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« Je suis tombée dedans, comme Alice dans le trou, il y a des années. J’ai ouvert la box set blanche et noire, l’araignée-loup s’est posée dans mon cou, hypnotisée par la spirale, aspirée par le fond, j’ai plongé volontiers. Piqûre douloureuse mais grande excitation. Passion inoculée, dans mon corps le tarentisme stimulera pour toujours la chorée hystérique.
Ce petit coffre à CD est intitulé The Aeroplane Flies High. Il est composé d’un petit livret et de cinq disques, les cinq singles du double album Mellon Collie And The Infinite Sadness.
Thirty-three
Zero
Bullet With Butterfly Wings
Tonight, Tonight
1979
Billy Corgan est si productif à l’époque qu’il sort ces singles avec cinq ou six faces B chacun. Un total de trente-trois chansons inédites, toutes tirées des sessions de Mellon Collie. Le même son, la même nostalgie.
Au fond du coffre, mélodies rock, je m’installe, tristesse infinie, m’assoie en tailleur. Murmures craintifs, cris de colère, c’est un endroit confortable, conforme à mon tempérament. Aucune raison de bouger d’ici, d’en sortir. Ces chansons évoquent leurs enfances difficiles et reflètent la souffrance mentale.
Je connaissais déjà le groupe, l’avais découvert à l’époque de la sortie de Siamese Dream. Étoffes de guitares superposées qui intimident et bercent. Accords saturés qui font vibrer l’échine. Je n’étais plus une petite fille mais toujours une chose fragile qui avait la tremblote quand on s’approchait d’elle. Cette musique, un refuge. Une box set blanche et noire. J’ai trouvé sympathique qu’ils écrivent des paroles et partitions dans lesquelles me pelotonner, me réservent une place, l’agrandissent pour moi – je me ramasse en boule. Cette place, je la cherchais partout, je la cherchais encore, ne la trouverai pas je croyais. Je la trouverai plus tard dans la réalité une maison aux fondations verticales. Ce n’était pas juste un lieu, un foyer que je cherchais mais une façon de vivre. Une façon de vivre qui ne m’a guérie de rien mais qui était possible quand aucune autre ne l’était.
J’ai trouvé bien commode qu’ils pensent à me construire une maison même si elle vous semble exiguë, imparfaite, et fracassée à l’intérieur. Il faut se plier cent fois pour y entrer, les oreillers ont été tailladés, les prunus chancreux propagent leur maladie. Il y a des papillons brûlés, des cadavres, un cerf malade sur le bord de la route et un cimetière de voitures désossées. »
Revue de presse
La jeune Claire Fercak, auteur de Rideau de verre, un premier roman très réussi, mêle dans The Smashing Pumpkins/Tarantula Box Set sa magie des mots et son sens du texte (chapitré sous forme de tracklist) à celle de la musique du célèbre groupe grunge. Le roman, préfacé par Billy Corgan (himself !), nous plonge dans une aventure étonnante et raffinée au cœur de l’univers du groupe alternatif américain séparé depuis 2000.
L’héroïne du livre est enfermée dans le coffret The Aeroplane Flies High, qui regroupe en cinq disques, 33 titres des Smashing Pumpkins, la plupart inédits. Elle décide de devenir une chanson…
Après son premier roman le Rideau de verre, Claire Fercak nous livre un objet littéraire non-identifié: trente-trois chapitres comme autant de pistes musicales pour traquer l’identité radicale des Smashing Pumpkins. Par le biais de poèmes, de contes, de paroles, de chansons découpées et agrégées aux rêveries de cette jeune auteure, on découvre le destin d’une héroïne enfermée dans le coffret “The Aeroplane Flies High”(sorti en 1996).
Dans cette boîte pleine d’araignées, elle croise des taupes, un jardinier, un garcon de café… Métaphore de l’adolescence et de ses émois, de l’écrivain protégé dans sa bulle. Une merveille préfacée par le leader du groupe Billy Corgan.
Un délice littéraire.
Claire Fercak rend hommage, dans son nouvel ouvrage, à son groupe fétiche, les Smashing Pumpkins.
De temps à autre arrivent jusqu’à nous des délices de lecture. Et à la réception de The Smashing Pumpkins / Tarantula Box signé Claire Fercak, le réflexe inciterait à placer ce livre dans cette catégorie. On le sait depuis Rideau de verre, son premier roman publié en 2007, Claire Fercak est bien un des plus prometteurs écrivains francophones.
Son écriture brille de mille feux, incandescente, emplie de rêves et de cauchemars. Alors quand elle dit oui à un éditeur qui lui a proposé d’écrire un livre sur son rapport à la musique, sur l’album, l’artiste ou le groupe qui l’a fondée, elle ne peut résister.
(…)
On y croise une héroïne enfermée dans l’album et aussi des araignées (des tarantules, bien sûr!), des taupes, un jardinier, même un garcon de café. On peut y voir des symboliques – les émois d’une ado, la solitude d’un écrivain; on peut surtout y savourer une littérature riche, profuse, lumineuse. Aussi scintillante et vibrante que la blondeur de la bassiste D’Arcy, la guitare de James Iha ou la voix de Billy Corgan, qui a rédigé la piste 0 et coécrit l’inattendue hidden song (chanson cachée) qui boucle cette vibration de mots.
Couverture violette où les pattes d’une tarentule, blanches, envahissent l’espace. Un univers littéraire nous attend ; une spirale nous aspire, nous sommes emportés par le rythme, la musique de la langue… Publié dans la collection « Solo » des éditions Le Mot et le Reste dédiée au rapport d’auteurs contemporains à des artistes qui les ont marqués, ce texte est une œuvre à part entière. Car, ce qui est sûr, c’est que la jeune Claire Fercak vit les Smashing Pumpkins.
Tout d’abord, une structure déroutante, moderne : ici, pas de chapitre, la littérature emprunte son découpage au disque, et préfère le morceau, le titre, la plage – le track. Tout y est minuté ; le tempo est donné, il ne nous reste plus qu’à appuyer sur la touche play. Recueil de trente-trois textes comme autant de chansons, entre rêve et réalité, et qui construisent, au fil des pages, une histoire, un conte au royaume de la métaphore, celui de la jeune medellia, « sans majuscule ».
Singulier objet que cet ouvrage, sorte de boîte à musique, box set dans laquelle l’héroïne décide d’élire domicile, le 2 décembre 2000, date où le groupe tire sa révérence – la première mort, elle ne sait pas encore que les artistes peuvent ressusciter. Commence alors le récit, l’entrée dans un univers oscillant entre histoire du groupe, de son leader, Billy Corgan, et histoire de medellia, être souffrant, malade, qui a perdu son antidépresseur : la musique des Smash’. Elle choisit de s’enfermer dans le coffret The Aeroplane Flies High, où les Smashing Pumpkins semblent éternels. En tombant dans la boîte, c’est un endroit merveilleux que medellia découvre. Monde végétal, peuplé de bêtes, de sept taupes et d’un jardinier, d’un garçon de café allergique, d’un petit garçon et de sa poupée de chiffon… medellia est une Alice au pays des Pumpkins. Un pays où la seule réalité est celle de la musique du groupe de Chicago, souffle, apaisement du désespoir. Et puis une porte dérobée, au fond de la boîte, un autre monde, empli de pièces, un petit chien empaillé, le tombeau des lucioles, un monde d’où une fusée de titane permet de décoller pour un « voyage dans la lune » où un amour impossible attend medellia. Tout ce qui avait été construit s’inverse alors : la musique peut faire souffrir aussi, devenant boucle lancinante, souvenir du bonheur enfui. Medellia ne peut, ne veut plus sortir de la boîte, l’extérieur l’agresse, la rumeur blesse et tue… et change en araignée…
Ce conte baroque est plus qu’une œuvre fictionnelle, puisqu’il est à la fois un hommage à la musique, aux Smashing Pumpkins, à Billy Corgan – qui, à la demande de Claire Fercak, a écrit spécialement deux textes, ouverture et final, ce qui comblera les fans de cet artiste discret –, un album musical fait de prose et de poésie, de français et d’anglais et, enfin, une réflexion métalinguistique sur la nécessité d’écrire, de s’exprimer en tant qu’artiste : « C’est assez pathétique, ils disent, de ne tenir qu’à ça, des mots, virgules, tirets, scansions et coupes en italique, d’y tenir si fort. (…) Cachet rose et blanc, métabolisme froissé Tranxène ne suffit pas renoncement au réel, je me précipite dans la boîte, le texte, refuge imaginaire, pour ne pas sombrer. » Ce livre envoûte, chant littéraire d’une petite sirène qui se transforme en écume… de Smashing Pumpkins.