Un panorama érudit et toujours passionnant qui, au lieu d’aligner les mêmes sempiternels “indispensables”, fait l’effort de fouiller dans les marges…
Christophe Conte – Les Inrockuptibles
Revue de presse
Il y avait le Robert usuel, celui des noms propres, il faut désormais compter avec le (Philippe) Robert du rock, un itinéraire bis en 140 albums essentiels.
Un panorama érudit et toujours passionnant qui, au lieu d’aligner les mêmes sempiternels “indispensables”, fait l’effort de fouiller dans les marges, les contre-allées, ou simplement de remettre en lumière quelques évidences (Sparks, Nits, John Martyn),trop souvent négligées dans ce genre d’exercice.
La vraie discothèque idéale ?
Journaliste et critique de renom pour diverses revues spécialisées, Philippe Robert est, pour l’heure, le seul à avoir sorti trois ouvrages dans la collection Formes. Son approche de la musique s’y révèle transversale, érigeant des passerelles inédites entre des œuvres méconnues mais essentielles, qu’elles soient « blanches » ou « noires », « populaires » ou « savantes ». Cet homme a du goût et les idées larges, il sait les partager, bref, il a tout compris.
La maison d’édition marseillaise Le Mot et le Reste a donné sa confiance à Philippe Robert (Les Inrockuptibles, Mouvement, Vibrations, Jazz Magazine) pour servir de guide dans un parcours atypique du rock et de la pop. Sélectionner 140 titres est une mission délibérément impossible, mais l’angle d’attaque choisi permet de dresser une carte en empruntant des itinéraires bis, des chemins de traverse, des voies plus marginales, plus “underground”. On l’aura compris, pas de Rolling Stones ici, ni de Pink Floyd pas plus que de Beatles, mais une autre histoire, moins glorieuse et surtout moins récupérée par l’industrie discographique, dont les choix, classés par ordre alphabétique, couvrent une période de quarante ans, de 1965 à 2005.
Avec des mises en perspective sur une page d’un disque (c’est l’âge d’or du LP) et d’un groupe, c’est l’un des plaisirs de ce livre que de revenir sur l’histoire et la sociologie de ces décennies brillantes et contrastées. La réalité et les préoccupations de l’époque envahissent le décor, mais la musique est au centre d’une aventure intense, souvent personnelle et surtout rebelle. Sans que cela ne devienne un alibi. Une fois admis le postulat de départ, on se laisse conduire, même si le non “mélomane rock” sera loin de connaître tous les musiciens cités : Jan Dukes de Grey, Bert Jansch, John Martyn, Towns van Zandt, Ash Ra Tempel, Vashti Bunyan, James White and the Blacks… Au demeurant, il n’y a pas que des inconnus dans cette anthologie : très vite se détachent des bizarres, des déjantés qui firent aussi parler d’eux depuis les lisières où ils s’étaient réfugiés : le très surestimé David Axelrod, Steely Dan, Todd Rundgren, Van der Graaf Generator, Can…
En feuilletant cette bible, on retrouve quand même des noms familiers (Creedence Clearwater Revival…) et des univers inoubliables avec des albums emblématiques : “Starless and bible black” de King Crimson, “On the beach” de Neil Young (on aurait préféré le formidablement désespéré “Tonight the night” mais Philippe Robert le cite par ailleurs), l’incontournable “Rock bottom” de Robert Wyatt, le “Kobaïa” de Magma, “Naked city” du saxophoniste militant John Zorn, un must de tous les amateurs – et ils sont légion – de l’insolent saxophoniste juif new yorkais. On a même le plaisir (très personnel) de voir ressurgir le nom de certaines musiciennes, des femmes qui ont contribué aussi à la richesse de ces années là : Joni Mitchell, Annette Peacock, Julie Driscoll-Tippetts, Linda Perhacs, Laura Nyro, Buffy Ste Marie (dont on avait aimé, ado, la BO de “Strawberry statement”).
On aura compris que cette sélection s’adresse à ceux qui aiment vraiment, les authentiques fans, les allumés de la première heure, et surtout pas à ceux qui se laissent porter par le courant et acceptent encore de se laisser parquer dans des stades, à des tarifs exorbitants, pour singer les contorsions navrantes de vieilles idoles décrépites.
Cet ouvrage est plus que nécessaire pour comprendre autrement l’un des plus formidables mouvements musicaux du vingtième siècle, et finalement reconstituer certains liens, faire que les marges rejoignent aussi leur centre. Relier en fait les électrons libres aux groupes non cités volontairement, les stars souvent récupérées mais qui n’ont pas hésité à se brûler les ailes, les Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Keith Moon, Brian Jon…
Préface sensible de Gilles Tordjmann, belle bibliographie. Bref une anthologie recommendable en tous points.
La force et l’intérêt du présent livre est bien de proposer un vrai « regard », subjectif, éclectique, subtilement motivé, et de sacrifier le jugement biaisé d’une histoire intéressée au jugement de goût. Sur le modèle unique d’une notice à l’écriture soignée en page paire accompagnée de la reproduction des couvertures en vis-à-vis et de quelques lignes de fuite discographiques, ce sont 140 variations aux angles d’attaque judicieusement choisis qui proposent d’exercer son écoute sur 40 années de production (1965–2005).
(….) Cette entreprise, à la bien considérer, est autre chose qu’une simple anthologie bis. Elle vaut comme outil d’évaluation dont pourraient bien s’inspirer les soi-disant critiques de jazz, de musique classique… et les responsables de nos secteurs disques en médiathèques.
Vous trouverez dans cet ouvrage des noms connus (Joni Mitchell, Randy Newman, King Crimson etc.), mais aussi de multiples découvertes (Richard Harris ou No Neck Blues Band pour n’en citer que deux).
Philippe Robert analyse le contexte historique de chaque album, son créateur et la genèse de la création avec une grande précision et un sens du récit probant. Rock Pop vous confirmera qu’il existe des chemins de traverse et de magnifiques auteurs compositeurs qui ont aussi marqué l’histoire de la musique de ces cinquante dernières années, bien loin des habituels chanteurs consensuels cités habituellement dans ce type d’ouvrage. De nombreux créateurs méritent que vous tendiez une oreille attentive à leurs meilleurs albums que Philippe Robert a choisis avec passion et enthousiasme, afin de vous les faire partager.
Ce recueil se révèle passionnant de la première à la dernière page et vous incitera certainement à partir à la recherche de ces oeuvres parfois méconnues qui recèlent une très grande richesse.
Pour les fêtes, je tiens également à signaler la parution d’un excellent guide musical signé Philippe Robert et intitulé Rock Pop un itinéraire bis en 140 albums essentiels. Philippe Robert est un journaliste de la presse écrite, c’est un éminent spécialiste des musiques expérimentales, l’un des rares à avoir dans la presse musicale une lisibilité sur des artistes et des genres réputés difficiles. Évidement sa vision emprunte à 90% des chemins de traverse, délaisse la plupart des gros vendeurs de disques (ceux qui feront trop exclusivement la future histoire de la musique populaire). Ce livre est une formidable opportunité de découvrir ou redécouvrir des artistes connus mais pas assez reconnus, ceux qui ont influencé les barons de la pop et qui ont été des éléments essentiels de l’évolution du genre.
La New Wave américaine de Pere Ubu, l’étrange et drôle obscurantisme des Residents, le monde inventif et délirant de Kevin Ayers, le funk martial de A Certain Ratio, les collages dadaïstes de The Faust, l’avant garde improvisée d’Henri Cow, les mélodies couleurs jazz de John Martin, Merzbow, My Blody Valentine, The Slits, l’Enfant Assassin des Mouches de Jean Claude Vannier, Colossal Youth des Young Marble Giants…
Chacun de ces 140 albums est présenté sur une page avec sa date de parution, sa pochette et les disques du même artiste ou de la même famille musicale vers lesquels il serait bon d’aller si vous adhérez au premier. En quelques mots Philippe Robert va brillamment à l’essentiel et nous donne les clés indispensables à la compréhension de l’œuvre et a son rôle dans ces 50 ans d’histoire musicale. Bref ce livre édité par “Le Mot et Le Reste” est une ouverture vers des heures, des jours et des mois de bonheur. Pour finir j’ajouterai que, loin de tout snobisme, l’auteur n’a référencé que des albums disponibles en CD ce qui vous permettra de compléter votre discothèque sans peine. Et pour les habitants de Marseille et de sa région j’aimerai signaler qu’une conférence / écoute est prévue dans le cadre du festival Nuit d’hiver programmé par le GRIM / scène musicale de Montévidéo le jeudi 21 décembre à partir de 22h30 et pour toute la nuit si besoin, les croissants et le café sont prévus.
Comme l’indique le titre de cet ouvrage, Philippe Robert nous propose un itinéraire bis de l’histoire de l’underground Rock / Pop Music au travers de 140 albums incontournables, tous disponibles au format CD. Passés au crible d’une écriture passionnée, l’auteur ne cherche pas à nous faire part du bien fondé de sa sélection, mais semble plutôt assouvir un besoin : celui de coucher sur papier son bonheur de l’écoute et de nous présenter une alternative à “la grande histoire”. L’anthologie de Philippe Robert rassemble une myriade d’artistes connus ou moins connus, qui, au travers d’un disque, d’une carrière, l’ont profondément marqué, mais qui n’ont pas (pour la plupart) connu la reconnaissance à l’époque de la publication de leurs créations. A posteriori, ces musiciens s’avèrent occuper une place primordiale dans ce que le Rock et la musique Pop ont pu produire de mieux ! Le livre présente au fil de 308 pages, 140 “vignettes et mises en perspectives autorisées par le recul historique” (et non pas chroniques musicales, comme le précise l’auteur dans l’avant-propos), classées par ordre alphabétique, sans célébration, ni hiérarchie aucune. Un itinéraire bis, juste et convaincant et qui se démarque clairement des trop consensuels “dictionnaires du rock” qui n’ont qu’un seul don, celui d’irriter par leur redondance narative ! Une précision et non des moindres : l’auteur a volontairement fait l’impasse sur “les musiques noires” (soul music, funk, gospel reggae, rap…) ainsi que sur la chanson française. La période est quant à elle limitée dans le temps : de 1965 (âge d’or du format LP) à 2005.
Mais qui sont donc ces découvreurs, ces défricheurs, ces passeurs d’influences ou simplement musiciens convaincus ? Si certaines références semblent évidentes et incontournables pour qui affectionne les musiques de traverses, en dehors des circuits obligés de l’ordre marchand (Laurie Anderson “Big Science”, Can “Ege Bamyasi”, Nick Drake “Five Leaves Left”, Faust “the Faust Tapes”, My Bloody Valentine “Loveless”, Silver Apples “Silver Apples”, Talk Talk “Laughing Stock”, Throbbing Gristle “20 Jazz Funk Greats”, Robert Wyatt “Rock Bottom”...), la lecture de l’ouvrage comporte également quelques trouvailles, redécouvertes ou ré-évaluations, qui ça et là stimulent irrésistiblement le besoin d’écoute par le simple de fait de lire les lignes de l’auteur : A certain Ratio, Kevin Coyne, Egg, John Fahey, Dashiell Hedayat, Young Marble Giants, Scott Walker, Ruins, Joni Mitchell, Laura Nyro, The Penguin Cafe Orchestra, Annette Peacock, No Neck Blues Band, Yoko Ono “fille de l’océan”...
Né en 1958 à Paris, Philippe Robert vit dans le sud de la France d’où il écrit, notamment pour Les Inrockuptibles, Mouvement, Vibrations, Octopus et Jazz Magazine. Cet ouvrage est publié avec la collaboration du Grim (Groupe de Recherche et d’Improvisation Musicales de Marseille). Un autre serait d’ailleurs en préparation sur les musiques improvisées et expérimentales !
Cette lecture vous conduira immanquablement vers une mise à jour de votre propre itinéraire bis, une exploration que vous pourrez poursuivre grâce à l’impressionnante bibliographie en fin d’ouvrage !
“A une époque, je souhaitais plus que tout me retrouver sur la grande route. Une fois dessus, je n’ai plus eu qu’une hâte : me jeter dans le fossé” Neil Young
Dans sa préface à Rock, Pop, un itinéraire bis en 140 albums essentiels, Gilles Tordjman nous rappelle que dès les origines du Rock, la rébellion aura autant été une force créatrice qu’un puissant concept commercial. Le show-biz aura ainsi élevé au rang d’icône des musiciens turbulents, mais s’adaptant rapidement aux lois du marketing. Beaucoup d’artistes sont restés en marge du système, préservant leur originalité, sans forcément en faire un combat quotidien. Certains de ceux-là auront même gagné une notoriété artistique respectable, voire une influence souterraine mais inestimable. À travers Rock, Pop, un itinéraire bis et sa sélection commentée de 140 albums, Philippe Robert se consacre à ces outsiders, ces recalés, ces indifférents au star-system, pour, en filigrane, faire apparaître “une autre histoire du rock, celle des chemins de traverse”. La démarche paraît trop subjective pour tenir lieu d’histoire au sens académique. Philippe Robert a d’ailleurs fait le choix d’un classement alphabétique plutôt que chronologique. Il s’agit plus ici du compendium d’un passionné de musique qui entrouvre sa caverne d’Ali Baba. L’expression “trésors cachés” revient d’ailleurs plusieurs fois dans ses lignes.
La première démarche face à ce type d’anthologie est de tester la perspicacité de l’auteur sur quelques albums clés. Pas l’ombre d’un doute pour Rock Bottom de Robert Wyatt, Neu! 2 de Neu!, Loveless de My Bloody Valentine ou encore Astral Weeks de Van Morrison, Philippe Robert offre à chaque fois un condensé de ce qu’il est judicieux de savoir sur les albums et décrit avec justesse leur contenu insaisissable. Les lecteurs assidus de Mouvement, Vibrations, Jazz Magazine et des Inrockuptibles le savent déjà, la plume de Philippe Robert livre de très bons conseils. Se donnant à peine plus d’une page pour chaque album la deuxième étant au 2/3 occupée par la pochette de l’album (malheureusement pas en couleur), Philippe Robert va à l’essentiel. Il offre ainsi une sélection cohérente qui fait la part belle au folk maladif et au psychédélisme contaminé. Mais cette “histoire bis” paraît bien blanche. Pour ne prendre qu’un seul exemple, Inspiration Information de Shuggie Otis avait sa place dans cette sélection. Philippe Robert a choisi de ne pas y intégrer les musiques noires (Soul, Funk, Reggae, Rap…). Il l’indique lui-même dans son introduction, ces musiques méritent un ouvrage à elles seules. L’argument est valable mais il a la fâcheuse tendance à entretenir une attitude séparatiste. On ne peut pas prétendre à une histoire des marges en faisant l’impasse sur des styles musicaux qui ont longtemps été écartés de l’histoire officielle.
On ne reprendra pas ici la liste complète des 140 albums sélectionnés et commentés. Prenons en un sur dix pour en donner une idée objective : A Certain Ratio To Each… (1981) ; Devendra Banhart Nino Rojo (2004) ; William S. Burroughs Dead City Radio (1990) ; Creedance Clearwater Revival Bayou Country (1969) ; Fairport Convention Liege & Lief (1969) ; Guru Guru UFO (1970) ; Jan Dukes de Grey Mice and Rats In The Loft (1970) ; Montage Montage (1969) ; The Nits Giant Normal Dwarf (1990) ; The Pentangle Basket of Light (1969) ; Sagittarius Present Tense (1968) ; Soft Machine Third (1970) ; Talk Talk Laughing Stock (1991) ; Townes Van Zandt Townes Van Zandt (1969) ; The Zombies Odessey And Oracle (1968). La sélection de Philippe Robert comporte une forte proportion d’albums publiés dans les années 1965/79 (102 exactement), un grand trou noir dans les années 80 et une petite trentaine d’albums de 1990 à 2005. Quelques grands classiques “underground”, beaucoup d’illustres inconnus (qu’il nous tarde déjà de découvrir) et quelques nouveaux venus qui font l’histoire immédiate des marges de la musique (Banhart, Cocorosie, la grande revenante Vashiti Bunyan…). Chaque album est agrémenté des petites rubriques “A écouter aussi” et “Egalement conseillés” qui indiquent d’autres pistes. L’importante bibliographie (quatre pages, plus de 90 références) attise la curiosité et pourrait elle-même être affublée du titre de “Rock, Pop, 90 livres essentiels” !
Philippe Robert apporte de nombreuses balises à ceux qui ont déjà parcouru eux-mêmes une portion du chemin qu’il propose d’arpenter. Les esthètes ont maintenant à disposition une carte au(x) trésor(s) pour continuer à explorer un territoire imaginaire et mouvant.
P.S. : Une chronique rédigée en écoutant en boucle Pearls Before Swine One Nation Underground / Balaklava (ESP, 1968 – Rééd. 2005), qui fait partie des 140 essentiels de Philippe Robert : “le folk médiéval et gothique venait d’être inventé”.