Un ouvrage passionnant qui réussit le pari de traiter avec exhaustivité le large domaine des musiques électroniques.
Sophie Rosemont – nonfiction.fr
Revue de presse
Blindtest #9 : Musiques électroniques
Diagonale Sonore par Raphaëlle Tchamitchian
Invité Guillaume Kosmicki
Musicologue, journaliste et enseignant, Guillaume Kosmicki sillonne la France depuis plus de 20 ans pour faire des conférences sur la musique, toutes les musiques, dans tous les contextes, et transmettre son savoir, sa passion et dans certains cas son expérience. Il a baigné dans les années 1990 dans le milieu des sound systems, des raves et des free parties, a.k.a. ces fêtes libertaires organisées le plus souvent dans la nature, dans un champ ou une forêt, par des collectifs techno, et où des dizaines voire des centaines de personnes se rassemblent pour quelques heures, en-dehors du quotidien. À travers des nuits entières de transe accompagnée de musique et de toutes sortes de substances, il s’agit de vivre la techno dans ce qu’elle a de meilleur — le gros son, la danse, la communion, l’oubli de soi, etc. — mais aussi d’expérimenter une utopie musicale et sociale, dans un espace-temps arraché aux frontières et aux exigences de la société capitaliste.
Lors de ses premières recherches (Musiques électroniques : des avant-gardes aux dance floors est paru en 2009 aux éditions Le Mot et Le Reste), Guillaume Kosmicki a remonté le cours de l’histoire pour retracer la généalogie de la techno, et au-delà de toutes les musiques électroniques, qu’elles soient savantes ou populaires, faites pour la méditation ou pour la danse, jouées à plusieurs ou sur des boîtes à rythme. L’émission commence plus ou moins là où celle de Laurent de Wilde (blindtest #6) s’était terminée. Elle portait sur « les fous du sons », c’est-à-dire les inventeurs extraordinaires d’instruments électroniques, en particulier les claviers et les synthétiseurs, pendant tout le xxe siècle. Celle-ci prolonge la réflexion en traversant toutes sortes de musiques différentes, toutes affectées à un niveau ou à un autre par l’apport de l’électronique, qu’elles soient uniquement fabriquées grâce à des machines ou bien qu’elles y puisent leur imaginaire. Au menu donc de ce 9e blindtest : minimalisme américain, rock allemand, musique industrielle, disco, techno… Bon voyage !
Émission publiée le 29/04/2023
Réécoutez là ici
Guillaume Kosmicki a été interviewé par deux journalistes de l’équipe de Greenroom à l’occasion des vingt ans de la Techno Parade. Témoignages.
DJ mis sur écoute ou épiés par les renseignements, descentes de police lors des rave parties… En 1998, en réaction aux menaces des autorités, les grands acteurs de la scène électronique française défilent dans Paris, sur des 38 tonnes sonorisés. Ainsi fut la première Techno Parade, qui a rassemblé jusqu’à 200 000 personnes place de la Nation pour le set de Laurent Garnier. Une grande histoire toujours en marche, parsemée de jets de sucettes, de castagne, de lycéens épris de tecktonik, et d’un Président de la République en rave party. Vingt ans plus tard, et pour la première fois, (presque) tous les protagonistes racontent.
Jack Lang, ancien ministre de la Culture, président de l’Institut du Monde Arabe : Peu de gens le savent, mais la France est une terre de naissance de la musique électronique. Il y avait, au sein de l’ORTF (ancien office de l’audiovisuel public, ndlr), un centre de recherche en musique expérimentale.
Jack de Marseille, DJ : A la fin des années 1980, l’acid house, populaire en Angleterre et aux États-Unis, arrive timidement en France. La première fois que tu entends ces sons-là, tu te demandes un peu ce que c’est. Très vite, j’ai cherché des endroits où on pouvait danser sur cette musique. Dès 1990, c’est réellement l’aspect communautaire qui m’emballe : la techno et la house étaient des musiques de marginaux. On ne s’habillait pas comme tout le monde et on éprouvait un sentiment de liberté incroyable en soirées.Jack Lang : C’est en Allemagne de l’Est que la techno est apparue comme art de résistance. Ma première expérience techno, je l’ai vécue à Berlin Est en 1988. J’étais en voyage officiel avec le Président François Mitterrand. Heiner Muller, un dramaturge et auteur très célèbre à l’époque, vivait sur place et nous a dit : « Venez, je vous emmène quelque part ! » Et on s’est retrouvé dans une sorte de chantier, plus ou moins abandonné, où se tenait une rave party.
Josselin Hirsch, premier président de Technopol, association à l’origine de la techno-parade : Avec mes potes, on n’hésitait pas à faire 500 kilomètres pour aller à des soirées techno, comme à la friche la Belle de Mai de Marseille. On a vite lancé une émission de radio. Un jour, un inconnu à Montpellier nous a contacté et nous a proposé d’organiser une rave : la Neuro rave. Le type a disparu avec la caisse… Ça nous a quand même permis de nous établir en tant que collectif. On était une vingtaine et on a lancé la première soirée « Boréalis » en 1993 au New-York à Pézenas.
Jack de Marseille : J’ai mixé à cette soirée d’ailleurs, sur le parking du club !
Josselin Hirsch : 2500 personnes se sont ramenées. Tout le monde avait la sensation de vivre quelque chose à part. Quand tu étais dans les soirées, l’ambiance n’avait rien à voir avec les discothèques, où les filles se faisaient draguer lourdement, la musique était celle de nos parents. L’arrivée de la techno a été un changement de paradigme complet.
Eric Morand, co-fondateur avec Laurent Garnier du label F-Com : J’ai commencé à organiser des raves quand je travaillais pour le label Barclay. J’étais déjà à l’époque dans la house et la techno. Au même moment, je rencontre Laurent Garnier. On a tout de suite sympathisé et on est devenu potes, puis on a monté ensemble le label F-Com en 1994. Entre-temps, en 1992, nous avons organisé une rave à l’Arche de la Défense.
« LES RENSEIGNEMENTS AVAIENT NOS NOMS »
Jack Lang : Pour des raisons très étranges, les musiques électroniques et les raves ont commencé à susciter une sorte de méfiance, de peur même, plus ou moins irrationnelle et la musique techno avait été présentée par certains dans la presse et dans la politique comme une musique du diable. On s’imaginait que les participants y célébraient je ne sais quel rituel satanique.
Josselin Hirsch : C’était une sous-culture, complètement minoritaire, mal vue, associée à la drogue.
Jack Lang : Je ne sais pas comment cette image s’est propagée. Il y a probablement eu des incidents ici ou là, avec des maires… Mais la France est un pays à la fois révolutionnaire et réactionnaire.
Jack de Marseille : A partir de 1993 ou 1994, les flics nous emmerdent. Les services de renseignements avaient nos noms, ceux de tous les fanzines électro, de tous les DJ, de tous les organisateurs. Des hélicoptères de police volaient au dessus des raves ! On m’a même mis sur écoute ! On nous prenait pour des activistes, quoi. D’ailleurs, pour les flics, « DJ » ça signifiait « Dealer Jockey » !
Josselin Hirsch : Je me souviens qu’à Pézenas, il y avait même un gendarme qui faisait le tour des lycées pour faire de la prévention anti-rave auprès des jeunes.Jack Lang : Chacune des formes musicales contemporaines s’est heurtée à une réticence et à une hostilité. Les concerts de rock de groupes indépendants faisaient déjà l’objet d’interdits dans les années 1980.
Tommy Vaudecrane, président actuel de Technopol : Lors d’une free party dans un entrepôt de Melun, on s’est fait encercler par les CRS, qui ont cassé les vitres du bâtiment et ont tiré des bombes lacrymogènes à l’intérieur. Tu avais une porte de deux mètres sur deux pour sortir mais il y avait 4000 personnes dans l’entrepôt… c’était ultra violent !
Christophe Crénel, rédacteur en chef de Plus vite que la musique sur M6 : En même temps, c’était quand même Charles Pasqua en poste au ministère de l’Intérieur jusqu’en 1995, donc pas vraiment un raver dans l’âme…
Jack de Marseille : Pour contrer cette mauvaise image, la scène techno française avait besoin de se construire une légitimité artistique.
Eric Morand : Même dans l’industrie du disque, la techno n’était pas reconnue. Quand Pascal Nègre a repris Barclay, la musique électronique n’était pas son truc. Tout le monde me prenait pour un fou furieux quand je parlais de techno… Lorsque je leur ai fait écouter les premiers morceaux de Laurent Garnier, ils m’ont répondu avec une drôle de voix : « Oh ! Dis-Donc ! On dirait du Jean-Michel Jarre ! » A partir de là, j’ai compris que je perdais mon temps…
[…]
« PHASE DE RÉUNIONITE AIGUË »
Christophe Vix : À la base, le nom « Techno Parade » ne partait pas favori. On pensait appeler ça « Charivari » ! C’était pas mal, alors que Techno Parade, c’est plus littéral.
Sophie Bernard, membre de Technopol de 1997 à 2009 : C’était mon idée, Charivari ! Parce que j’étudiais l’Histoire médiévale à cette époque. Le charivari était une sorte de carnaval au Moyen-Age, un truc dionysiaque qui s’entendait de loin.
Eric Morand : Il y a eu une phase de réunionite aiguë pour monter l’événement. Certaines se tenaient d’ailleurs chez Jack Lang.
Christophe Vix : Je me souviens très bien de toutes ces réunions. Il y a eu beaucoup d’engueulades, sur tous les sujets possibles : financiers, offres des chars… ça se tapait dessus, ça s’envoyait des bourre-pif en pleine réunion…
Samuel Raymond : C’était violent. Mais ça m’a appris mon métier. Voir chacun essayer de tirer la couverture sur soi, se battre pour savoir qui présenterait l’événement. Certains n’arrêtaient pas d’essayer de doubler les autres ou de s’imposer. C’était la guerre !
Eric Morand : Les grands absents de ce moment-là, c’est la French Touch. Dès l’apparition du projet de la Techno Parade, toute cette génération, les Daft, les Sinclar, a été contactée et tous ont dit : « Ah non mais nous on n’est pas techno ». Ce n’était pas leur truc, ils n’étaient pas du tout militants…
Christophe Vix : Ils nous trouvaient déjà ringards. Ils n’aimaient pas le côté rave qui sent la gadoue. On était moins élitistes que toute cette nouvelle scène. Ils ne se revendiquaient pas de la même histoire, alors que. D’autres ont refusé de participer, des collectifs qui refusaient l’idée de défiler avec des sponsors.
« LES CANDIDATURES PAR FAX »
Guillaume Kosmicki, musicologue, spécialiste de la musique électronique et auteur de deux livres, sur les musiques électroniques et les free party) : Pour avoir le droit d’organiser une fête sur un char, il fallait payer cher. Les collectifs de free party ne pouvaient pas être en accord avec cet état d’esprit, ils venaient d’un système qui marchait sur le troc, il y avait un esprit libertaire.
Josselin Hirsch : De toute façon, on ne pouvait pas monter ça sur nos propres fonds. C’est un événement qui coûtait 1,8 million de francs, on était donc obligé de faire appel aux sponsors.
Sophie Bernard : Une fois l’événement validé, j’étais chargée de l’attribution des chars. Une vraie galère. Il fallait programmer quarante chars et respecter certaines contraintes : on devait représenter tous les styles et s’assurer que les collectifs viennent de partout en France, dans un souci de représentation. Et à l’époque, on recevait les candidatures par fax !
Samuel Raymond : On a reçu de l’aide de tout le monde. Pour la grande scène place de la Nation, ça coûtait un max. On nous a alors filé les contacts de Jean-Paul Goude pour la scénographie et on a passé une après-midi chez lui avec Sophie Bernard à discuter.
Sophie Bernard : C’était « Monsieur scénographie » en France. Je me rappelle que chez lui, il y avait plein de photos monstrueuses accrochées aux murs. J’étais tellement impressionnée que je n’ai pas décroché un mot.
Samuel Raymond : Il a fini par nous donner des éléments graphiques. Tout ça gratuitement ! C’était en mode : « Venez chez moi les jeunes ! On boit un thé, on fait des dessins, vous m’expliquez votre truc. Ah, je vois qu’on pourrait faire un truc comme ça… » Cette spontanéité était vraiment géniale !
UNE FÊTE TOUTE LA NUIT DANS UN TRAIN
Guilaume Kosmicki : Pendant toute la semaine qui a précédé la Parade, beaucoup d’événements off se sont tenus, comme des petits squats dans des lieux associatifs. Il y avait du côté de la Villette, sur le canal de l’Ourcq, une semaine d’événements techno avec un thème par soir organisé par le collectif Freaks Factory : une soirée hardcore, une soirée trance. Et puis, le grand jour avec le défilé et ces milliers de raveurs.
Christophe Crénel : M6 avait misé gros sur l’événement. Plus vite que la musique avait pour mission de couvrir la journée avec quelques directs. On a même filmé les voyageurs de l’association Zenophobia qui sont partis la veille de Toulouse, dans un train spécialement affrété par la SNCF avec des DJ à l’intérieur. Autant dire que certains étaient en grande forme quand le cortège a démarré Place Denfert-Rochereau à 14h…
Sébastien Lara, membre de l’association Zenophobia : J’ai demandé à un gars qui bossait à la SNCF : « Vous n’auriez pas un wagon qu’on pourrait aménager en club pour aller sur Paris ? » Étonnement, le mec m’a répondu que oui. Pour 150 francs, on a pris des passagers à Toulouse, Montauban et Cahors. Il y avait une cabine DJ où des platines étaient installées sur des bouées pour que le diamant des platines ne saute pas. Vers 21 heures, on a commencé à envoyer le son, les lumières et à ouvrir le bar. C’était un vrai club, quoi ! Le seul arrêt s’est fait à Limoges, vers 3 heures du matin où tout le monde est descendu sur le quai pour danser. On a dû retarder le train. On était une centaine environ, tous entre 20 et 50 ans. On a fini par arriver à Paris sur les coups de 7 heures du matin. Imaginez l’état !
Eric Morand : C’était très tendu sur le parcours, du fait de la fréquentation. La RATP aussi a morflé.
Guillaume Kosmicki : Je sortais d’un after, je n’avais pas dormi de la nuit et lorsque j’ai pris le métro pour aller à la parade du côté de Denfert-Rochereau, la rame s’est arrêtée. Il n’y avait plus moyen de continuer car les stations étaient blindées. C’était fort. Les wagons étaient remplis de teufeurs et de raveurs, et j’ai entendu la voix du chauffeur dire : « Pour cause de Techno Parade, le métro ne peut pas aller plus loin, nous vous invitons à descendre sur ce quai ». Tout le monde a commencé à hurler, c’était super.
Sophie Bernard : Une fois sur place, on a halluciné. C’était un mélange de stupeur et d’excitation absolue face à la foule qui se déplaçait. On était une petite équipe et on se rendait compte qu’on accouchait d’un gros, gros truc.
Sébastien Lara : Quand on est arrivé à la Techno Parade pour récupérer le char, on était morts ! On avait comme partenaire Chupa Chups, qui nous avait donné des tonnes de sucettes. Les personnes qui s’occupaient de la sécurité du char ont sans doute vécu les pires moments de leur vie. On arrêtait pas de jeter des sucettes aux gens et tous se jetaient sous le char pour aller en chercher… Un vrai bordel !
Josselin Hirsch : D’ailleurs, la seule plainte qu’on ait reçu après la Parade a été portée par une mère dont le fils s’était pris une sucette en pleine gueule.
(à suivre : la deuxième partie de la grande histoire de la Techno Parade)
RETROUVEZ L’INTERVIEW COMPLÈTE SUR GREENROOM
5/5
En nous proposant de parcourir plus d’un siècle de musiques électroniques, Guillaume Kosmicki réussit l’exploit d’être à la fois pointu et étonnamment clair et accessible. Il aborde parfaitement les origines savantes du mouvement (Stockhausen, Varèse, les recherches instrumentales…) et n’oublie pas pour autant les courants les plus secrets et actuels. La discographie finale vaut à elle seule de plonger dans ce livre, passionnant.
Plus de chroniques sur le site de la médiathèque
David Blot laisse la parole à Jean Rouzaud pour vous présenter la nouvelle édition du livre de Guillaume Kosmicki. Débat autour de Musiques électroniques en introduction du Nova Club.
De l’avant-garde aux dancefloors.
Avec la réédition, augmentée et complétée, de cette encyclopédie de 400 pages, l’editeur le Mot et le Reste met à l’honneur cette tentaculaire musique électronique.
L’auteur, Guillaume Kosmicki, spécialiste enseignant, avait déjà frappé avec les Free Parties, et montré son admiration pour les musiques savantes( tome 1 et 2)
Avec un index de 15 pages, bourrées de noms propres on évalue l’historique : des premiers enregistreurs, puis émetteurs et autres modulateurs électroniques pour en arriver à la danse planétaire d’aujourd’hui, quel chemin parcouru !
Un chapitre de Technologie et d’améliorations, puis de popularisation: les engins sont de bonnes bases pour créer. C’est tout le début du siècle, avec les savants fous qui bricolent des machines.
Un chapitre des précurseurs avant gardistes : Futuristes, Varèse, Stockhausen John Cage…un discours de l’auteur parfois trop respectueux, car il y eut bien des voies de garage, et de la branlette intellectuelle stupide!
Un chapitre hard d’électroacoustique : pure électronique, hauts parleurs, et sons industriels, bandes enregistrées et cassettes, puis ordinateurs, il faut s’accrocher , c’est le HARDWARE !
L’explosion des années 50 : Après la guerre tout est perfectionné et prêt. Et voilà les bruitages, musique concrète, bandes et expérimentations chiantes mais qui vont donner des idées.
Les années 70 : les musiciens reprennent le pas sur les savants et balancent la purée : Kraftwerk , Krautrock , Dub, Fusion, Progressif et Indus !!!
Les années 80 ou l’avènement : cette fois ce sont les amateurs et le public qui en veulent ! Avec les synthétiseurs c’est la ruée. Boites à rythmes, New Wave, Rap, Post Punk, Synth Pop, Electro et Body, Transe et Techno…
Les années 90 : Cette fois, les clubs s’en mêlent et les DJ’s ont du GOUT pour atteindre les foules. Garage, House, Dance, Jungle, Drum and Bass… C’est l’émergence d’un genre à part entière ?
Ces « pédagogiques chapitres » se terminent par les effets Rave et Free Parties, puis l’évolution des styles, jusqu’à des mélanges indémêlables d’influences.
L’auteur y oublie un peu le fait que souvent l’Electronique a eu – et dès le début -besoin de vrais sons de voix, cordes ou percussions pour émerger de l’informe absolu ou de l’abstrait total. Il l’évoque, mais c’est un des nœud de l’Electro… ( un des effets de surplace se produit quand les computers se donnent un mal fou à imiter cloches, violons, voix et autres cornemuses ! )
Bref pour un néophyte comme moi, pour qui les sons synthétiques ont produit 2 grands effets : la Techno BOUM BOUM, et les nappes PLANANTES,- et finalement j’aime les deux -, frénésie de percussions ou au contraire interminables glissendos, cette compilation d’infos reste un dictionnaire, une base de références.
Conclusion : toute cette technologie ne sert – en bout de course – qu’ à nous mettre dans des états d’excitation et d’euphorie, réservées jusque-là aux seules les substances chimiques actives : les drogues et alcools !...
Je me trompe ?...
Retrouvez cet article sur le site de Nova
Guillaume Kosmicki était l’invité d’Elizabeth Tchoungui sur France Culture pour une émission qui passe en revue la scène musicale allemande à l’occasion des élections législatives.
Mandaté pour ses ouvrages Free Party et Musiques électroniques, Guillaume Kosmicki analyse la scène électronique actuelle.
L’histoire des musiques électroniques a réellement commencé à être écrite sous des formes très souvent parcellaires dans les années quatre-vingt-dix, alors que le phénomène techno devait passer par l’explication de texte pour être mieux compris politiquement et socialement. Ou bien lorsque les tribulations des post-rockers les amenaient à se tourner vers le passé pour mieux se comprendre eux-mêmes. Il fallait donc un peu de distance, une bonne dose de pédagogie et aussi une implication directe dans la réalité du phénomène pour enfin aboutir à cette somme que constitue Musiques électroniques : des avant-gardes aux dance floors. Guillaume Kosmicki (un nom que les adeptes de musiques de transe peuvent même considérer comme prédestiné) était bien placé pour relever le défi.
Impliqué dans le mouvement free party, musicologue et conférencier, il avait manifestement les qualités requises, et les met d’ailleurs déjà à profit dans son activité d’orateur à l’agenda bien étoffé. Il prend les choses par le bon bout et assoie sa dense synthèse sur un plan sans doute éprouvé lors de multiples explications à voix haute. Il stabilise en préliminaire une définition tout à fait limpide des musiques électroniques, puis en sape littéralement les fondements le paragraphe suivant pour mieux en éclairer la multiplicité. Vient ensuite une longue partie sur la révolution technologique, partie qui ne pouvait
pas être plus judicieuse pour aborder d’entrée de jeu le nerf de la guerre, ou plutôt le choix des armes sur le champ de bataille. Se déploie enfin le long déroulé chronologique des styles et des pratiques musicales constituant cette grande histoire. Les futuristes italiens, la musique concrète, les DJ, le hip-hop, en passant par la popularisation du son électronique et par d’autres subdivisions moins balisées, l’affaire est rondement menée. Guillaume Kosmicki fait preuve de la précision, de la justesse et de l’esprit de synthèse qui étaient nécessaires pour faire tenir en quatre-cent pages une histoire très riche et
aux ramifications qui souvent s’ignoraient les unes les autres. Il apporte surtout au fil de son récit des clés de compréhension étayant l’ensemble
de l’édifice. On notera par exemple son bel éclairage de musicologue sur l’importance du timbre dans la musique occidentale, un aspect qui est rarement abordé dans ce type d’ouvrage. Voici donc sans doute la première véritable histoire des musiques électroniques, parce que particulièrement complète et bénéficiant du recul nécessaire d’un «praticien-chercheur ».
Jeudi 23 août 2012, Guillaume Kosmicki était invité à l’émission Le Grand Bain consacrée à la techno pour répondre à la question : “La techno est-elle devenue une musique officielle?”
Guillaume Kosmicki, musicologue, était déjà intervenu dans L’Atelier du Son, pour donner quelques repères au sujet d’Hakim Bey, des Zones autonomes temporaires et de ses “Sermons radiophoniques”. Quelques minutes seulement. On s’était promis de le réinviter, en prenant plus de temps, pour revenir sur la somme qu’il a fait paraître il y a quelque temps et qui est sur le point d’être rééditée : Musiques électroniques, des avant-gardes aux dance floors (éd. Le Mot et le Reste). C’est ce qu’on fait – enfin – ce soir.
La clarté, voilà la vertu de ce livre. En questionnant l’effet de l’impulsion électrique entrée dans le champ du sonore, Guillaume Kosmicki établit des passerelles (entre les genres, entre les individus et entre les périodes) et donne à voir la marche de la création sonore et musicale au XXe siècle. Un des mouvements du livre est de montrer comment la part de l’expérience et de la recherche glisse progressivement vers l’expression musicale populaire. Et que de Varèse au sample hip-hop, il y a des liens. Que de Dada au drone, on peut tracer une ligne. Que Fluxus et Kraftwerk ne sont pas si éloignés.
Bien sûr, Guillaume Kosmicki ne fait pas l’impasse sur les traces de l’époque dans l’expression sonore et musicale : effets de ruptures, de provocation, introduction du bruit du monde dans les partitions… Pour arriver à la période actuelle, marquée par les reprises, les croisements, les hybridations, le partage, la fête. Jusqu’à aujourd’hui, où il annonce que nous sommes ”à une période charnière” : “le calme avant la tempête”.
Ce soir, nous vous proposons une bande originale possible de “Musiques électroniques, des avant-gardes aux dance floors”, commentée avec l’auteur, évidemment.
De la fin du XIXe siècle (premiers sons gravés) au milieu du suivant (essor de l’informatique), les avancées technologiques ont révolutionné notre art de l’écoute. Les musiques électroniques voient en effet le jour, que Guillaume Kosmicki définit comme « reposant sur des sons d’origine acoustique ou de synthèse sonore, traités (réverbération, filtrage, transposition, etc.) puis enregistrés sous forme d’un signal analogique ou numérique (ou enregistrés puis traités), et destinés à être amplifiés puis retransmis par le biais de haut-parleurs ».
L’auteur suit les étapes d’une aventure d’abord liées aux sciences. L’une des premières est le brevet du Phonographe déposé en 1878 par Thomas Edison – pour qui la conservation de la musique n’est pas une priorité. Moins de dix ans plus tard, le Gramophone d’Émile Berliner rejette le cylindre au profit du disque. Puis apparaissent le premier instrument électrique (autour de 1905), l’enregistrement avec micro – dont certains chanteurs de variété sauront tirer partie –, le support magnétique puis numérique.
Toutes ces découvertes permettent désormais artifices (trucage d’une voix lyrique, résonnance d’une cloche dépourvue d’attaque, invention ircamienne d’un gong d’un kilomètre de diamètre, etc.) et créations. Après la conquête du timbre et de la dissonance par les romantiques, les compositeurs vont fouiller plus avant la matière sonore, que se soit Varèse avec le Theremin Vox, Cage avec deux tourne-disques, Stockhausen avec un hélicoptère, etc.
Entamées sur les dissensions musique concret / elektonische musik, les années cinquante permettent à la musique populaire de conquérir l’électro-acoustique. La seconde partie du livre évoque ces courants aux différences de plus en plus subtiles – jazz fusion, krautrock, gansta rap, cold wave, acid house, downtempo, dubstep, etc. –, intégrant guitares saturées, scratches et synthés. Ici comme souvent, économie et sociologie éclairent les émergences artistiques.
Félicitons l’auteur (spécialiste du phénomène techno et de sesfree parties qui dérangent…) pour cette traversée passionnante et lucide d’un siècle qu’enrichissent aussi bien Reich et Ligeti que stars de la Motown et DJ de Jamaïque. La formule est souvent galvaudée, mais pour qui souhaite un panorama exhaustif des avant-gardes aux dance floors, richement illustré, son ouvrage est indispensable.
Dans son émission du 15 octobre, Stéphane recevait Guillaume Kosmicki pour parler d’Hakim Bey, de raves et de musiques électroniques.
Lien permanent pour réécouter l’émission
Dans la deuxième partie de l’émission, le musicologue Guillaume Kosmicki revient sur les Sermons radiophoniques d’Hakim Bey, qui paraissent aux éditions Le Mot et le Reste et dont il signe l’introduction. Hakim Bey, théoricien américain, inventeur du concept de “Zones d’autonomes temporaires”, explique ici “l’immédiatisme”, ou l’art comme jeu quotidien. Guillaume Kosmicki explique en quoi la parole d’Hakim Bey entre en écho avec les free parties et la musique électronique.
L’Atelier du son
Lien permanent sur le site de Guillaume Kosmicki
*Agents d’entretiens, le portail d’interviews pour balayer les idées reçues, a interrogé Guillaume Kosmicki.
Extraits*
Enseignant et conférencier, Guillaume Kosmicki est un spécialiste des musiques électroniques, dont les deux ouvrages parus sur la question (Musiques électroniques – Des avant-gardes aux dance floors et Free parties – Une histoire, des histoires) font figure de références pour tous les aficionados de ce courant musical si intimement lié à la fête. De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas que l’enseignant franchit volontiers en troquant sa tenue de conférencier pour celle de DJ Tournesol, son pseudo une fois la nuit tombée. En cette période estivale qui voit fleurir comme des champignons magiques les plus gros festivals de musiques électroniques, il était donc de rigueur de faire un tour d’horizon sur la techno d’hier, d’aujourd’hui et de demain, afin de mieux comprendre l’engouement exponentiel pour ce mouvement qui se veut d’abord libertaire. En piste !
À quelle période les premières musiques dites électroniques sont-elles apparues ?
Tout dépend de ce que l’on entend par “musiques électroniques”. Historiquement, la première fois que l’on a utilisé le terme, c’était en 1951, à Cologne, en Allemagne, dans le laboratoire de la WDR, à propos d’une musique entièrement réalisée à partir de synthétiseurs. Le projet était initié par l’universitaire Herbert Werner-Eppler, le technicien Robert Beyer et le compositeur Herbert Eimert. Ils ont vite été rejoints par de nombreux autres compositeurs, comme Karlheinz Stockhausen en 1952, puis Henri Pousseur et Karel Goeyvaertz en 1954. Le projet a essaimé ensuite dans de nombreux autres pays, comme en Italie en 1955, au studio de la RAI à Milan, avec Luciano Berio, Bruno Maderna et Luigo Nono. Inutile de préciser que les musiques qui sortaient alors de ces studios, reposant sur des processus compositionnels très savants et souvent inspirés par le sérialisme intégral alors en vogue chez les compositeurs d’avant-garde, étaient très éloignées de la techno et de la house. Mais, d’un point de vue technologique, on pourrait aussi dans l’absolu parler de musiques électroniques, à partir du moment où l’on a commencé à utiliser des instruments reposant sur des nouvelles lutheries en appelant à l’électricité. Les premiers essais sont le Télégraphe musical d’Elisha Grey en 1876, le Dynamophone de Thaddeus Cahill en 1905, l’Audion piano de Lee de Forest en 1915 (l’inventeur de la triode, et donc de l’amplification d’un signal sonore), puis le ThereminVox de Léon Theremine en 1920. Dès lors, les nouvelles inventions ne vont cesser d’apparaître dans les années qui suivent, et de nombreuses œuvres de compositeurs vont intégrer ces instruments, et parfois reposer entièrement sur leur utilisation (que l’on pense par exemple à des œuvres d’Olivier Messiaen sur Ondes Martenot, ou à celles de Paul Hindemith et d’Oskar Sala sur Mixturtrautonium). L’utilisation de ces nouvelles lutheries a commencé à se généraliser dans tous les genres musicaux à la fin des années 1960, au moment où elles se sont multipliées et vendues à grande échelle (synthétiseurs Moog, puis Arp, Oberheim etc.). Au-delà des musiques savantes, le rock, le jazz, le funk, la soul et bien d’autres genres les ont alors adoptées sans discontinuer. On parle en effet couramment de “techno rock” dans les années 1970 ou d’“electro-pop” dans les années 1980.
La musique électronique englobe aussi l’utilisation de l’enregistrement, non plus comme support de reproduction sonore, mais comme outil de création musicale. Au-delà du précurseur John Cage, qui a utilisé des platines de tourne-disques dans une œuvre dès 1939, les expériences ont été nombreuses à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme la musique concrète de Pierre Schaeffer en 1948 (rejoint par Pierre Henry en 1949) ou les premiers gestes virtuoses des disc-jockeys jamaïcains à la même période, qui transformeront ce personnage en un véritable acteur musical. Les studios d’enregistrement deviennent des véritables espaces de création à la même période. Finalement, ce que l’on appelle aujourd’hui “musiques électroniques” ne se concentre que sur des musiques apparues autour de 1985, au moment où se sont très largement démocratisées les nouvelles technologies musicales, avec l’apparition du concept de “home studio”, permis par l’utilisation d’une nouvelle norme de communication entre les différents instruments, permettant de les synchroniser (le MIDI), et les premières possibilités de l’informatique musicale. Et encore, on ne parlait pas de “musiques électroniques” mais de musiques “techno” et “house”. Le terme ne s’est imposé qu’en 1995–96 en France, alors que la rave avait très mauvaise presse et qu’il fallait, pour certains organisateurs, donner des lettres de noblesse à ces musiques. Ainsi, en utilisant cette définition générique, on rattachait artificiellement cette electronic dance music à une longue tradition historique. On a vu sortir dans la presse d’énormes raccourcis comme celui qui veut que Pierre Henry soit “le grand-père de la techno”. Le lien réel qui existe entre toutes ces musiques est la technologie, et c’est surtout ce qu’il faut en retenir. Il y a aussi la tendance générale de musiques reposant sur le timbre plus que sur d’autres paramètres. (...)
Pour consulter l’intégralité des échanges avec Guillaume K. sur les musiques électroniques et les free parties :
Agents d’entretiens
Voici une série de trois émissions où l’on met l’ouvrage de Guillaume Kosmicki en confrontation avec des morceaux issus de l’Anthology of Noise & Electronic Music en 6 volumes parue sur le label belge Sub Rosa…
A écouter absolument !
émission 1
émission 2
émission 3
Un musicien free universitaire…
On a découvert Guillaume Kosmicki avec la sortie d’un des meilleurs ouvrages écrits sur la musique électronique (et en passionné, on peut dire qu’on en a lu un paquet…) : Musiques électroniques, des avant-gardes au dancefloor. Il tentait d’y définir les musiques électroniques à partir de la naissance de l’enregistrement et du changement d’esthétique basée non plus sur la hauteur des notes mais sur le timbre, sur la matière sonore. On avait apprécié que dans cet ouvrage, musiques populaires et musiques dites « savantes » aient une place identique. Le musicologue parlait aussi bien de Ligeti, de Fluxus, de musique électro-acoustique, de musique répétitive, que de krautrock, de house ou de techno… On avait apprécié cette grande ouverture d’esprit à toutes les musiques ainsi que l’approche historique et universitaire qui reste à chaque chapitre parfaitement accessible.
Musicologue, conférencier et universitaire, Guillaume Kosmicki est aussi musicien. Membre du collectif öko system, groupe punk/electronique marseillais, il a également participé de près à la scène des free parties et des teknivals. Il continue d’ailleurs de se produire sous le nom de Tournesol dans des événements alternatifs, des free parties ou des squats, dans un registre moins hardtek/hardcore qu’à ses débuts mais plus techno acid et dancefloor. On a lu qu’il avait fait ses études de 2ème et 3ème cycle en courant « les raves, les free parties et les teknivals équipé d’un appareil photo, d’un carnet de notes et d’un magnétophone pour recueillir des témoignages » … On a donc été que peu étonné en voyant le titre de son nouvel ouvrage, paru lui aussi chez Le Mot et le Reste, éditeur, qui comme Allia, propose désormais une collection impressionnante d’ouvrages musicaux de qualité.
La free party appréhendée à travers les témoignages
Free Party, une histoire, des histoires. Et c’est d’abord la première chose qui frappe à la lecture de ce livre. S’il est synthétique car il regroupe une multitude de témoignages en un même ouvrage, ce livre ne cherche pas à synthétiser, à circonscrire l’histoire du mouvement des free parties dans une seule voix. Guillaume Kosmicki a en effet choisi de présenter son livre sous forme d’une quarantaine de témoignages d’acteurs de ce mouvement. Dans le registre rock, on pense à Please Kill Me qui donnait à lire les différentes voix du punk new yorkais. On pense aussi dans un registre plus sociologique aux ouvrages de Studs Terkel, écrivain américain rassemblant des témoignages divers et nombreux sur le concept de race ou sur la Grande Dépression. Studs Terkel voulait écrire une « histoire orale » de la Grande Dépression. On pourrait dire que l’ouvrage de Guillaume Kosmicki souhaite délivrer une « histoire orale de la free party » .
Free party mur
Guillaume Kosmicki y donne la parole à des acteurs très divers : des membres de la Spiral Tribe, le mythique collectif anglais, d’autres des sound-systems français OKP, Teknocrates, les Galettes Bretonnes, Tomahawk ou Heretik, d’autres de Penguins Records, du label Kanyar, les fondateurs du webzine Defcore, celui de CRS (Cirkus Road System) – collectif de performances artistiques -, de Full Vibes, de Facom Unit, l’instigateur de la radio l’Eko des Garrigues, des travellers ou teufeurs plus anonymes, pour n’en citer que quelques uns. On reconstruit donc progressivement ce qui s’est passé à travers ces témoignages, parfois concordants, parfois opposés.
Ces témoignages recueillis, Guillaume Kosmicki a ensuite décidé de les découper, de les réorganiser autour de thèmes, évènements, histoires d’un sound-system particulier : le teknival de Millau, le label Kanyar, les premières expériences de rave, le collectif des teknocrates, le chill out, la scission rave/free party, les drogues, la musique jouée… etc. Chaque sous-chapitre est ainsi raconté par diverses voix qui défendent parfois des avis différents. La partie sur les raves vs free parties donne ainsi à entendre la voix de la Tribu des Pingouins à l’origine d’une des plus grosses raves (entendez payante) du sud de la France, Borealis, celles des teufeurs qui passent des free (entendez sur donation) aux raves sans distinction, d’autres qui pestent quand le public de ravers débarque dans les free… Et la force du livre est de ne pas hiérarchiser ces différents témoignages mais de leur laisser à tous une place équivalente « à l’image de l’utopie de la free party » ainsi que le suggère la quatrième de couverture.
NO SACEM INSIDE
Free par NeSs’tahLe livre se découpe en trois parties distinctes : La découverte, Franchir le pas, Et après…, mais est aussi complété par une chronologie détaillée qui permet de remettre tout ce qu’on a lu dans l’ordre et de replacer les faits marquants (prémisses, développements du mouvement, les teknivals qui ont fait date, la création de certains sound-systems, ou les « décisions politiques et législatives ayant des conséquences sur l’évolution du mouvement » ). Suivent aussi une bibliographie, une « webographie » , plusieurs photos couleurs de différents teknivals, sound systems, etc. On notera aussi l’utilité du glossaire pour qui n’est pas forcément familier de la différence entre sound-system (système de sonorisation mobile complet, véhicule qui le transporte et personnes qui s’en servent), teknival ( « Free party géante de plusieurs jours regroupant plusieurs sound-systems à l’invitation de l’un deux ») ou free party ( « fête techno clandestine et sur donation (…) libre sur les conditions d’accès »)…
Et comme l’histoire des free est aussi une histoire musicale, Guillaume Kosmicki a choisi de glisser un disque à la fin de son ouvrage afin de donner un aperçu sonore des différents musiciens, des divers styles et des différentes époques de la free party. On notera que le disque, en accord avec les principes des acteurs de la free party, ne contient que des morceaux non déclarés à la SACEM.
Des histoires individuelles
Les trois parties de l’ouvrage permettent de recentrer les propos autour de grandes lignes directrices. La découverte retrace pour chacun des acteurs cette rencontre émotionnelle souvent puissante avec la tekno et la free party. On y sourit en lisant ces parcours divers qui ne se ressemblent pas : de Marko qui découvre le son acid une nuit sur France Culture à Benji qui vient de la mouvance rock’n roll et qui voit impuissant ses amis un à un « tomber dans la techno », de CCil et son « déclic » pendant le nouvel an 94 à Berlin avec les Spiral Tribe à Josy d’origine antillaise qui suit un pote lui ayant affirmé « Il y a deux mille blancs qui dansent dans un entrepôt » et qui ne peut en croire ses oreilles… Une des réussites de ce chapitre, c’est que sont juxtaposés les témoignages de différentes époques : les paroles des teufeurs « première génération » sont mélangées avec les récits d’une découverte de la tekno par de nouveaux adeptes plus d’une décennie plus tard. On y retrouve pourtant beaucoup de points communs. Pour autant, tous ne viennent pas pour les mêmes raisons, tous ne partagent pas les mêmes valeurs, mais qu’importe, car comme le rappelle l’un des témoignages : « free », ça ne veut pas dire « gratis » mais « libre » . La variété des aspirations des acteurs de cette contre-culture l’illustre constamment.
Free
Dans la deuxième partie du livre, Franchir le pas, Guillaume Kosmicki rassemble les témoignages de ceux qui s’engagent le plus souvent corps et âmes dans l’aventure. Autrefois simples teufeurs, ces individus deviennent à leur tour acteurs des free parties. La tekno les a amenés à ce basculement « plus ou moins rapide et plus ou moins radical » . Certains restent sédentaires, mais la plupart prennent la route et deviennent des travellers ou plus exactement des « tekno travellers ». Ils sillonnent l’Europe et parfois le monde entier pour organiser des free un peu partout. Certains « appartiennent » à un sound-system, d’autres évoluent en « électrons libres » . Certains ont déjà des enfants qu’ils emmènent avec eux. D’aucuns vivent en communautés nomades, d’autres dans des squats. Tous ont cependant choisi une vie sans confort et loin des valeurs du consumérisme.
habiter-le-nomadisme-exemple-habitat-mobile-travellers-mouvement-techno3Dans la dernière partie du livre, Et après, on retrouve nos travellers, ravers et free parteux à un moment différent de leurs existences : désillusion pour certains, mais surtout activisme encore pour la plupart d’entre eux. Même si les actions ont souvent changé. D’aucuns montent des sound-systems sédentaires, d’autres quittent l’Europe et partent avec leurs camions sur d’autres continents, d’autres encore s’inscrivent dans un mouvement plus général de squat artistique (voir l’excellent chapitre sur « La Villa » rennaise et L‘élaboratoire). Les Rennais y découvriront aussi le parcours d’un disquaire aux oreilles sans angle mort, ou celui de sound-systems bretons nés après « la loi » (2001, l’amendement Mariani impose aux organisateurs des free parties une déclaration préalable en préfecture sous peine de saisie de matériel) mais qui existent et alternent fêtes légales et illégales.
Pourtant, note Guillaume Kosmicky, « si diverses soient-elles, bien des voies choisies par les acteurs de la free au sortir de cette période de leur vie sont pour eux une suite logique de leur investissement et (…) ils y retrouvent les valeurs auxquelles ils ont adhéré » . On suit ces voies et ces parcours avec un intérêt grandissant au fil des pages, heureux d’appréhender cette réalité par des voix multiples, différentes, qui donnent toute son épaisseur à ce mouvement complexe.
Alors, la free party, une histoire ? Non, résolument, des histoires.
alter1fo.com
Matinée festive autour des Musiques Electroniques. Guillaume Kosmicki nous dévoile l’histroire, les évolutions techniques, sociologiques et musicales du XX siècle. Passionnant son livre est, passionnante l’émission fut. En plus, on a fait les auditeurs dancer dès 8h du mat ! De quoi se réchauffer en ce début d’année plongé dans la grisaille hivernale…
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L’histoire des musiques électroniques a commencé depuis longtemps à être écrite mais sous des formes très parcellaires. D’abord dans des ouvrages spécialisés dans lesquels un ou plusieurs chapitres portaient sur les compositeurs de « musique savante » s’appuyant sur les technologies nouvelles. Puis dans un domaine plus « grand public » à partir des années quatre-vingt-dix dans des magazines (Coda, Trax…) et ouvrages (Techno rebelle d’Ariel KYROU notamment) alors que le phénomène de la Techno devait passer par l’explication de texte pour être mieux compris politiquement et socialement (et pour y gagner une certaine légitimité). Parallèlement aussi, les tribulations des post-rockers amenaient à se tourner vers le passé pour mieux comprendre un mode de création de plus en plus lié à la technologie mais qui faisait toujours la part belle à l’instrumental.
Il fallait donc un peu de distance, une bonne dose de pédagogie et aussi une implication directe dans la réalité du vaste phénomène des « musiques électroniques » pour enfin aboutir à cette somme que constitue Musiques électroniques: des avant gardes aux dance floors. Guillaume KOSMICKI (un nom que les adeptes de musiques de transe peuvent même considérer comme prédestiné) était bien placé pour relever le défi. Impliqué dans le mouvement free party, musicien sous le nom de TOURNESOL et impliqué dans le collectif OKO SYSTEM, musicologue et conférencier, il avait manifestement les qualités requises et il les mettait d’ailleurs déjà à profit dans son activité d’orateur à l’agenda bien étoffé.
Guillaume KOSMICKI prend les choses par le bon bout et assoie sa dense synthèse sur un plan sans doute éprouvé lors de multiples explications à voix haute. Il stabilise en préliminaire une définition tout à fait limpide des musiques électroniques, puis en sape littéralement les fondements le paragraphe suivant pour mieux en éclairer la multiplicité. Vient ensuite une longue partie sur la révolution technologique, partie qui ne pouvait pas être plus judicieuse pour aborder d’entrée de jeu le nerf de la guerre, ou plutôt le choix des armes sur le champ de bataille (bandes magnétiques, synthétiseurs, samplers, home studio…).
Se déploie enfin le long déroulé chronologique des styles et des pratiques musicales constituant cette grande histoire. Les futuristes italiens, la musique concrète, les DJ, le hip-hop, en passant par la popularisation du son électronique. Mentionnons au passage le sous chapitre « Radio, cinéma, électronique et bruitages » (1950 1980) qui fait défiler les expérimentations de, entre autres, Joe MEEK, VANGELIS, Pierre HENRY, Giorgio MORODER… Chaque chapitre présente des subdivisions et autant de sous-genres. Citons en une poignée: Tape Music, Disco, Funk, Electronic Body Music, Techno de Détroit, Trance Goa, Dubstep…
Guillaume KOSMICKI fait preuve de la précision, de la justesse et de l’esprit de synthèse qui étaient nécessaires pour faire tenir en quatre cent pages une histoire très riche et aux ramifications qui souvent s’ignoraient les unes les autres. Ainsi évidemment chaque tribu pourra reprocher au livre de ne pas assez détailler son pré-carré mais chacune pourra aussi connaître l’essentiel sur les autres. L’auteur apporte surtout au fil de son récit des clés de compréhension étayant l’ensemble de l’édifice. On notera par exemple son bel éclairage de musicologue sur l’importance du timbre dans la musique occidentale, un aspect qui est rarement abordé dans ce type d’ouvrage. Voici donc sans doute la première véritable histoire des musiques électroniques, parce que particulièrement complète et bénéficiant du recul nécessaire d’un « praticien chercheur ».
(...)
Félicitons l’auteur (spécialiste du phénomène techno et de ses free parties qui dérangent…) pour cette traversée passionnante et lucide d’un siècle qu’enrichissent aussi bien Reich et Ligeti que stars de la Motown et DJ de Jamaïque. La formule est souvent galvaudée, mais pour qui souhaite un panorama exhaustif des avant-gardes aux dance floors, richement illustré, son ouvrage est indispensable.
Ce livre est une de ces bonnes surprises, qui, de loin en loin, nous tombent dans les mains, pour y rester fermement amarrées au fil des pages.
Cette étude, à l’heure des petites spécialités positives étriquées, peut sembler être de la démesure, dans l’ambition d’un auteur solitaire, qui a pourtant atteint son but.
Le sujet est immense, puisque l’électronique c’est l’amplification, la duplication mécanique par l’enregistrement, le retraitement et la modification des sons, elle permet de créer des instruments réels et virtuels, aux timbres nouveaux, mais encore, les ordinateurs sont aussi des outils utiles à la pensée musicale, ce qu’on appelle la musique assistée par ordinateur. Les ordinateurs familiaux d’aujourd’hui peuvent être des studios de production sonore extrêmement complets et performants.
Les compositeurs des musiques dites savantes utilisent abondamment l’électronique, mais depuis longtemps déjà, ce sont les ingénieurs du son, qui, par le disque, donnent un « son » au répertoire plus ancien. On sait aussi comment Glenn Gould montait ses enregistrements à partir de nombreuses prises, parfois de quelques mesures. C’est aussi les Ondes Martenot, ou la thérémine (théréminovox ou « antenne chantante », de Lev Thérémine)
L’électronique c’est le Rock, le son saturé, le larsen de Jimi Hendrix, le son du piano Rhodes Fender et de l’orgue Hammond, le mini Moog (ah ! Emerson Lake & Palmer !), le mélotron (un court temps chez Michel Polnareff), mais c’est aussi en plein, le disco, la techno, le rap, hip-hop, tout l’art des D’js, et une incroyable multitude des styles et variantes.
Guillaume Kosmicki fait preuve d’un bel esprit encyclopédique, qui n’a rien à voir avec le ramassage wikipédien. Tout le livre est traversé par l’engagement des idées personnelles, qui rendent ce livre attachant, même si nous ne partageons pas nombre d’entre elles. Il sait aller chercher les informations utiles à son projet, mais aussi les problématiques.
Ainsi, part-il de l’idée de la préoccupation des musiciens pour le son, le timbre, bien avant qu’ils aient pu penser à quelque chose comme les moyens de l’électronique. Il perçoit les premiers signes de cette préoccupation chez Beethoven, on peut le contester. Mais il est vrai que les choix instrumentaux de Beethoven sont singulièrement et difficilement interchangeables. Désintérêt ou condition d’emploi des compositeurs ?
Peut-être encore n’est-on pas ici au meilleur des sources pour ce qui concerne Joseph Sauveur (le premier acousticien moderne), ou encore dans la vision d’un XVIIIe siècle musical vissé comme un seul homme derrière les conceptions harmoniques de Jean-Philippe Rameau, où il faudrait faire une bonne part aux critiques et au bon sens de Jean-Jacques Rousseau.
Guillaume Kosmicki écrit bien, et réalise le tour de force de présenter clairement et très pédagogiquement cette jungle, en une succession judicieuse, de courts paraphes bien cernés.
Un musicologue au nom prédestiné retrace l’histoire des musiques électroniques. Ou plus exactement, l’histoire des musiques du XXème siècle à l’aune des innovations technologiques. Très pédagogique, très complet, mais sans doute davantage pour le grand public et les néophytes que pour les fans de musique. Et avec quelques approximations et racourcis dommageables à force de vouloir parler de trop de choses.
Il fait peur, le sous-titre de ce livre. En lisant sur la couverture la mention “Des Avant-Gardes aux Dance Floors”, on craint que cette histoire des musiques électroniques voudra nous expliquer qu’il y aurait un continuum entre les expériences de Stockhausen et la techno triomphante des années 90, que cette dernière serait le rejeton direct et légitime de ces dernières.
Mais non. En fait, c’est même tout le contraire. Guillaume Kosmicki, musicologue de son état, rappelle à plusieurs reprises à quel point les formules journalistiques façon “Pierre Henry, grand-père de la techno” avaient tout faux, en quoi elles inventaient une filiation erronée entre deux mondes qui se sont longtemps ignorés.
L’histoire racontée par Guillaume Kosmicki est en fait bien plus vaste. Elle ne parle pas que des musiques électroniques au sens où on l’entend usuellement, c’est-à-dire des genres nés des explosions techno et house de la fin des 80’s. Elle ne se contente pas de traiter des musiques électroniques stricto sensu, qu’elles soient populaires ou savantes. Non, ça va bien au-delà. L’auteur parle en fait de toutes les transformations que la technologie et les nouvelles techniques d’enregistrement ont fait subir à la musique, sans jamais exagérer les liens de parenté entre les différents genres.
C’est donc quasiment toute la musique de la deuxième moitié du XXème siècle qui défile, y compris le jazz, ou le rock, quand il s’agit d’expliquer ce que ces genres ont dû à l’amplification et aux nouvelles techniques de manipulation du son, ou de détailler les expériences auxquelles ils se sont adonné. L’auteur remonte même plus loin, jusqu’à Beethoven, jusqu’à des compositeurs anciens restés fidèles à la lutherie occidentale classique, mais qui, par leurs prémonitions, ont annoncé les innovations formelles systématisées et popularisées plus tard par les musiques électroniques.
En effet, Kosmicki parle de tout. Il va même au-delà de son cœur de métier, la musique et la musicologie, en frôlant les sujets sociologiques liés à l’émergence du phénomène rave, en parlant longuement des travellers et de leurs préceptes, en abordant des questions de législation.
De fait, comme pour l’ensemble des livres de la collection Formes, celui-ci fait preuve avant tout de pédagogie, préférant l’explication à la polémique, adoptant un point de vue consensuel plutôt que de défendre des thèses. Ce livre, l’auteur aurait pu le sortir chez Que-Sais-Je? s’il avait écrit moins de pages, ou le nommer La Musique Electronique pour les Nuls, puisqu’il s’emploie à faire le tour du sujet, à ne surtout rien laisser de côté.
C’est le grand avantage de l’ouvrage, mais c’est aussi son gros défaut. L’auteur a voulu compiler une somme, mais à force de vouloir tout traiter, il reste parfois superficiel. Tout est traité, mais vite. Dans les passages consacrés au rock, notamment, les étiquettes valsent de façon un peu aléatoire et approximative, quand Bowie et les Talking Heads se retrouvent catalogués prog rock, quand Suicide se voit qualifié de groupe no-wave, tant et si bien qu’on a parfois l’impression de lire cette encyclopédie très grand public et bien imprécise qu’est le Quid.
Dominent aussi des partis-pris un peu léger, par exemple quand Kosmicki rejette ABBA et Boney M dans le même bain d’une disco dégénérée. Apparaissent également les traces d’un certain romantisme de gauche qui conduit l’auteur à parler constamment de “récupération”, quand le terme “popularisation” conviendrait tout autant, ou à décrire avec exagération ces musiques comme le produit de la noirceur des ghettos, ou de la dureté des libéralismes thatchérien et reaganien.
Aussi, à force de vouloir tout passer en revue, le livre prend le risque de ne contenter personne, d’être trop complet et touffu pour les néophytes, mais de ne pas apprendre grand-chose aux amateurs de ces musiques. Parce qu’il privilégie les artistes représentatifs des différents genres qu’il aborde, Kosmicki ne leur fera rien découvrir.
Cependant, il devient nettement plus captivant quand il déploie tout son savoir de musicologue pour expliquer en quoi les musiques électroniques, les savantes comme les populaires, ont renouvelé les formes et les axes de réflexion de la musique occidentale, quand il détaille quelles sont, d’un point de vue formel, leurs originalités et leurs grandes spécificités. Ce sont dans ces détails techniques, mais toujours exposés de manière claire et didactique, que réside une bonne part de l’intérêt de cet ouvrage.
Un ouvrage recommandable, donc, même si le grand public devra se faire aux listes de noms et de références étalées à l’envie en témoin, sans être vraiment creusées. Et même si pour les connaisseurs, ce Musiques Electroniques prendra parfois l’allure d’une longue révision.
Avec cet ouvrage, Guillaume Kosmicki (nom prédestiné ou pseudonyme ciblé ?) livre une étude de fond sur un thème qui n’avait été jusqu’à présent qu’abordé par la bande dans de précédents ouvrages des éditions Le Mot et le Reste (L’underground musical en France , par exemple, chroniqué sur notre site). L’auteur maîtrise assurément son sujet, et ses nombreuses considérations musicologiques sont généralement bien expliquées. Le livre n’en est pas moins relativement exigeant, présentant un foisonnement d’expérimentations et d’œuvres assez étourdissant ; l’ajout d’un CD proposant une sélection de morceaux évoqués aurait sans doute été utile (avec le problème du surcoût ainsi engendré), ou à défaut la mise à disposition d’extraits sur un site créé pour la circonstance…
Guillaume Kosmicki insiste en tout cas très bien sur le lien consubstantiel existant entre ces musiques électroniques et les progrès technologiques opérés depuis les débuts de l’ère industrielle, progrès auxquels un chapitre préalable est consacré. Sont ainsi explorés les améliorations des techniques d’enregistrement et la création de nouveaux instruments électriques, parmi lesquels le Theremin soviétique, les Ondes Martenot, l’orgue hammond, la guitare électrique ou le vocoder dans l’entre-deux-guerres. L’accélération postérieure au second conflit mondial est ensuite sensible, avec dès les années 50 les premiers pas du numérique et de l’informatique musicale. Les années 60 semblent marquer un tournant essentiel, vers une popularisation croissante de ces techniques ou instruments initialement élitistes, à travers les synthétiseurs en particuliers (dont le Moog ou le Yamaha DX7, premier synthétiseur numérique en 1983). L’apparition du home studio et du sampler dans les années 80, puis des formats compressés tel le MP3 dans la décennie suivante, sont d’autres révolutions majeures.
Les chapitres ultérieurs sont thématico-chronologiques, avec en guise de fil conducteur l’idée conjointe d’une diversité des musiques électroniques et d’un intérêt commun pour la technologie et l’étude du son (1). Si des compositeurs comme Beethoven ou Bartok s’intéressèrent déjà au timbre, c’est surtout au XXème siècle que la définition traditionnelle de la musique est bouleversée, la stricte séparation entre son et bruit étant remise en question par les futuristes ou par ce précurseur majeur qu’est Edgar Varèse (2). Satie, Antheil, Mossolov ou ces avants-gardes artistiques que sont les dadaïstes et l’Internationale lettriste participent eux aussi de l’élaboration d’une musique véritablement industrielle, tant « L’homme se sert de l’art pour dire son milieu » (p.71). Après la Seconde Guerre mondiale, deux courants parallèles, appuyés sur de véritables laboratoires, marquent une évolution supplémentaire de ces recherches sonores : celui de la musique concrète avec Pierre Schaeffer et Pierre Henry, et celui de la musique électronique influencée par le sérialisme (avec la figure surplombante de Stockhausen). Ils se rejoignent finalement à la fin de la décennie dans la musique dite électroacoustique, active aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, d’où émerge la musique minimaliste. Ces dissidences musicales entretiennent d’ailleurs des liens avec l’engagement politique. Ainsi, dans les années 60, de ces figures de l’école minimaliste, la féministe Pauline Oliveros et Steve Reich, défenseur de la lutte des noirs.
Les années 60, justement, sont celles de l’essor du travail en studio des musiciens rock et pop, après les efforts précurseurs de Les Paul sur l’utilisation des pistes de magnétophones et les innovations de certaines musiques de films (le classique de la science-fiction Planète interdite , par exemple) ; la popularisation des musiques électroniques ne va dès lors plus cesser. On doit ici citer les œuvres des Beatles, bien sûr, des Beach Boys ou de Jimi Hendrix. S’intéressant à d’autres formations, Guillaume Kosmicki insiste au passage sur le duo new-yorkais Silver Apples, « premier groupe purement électronique de l’histoire » (p.159). Avec la décennie 1970, c’est l’explosion tous azimuts : le dub de Jamaïque ; le jazz fusion avec Miles Davis et Herbie Hancock ; le krautrock ; l’ambient lancée par Brian Eno ; l’indus, héritier du futurisme et proche du punk ; le funk, et la disco en particulier, de par son influence rythmique et sa naissance au sein des communautés afro-américaine et homosexuelle.
Les années 1980 voient ensuite l’émergence du hip hop et du rap, avec une charge révolutionnaire dans ses débuts (Public Enemy, Wu-Tang-Clan), ainsi que de la new wave, le post punk (Talking Heads), et l’électro-pop, jugée essentielle dans l’évolution des musiques électroniques (Depeche Mode, New Order, Art Of Noise), tout comme son contraire, l’electronic body music (Front 242). Les deux derniers chapitres sont tout entier consacrés à la house et à la techno, nés au milieu des années 80 aux Etats-Unis, dans les ghettos de Chicago et de Détroit, résultant d’un métissage continu des styles favorisée par les techniques du mix et du sample, avec un essor et un succès surtout concentrés en Europe. A chaque fois, le constat est clair : la dimension underground de la plupart de ces styles est peu à peu concurrencée par la récupération des grandes maisons de disques.
En fait, l’exposé de Guillaume Kosmicki tend à faire penser que la techno et la house sont un aboutissement de toutes les étapes antérieures, entraînant de larges développements sur la culture que ces styles véhiculent (raves, ecstasy), négligeant leur principale limite, celle d’être une musique pour DJ et pour la danse. Tout cela en éclipsant au passage un grand nombre d’autres tendances actuelles (on pense à la new age ou au travail d’un groupe comme Radio Massacre International). Sans doute le choix de privilégier un angle d’approche très large, axé sur la technologie, conduit-il à l’impossibilité de traiter seul d’un trop grand nombre de thèmes. D’autre part, la multiplicité des exemples évoqués entraîne quelques jugements de valeur un peu rapides (3). Son ouvrage n’en demeure pas moins une référence avec laquelle il faudra désormais compter.
Jean-Guillaume Lanuque
(1) La nature journalistique et récente de l’expression quelque peu fourre tout de « musiques électroniques » est utilement rappelée par l’auteur, qui propose une définition plus précise et plus théorique : « Il s’agit d’un ensemble de musiques reposant sur des sons d’origine acoustique ou de synthèse sonore, traités (…) puis enregistrés sous forme d’un signal analogique ou numérique (…), et destinés à être amplifiés puis retransmis par le biais de hauts-parleurs. Ces sons peuvent aussi être joués en direct (…) Il est possible d’adjoindre à ces dispositifs de transmission des instruments acoustiques jouant en direct, eux-mêmes pouvant à leur tour être traités », p.15.
(2) « Tout est musique », pour reprendre l’expression de John Cage.
(3) Ainsi, à propos du Tangerine Dream des années 1970 : « Mais le groupe sombre souvent dans le grandiloquent servi par des mélodies qui ont aujourd’hui très mal vieilli », p.179 (il manque pour le moins des exemples argumentés). De même, lors de l’évocation de la vague disco, « Le rock a perdu son potentiel de bonheur, les concerts de hard rock gigantesques des années 1975–80 sont des rituels de virilité stéréotypés où l’on ne sourit plus là où le disco permet des démonstrations de joie (…) », p.207.
Vous avez déjà lu Global Techno, Électrochoc, et Rebelle, et pensez être incollables sur l’histoire des musiques électroniques? Voici trois bonnes raisons pour se pencher sur ce nouvel ouvrage.
L’auteur
Guillaume Kosmicki est à la fois un très sérieux musicologue et un passionné de techno de la première heure, s’étant notamment investi dans le milieu free party du sud de la France sous le pseudonyme Tournesol. Un grand écart qui ne peut qu’éveiller la curiosité.
Un peu de culture
De par sa formation, Kosmicki s’avère être un excellent pédagogue. Après lecture de l’ouvrage, vous pourrez, par exemple disserter sans broncher sur les différences fondamentales entre musique concrète à la française et musique électronique allemande des années cinquante.
Le parti pris
Avec un tel parcours, l’auteur n’hésite pas à donner son avis, souvent enthousiaste, parfois critique – sur l’industrie du disque, les politiques, les dérives de certains styles – et quelques fois plus surprenant voire provocateur, notamment lorsqu’il voit en Village People un groupe éminemment subversif!
Musicologue et théoricien du phénomène techno à travers les raves et les free-parties, Guillaume Kosmicki s’est tout récemment attaqué à l’histoire des musiques électroniques. Un pavé qui remonte à la source (l’électronique pionnière) pour mieux appréhender le futur.
- Quel est votre parcours ; d’universitaire, de mélomane et de musicien ?
Après le bac, j’ai orienté mes études vers la musicologie pour que ma vie soit entièrement baignée dans ce monde. Ma maîtrise a traité des phénomènes de transe dans les raves, puis j’ai orienté mes recherches de 3ème cycle sur la signification musicale : ce que veulent nous dire ces musiques sur notre monde, sur notre environnement. J’ai donc couru les raves, les free parties et les teknivals équipé d’un appareil photo, d’un carnet de notes et d’un magnétophone pour recueillir des témoignages ; et j’ai aussi tenté d’agir en tant qu’activiste dans ce milieu des teknivals et des free parties. Aujourd’hui, dans le cadre de mes recherches, je m’intéresse plus particulièrement à ceux qui, d’une manière ou d’une autre, continuent dans leur vie l’alternative rencontrée dans les free parties.
En tant que musicien, j’ai appris le violon et la guitare, de la musique classique jusqu’au punk, en passant par le répertoire du bal. Depuis 1994, je joue dans Öko System, groupe de punk marseillais, qui s’est au fil du temps franchement « électronisé ». Je fais des lives aussi sous le nom de Tournesol, généralement dans des squats, des free parties ou des événements alternatifs. D’un registre hardtek / hardcore au départ, ma musique s’est largement calmée vers la techno acid et dancefloor aujourd’hui.
- Quelle est l’ambition de votre livre Musiques électroniques : des avant-gardes aux dancefloors ?
La première tâche a été de définir les musiques électroniques, et tous les mondes musicaux très différents qui se côtoient dans cette famille, somme toute très artificielle. Deux facteurs les réunissent : les formidables développements technologiques du 20e siècle à partir de la naissance de l’enregistrement à la fin du siècle précédent ; et la notion d’esthétique du bruit, c’est-à-dire l’abandon des hauteurs au profit du timbre, de la matière sonore. Les racines se trouvent au début du 19e siècle, chez Beethoven notamment, le premier à composer volontairement avec les masses sonores, les couleurs. De ces deux points se dégagent une multitude de musiques et de mondes très différents, aussi bien dans le domaine des musiques dites “savantes” que des musiques “populaires”. Mon ambition a été de traiter à part égale ces deux mondes, et d’être le plus exhaustif possible car chaque style, chaque mouvement, chaque période est une réponse précise aux enjeux d’une époque.
Ainsi, j’ai traité, par exemple, des écritures orchestrales de Giacinto Scelsi et de György Ligeti, de la musique répétitive et du mouvement happening, de Fluxus etc. Tout cela au même titre que des exemples beaucoup plus évidents : la révolution électroacoustique, Pierre Schaeffer et Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, l’acid rock des années 1960/1970, l’electric jazz, le krautrock, l’indus, la dance music (funk, disco), la house et la techno, etc.
Enfin, j’ai évité soigneusement le domaine de l’anecdote lorsqu’elle ne servait pas mon propos. Les vies de vedettes, les détails croustillants recherchés par les fans ne figurent pas dans cet ouvrage qui n’aurait d’ailleurs pas pu les contenir tant le projet est vaste.
-Pourquoi avez-vous fait le choix d’une approche historique, documentée, universitaire, de la musique électronique ?
Tout simplement parce qu’aucune approche historique complète de ce phénomène n’avait été ainsi menée en France. Même si des publications fondamentales, riches et intéressantes ont vu le jour, elles restent parcellaires ou souffrent de certaines lacunes.
La présentation que j’ai choisie, même si elle est imprégnée de réflexes universitaires, est bien plus de l’ordre de la vulgarisation que de celui de la publication scientifique. J’ai cherché à rendre accessibles mes propres analyses pour ne pas perdre le lecteur dans des considérations trop ardues.
- Vous avez étudié la musique électronique sur tout le siècle dernier. Comment voyez-vous son évolution sur le siècle en cours ?
Je suis optimiste. Les possibilités croissantes – voire exponentielles – d’entendre un panel gigantesque de musiques diverses de toutes cultures et de disposer d’outils intuitifs et de plus en plus puissants pour composer de la musique via l’informatique (y compris par le geste, par le déplacement etc.), tout cela m’amène à croire à une démocratisation de la pratique musicale et à un affaiblissement conséquent des frontières établies jusqu’alors entre les élites et le reste. Je pense que, tout en conservant ses catégories fonctionnelles (méditative, festive, rituelle, sacrée, etc.), la musique va s’ouvrir une multitude de nouveaux horizons expérimentaux.
Loin de l’uniformisation redoutée par les critiques de la mondialisation, le 21e siècle risque d’être un joyeux fouillis de tendances multiples. Cela fait deux siècles que le langage musical occidental se cherche un nouveau chemin. Le 21e siècle poursuivra ces tâtonnements, mais au niveau planétaire.
- Personnellement, quels sont les “musiciens électroniques” qui vous passionnent ?
Je suis un inconditionnel de Pierre Henry, mais aussi de Karlheinz Stockhausen. J’ai toujours trouvé qu’il n’y avait rien à jeter chez Jeff Mills (« Metropolis » est pour moi un disque de chevet). Liza n’Eliaz a représenté une perfection dans l’art du mix, que je retrouve chez Manu le Malin et Richie Hawtin. La diversité stylistique d’Aphex Twin et surtout son originalité me fascinent. Dans cet aspect expérimental, Dan Hekate m’a toujours accroché et j’ai adoré les deux premiers albums de Mr Oizo (mais pas ce qu’il fait maintenant), comme j’apprécie Scorn. Le label Mille Plateaux, et notamment Geeez n’Gosh, font partie des artistes qui, actuellement, me font le plus d’effet, au même titre que Ricardo Villalobos. Côté dance-floor, j’ai toujours adoré l’acid, alors je donnerais juste deux noms parmi tant d’autres : Hardfloor et Rob Acid.
Vaste sujet que l’évolution de la musique électronique sur plus d’un siècle, que ce soit au travers des techniques d’enregistrement comme en analysant les divers styles musicaux, l’auteur nous livre un panorama assez exhaustif de tout ce qui est lié de près ou de loin à cette mutation progressive, qui donne au final le D.J. Ainsi, ce livre nous amène d’Edgar Varèse à John Cage, de Kraftwerk à Daft Punk, décortiquant tous les courants musicaux et montrant l’implication de l’arrivée de ces nouveaux outils à chaque fois. Traçant une histoire à un style que l’on a tendance à considérer un peu trop vite comme issu d’une génération spontanée, cet ouvrage permet à tous fans d’électronique de reconstituer son arbre généalogique et à n’importe quel autre curieux de mieux concevoir les ramifications entre des styles musicaux parfois très éloignés.
Un ouvrage passionnant qui réussit le pari de traiter avec exhaustivité le large domaine des musiques électroniques.
Des avant-gardes au dance-floor : tel est le sous-titre de l’ouvrage de Guillaume Kosmicki, présenté comme musicologue, enseignant, conférencier et « spécialiste du phénomène techno à travers les raves et les free parties » depuis de nombreuses années. Fort de son expertise en la matière, il nous livre cette quasi encyclopédie de ce qu’on appelle aujourd’hui l’électro. « Historiquement, sa première utilisation date de 1951, à Cologne. L’Elektronishe Musik (Herbert Eimert, puis Karlheinz Stockhausen, Henri Pousseur, etc.) répond à un projet de langage musical savant et abstrait… » nous explique l’auteur dès les premières pages du livre, issues du chapitre Pour une définition, chapitre important s’il en est, et nécessaire. L’électro, terme à la fois fourre-tout et précis, est rarement soumise à recherche sémantique.
Le temps est donc venu de se pencher sérieusement sur la question de ces musiques électroniques. Guillaume Kosmicki s’attelle à la tâche avec minutie, choisissant de traiter le sujet d’un point de vue chronologique, lui conférant une aura historique – amplement méritée au vu de sa polymorphie. Pour ce faire, il donne d’abord une définition des musiques électroniques : « Il s’agit d’une ensemble de musiques reposant sur des sons d’origine acoustique ou de synthèse sonore, traités (réverbération, filtrage, transposition) puis enregistrés sous forme d’un signal analogique ou numérique (ou enregistrés puis traités), et destinés à être amplifiés puis retransmis dans par le biais de hauts-parleurs (…) ». Notons que l’auteur précise que cette définition s’est construite depuis les années 50, et qu’elle se serait peut-être bien mieux accommodée d’une autre appellation, comme celle d’ « art électroacoustique ». À méditer…
Après cette pointilleuse introduction, l’auteur s’attaque à la « révolution technologique » du XXe siècle. Sont successivement convoqués le Gramophone d’Emile Berliner, le tourne-disque à vitesse variable de John Cage, le Theremin Vox de Léon Theremin, les guitares électriques d’Adolphe Rickenbacker, les synthétiseurs de Robert Moog, le sampler, la M.A.0 (musique assistée par ordinateur), le logiciel Pro Tools, etc. Les courants précurseurs (1800–1950) s’attardent quant à eux sur des figures prophétiques de l’électro : Edgar Varèse, Eric Satie, Béla Bartok, John Cage…
L’essor de la musique électroacoustique (1928–2000) est traité de la musique concrète à la musique spectrale en passant par la fameuse musique minimaliste. Se succèdent dans une impressionnante logique la popularisation progressive du son électronique (1950–1970), la musique populaire expérimentale et dance music (années soixante-dix), l’avènement de la musique électronique (années quatre-vingt)… Pour arriver à ce que le néophyte considère comme de l’électro, en l’occurence l’émergence de la house et la techno (1985–1990), il faut attendre la page 251 ! Car, on l’a compris, le but ici est de brosser le portrait d’un genre musical aux milles facettes, dont aucune ne saurait dominer l’autre. Tous les artistes ayant de près ou de loin affaire avec l’électronique répondent présents : Philip Glass, Pink Floyd, les Beatles, Kraftwerk, New Order, Jeff Mills – et bien d’autres encore, mondialement connus ou presque inconnus au bataillon. Tous les lieux ayant accueillis sous leurs toits les vibrations de l’électronique lèvent la main : le Paradise Garage, l’UFO, le Ministry of Sound… Tous les styles possibles et inimaginables affublés de l’étiquette électro sont passés en revue : hardcore, downtempo, transe, big beat, electroclash, etc, etc.
Enfin, le retentissement européen (1987–2000) permet à Guillaume Kosmicki de se pencher un peu plus sur ce qui l’a conduit à se plonger dans l’électronique : le mix des DJ, le mythe des bienheureuses raves et free parties… En effet, « plus que dans aucun autre genre musical, les manières de construire un événement autour de la techno sur le principe du DIY ont poussé le public à dépasser le cadre du simple consommateur pour s’investir à son tour. Là est le fondement même du principe de la rave : le spectacle, c’est nous tous. » Ce n’est pas sans émotion que l’auteur évoque les effets du MDMA, la drogue de la house et de la techno par excellence.
Musiques électroniques – des avant-gardes au dance-floor porte décidément bien son nom. Avec une justesse et une dextérité remarquables, Guillaume Kosmicki synthétise un siècle et demi d’électro, réfutant les a priori et détaillant chaque courant avec pertinence. Le sujet devient alors une histoire passionnante, richement documentée et touffue d’anecdotes. Rien n’est laissé au hasard, et le style aéré et accessible de l’auteur rend digeste cette avalanche d’informations, permettant au profane de se plonger avec aisance dans cet univers d’une poésie toute technique.
Guillaume Kosmicki tire sa conclusion d’un triste constat fait à partir des années 2000 : l’électro s’est tellement démocratisée qu’elle ne détient plus qu’un intérêt somme toute assez faible. La French Touch n’a, selon lui, jamais réellement existé. Si certains artistes savent tirer leur épingle du jeu, d’autres représentants actuels de l’électro comme Justice ne trouvent pas (ou si peu) grâce aux yeux de l’auteur. Et pour cause, leur son est « surproduit, extrêmement compressé et efficace mais sans aération ».
« Mais les faits sont là, la musique redevient un véritable vecteur de partage, d’appropriation collective et non plus un banal objet de consommation », retient cependant avec optimisme Guillaume Kosmicki. Polymorphes et bouillonnantes, les musiques électroniques ont prouvé qu’elles réussissaient à se transcender quoiqu’il arrive. Perpétuellement prêtes à l’évolution, les multiples branches de l’électro composeraient un arbre phœnix, inusable et recyclable à souhait. Le futur est en marche .
J’ai terminé la lecture d’un nouveau livre sur la musique électronique qui s’intitule : Musiques électroniques, des avant-gardes aux Dance Floors, par un musicologue et enseignant-conférencier du nom de Guillaume Kosmicki (membre du collectif Oko System) aux éditions Le mot et le reste, paru cette année.
Le livre est d’un volume conséquent (400 pages), a une approche chronologique (contrairement au livre Techno rebelle, auquel il est une alternative) et détaille bien les différents mouvements de ce mouvement de la musique électronique. Je veux parler notamment les pionniers des années 50 et 60, (1/3 du livre). L’immiscion de ses techniques et sa philosophie dans d’autres genres musicaux, comme le hip-hop, le punk ou la musique classique y est bien décrite. Et surtout, il est bien écrit, dans un style fluide qui évite les trop longues énumérations ou l’aspect concours d’égo avec chiffres à l’appui.
L’auteur prend le soin de s’attarder sur la courroie de transmission entre avant-garde et musique électronique à proprement parler, les progrès de l’enregistrement et de la diffusion de la musique étant l’étape préalable à toute performance électronique. L’aspect “lutherie électronique” est également abordé. Le livre comprend un distinguo assez équilibré entre les termes “rave” et “free” parties”. Quand à la French Touch, les paragraphes qui lui sont consacrés sont assez critiques, ce qui, de la part d’un auteur français, ne m’a pas déplu. Ce qui est le plus intéressant dans le livre, c’est qu’il évoque aussi des territoires moins fertiles sous d’autres plumes, comme le Japon (c’est fou quand on considère rien que son apport au synthétiseur de le voir si peu cité) ou les pays de l’Est.
Quand à l’inclassable Jean Michel Jarre, il est évoqué, essentiellement pour l’album inclassable… Oxygène, son importance, et pour expliquer que ces spectacles “pouvaient” (le verbe veut tout dire) avoir des aspects mégalomaniaques.
L’histoire des musiques électroniques a réellement commencé à être écrite sous des formes très souvent parcellaires dans les années quatre-vingt-dix, alors que le phénomène techno devait passer par l’explication de texte pour être mieux compris politiquement et socialement. Ou bien lorsque les tribulations des post-rockers les amenaient à se tourner vers les passé pour mieux se comprendre eux-mêmes. Il fallait donc un peu de distance, une bonne dose de pédagogie et aussi une implication directe dans la réalité du phénomène pour enfin aboutir à cette somme que constitue Musiques électroniques : des avant-gardes aux dances-floors. Guillaume Kosmicki (un nom que les adeptes de musiques de transe peuvent même considérer comme prédestiné) était bien placé pour relever le défi. Impliqué dans le mouvement free party, musicologue et conférencier, il avait manifestement les qualités requises, et les met d’ailleurs déjà à profit dans son activité d’orateur à l’agenda bien étoffé. Il prend les choses par le bon bout et assoie sa dense synthèse sur un plan sans doute éprouvé lors de multiples explications à voix haute. Il stabilise en préliminaire une définition tout à fait limpide des musiques électroniques, puis en sape littéralement les fondements le paragraphe suivant pour mieux en éclairer la multiplicité. Vient ensuite une longue partie sur la révolution technologique, partie qui ne pouvait pas être plus judicieuse pour aborder d’entrée de jeu le nerf de la guerre, ou plutôt le choix des armes sur le champ de bataille. Se déploie enfin le long déroulé chronologique des styles et des pratiques musicales constituant cette grande histoire. Les futuristes italiens, la musique concrète, les DJ, le hip-hop, en passant par la pouplarisation du son électronique et par d’autres subdivisions moins balisées, l’affaire est rondement menée. Guillaume Kosmicki fait preuve de la précision, de la justesse et de l’esprit de synthèse qui étaient nécessaires pour faire tenir en quatre-cent pages une histoire très riche et aux ramifications qui souvent s’ignoraient les unes les autres. Il apporte surtout au fil de son récit des clés de compréhension étayant l’ensemble de l’édifice. On notera par exemple son bel éclairage de musicologue sur l’importance du timbre dans la musique occidentale, un aspect qui est rarement abordé dans ce type d’ouvrage. Voici donc sans doute la première véritable histoire des musiques électroniques, parce que particulièrement complète et bénéficiant du recul nécessaire d’un « praticien-chercheur ».
Puisque nous parlions de livres, voici le dernier récit en date pour la dernière révolution musicale enregistrée, écrit par Guillaume Kosmicki, un jeune enseignant et musicologue… connu aussi sous le nom de Tournesol, au sein du collectif Öko sound system.
A quand la 2° partie: …des dance-floor aux prairies ?
À sa naissance, la techno paraît débarquer de nulle part et ses protagonistes revendiquent cette nouveauté radicale.
Mais les temps changent et à mesure que le phénomène prend de la bouteille, dans les 90’s, ceux qui s’intéressent aux Bpm cherchent des racines à cette musique.
C’est dans cette perspective que s’inscrit Guillaume Kosmicki, à la fois musicien (collectif Ôko system) et théoricien du mouvement depuis de nombreuses années.
Le livre est une impressionnante somme de quatre cents pages remplies d’anecdotes et de documents visuels.
Il est élaboré à partir d’un savoir encyclopédique. Il s’agit d’un récit militant et communautaire qui retrace l’histoire des technologies et du son, de la naissance de l’enregistrement jusqu’à l’affirmation de la techno en France.
Le propos est évolutionniste, chaque période, chaque innovation technologique apportant sa pierre à l’édifice final, c’est-à-dire une techno plutôt esthétiquement radicale et marquée par DIY. Il en va ainsi de l’utilisation du timbre. Ainsi par exemple, pour Kosmicki,les Beatles sont-ils révélés grâce au travail de Georges Martin et la plupart de leurs titres les plus intéressants sont complètement sortis des structures traditionnelles couplet/refrain/pont.
La chronologie de l’avènement de la techno opérée par l’auteur reprend la structure de la plupart des promoteurs français impliqués dans ces musiques. C’est pourquoi si l’on suit les propos du livre, jusqu’au début des années 60, la production de musiques savantes est hégémonique comme source de la techno alors que dans la période la plus récente, la focale se déplace sur les musiques populaires enregistrées. Ce qui s’explique avant tout parce que l’angle techniciste choisi permet une appréhension partielle de la musique. Last night a (free party) DJ Saved My Life?
En projet depuis au moins deux ans chez Le mot et le reste, l’ouvrage trouve enfin sa forme définitive avec un rédacteur (unique) de premier choix en la personne de Guillaume Kosmicki, musicologue, et enseignant-conférencier connu également sour le pseudo musical de Tournesol !
Le pavé de 406 pages débute ainsi : “L’histoire de la musique du XXe siècle est profondément marquée par l’apport de l’électronique”, cela n’étonnera personne, surtout pas pour vous qui êtes arrivés jusqu’ici à lire ces quelques lignes. Que dire de plus dans ce webzine, sinon que ce livre est bien conçu, que l’on y apprend beaucoup et que l’auteur “mouille littéralement la chemise” au travers de quelques démonstrations, grands écarts nécessaires et autres écritures de l’histoire musicale (récente).
Guillaume Kosmicki trouve une (la ? sa ?) filiation “technologique” entre le début de l’enregistrement, l’apparition des premiers instruments de synthèse sonore, la naissance des premiers styles purement électroniques, la disco, le hip-hop, l’electro, la house et la techno… une filiation entre les tourne-disques joués en direct de John Cage et le Djing via un détour par les sound-systems jamaïquains. Raves et free parties = contre culture !
Une approche historique étayée, référencée que nous ne pouvons que saluer. Ici bas, on apprécie de retrouver Sonhors en bonne place dans la sélection des sites internet.