Revue de presse
Formation majeure, The Who méritait bien sa biographie. C’est désormais chose faite sous la plume experte de Jean-Sylvain Cabot, qui détaille le parcours du groupe et analyse chaque album, y compris ceux sortis en solo. Une somme qui permet de mieux comprendre la place à part qu’occupe le quatuor dans l’histoire du rock, dont les ambitions du compositeur principal, Pete Townshend, débordaient très largement du cadre d’un simple groupe de rock. Issu des fameuses art schools anglaises, Townshend a tout d’abord lorgné vers le pop art (The who sells out) avant d’inventer le concept d’opéra-rock (Tommy, Quadrophenia, l’échec du projet Lifehouse qui l’a poursuivi toute sa vie), de faire entrer le synthétiseur dans le rock et de mener, avec le bassiste John Entwistle, des recherches sur l’amplification qui ont fait des Who le groupe de son époque le plus impressionnant sur scène, bien aidé en cela par la plus terrifiante section rythmique de l’histoire. Excellent.
Un puits de science pop, rock et blues! Difficile de le coller sur la période qui s’étend des années 60 à nos jours. Le Vençois d’adoption Jean-Sylvain Cabot, ex-journaliste
au magazine Rock&Folk entre 1980 et 1985, vient de sortir un nouvel opus hyperdocumenté sur les Who, après ceux consacrés au hard (Hard’n’Heavy en collaboration avec le spécialiste niçois Philippe Robert), à Deep Purple et à Fleetwood Mac. Publié comme tous les précédents chez Le mot et le reste, ce nouvel ouvrage s’intitule _The Who, Getting in
Tune_. Il faut dire que pour rester “accordée”, dans le bon ton, la formation londonienne a eu du
mérite. Jean-Sylvain Cabot souligne combien les personnalités Pete Townshend (guitare), Roger Daltrey (chant), Keith Moon (batterie) et John Entwistle (Basse) sont – ou étaient pour ce qui est des deux derniers aujourd’hui décédés – très fortes et très différentes. Cela n’a pas empêché les Who de durer – 50 ans de carrière avec une tournée en Amérique du Sud en cours –, d’être les inventeurs de la notion de “gros son” sur scène et de l’opéra-rock avec Tommy et Quadrophenia, d’avoir participé à l’avènement du synthétiseur dans le rock. Sans parler d’une discographie ébouriffante avec Live at Leeds, Whos Next ou encore Who Are You. “Mon premier choc fut le concert mythique donné par Pete Townshend et sa bande à la Fête de l’Humanité en 1972”, raconte Jean-Sylvain. Qualifiés de “meilleur groupe live du monde” par la presse rock, les triomphateurs de Woodstock et de l’île de Wight font l’objet d’une analyse de laborantin de la part du Vençois. Rien ne lui échappe dans cette “biodiscographie” de 400 pages qui s’ouvre sur une citation de Ludwig van Beethoven : “La musique, ce n’est pas seulement des notes : c’est aussi un état d’esprit”. Pile por pour ceux qui ont longtemps incarné “l’urgence, la sauvagerie et la rébellion du rock”.
29 octobre 1965, le Swinging London pointe à l’horizon quand surgit un groupe bruyant sauvage et explosif du nom de The Who qui signe un hit incendiaire intitulé My Generation. L’année a déjà été marquée par de nombreux singles majeurs tels que Satisfaction des Stones, Help! des Beatles ou Don’t Let Me Be Misunderstood des Animals, mais My Generation est une bombe qui ne ressemble à rien de connu. Plus vite, plus fort, plus lourd semble être la devise de ce groupe très inspiré par la vague mod et qui a pour habitude de détruire son matériel à l’issue de ses concerts.
Jean-Sylvain Cabot revient ici avec précision et chaleur sur ce groupe mythique malgré tout un peu oublié. Constitué de quatre personnalités que tout oppose outre la passion pour la musique rythmée (Pete Townshend, Roger Daltrey, John Entwistle et Keith Moon), les Who vont devenir en l’espace de deux ans une machine à tubes (I Can’t Explain, Substitute, Happy Jack…) qui les propulse au zénith de la naissante pop anglaise et en fait les stars aux côtés des Beatles et des Stones avec une capacité unique à enflammer les podiums. Pourtant les mésententes minent le groupe et Townshend à tendance à vouloir tout régenter s’attirant souvent les foudres de Daltrey. Ces disputes qui se prolongeront jusqu’aux seventies seront, à l’opposé d’un Led Zeppelin, responsables de l’aspect chaotique de leur carrière. À partir de 1969, Townshend ne jure que par les albums, nouveau terme qui signifie un LP de 8 à 10 titres durant autour de quarante minutes. Une nouvelle carrière s’ouvre pour les Who qui les voit passer de groupes à 45 tours à compositeur d’albums concept. En 1969, Tommy fera entrer Townshend dans le Who’Who (drole non ?) comme compositeur du premier opéra rock et les bombarder groupe phare de la scène anglaise. Suivront les festivals de Woodstock et, l’année suivante, de Wight qui confirmeront le succès obtenu à Monterey en 67 faisant d’eux les précurseurs du “rock stadium” entrant même en 1976 dans le Guinness Book comme “groupe pop le plus bruyant”. Personne ne peut rivaliser avec ces bêtes de scène et Roger Daltrey, loin des débuts de chanteur mod, va, avec ses cheveux blonds bouclés et ses vestes à franges sur son torse nu rejoindre Morrison ou Plant comme éphèbe rock. L’album Who At Leeds (1970) rend parfaitement compte du génie et de la folie scénique des Who. Le passage aux années 70 sera l’occasion pour Townshend d’introduire le synthétiseur dans ses compositions et de signer Who’s Next (1971) qui reste aujourd’hui leur album de référence avec l’ébouriffant Won’t Get Fooled Again. Le double album Quadrophenia (1973) éclairant l’épopée mod, conclura leur âge d’or. Le 7 septembre 1978, leur trublion de batteur, Keith Moon décède à trente-deux ans des suites de ses multiples excès qui handicapaient lourdement le travail du groupe ces derniers mois à l’instar d’un Morrison avec les Doors. La mort de Keith signe de facto la fin des Who même si ceux-ci continueront et continuent encore à enregistrer et monter sur scène. Des Who, l’histoire du rock retiendra un phénoménal groupe de scène et les signataires de trois chef d’œuvres : Tommy, Who’s Next et Who At Leeds. Un tiercé gagnant !
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Jean Rouzaud intervient dans l’émission de David Blot et Sophie Lemarchand pour présenter son coup de cœur : The Who, Getting in Tune de Jean-Sylvain Cabot.
“Oubliez les Stones, les Beatles. Les Who est LE groupe emblématique des sixties.” J.R.
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