Revue de presse
Conte moderne
Il était une fois une visite improbable. Pour ce critique de rock accro au vinyle, voir débarquer chez soi Simon Reynolds, le fameux spécialiste anglais du genre, auteur du culte Rétromania, est un choc. Un peu comme si Bono sonnait chez Daho. Une illusion? En tout cas, un rêve qui durera une semaine. Chaque jour avec une précisions métronome, cet invité surprise jaugera son hôte, curieux de ce qu’un french critic peut bien écouter. Une épreuve pour notre maniaque du 33-tours. Il y a bien les Kills, Beach House, Kanye West, Costellon Paddy MacAloon… Seulement voilà, les platines de François Gorin, journaliste à Télérama, ne se lassent pas de faire tourner les Doors, les Beach Boys, Lou Reed, Dylan… Dans Nos futurs, ne résume-t-il pas : “La musique n’a plus de présent, encore moins d’avenir, tout est bouffé par le passé”, reprenant la thèse de Reynolds? Rare concession à la modernité, l’auteur alimente un blog depuis cinq ans. Son nom? Les Disques rayés… Une entreprise furieusement rétro.
La nostalgie camarade. Devra-t-on un jour ainsi rebaptiser cette page tant la nostalgie, plus que jamais, est au cœur de la rentrée littéraire et finalement de la plupart des livres chroniqués ici ? La nouvelle garde rock (sic) n’inspire, semble-t-il, pas autant ses contemporains que leurs glorieux aînés tandis que l’histoire du rock est elle devenue un sujet majeur, au même titre que celle du cinéma ou de la littérature mais avec, notons-le, la légère différence que son passé y apparaît bien plus que son actualité, ce que, par ailleurs certains pourraient voir comme la preuve que le binz n’est plus un truc d’avenir. On vous laisse juges.
Rétromaniques, nous le sommes tous devenus depuis Youtube et aucun domaine artistique n’est aujourd’hui épargné par cette vague inexorable ainsi que le journaliste et critique rock Simon Reynolds nous l’avait démontré brillamment dans son vaste essai Rétromania, essai qui sert aujourd’hui de point de départ au livre de l’également journaliste et critique rock, François Gorin, Nos futurs, Un conte post-rétro.
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“Fais-moi oublier Rétromania”, aurait demandé Simon Reynolds à François Gorin tout en sirotant un drôle de thé au début d’un dialogue socratique imaginaire. C’est le dispositif fictionnel du dernier livre de Gorin, auteur et rock-critic français émérite, désormais hébergé chez Télérama : inviter dans son salon l’auteur du livre Rétromania (ce gros pavé dans la mare de la modernité, dont la thèse mélancolique était de démontrer que le rock, c’est fini plié, refroidi par les rééditions, les réformations, la nostalgie et le poids de l’histoire) pour discuter de choses et d’autres.
Tout en restant intéressant, Gorin va décevoir Reynolds : son livre, plus léger qu’un ballon de plage, ne fera pas du tout oublier Rétromania. C’est au contraire une autre balade à rebours dans sa vie de rock-critic, de fan éclectique de musique (de la pop au blues d’avant-guerre en passant pas les chanteuses de jazz ou le hop-hop), de collectionneur de disques et de type qui a toujours su poser les vraies questions drôles (comme celle-ci : le rock étant antérieur au punk, comme le post-punk a-t-il pu précéder le post-rock?).
Pour la suite des vacances en Rétrmanie (ce pays imaginaire qu’on visite tous les jours), on conseille deux autres livres publiés par Le mot et le reste (officiellement meilleur éditeur français de textes sur la musique) : Sun Ra, Plamiers et pyramides de Joseph Ghosn (ex-Inrocks), et Musiques populaires brésiliennes de David Rassent. Les deux livres, également passionnés, proposent un point de vue (personnel pour le premier, plus historique pour le second) et une utile sélection discographique commentée. S’ils vont bien ensemble, et qu’entre le jazzman cosmique Sun Ra et le contingent des Brésiliens, il y a un même goût pour l’aventure spatiotemporelle, le déchiffrage, l’invention, l’avant-garde. Rétromanie oui, mais au futur antérieur.
En 2012, l’éditeur Le mot et le reste proposait une opportune traduction de Rétromania, maître-livre du critique britannique Simon Reynolds. L’auteur, ancien étudiant en histoire de l’Université d’Oxford, offrait un riche panorama des musiques populaires des trente dernières années. À l’heure du numérique, il soulignait combien la culture pop était désormais caractérisée par un recyclage incessant du passé ; un passé que tous et chacun pouvaient retrouver sur la Toile, via You Tube notamment. Le même éditeur vient de publier un essai du critique François Gorin, ancien de Rock&Folk et qui officie aujourd’hui à Télérama, qui met en scène une rencontre (imaginaire), chaque soir pendant une semaine, avec Simon Reynolds. Le procédé littéraire, somme toute astucieux, permet au lecteur une plongée dans la production contemporaine, d’Elvis Costello à Kanye West ; de Beach House aux Kills. Les fidèles du blog de François Gorin, « les disques rayés », auront plaisir à retrouver des analyses qui mettent en perspective la richesse de la culture pop contemporaine, que l’on ne saurait réduire au mainstream matraqué par les médias de masse, et à la « variété », formatée et diffusée en prime time sur les principales chaines de TV. En filigrane, François Gorin, abordant son itinéraire, souligne la singularité du french rock critics dans un paysage culturel hexagonal longtemps réticent aux musiques populaires d’outre-manche et d’outre-atlantique. L’optimisme de François Gorin contraste avec les positions de Simon Reynolds, Anglais vivant à New-York, fortement désabusé par une nostalgie omniprésente, interprétée comme un frein à la création. L’essai de François Gorin nous invite à la fois à (re)lire Rétromania et à ne pas désespérer de l’avenir de la musique. Tel est l’un des paradoxes de la Toile : nous permettre de découvrir plus facilement que jamais quelques perles de l’underground même si les géants de l’industrie culturelle ne cessent d’utiliser la même Toile au service du mainstream. C’est dire si l’enjeu est d’importance pour les politiques publiques : dépasser les seules logiques répressives et inventer des dispositifs qui permettent, et pas seulement pour les musiques savantes, de soutenir la création et de favoriser l’appropriation de la culture par le plus grand nombre, sans oublier des logiques patrimoniales de plus en plus présentes, et qui ne sauraient être laissées aux seuls acteurs du marché. Voici deux livres stimulants à emporter en vacances, en écoutant, d’une autre oreille, Daft Punk, Lana Del Rey ou l’édition (double CD, vinyle ou coffret super deluxe chez Warner) de Led Zeppelin.
Le blog de François Gorin : « les disques rayés »
François Gorin, entretien avec François Ribac
Le Blog Retromania de Simon Reynolds
On s’est demandé, en fermant ce conte post-rétro, s’il n’allait pas devoir se contenter d’un public assez restreint, essentiellement masculin et vaguement music nerd. C’est possible. Une longue conversation, en neuf rencontres imaginaires, entre Simon Reynolds, auteur notamment du fameux Rétromania, et François Gorin, blogueur obsessionnel des Disques rayés (entre autres) : c’est pointu. Pointu mais réjouissant. En premier lieu parce qu’il est rassurant de se dire qu’on peut écrire et publier (merci Le Mot et le Reste) des bouquins de ce genre en France. Et si on s’est par moments un peu agacé du style (un côté 80’s de la narration qu’il serait trop long d’expliquer), on s’est laissé dériver avec bonheur, vraiment, au fil de ces chapitres-conversations où l’on parle de mille et une choses et de gens aussi divers qu’Elvis Costello, Kanye West, Beach House, Beverly Kenney et Paddy McAloon. Beverly Kenney et Paddy McAloon : on n’en revient pas.
LIEN VERS LE SITE DE L’ÉDITEUR SINGULIER
Pleine page consacrée à Nos futurs dans Magic avec notre opération spéciale estivale annoncée.
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“De son propre aveu, François Gorin est un “critique rock intermittent, semi-retraité”. Cette fine plume, qui est aussi un découvreur toujours en alerte…”
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“Toute relation personnelle avec un artiste qu’on admire est en principe déconseillée” écrit François Gorin dans “Nos Futurs” et je ne peux que l’approuver. A une nuance prêt : François est l’exception qui confirme la règle. Dans le numéro 2 d’une publication que j’étais fier de voir suspendue à une pince à linge derrière le comptoir chez Rough Trade, je partageais mes impressions après la lecture de “Sur le rock” : et si ce billet n’avait aucun intérêt, il m’a au moins permis d’établir un lien avec l’auteur, rapidement scellé par la tradition d’un déjeuner semestriel, d’abord dans un restaurant japonais situé aux Halles et, suite à la fermeture de celui-ci, un Italien au métro St Michel. Cette régularité n’a, à mon souvenir, connu aucune entorse en 15 ans et les plus rapides d’entre vous auront donc fait le calcul suivant : depuis que j’ai fait sa connaissance, j’ai eu le privilège de déjeuner 30 fois avec François Gorin. Et pourtant, chaque fois qu’il passe commande, je suis toujours incapable de prédire vers quel plat son choix va se porter.
Même s’il se considère lui-même comme un “semi-retraité”, François Gorin a certainement été un des premiers journalistes musicaux à ne pas considérer le fait d’écrire exclusivement pour internet comme une solution par défaut : l’Histoire lui a donné raison puisqu’il a mobilisé autour des “Disques rayés” une belle communauté de “Franciscains” qui animent autant le blog que lui. Par sa liberté comme par sa régularité, “Les Disques rayés” est l’exemple parfait d’une rubrique pensée pour la toile : la retrouver compilée sous la forme d’un livre, sans les commentaires ni l’extrait son qui l’accompagnent, n’aurait pas de sens. Par contre, il est étonnant qu’elle n’ait jamais fait l’objet d’une déclinaison sous la forme d’une application liée à une plateforme de streaming.
Il y a quelques déjeuners, François m’a confié qu’il était en train d’écrire un livre : pas un roman, mais plutôt un conte dans lequel il mettrait en scène Simon Reynolds, l’auteur de “Rétromania”, lors d’un huit-clos qui ne serait pas un hommage à Hitchcock. D’une manière légitime, “Nos Futurs” paraît chez Le mot et le reste, l’éditeur de “Rétromania”. Quand je l’ai eu terminé, je n’ai eu qu’une seule envie : lui emboiter le pas et imaginer à mon tour un conte dans lequel je mettrais en scène François Gorin, l’auteur de “Nos Futurs”, lors d’un huit-clos qui ne serait toujours pas un hommage à Alfred. Nous écouterions un CD-R de Stanley Brinks tout en ouvrant des pistaches avec nos ongles. Et la soirée durerait sûrement plus d’un million d’années.
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