les mixtapes les plus rares.
J’imagine que tu n’as pas pu mettre la main sur tous les projets dont tu avais entendu parler ?
Absolument ! C’est notamment le cas pour les mixtapes sorties dans les années 80 et 90 car celle-ci étaient enregistrées sur cassette parfois en quelques dizaines d’exemplaires seulement car destiné à un public très local. Inutile de dire qu’avec le temps et les faibles capacité de conservation du format cassette, certaine mixtapes de légende n’existent plus que dans la mémoire de ceux qui les ont écoutées à l’époque.
Mais au delà de cela, ce format est de toute manière impossible à appréhender de manière exhaustive. Il faudrait déjà plus d’une vie pour écouter toutes les mixtapes sorties le mois dernier seulement ! Car il faut bien comprendre que la caractéristique du format mixtape est de correspondre à un usage “pirate”, totalement hors de contrôle. J’évoque dans le livre la distinction entre mixtapes officielles (celles qui ont été réellement produites et sorties par un artiste lui même) et toutes celles non officielles qui prennent davantage la forme d’un “bootleg” en compilant des morceaux rares et exclusifs obtenus par un Dj ou un fan, parfois par des moyens peu scrupuleux. Il y a par exemple une anecdote autour de DJ S&S qui a longtemps été accusé par Nas d’avoir volé des morceaux destinés à Illmatic dans le bureau même de son manager de l’époque.
Les 4 époques de la mixtape rap
On va à présent dévoiler une partie de l’analyse du format “mixtape” que tu racontes en détails dans ton livre avec un rapide panorama de l’évolution de la mixtape au cours des 4 décennies qui constituent l’Histoire du hip-hop.
Les années 70 et 80 : le rap se joue sur cassette
Ce qu’il faut savoir c’est que le rap a existé sur cassette avant d’exister sur vinyle. En effet, dès le milieu des années 70, on retrouve des premières cassettes de mixes hip-hop enregistrées en pirate, ou avec l’accord des DJs, lors des fameuses block party. Grandmaster Flash par exemple, enregistrait ses propres mixes lors de ses soirées et revendaient ensuite ses précieuses cassettes dans la rue via un réseau de dealers et de chauffeurs de taxi.
A l’époque, on ne parlait pas encore de “mixtape” mais simplement de “cassette” ou parfois de “party tape”. Il existait également des “battle tape” ou encore des “radio tape” qui permettaient de faire circuler les meilleures émissions des radio new-yorkaises (telles que celles de Dj Red Alert ou plus tard celle de Bobbito Garcia et Stretch Armstrong, NDLR) au delà de la grosse pomme. Dj Jazzy Jeff affirmait d’ailleurs dans une interview que c’est grâce à ce type de cassette qu’il aurait découvert le hip-hop depuis sa ville de Philadelphie.
A partir des années 80, alors que le rap voit naître ses premiers albums qui s’écoutent donc au format vinyle, le format cassette continue de séduire les auditeurs dont certains préféreront le côté authentique du rap “tel qu’on l’entend dans la rue” ; alors que les disques sortis par le circuit traditionnel favorisent un rap très aseptisé, basé sur des boucles disco / funk.
De cette période on retiendra assez peu de noms si ce n’est les 3 grands DJs incontournables de l’époque (Grandmaster Flash, DJ Kool Herc et Afrika Bambaataa) ainsi que le moins connu DJ Hollywood, un type qui était parmi les premiers à rapper dans les discothèques huppées de New York et qui a joué un rôle prépondérant dans l’émergence de la mixtape avec la supposée toute première mixtape de l’Histoire, sortie en 1972 !
Les années 90 : l’age d’or de la mixtape
Le point de rupture entre ces deux époques vient du début de la professionnalisation du format mixtape amorcé par les DJs Starchild, Brucie B et surtout un certain Kid Capri, qui a fait passer la mixtape d’un enregistrement sauvage souvent de piètre qualité à une véritable démonstration de force technique du DJ hip-hop. Avec le classique 52 Beats, mais également d’autres mixtapes présentées dans le livre, démarre un premier age d’or de la mixtape porté par un grand nombre de DJs, principalement new-yorkais, au cours des années 90.
Bientôt, ces mixtapes d’un nouveau genre posséderont leurs standards : une introduction sous forme de routine calée au milimètre, des enchaînements toujours plus travaillés, des mixtapes à thème qui vont de pair avec un effort particulier accordé au visuel la pochette. Des standards qui sont presque tous issus du travail de Kid Capri qui, avant d’être invité sur le dernier album de Kendrick Lamar, a contribué à donner ses lettres de noblesse au format mixtape.
Plus tard, les disciples de Capri que sont DJ S&S ou DJ Clue, introduisent la norme des “exclusives”, ces morceaux conçus exclusivement pour une mixtape ou disponibles de manière anticipée avant la sortie d’un album, qui donneront encore plus d’importance à ce format aux yeux des fans.
A partir du milieu des années 90, le marché de la mixtape devient trop concurrentiel et les DJs doivent inventer leur propre spécialité pour exister. Alors que le new-yorkais Tony Touch fait de ses mixtapes des collections de freestyles, d’autres inventent le procédé du mash up qui consiste à mélanger plusieurs morceaux, parfois issus de genres totalement différents, au sein d’une même track. On retient notamment dans ce style les “blend tapes” de Ron G qui accéléreront grandement la convergence entre rap et R&B en mélangeant les deux genres.
En France, le format mixtape écrit également son histoire à partir du début des années 90 avec les séries cassette très importantes de Cut Killer et DJ Poska notamment. Pour ce chapitre français, je renvoie au très bon article de notre confrère Aurélien Chapuis publié sur le site de la RBMA : Une histoire orale de la mixtape en France
Les années 2000 : la mixtape à l’heure du web
La troisième ère de la mixtape se cristallise autour de deux phénomènes : le premier est le raz-de-marée 50 Cent au début des années 2000. Le second découle d’un événement judiciaire survenu en 2007 envers la personne de DJ Drama.
Au début des années 2000, alors que 50 Cent peine à s’imposer auprès des majors du fait de sa personnalité sulfureuse, le rappeur du Queens décide d’emprunter un chemin alternatif vers le succès en sortant, avec DJ Whoo Kid et DJ Kayslay, une série d’excellentes mixtapes solo et avec son crew du G-Unit. Avec le succès immense de mixtapes telles que 50 cent is the future, pour la première fois, un rappeur réalise tout le potentiel du format mixtape pour asseoir sa street credibility et construire une fan base suffisamment solide pour garantir le succès commercial d’un premier album : Get Rich or Die Tryin, sorti en 2003.
La particularité de DJ Drama était de s’associer avec un rappeur pour réaliser ses mixtapes, qui contenaient ainsi des remixes, des freestyles et des inédits d’un rappeur en particulier. En s’associant avec le rappeur d’Atlanta Young Jeezy pour la mixtape Trap or Die, Drama va soudainement délocaliser la mixtape vers le sud où un vivier de jeunes artistes boostés au sirop codéiné (Gucci Mane, Lil Wayne et T.I en tête) allaient défrayer la chronique en s’appropriant un nouveau format de mixtapes distribuées quasi-exclusivement sur Internet.
Et l’événement qui propulsera ce passage de la mixtape du format CD au format digital n’est autre qu’un raid du FBI au domicile même de DJ Drama qui eu lieu le 16 janvier 2007. En effet, il semblerait que l’industrie du disque ne voyait pas d’un bon oeil la fortune amassée par le “roi de la mixtape” grâce à la vente illégale de ces albums non officiels vendus sur CD-R via des réseaux de distributions parallèle quadrillant tout le territoire américain.
Peu après cet épisode judiciaire, Drama inaugurait sa nouvelle stratégie en distribuant gratuitement sur Internet sa nouvelle, et tant attendue, mixtape : Da Drought 3 de Lil Wayne. A compter de cet événement, la mixtape bénéficiera d’une sorte de deuxième âge d’or avec l’arrivée des sites de téléchargement spécialisés sur les mixtapes rap. DatPiff.com, le plus célèbre d’entre-eux, prendrait alors des airs de caverne d’Ali Baba et jouerait un rôle déterminant dans le phénomène d’internationalisation du rap américain qui pouvait dès lors, être suivi en temps réel, par des fans situés aux quatre coins du monde.
Les années 2010 : la mixtape / album
A la fin des années 2000, la mixtape est devenue avant tout un outil pour le rappeur et certains iront même jusqu’à déposséder le DJ de ce format en distribuant des mixtapes estampillées “no dj”. Il faut dire que la fâcheuse tendance de certains DJs de renom à hurler leur blaze au début de chaque morceau commençaient à en agacer plus d’un. Mention spéciale pour DJ Kay Slay et DJ Drama qui se sont particulièrement illustrés dans le domaine.
A partir du moment où le DJ s’efface totalement au profit du rappeur (exit les hurlements de DJs, les intro et transitions travaillées), où les mixtapes sont constituées quasi-uniquement de morceaux exclusifs, on est en droit de se demander ce qui différencie la mixtape d’un album. La gratuité, la qualité du mix et du mastering et une certaine forme de liberté de parole et d’usage des samples pourraient être des éléments de réponse mais sont finalement peu lisibles pour les fans. D’autant qu’on voit émerger à partir de 2010 de plus en plus de mixtapes payantes (The Barter 6 de Young Thug ci-dessous) ou d’albums gratuits (le dernier album de De La Soul par exemple).
Mais alors qu’on pourrait croire que cette perte d’identité lui aurait porté préjudice, le format mixtape semble se porter mieux que jamais. En témoigne la confiance que lui accorde encore des artistes de premiers plans tels que Chance The Rapper (dont le Coloring Book aura inauguré le premier Grammy remporté par une mixtape) ou Drake qui semblent intégrer pleinement le format mixtape dans sa discographie et ses plans marketing. On notera également que la majorité des artistes au sommet du rap américain en 2017 doivent le décollage de leur carrière à une grande mixtape : de Kendrick Lamar (Overly Dedicated) à A$AP Rocky (Long Live A$AP) en passant par Young Thug (Barter 6), Joey Bada$$ (1999) ou encore J. Cole (Friday Night Lights). A ce titre, on remarquera le rôle primordial de l’année 2009, durant laquelle un nombre impressionnant de mixtapes devenues des classiques ont vu le jour.
Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site de The BackPackerz
Des compilations sur cassette à la musique digitalisée gratuite, Sylvain Bertot revient sur l’histoire des mixtapes, le format musical emblématique de la culture hip-hop.
Sylvain Bertot est spécialiste de rap et de hip-hop, webmaster du blog Fake for Real et chroniqueur pour le webzine POPnews. Son troisième livre, Mixtapes – Un format musical au cœur du rap, sorti le 18 mai 2017 aux éditions Le Mot et le Reste, fait l’apologie d’un format en constante mutation. Après une explication précise de l’histoire étonnante de la mixtape, il propose une sélection de 100 sorties marquantes de 1991 à 2016. Des plus emblématiques telles que 52 Beats de Kid Capri aux productions méconnues de Bones, chaque mixtape est racontée et illustrée en une double page. Retour sur les évolutions d’un genre fondateur de la culture rap.
Comment les mixtapes ont-elle participé à l’émergence du rap ?
Sylvain Bertot – Le premier support enregistré du rap est la cassette. C’est un format qui a accompagné son histoire comme celle d’aucun autre mouvement musical. À ses débuts, le rap était underground, détaché des labels, et n’existait pas sur disque. Il consistait simplement en passer des disques dans la rue et parler – rapper – par-dessus. C’est ce que l’on appelle les block parties. Dès l’année 1973, considérée comme l’année de naissance du rap, des personnes ont enregistré ces prestations sur des cassettes pour en faire profiter un public plus large. Par la suite, ils ont enregistré des battles, des affrontements entre rappeurs, des émissions de radio… La circulation de ces copies a permis à des DJ de devenir de véritables stars du hip-hop, chose qu’ils n’auraient pas pu faire en payant les droits d’exploitation des chansons qu’ils utilisent et détournent.
Quelle est leur importance aujourd’hui ?
De nos jours, il ne s’agit plus de compilations, ni de cassettes. On appelle “mixtape” de la musique distribuée gratuitement sur le net, via des plateformes comme Datpiff. La mixtape a tellement triomphé qu’elle n’existe plus : on ne sait plus véritablement faire la différence avec les “véritables” albums, qui sortent de moins en moins en CD et de plus en plus en ligne. Le format est devenu le contraire de ce qu’il était, mais demeure au cœur du rap tant qu’il véhicule l’idée du “vrai son de la rue”. Les CD sont pour le grand public alors que les rappeurs mettent leurs tripes sur les mixtapes, sans limites, pour les vrais fans. C’est par ce biais que de nombreux artistes se font connaître. Il en sort chaque jour plus qu’on ne pourrait en écouter pendant un an !
Vous dites que ce format est “en avance sur son temps”. Comment a-t-il évolué depuis les premiers enregistrements de block parties pour devenir un genre à part ?
À la fin des années 1980, les mixtapes deviennent un véritable format, identifié et distribué selon des réseaux parallèles aux Etats-Unis. Certains DJ intervenant dans des discothèques new-yorkaises cultes se mettent à immortaliser leurs soirées pour les vendre. Petit à petit, ces cassettes rencontrent un grand succès et fidélisent une audience. Le DJ Kid Capri fait de ses enregistrements des œuvres en tant que telles, en travaillant les introductions et les transitions. À ce moment, on dépasse la simple copie, même s’il s’agit toujours de compilations de morceaux.
Dans les années 1990, les DJ rivalisent de virtuosité. Certains font des blends, d’autres s’orientent vers les exclusive : ils cherchent à être les premiers à sortir les morceaux, quitte à les voler comme cela est arrivé à Nas. Toute une pléiade d’artistes – dont le plus emblématique est sans doute DJ Clue – vont construire leur notoriété sur la mixtape, qui passe du format cassette à celui de CD ou CD-R.
Comment 50 Cent a-t-il marqué le passage de l’ère des DJ à celle des rappeurs ?
Au début des années 2000, un basculement s’opère : les mixtapes ne mettent plus en avant un DJ avec plusieurs rappeurs, mais un rappeur, parfois sans DJ. 50 Cent est emblématique cette nouvelle donne. Il avait déjà entamé une carrière de rappeur, mais souffrait d’une image très sulfureuse, depuis qu’il avait été impliqué dans une fusillade. Les maisons de disques ne voulaient plus le produire. Associé au DJ Whoo Kid, il reprend les morceaux d’autres artistes pour rapper dessus. La mixtape 50 Cent is the Future connaît un grand succès et lui rouvre les portes des labels pour ses albums officiels. Sa réputation s’est construite dans la rue, le public s’est souvenu de son nom et a acheté ses disques par la suite. Tous les rappeurs, connus ou non, ont alors voulu se construire une réputation de la même façon.
Quel a été l’impact de la crise du disque sur les mixtapes ?
La crise de l’industrie musicale a accéléré la production de mixtapes. Les maisons de disques ont fermé les vannes et bloqué les investissements. Dans la mesure où les CD se vendaient moins, il s’agissait de rentabiliser toutes les sorties en ne produisant que des “blockbusters”, bien conçus et bien produits, avec des singles, des ballades, des morceaux pour faire la fête… Les rappeurs les moins connus ne parviennent plus être signés. D’autres, extrêmement prolifiques comme Lil Wayne, se sentent bridés dans leur créativité. Ils se mettent à sortir des mixtapes qui ressemblent à de véritables albums. Ils enregistrent d’abord beaucoup de freestyles et d’improvisations, puis des inédits et parfois la première version de leurs tubes à venir.
La digitalisation n’a pas freiné le développement des mixtapes, au contraire.
Jusqu’en 2007, Internet était surtout un moyen de vendre et d’échanger des mixtapes physiques. Le réseau de distribution était devenu une industrie presque concurrente des labels. Cela posait problème aux autorités qui ne percevaient alors pas de taxes sur les chansons, illégalement diffusées. Le grand DJ à mixtapes du moment, DJ Drama, s’est fait confisquer sa collection de disques lors d’une descente du FBI chez lui. Cela a eu un impact considérable et précipité la digitalisation des mixtapes, tout en augmentant le nombre de morceaux inédits que l’on pouvait trouver sur chacune. Vers la fin des années 2000, il y a eu une multitude de mixtapes distribuées gratuitement sur Internet. Pour le critique de rap américain David Drake, 2009 serait même l’année des mixtapes : tous les rappeurs importants du nouveau millénaire en ont sorti une d’envergure : Lil Wayne, Nicki Minaj, Drake…
Comment l’industrie du disque a-t-elle rattrapé son retard ?
Au début de leur histoire, les labels étaient vent debout contre les mixtapes : il s’agissait d’un circuit parallèle qui ne rapportait rien, voire diminuait leurs marges. Or, lorsqu’elle a vu l’impact que les mixtapes pouvaient avoir sur une carrière, toute l’industrie s’est engouffrée dans le créneau et les a intégrées à sa stratégie d’investissement. Avec la crise du disque et le téléchargement illégal, la musique ne rapporte plus d’argent. Ce qui est important pour un artiste, c’est alors d’avoir une image de marque qu’il puisse vendre en faisant des concerts, du merchandising, en participant à des événements… La musique est le moyen de se faire connaître. La distribuer gratuitement et de façon authentique permet de s’assurer une promotion et relève de la stratégie de marketing.
Cela dénature-t-il l’idée initiale du “vrai son de la rue” ?
Il y a en effet une certaine hypocrisie dans l’intervention cachée des labels, qui se sont mis à distribuer eux-mêmes leurs morceaux aux DJ de mixtapes dès les années 1990, et à encourager leurs artistes à en produire. Cela peut poser problème aux fans de rap, car ceux-ci accordent énormément d’importance à l’authenticité.En fait, les mixtapes et les albums visent deux publics différents : le premier sert à maintenir sa base de fans, à offrir un aperçu de ce que l’on est en train de créer de façon très régulière sans contrainte de longueur et de contenu. Le second doit toucher un grand public à la mémoire courte, qui pioche des singles au gré des modes.
Retrouvez l’interview de Sylvain Bertot sur le site des Inrocks