Annie Maisonneuve revisite ses années adolescentes où, exilée familiale chez une tante, elle subissait le dépaysement et l’autorité mesquine et où seuls l’album de The Cure Let’s Go To Bed et son écoute obsessionnelle lui semblaient avoir quelque sens dans un monde barbant.
Agnès Léglise – Rock&Folk
Revue de presse
À l’adolescence, le rock est parfois l’unique secours d’un quotidien douloureux. Quand la famille est défaillante, vénéneuse, insupportable, quand le bahut est un purgatoire, et l’avenir un horizon trop lointain. On connaît la chanson : l’âge ingrat et ses inévitables conflits, ses tâtonnements, ses émois. Sauf que, parfois, la violence est réelle et la douleur diffuse. Le rock fait alors office de Temesta. On devient vite accroc d’une voix. Surtout si c’est celle de Robert Smith.
Avec ce premier livre, le 10ème de la collection solo, Annie Maisonneuve ressuscite ses années noires, ses années Cure. Celles d’une révolte muette où tout est dit en chanson. Confrontation à l’autorité imbécile, errance dans une ville inconnue, spleen et idéal. Et puis la rage, qui s’apaise le temps d’un album, la compilation Staring At The Sea. The Cure est l’un des rares groupes new wave à être sorti indemne des années 80. Les modes passent, les années défilent, mais l’émotion reste intacte. Robert Smith est probablement l’équivalent hirsute de Boris Vian. La voix d’une innocence, plongée dans le chaos du monde.
The Cure – Let’s Go To Bed est donc un livre à deux voix, le groupe, l’auteur, qui se trouvent par accident et ne se quittent plus. Les mots sont tantôt drôles, tantôt durs, le ton jamais résigné. L’ironie mordante d’Annie Maisonneuve fait mouche, revisitant sans complaisance sa propre histoire et réglant quelques comptes au passage. Son regard défait l’absurde fardeau familial pour mieux s’en détacher. “J’adorais l’indécence”, écrit-elle. On la croit volontiers, tant elle sait convaincre le lecteur.