Lisible, ne conservant que l’essentiel au détriment des anecdotes qui ne servent pas son propos, Pink Floyd – Plongée dans l’œuvre d’un groupe paradoxal est une invitation à s’intéresser à d’autres facettes – et elles sont nombreuses – d’une formation dont l’auditeur lambda n’a le plus souvent retenu que The Wall.
Jean-Philippe Haas – Chromatique
Pink Floyd, groupe aux nombreux paradoxes. Connu pour sa signature sonore instantanément reconnaissable, il n’a pourtant jamais cessé de se réinventer. Issu de l’underground et de la contre-culture avant de connaître un succès massif et planétaire. « Groupe sans visage », cultivant l’anonymat, il a pourtant donné au rock l’une de ses figures mythiques, Syd Barrett, puis accompagné la « psychothérapie conceptuelle » de son leader Roger Waters. Ces musiciens autodidactes, à la maîtrise instrumentale limitée, ont pourtant su rester pendant une décennie aux avant-postes de l’innovation musicale et technologique…
Les 18 albums de Pink Floyd décrivent un cheminement tout sauf rectiligne, passionnant tant par ce qu’il révèle des problématiques que doit gérer tout groupe en quête d’identité (et de succès), que par ses exploits purement artistiques.
Ternie par les luttes fratricides et soupçons d’opportunisme commercial des années 1980–90, mais aussi par les critiques plus strictement artistiques adressées à son esthétique, la saga de Pink Floyd s’est conclue élégamment par la reformation du quatuor « historique » au Live 8 de 2005, dont on sait hélas, depuis la récente disparition de Rick Wright, qu’elle ne se reproduira pas.
Revue de presse
“C’est le troisième album le plus vendu au monde. Il offre l’une des expériences sensorielles les plus innovantes de l’histoire musicale. Avec lui, Pink Floyd a repoussé les frontières de la musique savante, en explorant de nouveaux horizons en matière de mise en scène et de technique sonore. Play !”
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La réédition d’un livre est souvent bon signe. Celui d’Aymeric Leroy consacré à la discographie de Pink Floyd en est à sa troisième. La sortie de The Endless River a ainsi été un bon prétexte pour l’auteur de mettre à jour son essai. Les adeptes du quartette trouveront là une nouvelle occasion de se pencher sur un ouvrage qui se focalise non pas sur les frasques de leur groupe favori, mais bien sur l’œuvre proprement dite et les clés permettant de la comprendre, à travers l’histoire mouvementée de ce géant du rock.
Après avoir planté le décor, Leroy décortique chaque disque, depuis les événements qui ont gouverné sa réalisation jusqu’à l’analyse des titres, décrivant les évolutions régulières de la musique de Pink Floyd, sur fond de changements incessants des équilibres à l’intérieur du groupe. S’il porte des jugements argumentés, mais qui n’engagent que lui, sur la quinzaine d’albums studio, il n’hésite pas, parfois, à rhabiller les musiciens pour l’hiver ni à jeter un œil sévère sur certains titres. De même, il n’économise guère les superlatifs lorsqu’il s’agit des compositions qui ont sa préférence. Quoi qu’on puisse penser de ses opinions, sa vision bénéficie d’une justification solide et d’un recul bienvenu, sauf évidemment pour le très récent The Endless River, mais Leroy lui-même ne tranche pas nettement la question et se garde bien de donner un avis arrêté.
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Ce livre a l’immense mérite de mettre de côté toute passion partisane pour telle ou telle époque de Pink Floyd, et de traiter sur un pied d’égalité toutes les productions des Britanniques, même s’il y a évidemment plus à dire sur Dark Side of The Moon que sur le dernier-né. Lisible, ne conservant que l’essentiel au détriment des anecdotes qui ne servent pas son propos, Pink Floyd – Plongée dans l’œuvre d’un groupe paradoxal est une invitation à s’intéresser à d’autres facettes – et elles sont nombreuses – d’une formation dont l’auditeur lambda n’a le plus souvent retenu que The Wall.
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À l’occasion de la sortie d’Endless River, quinzième album des Pink Floyd, Laurent Goumarre invite Aymeric Leroy pour revenir sur le parcours de ces géants.
REVOIR L’ÉMISSION CONSACRÉE AU FLOYD
Sorti il y a 40 ans, l’album The Dark Side of the Moon, du groupe rock britannique Pink Floyd, reste une référence musicale.
Les faits
Succès planétaire (plus de 40 millions d’exemplaires vendus), pourquoi _The Dark Side of the Moon, neuvième album des Pink Floyd, reste-t-il une référence musicale aujourd’hui?
L’expert
Après la défection de Syd Barrett en 1968, David Gilmour, Roger Waters, Rick Wright et Nick Mason ont fini par trouver leur équilibre entre les textes, le chant, les mélodies et les expérimentations sonores. “Ils ont transposé leur côté novateur sur un rock plus grand public. La recherche de la perfection sonore était déjà présente dans le groupe, mais cet album est vraiment le plus sophistiqué”, décrit Aymeric Leroy, auteur du livre Pink Floyd, plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal (éd. Le Mot et le reste). Début 1972, The Dark Side of The Moon a déjà presque sa forme définitive. Le groupe préfère l’étrenner d’abord en tournée, avant de l’enregistrer à Abbey Road en 1973. Les sessions en studio sont entrecoupées de live et de répétitions qui permettent d’apporter de nombreuses retouches aux morceaux. Les textes abordent des thèmes universels comme le travail, l’argent, la vieillesse, la guerre, la folie (le titre de l’album, qui signifie “la face cachée de la Lune”, est une métaphore de la folie), la mort… “Une telle profusion de sons et d’effets sonores, comme les battements de coeur, l’horloge, les pièces de monnaie, les conversations…, c’était du jamais entendu ! Aujourd’hui encore, cela reste une référence dans la modernité. Tout est parfait”, ajoute Aymeric Leroy. Pour l’enregistrement, le groupe s’est servi de techniques rares à l’époque : l’enregistrement multipiste et l’électronique, avec l’usage de synthétiseurs analogiques. “Une version a été enregistrée en quadriphonie” dit l’auteur. À sa sortie, en 1973, The Dark Side of the Moon était d’ailleurs utilisé pour tester la qualité des chaînes hi-fi.
Dans son numéro 3143 du 28 septembre au 4 octobre 2011, l’Hebdomadaire l’Express consacre un dossier au légendaire groupe Pink Floyd dont une vaste campagne de réédition des disques est menée par EMI cet automne. Pour réaliser ce dossier, il va sans dire que le journaliste a contacté Aymeric Leroy, spécialiste des musiques progressives et auteur chez nous d’un ouvrage de référence sur le groupe.
Extrait :
(...)
Les compositions du quatuor sont destinées aux amateurs de sons. A sa sortie, en 1973, The Dark Side of the Moon sert d’ailleurs de mètre étalon pour tester la qualité des chaînes hi-fi.
” Chaque nouvelle sortie d’album était une surprise, rappelle Aymeric Leroy, auteur de Pink Floyd. Plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal (éd. Le Mot et Le Reste). On attendait d’eux qu’ils composent la musique de demain.” (...)
Pour consulter l’intégralité de l’article : L’EXPRESS
Le catalogue de Pink Floyd ressort avec un son neuf. Focus sur un groupe insaisissable, qui a fait exploser les canons de la pop, pour inventer une musique sensuelle et libre. Etes-vous prêt à redevenir Pink ?
L’été indien en chemise indienne ? Préparez-vous… Pink Floyd est de retour. Toute la discographie du groupe planant ressort lundi avec un son neuf, remastérisé, soit quatorze albums, dont une bonne moitié mythiques. On n’est pas mécontent de réviser ses classiques, mais on ne sait pas par quel bout prendre ce monument du rock -un des plus visités peut-être après les Beatles et les Stones.
« Insaisissable ! », comme l’écrit Aymeric Leroy dans son livre savant « Plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal » (Editions Le Mot et le Reste). Tout sauf glamour… si l’on en croit « Pink Floyd. L’histoire selon Nick Mason » (batteur du groupe), publiée en 2005 (E/P/A). Une formation extraterrestre, c’est sûr, dont la belle aventure créatrice résulte d’une série d’accidents et de petits miracles.
Pink Floyd, c’est d’abord l’histoire d’un faux départ : quatre garçons dans le vent, ramenés à trois, quand leur « songwriter », le « diamant fou » de Cambridge, Syd Barrett, pète les plombs (trop d’acides, de stress, de déprime…). Alors que le groupe s’est imposé sur la scène psyché-pop anglaise avec deux tubes (« Arnold Layne », « See Emily Play ») et un premier album truffé de pépites (« The Piper at the Gates of Dawn », 1967), il se retrouve brutalement orphelin.
Le deuxième album, « A Saucerful of Secrets » (1968), est un saut dans le vide. Des chansons écrites dans l’urgence -par Roger Waters, nouveau leader, et Richard Wright ; des échappées instrumentales audacieuses ; Syd Barrett remplacé à la guitare par David Gilmour… Le second Pink Floyd est né. De ses faiblesses, de ses limites, il va faire de formidables atouts.
Ni Roger Waters ni Nick Mason ni Richard Wright ne sont de grands musiciens à la base (seul Gilmour a du « doigté »). A leurs débuts (en 1964), pour compenser leurs difficultés à jouer correctement les standards de rythm’n blues les étudiants rockers se lancent dans de longues impros. Ils s’inventent ainsi un style, par défaut. Bientôt, le Floyd développe une spatialisation du son révolutionnaire et un « light show » hypnotique, à base de diapos, gélatine et verre coloré. Les concerts virent à la performance arty et attirent tout l’underground londonien.
Flamants ou éléphants roses
Instrumentaux éthérés, guitares ondoyantes, orgue lancinant, clins d’oeil à la musique concrète… Pink Floyd casse les formats pop, devient le héraut de l’avant-garde musicale et, un peu malgré lui, du mouvement hippie et contestataire des années 1960–1970. Pour beaucoup de « seniors » (rangés aujourd’hui), Pink Floyd rime avec le premier joint. Et si les Français ont traduit Pink Floyd par « Flamant rose » (alors que le nom du groupe se réfère aux deux bluesmen Pink Anderson et Floyd Council et que flamant en anglais se dit « flamingo »), c’est peut-être parce que d’aucuns ont vu des éléphants rose, en écoutant le double album « Ummaguma » (1969)...
Avec ce disque culte (mi-studio, mi-live) et la BO de « More », film-poème triste de Barbet Schroeder sur la descente aux enfers d’un junky, le groupe aurait pu renforcer son ancrage baba cool. Mais son « kiff », c’est de faire « progresser » la musique. Il le prouve avec deux albums flamboyants : l’un de rock symphonique : « Atom Heart Mother » (« l’album à la vache », 1970) ; l’autre de rock planant « Meddle » (1971), fameux pour son morceau de bravoure de vingt-trois minutes, « Echoes ». Dans ce long titre atmosphérique, qui nous transporte du fond des eaux jusqu’au ciel, le Floyd réussit l’osmose parfaite, souligne Aymeric Leroy, entre vocal et instrumental. C’est, pour beaucoup de fans, l’apogée de Pink Floyd. Mais c’est aussi et surtout le début d’une troisième vie.
Devenu la bande-son de toute une jeunesse, plus que jamais ouvert à des expériences inédites (avec les ballets de Roland Petit, en concert à Pompéi), Pink Floyd a forci, mûri. Sa cote est au plus haut. Reste à porter l’estocade. Ce sera « The Dark Side of the Moon » (1973), album qui concilie tous les contraires : populaire et futuriste, conceptuel mais offrant sa ration de tubes -dont le fameux « Money ». La « galette » rêvée pour tester sa chaîne hi-fi se vendra à plus de 40 millions d’exemplaires dans le monde. Un triomphe artistique et commercial -une forme d’aboutissement, qui marque, hélas, le début de la fin.
Dans la ligne de mire
Les relations entre les membres ne sont pas au beau fixe. Le leader naturel, Roger Waters, veut s’arroger les pleins pouvoirs, David Gilmour renâcle… Les tournées sont éprouvantes. Et le Floyd commence à agacer ses fans : son accord de sponsoring avec une marque de soda en France se révèle catastrophique pour son image. Moins réussi que « The Dark Side of the Moon », « Wish You Were Here » (1975) est tout de même bien accueilli, grâce à sa chanson éponyme et « Shine on you Crazy Diamond » (1975), morceau élégiaque en deux parties qui rend hommage à Syd Barrett.
Le suivant est une tout autre affaire. « Animal » paraît en 1977. L’année de l’explosion punk… Tout ce qui flirte avec le rock progressif et dépasse deux minutes trente est alors considéré comme ringard. Dans la ligne de mire, le groupe se bat avec ses armes : assumant son style, il durcit ses orchestrations et son propos. Le résultat est mitigé : bien qu’il se vende encore, Pink Floyd n’est plus à la mode…
Mais pas mort -pas encore… Waters travaille dans l’ombre à sa grande oeuvre conceptuelle : « The Wall ». Le disque qui sort en 1979 est plus un album solo accompagné par les musiciens du groupe, mais la magie Pink Floyd opère malgré tout. Ce double album atypique, rebelle et fulgurant, se vend à 20 millions d’exemplaires et rallie un nouveau public. La version concert, avec un faux mur de briques, est spectaculaire. Un film est réalisé en 1982 par Alan Parker, avec Bob Geldof dans le rôle de Pink, la rock-star schizophrène.
Implosion
La suite, marquée par l’implosion du groupe, est presque anecdotique. Pink Floyd est un collectif. Démembré, il perd tout son sel. Les années 1980–1990 sont ponctuées d’albums honnêtes, mais sans génie, sous influence Waters (« The Final Cut », 1983), puis Gilmour, après la sécession de Waters (« A Momentary Lapse of Reason », 1987 ; « The Division Bell », 1994). Le Floyd apparaît une dernière fois au complet en juillet 2005 lors du Live 8 (série de concerts visant à interpeller le G8 sur la pauvreté).
Syd Barret disparaît en 2006, Richard Wright le suit en 2008. Restent les concerts « mémo » (Waters et son « mur » ont triomphé en juin dernier à Bercy) et les disques de l’âge d’or -à redécouvrir. Les fans de Radiohead, d’Archive et d’électro y décèleront les prémices de la new wave et de la techno.
Foisonnante, inégale, bavarde parfois, mais le plus souvent inventive et voluptueuse, la musique hors format de Pink Floyd a donné à la pop le goût de la liberté.
Aymeric Leroy, co-fondateur du fanzine Big Bang et spécialiste reconnu de l’école de Canterbury (son site internet, Calyx, fait autorité en la matière et l’on ne compte plus les textes de livrets de CD, en anglais ou en français, dont il est l’auteur) travaille sur un futur ouvrage consacré à l’histoire du rock progressif des origines à nos jours. En attendant, il signe chez Le Mot et le Reste un livre qui est bien davantage qu’un énième ouvrage sur Pink Floyd. Dans un style très précis et documenté qui ne laisse place à aucune approximation, Aymeric Leroy décrypte sans complaisance l’histoire du Floyd et remet certaines vérités en place, évoquant tant ce qui a fait la grandeur du groupe (on ne lui donnera d’ailleurs pas tort quand il fait de “Echoes” le plus grand morceau de Pink Floyd…) que ses errances et, bien sûr, les relations pas toujours faciles entre ses membres.
S’il ne fallait lire qu’un seul livre en français sur le Floyd, ce pourrait être celui-là…
Is It A Bird?: Pink Floyd – Plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal de Aymeric Leroy
De nombreuses idées fausses circulent à propos de Pink Floyd. Il y en a bien une qui m’horripile et qui continue parfois à être stupidement proférée alors qu’un dictionnaire anglais-français suffit à éviter telle énormité. Pardonnez-moi cette digression introductive. Aymeric Leroy n’y fait même pas allusion, d’ailleurs. C’est une de ces fioritures qui n’ont pas sa place, semble-t-il, dans cette collection “Formes”. Les efforts de l’auteur se concentrent sur la genèse d’un groupe, celle de sa musique au fil des années avec une pertinence qui rejette le superflu. Ne cherchez pas les anecdotes croustillantes dont le seul but est d’amuser. Celles qui sont racontées ne le seront que parce qu’elle font sens.
L’introduction survole les décennies et se découpent en sous-titres tirés des paroles du groupe. Elle pose certaines problématiques essentielles comme cette complémentarité/opposition entre l’instrumentation et ses envolées/les paroles ainsi que les concepts qui s’y attachent. Si le nom des musiciens vous est familier, cette complémentarité/opposition interne se compose en fait ainsi: Gilmour et Wright/Mason et Waters. Aymeric Leroy la termine en insistant sur la volonté du groupe à demeurer dans un entre-deux assumé, surtout dans les années soixante-dix, entre expérimentation et musique populaire “qui rejette à la fois le formatage commercial et l’élitisme condescendant.”
Moins une biographie qu’une discographie commentée du groupe, l’ouvrage attaque avec le prologue Syd Barrett, équivalent au premier opus The Piper Gates Of Dawn (que je suis loin d’avoir écouté autant que tous les autres) qui restera à jamais le seul effort marquant du personnage. Sans ses dérives mentales, Pink Floyd aurait été tout différent. Oui j’aime parfois enfoncer les portes ouvertes.
Le nombre de pages de chaque chapitre étant proportionnel à l’importance de chaque album dans la carrière du quatuor, il n’est pas étonnant de voir que Meddle, Dark Side Of The Moon, Wish You Were Here et surtout The Wall sont le terrain propice à l’auteur pour étoffer les principaux axes évoqués dans l’introduction. Animals doit sa longueur à l’explication du concept, inspiré de La Ferme des Animaux de George Orwell, qui voit l’esprit critique de Roger Waters (déjà présent dans Dark Side) atteindre un autre palier dans la virulence politique. La place que le bassiste prendra les années suivantes au sein du groupe est décadrée intelligemment, certains détails à défaut d’être moins visibles n’en sont pas pour autant sans importance.
Tout espoir de reformation brisé après le décès de Richard Wright en 2008, l’ouvrage possède cet aspect définitif qui provoque soupirs et regrets. Au moins on n’aura pas à racheter de version augmentée.
Ne s’adressant pas seulement aux musiciens ou aux fans indécrottables, Aymeric Leroy parvient, sans être ni trop technique ni trop superficiel (contrairement à cet article incapable de rendre compte de nombreuses choses passionnantes), à éclairer un public avide de connaître le making of de ses nombreuses et intemporelles écoutes.
Voilà une formation sur laquelle les publications ne manquent pas; néanmoins, Aymeric Leroy évite tout écueil et tout risque de redite en choisissant de retenir prioritairement le versant analytique de l’œuvre du groupe. Chaque album a ainsi droit à une dissection en règle, tandis qu’une introduction globale permet de tracer les grandes lignes de la carrière du Floyd, en rappelant fort justement le contexte dans lequel sa trajectoire s’inscrit pleinement : justement qualifié de groupe qui se « réinvente » à chaque disque, il symbolise les audaces d’une époque de contestations et d’alternatives tous azimuts, jusque dans son évolution, tant “le déclin du pluralisme en son sein aura coïncidé précisément avec celui des grandes utopies collectives des années soixante-dix, tout comme les luttes fratricides de la décennie suivante (…) l’air du temps matérialiste et individualiste qui leur avait succédé” (p.30). Il est ainsi, selon l’auteur, un élément à part entière du courant progressif, de par sa volonté de recherche musicale, tout en s’en distinguant par une moindre place de la virtuosité instrumentale et l’importance des aspects extra-musicaux (une caractéristique qui n’est d’ailleurs pas l’apanage du seul Floyd).
D’une lecture prenante, ce livre témoigne de l’incontestable maîtrise de son auteur quant à la biographie de Pink Floyd, et la finesse de ses analyses ne peut qu’apparaître stimulante, tout en provoquant d’inévitables discussions sur tel ou tel jugement. Outre l’apport de la consommation de drogues dans la réceptivité plus grande du public d’alors quant aux expérimentations musicales, on retiendra surtout une critique de la domination exclusive de Waters sur le groupe de 1976 à 1983, qui aurait rompu l’équilibre délicat entre musique et textes au profit de ces derniers; une critique qui va de pair avec une certaine réhabilitation de la période pré Dark Side Of The Moon. Quoi qu’il en soit, de manière générale, les analyses de chaque album sont nuancées, bien argumentées, non sans considérations techniques pointues, leurs faiblesses comme leurs forces bien mises en relief : ainsi, The Piper At The Gates Of Dawn ne se résume pas à sa dominante pop, les limites de Ummaguma sont clairement évoquées, tandis que des albums tels Obscured By Clouds ou The Final Cut sont loin d’être considérés comme partie négligeable. Les textes ont droit à un éclairage particulièrement pertinent, à l’image de ceux de Dark Side Of The Moon ou de “Echoes”, dont la description est passionnante… Un livre dont la lecture est largement conseillée, sur la plage de A Momentary Lapse Of Reason ou ailleurs !
Il me faut absolument vous dire tout le bien que je pense du livre d’Aymeric Leroy intitulé Pink Floyd – Plongée dans l’oeuvre d’un groupe paradoxal. Pas facile de coucher sur 150 pages seulement la vie et l’oeuvre discographique d’un groupe qui a largement participé à l’age d’or du rock’n’roll dans une approche véritablement unique, pétrie de jazz, de blues, de folk et d’expérimentations électriques et électroniques. C’est pourtant ce qu’a réussi à faire Aymeric Leroy d’une plume aussi concise que précise sans jamais se perdre en détails, sans le trop habituel style lourd et aveuglé des fans en mal d’écriture et sans jamais tomber dans la facile et démagogique exploitation du filon nostalgie. Cet ouvrage est un exercice exemplaire, une approche objective et lucide qui donne cette (bien sûr fausse) mais très satisfaisante impression, en fin de lecture, de tout savoir sur plus de quarante ans de carrière de Syd Barrett, de Roger Waters, de Nick Mason, de Richard Wright et de David Gilmour. Des pages qui vont à l’essentiel et qui aident à comprendre pourquoi cette étrange formation sans leader, sans genre et sans concurrence restera dans l’histoire musicale du vingtième siècle. Tout cela permet bien sûr de ré-écouter et d’aller plus loin dans la discographie du groupe grâce aux précieuses indications de l’auteur sur des enregistrements audio et vidéo plus ou moins officielles mais toujours disponibles.
En 150 pages, Aymeric Leroy dissèque et analyse, chronologiquement, les 14 albums de Pink Floyd, de The Piper at the Gate of Dawn (1967) à The Divison Bell (1994), deuxième disque sans Roger Waters qui avait voulu arrêter le groupe en 1985 (et rendu furieux par l’entreprise de Gilmour de continuer sans lui).
Ce livre fourmille d’informations sur les enregistrements. Mais sait aussi être critique (notamment envers Ummagumma et The Wall). Il évoque même plusieurs fois les limites instrumentales des membres du groupe (en particulier du batteur), créant ce « paradoxe » que des musiciens moyens aient pu bâtir une telle œuvre.
Petit bémol, le livre est parfois tellement analytique qu’il en devient froid. Avec quelques préciosités de style comme celle-ci, à propos des drogues : « Quoi que l’on pense à titre personnel de l’utilité d’y recourir, il est indéniable que leur apparition a joué un rôle largement positif dans l’instauration d’un contexte propice à des propositions musicales plus aventureuses ».